Projet Nimbus

Le projet Nimbus, en hébreu : פרויקט נימבוס, est un projet de cloud computing (informatique en nuage) du gouvernement israélien et de son armée. Il s'agit d'un contrat de service passé avec les entreprises américaines Google (Google Cloud Platform) et Amazon (Amazon Web Services).

Présentation

Le ministère israélien des Finances (en) annonce en que le contrat du projet Nimbus vise à fournir « au gouvernement, à l'entité de la défense et à d'autres acteurs une solution cloud complète »[1]. Dans le cadre d'un contrat de 1,2 milliard de dollars, les entreprises technologiques Google (Google Cloud Platform) et Amazon (Amazon Web Services) ont été sélectionnées pour fournir aux agences gouvernementales israéliennes des services de cloud computing, notamment dans les domaines de l'intelligence artificielle et de l'apprentissage automatique[1],[2],[3],[4],[5]. En vertu de ce contrat, les entreprises mettront en place des sites cloud locaux qui « conserveront les informations à l'intérieur des frontières israéliennes dans le respect de directives de sécurité strictes »[4]. Selon un porte-parole de Google, le contrat porte sur des charges de travail liées aux « finances, à la santