André Tollet

André Tollet
Fonction
Président
Comité parisien de la Libération
-
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
André Charles Adrien Tollet
Nationalité
Activité
Autres informations
Parti politique
Membre de
Conflit
Distinction
Vue de la sépulture.

André Tollet, né à Paris 14e le et mort le à Paris 15e[1], est un syndicaliste et résistant français.

Il est en 1944 président du Comité parisien de la Libération (CPL). Signataire des accords du Perreux en 1943, il est membre du Bureau confédéral de la CGT de 1945 à 1951. Nommé par le Front national, (organisation large de la Résistance, créée par le Parti communiste français)[2] au titre de ses fonctions au CPL , il siégea à l'Assemblée consultative provisoire en 1944-1945.

Biographie

Un titi parisien

Fils de petits commerçants en vin, petit-fils d'une marchande de fleurs, André Tollet est issu d'une famille commerçante typiquement parisienne. Très jeune au travail, il s'oriente après son certificat d'études vers la tapisserie-ébénisterie. Il fait l'apprentissage de son métier dans le faubourg Saint-Antoine, en même temps que son apprentissage syndical. Il adhère à la CGTU à l'âge de quinze ans, puis aux Jeunesses communistes, où il est tout de suite promu responsable des jeunes apprentis. Réformé de l'Armée, peu de temps après son incorporation, il devient secrétaire des Jeunesses communistes de Paris. Remarqué pour sa combativité, en particulier lors des événements du 6 février 1934, il est envoyé en stage à Moscou, où il travaille une année dans les services de l'Internationale communiste. Revenu en France à la fin de 1935, il reprend son métier de tapissier. Mais les grèves de 1936, ainsi que son activité syndicale, lui font abandonner la tapisserie pour les permanences syndicales. Il organise les grèves et devient l'un des secrétaires de l'Union régionale des syndicats parisiens.

Guerre, prison, résistance

André Tollet, mobilisé sans participer aux combats, revient à Paris durant l'été 1940. Ayant repris une activité de militantisme communiste et syndical, il est arrêté en , comme nombre d'élus et de militants du Parti communiste.

Un historien du communisme, Stéphane Courtois, a relaté, dans sa thèse, les raisons pour lesquelles André Tollet est arrêté en  :

« …toute cette activité, qui se manifeste presque au grand jour, inquiète de plus en plus les autorités françaises et allemandes qui préparent une riposte. Elle intervient dans la région parisienne à partir de la fin  : plus de 300 arrestations sont opérées, dont celle de 63 responsables syndicaux. Tollet et Eugène Hénaff, les deux principaux responsables, tombent à leur tour les 16 et . L’appareil syndical est provisoirement décapité. La répression d’ a liquidé les dernières illusions du PCF sur les possibilités d’action légale. »

André Tollet confirme, dans ses écrits, des risques pris en toute légalité :

« On a tout simplement commencé par se promener, Eugène Hénaff et moi, dans les rues populaires où on était connu. Quand c’était pas lui, c’était moi, mais il y avait toujours un des deux qui était accroché par quelqu’un. En passant, il y avait un gars qui nous disait : « Ah ! salut Toto ! » Si on ne le reconnaissait pas, bien sûr, on le faisait causer un tout petit peu, pour voir, mais en général, hop ! on l’épinglait …. C’est comme ça que l’on regroupait les copains. On se promenait dans le 13e, le 20e, le 19e jusqu’au jour où ça devenait trop scabreux parce que les flics se réorganisaient aussi[3]. »

Les raisons de l’arrestation d’André Tollet semblent étroitement liées aux risques pris à continuer la propagande communiste en toute légalité en présence de l’occupant, aux dires de Roland Gaucher :

« l’arrestation de Tollet, qui s’effectue sur les Champs-Élysées, est une retombée de l’opération menée contre Herbert et Vetter, deux délégués du Komintern arrivés en en région parisienne. Tous deux ont été arrêtés et livrés aux autorités allemandes. »

Quant à André Tollet, il est persuadé que :

« C’était une trahison d’un nommé Clément, qui a été directeur du Cri du Peuple et qui finit abattu par la Résistance le . »

Tollet et Hénaff arrêtés, l’appareil syndical est provisoirement décapité. Stéphane Courtois écrit :

« Pour le Parti, c’est un coup de semonce. Il s’aperçoit, un peu tard, que les règles de sécurité ne sont pas suffisamment respectées, d’où des consignes plus strictes et un abandon des méthodes semi-légales adoptées par certains dans le prolongement des illusions sur la légalité de juillet-. »

Condamné à quinze mois de prison, André Tollet purge sa peine. Libéré, il est aussitôt interné au camp de Rouillet puis transféré au camp de Royallieu, à Compiègne, d’où il s’évade par un souterrain en . Le , il participe à l’évasion collective de 19 militants communistes internés. Puis, fin juillet, il est envoyé comme responsable du PCF pour la Seine inférieure, où il remplace Marcel Dufriche, repéré par la police, et sera donc clandestin à Rouen pendant plusieurs mois. À Noël, convoqué à Paris par le responsable aux cadres du PCF, Jean Chaumeil, il est chargé de la direction de l’activité syndicale des communistes pour le département de la Seine, sous l’autorité du responsable interrégional parisien du PCF, Robert Ballanger. C’est dans ce cadre qu’il mène deux types d’activités. D’une part, il est chargé de reprendre contact avec les syndicalistes de la CGT de Jouhaux, alors que ces contacts ont été interrompus en par les arrestations de Jouhaux et de Semat, représentant la tendance communiste. Ces négociations ont abouti le à une rencontre « au sommet » entre Tollet et Bothereau et à la conclusion d’un accord de réunification de la CGT clandestine sur la base des rapports de force internes de 1939. Tollet rendait compte régulièrement à Benoît Frachon. Parallèlement, Tollet organise des groupes de sabotage et destruction recrutés par le biais syndical et chargés de saboter de manière discrète mais efficace la machine de guerre allemande (incendies de wagons, etc.). Il organise ces actions avec Joseph Epstein, militant communiste d’origine polonaise, et qui devint à l’été 1943 le chef des FTP français et immigrés de la région parisienne.

Président du Comité parisien de la Libération

Il est amené à participer à deux missions d'importance. Dans le domaine syndical, il prend part aux rencontres avec d'anciens syndicalistes « confédérés » de la CGT, qui aboutissent en à la signature des accords du Perreux, lesquels reconstituent la CGT et organisent les conditions de sa réunification. Au niveau plus global de la résistance parisienne, dans le droit fil de l'unification, au sein du Conseil national de la Résistance (CNR) réunissant toutes les forces en lutte contre l'occupant allemand, André Tollet est porté à la présidence du Comité parisien de la Libération (CPL). À ce poste clé, il joue un rôle majeur dans l'insurrection parisienne de l'été 1944. Avec André Carrel, il organise les cinq manifestations parisiennes du 14 juillet 1944 protégées par les FTP. Des cheminots sont arrêtés lors d’un autre rassemblement à Choisy-le-Roi. En réponse, une grève est déclenchée le 10 août. Les syndicats décident d’une grève générale huit jours plus tard. Le CPL prend, le 19 août, la décision de déclencher l’insurrection. La coordination est efficace. Le 23, les FFI ouvrent la voie aux troupes du général Leclerc, lequel reçoit le 25, avec le colonel Rol-Tanguy, la reddition de von Choltitz[4].

Il est parmi ceux qui accueillent le général de Gaulle à l'hôtel de ville de Paris. Durant la période entre le mois d' et les élections d', qui installent de nouvelles municipalités, André Tollet, en tant que président du CPL, assure l'équivalent du travail d'un maire de la capitale. Ce rôle majeur n'est toutefois pas reconnu quand vient la constitution des listes aux élections de 1945. Il est écarté pour laisser la place à un militant plus âgé et plus expérimenté, Georges Marrane, au poste de président du Conseil général de la Seine, et écarté des négociations préparatoires pour la présidence du Conseil municipal de Paris.

Dirigeant de la CGT

Sans l'avoir voulu, André Tollet se réoriente vers l'activité syndicale, son domaine de prédilection. En , un CCN de la CGT se tient pour désigner une nouvelle direction. Il instaure en même temps la parité entre les anciens « confédérés », emmenés par Léon Jouhaux et les « ex-unitaires », communistes, sous la houlette de Benoît Frachon, y compris au poste de secrétaire général de la CGT, dont les deux leaders syndicaux se partagent le titre. Tollet entre au Bureau confédéral de la CGT avec "comme triple responsabilité, la jeunesse, la MOI et les questions coloniales", ce qui l'amène à des voyages en Afrique où il s’efforça de contribuer à organiser des structures syndicales[5]. Durant son mandat, ont lieu les grèves très dures de la fin de l'année 1947, notamment chez Renault-Billancourt.

Son oeuvre est la Commission des travailleurs nord-africains de la CGT-Région parisienne, qui chapeaute en fait toute la France[6], qui a été relancée depuis fin 1950 par saÇ rencontre avec la direction du MTLD, à Alger au siège de ce parti[6]. Comme au Maroc notamment, organise une parité entre responsables syndicaux nationalistes et communistes, via des accords, à l’intérieur de la Commission nord-africaine la CGT[7], devenue le "lieu de concertation et de décision des actions communes"[6], sous le contrôle du Comité central du MTLD depuis Alger, sans craindre les conflits avec les injonctions du fondateur du MTLD Messali Hadj, dont des partisans sont, eux, plus proches de trotskistes du Parti communiste internationaliste à Paris[6]. Il travaille en liaison avec Ahmed Oudjedi-Damerdji[8], ouvrier spécialisé dans le Nord, et membre de la direction du MTLD, qu'il dirige sur Lille, formé en 1952 à l’école cégétiste de Gif-sur-Yvette puis militant actif, en 1953-1954, de l’UD-CGT de Lille[8], Bachir Boumaza, ouvrier de la chimie à Lyon, et Abdelhamid Benzine en région parisienne.

Le syndicaliste Embarek Djilani a ensuite souhaiter fonder l’UGTA (Union générale des travailleurs algériens) en France, sous le nom de l'Amicale générale des travailleurs algériens (AGTA)[9], pour se lier aux syndicalistes français et contrer l’influence de l’USTA (Union syndicale des travailleurs algériens), syndicat messaliste[9]., et le journal L'Ouvrier algérien en France, l’organe de l'AGTA[10]. André Tollet y a participé.

Après des années de refroidissement, la Fédération de France du FLN ayant dénoncé le PCF par un texte intitulé « Le PCF et la Révolution algérienne », un rapprochement s'effectue entre la CGT et l’AGTA aux débuts de l'année 1958, via André Tollet et Ahmed Oudjedi-Damerdji, par une rencontre à Paris, et d'autres au niveau régional à Douai et Lyon, pour la défense des militants de l’AGTA arrêtés et la formation de cadres syndicalistes algériens[8].

À l'Union départementale de la Seine

De nouveau mis à l'écart, assez brusquement, en 1951, de ses responsabilités confédérales, il concentre à partir de cette date son activité militante à l'Union Départementale CGT des syndicats de la Seine, qu'il dirige. L'« U.D[note 1]. de la Seine » est un « gros morceau » : Paris est alors encore une ville fortement ouvrière, où tous les secteurs d'activités sont présents, avec de grands établissements industriels, d'innombrables petites entreprises et de très grosses concentrations du tertiaire, essentiellement dans la fonction publique, mais aussi dans les banques et les assurances. Paris est aussi le territoire privilégié des manifestations. Ses responsabilités en font un acteur majeur du paysage social. Le 23 mars 1953, il fait partie des dirigeants de la CGT arrêtés et mis en prison[11], au moment des soupçons de complot communiste en France. La libération d'André Tollet n'interviendra que début avril.

La réforme administrative de la région parisienne scinde en quatre nouveaux départements le gigantesque département de la Seine. En 1966, l'organisation de la CGT suit ces transformations. André Tollet quitte à ce moment ses fonctions.

Fédération syndicale mondiale : Prague

Il part travailler au siège de la Fédération syndicale mondiale (FSM), situé à Prague en Tchécoslovaquie. Il assiste au déroulement du Printemps de Prague et à l'intervention des troupes soviétiques en , qu'il réprouve. Dans cette situation, alors que les syndicats adhérents à la FSM sont divisés mais soumis à de fortes pressions politiques, il rentre en France en 1970.

Il consacre alors son activité à préserver et à entretenir la mémoire de la Résistance en participant à la création du Musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne en banlieue parisienne.

Communiste

André Tollet livre ses souvenirs peu avant sa mort dans un ouvrage « autobiographique ». Aidé par un journaliste de L'Humanité[12] il revisite le fil de sa vie et de ses activités militantes, mais il meurt avant la publication du livre[note 2]. Sous-titrés Mémoires d'un syndicaliste révolutionnaire, ces souvenirs sont essentiellement consacrés à son parcours syndical et résistant. Cela tient sans doute de la visée éditoriale[note 3]. Pourtant en maints moments du récit, inscription à l'école léniniste de Moscou, où il remarque qu'il « a eu des histoires » en raison de la nationalité polonaise de sa femme, pacte germano-soviétique, affectation au Bureau confédéral de la CGT, son appartenance au Parti communiste interfère fortement sur son militantisme. Ce n'est que dans les ultimes pages qu'il évoque brièvement les problèmes de son Parti où ses responsabilités officielles ne l'ont pas conduit au-delà de la fédération parisienne[note 4]. Il ne renie rien, ni son approbation (nuancée) à l'accession de Georges Marchais à la direction du PCF, ni le soutien qu'il lui apporte quand celui-ci est visé par des attaques sur ses séjours STO en Allemagne, ni son approbation à l'abandon du terme « dictature du prolétariat »[13], ni sa condamnation d'Henri Fiszbin lors de l'exclusion de celui-ci en 1980.

Décoration

Hommages

En 2004, la partie orientale de la place de la République à Paris est renommée en son hommage square André-Tollet.

Le [15],[16], toujours sur la place de la République, est inaugurée l'esplanade André-Tollet, située sur la partie centrale de la place, en remplacement de l'ancien square André-Tollet, supprimé lors du réaménagement de la place.

Ouvrages

  • André Tollet, La classe ouvrière dans la Résistance, Paris, Les Éditions sociales, 1969. 314 p.
  • André Tollet, Le Souterrain, éditions sociales, Paris, éditions sociales, 1974. 166 p.
  • André Tollet & Jean-Claude Poitou, Les " V.O." de la nuit. La Vie ouvrière clandestine 1940-1944, éditions de la Vie Ouvrière, Paris, 1984. 240 p. (préface de Louis Viannet)
  • André Tollet, Ma traversée du siècle, mémoires d'un syndicaliste révolutionnaire, éditions de la Vie Ouvrière, Montreuil, 2002. 120 p. (ISBN 2-913462-18-9)

Notes et références

Notes

  1. Le terme abrégé « UD » est utilisé par les syndicalistes
  2. La parution intervient en juin 2002, six mois après le décès d'André Tollet.
  3. L'éditeur VO Éditions a une vocation syndicale
  4. André Tollet n'a jamais été membre du Comité central et en cela le terme « syndicaliste révolutionnaire » répond de son attitude.

Références

  1. Relevé des fichiers de l'Insee
  2. André Tollet, Ma traversée du siècle, mémoires d'un syndicaliste révolutionnaire, p. 60.
  3. Alain Guérin, Chronique de la Résistance (Nouvelle édition), (lire en ligne), p. 418.
  4. Gaël De Santis, « André Tollet, le syndicaliste à la tête du Comité parisien de la Libération », sur https://www.humanite.fr, (consulté le )
  5. Biographie LE Maitron [1]
  6. Biographie d'Abdelhamid Benzine dans Le Maitron, Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social, par les historiens Amar Benamrouche et René Gallissot [2]
  7. Abdelhamid Benzine. Aperçu biographique" par Zoheir Bessa, pour Alger républicain, en mars 2013 [3]
  8. Biographie d’Ahmed Oudjedi-Damerdji dans Le Maitron [4]
  9. Biographie Le Maitron de Bachir Boumaza [5]
  10. "Figure ouvrière et engagement dans la lutte de libération nationale. Les ouvriers algériens de Renault-Billancourt pendant la guerre d'Algérie", article par l'universitaire Laure Pitti dans la revue L'Homme et la société en 1995 [6]
  11. Le Monde [7]
  12. Voir l'avant-propos de Claude Lecomte dans André Tollet, Ma traversée du siècle, mémoires d'un syndicaliste révolutionnaire
  13. André Tollet, Ma traversée du siècle, mémoires d'un syndicaliste révolutionnaire, p. 104 : « J'étais partisan de cet abandon car j'en avais vu en URSS les résultats : à la direction il n'y avait pas beaucoup de prolétaires. »
  14. Ordre de la Libération - base des médaillés de la Résistance française, « Fiche André Tollet » (consulté le )
  15. « Mairie de Parie - Délibèré »
  16. « Musée de la résistance en ligne »

Voir aussi

Bibliographie

  • Notice « André Tollet » in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, t. 42.
  • Max Lagarrigue (en), in Dictionnaire biographique des résistants d'Île-de-France, AERI, 2002.
  • Charles Riondet, Le Comité parisien de la Libération 1943-1945, Presses universitaires de Rennes (PUR), 2017, Rennes, 301 p. (ISBN 978-2-7535-5181-7)

Articles connexes

Liens externes

  • Portail du syndicalisme
  • Portail de la Résistance française
  • Portail de la politique française
  • Portail du communisme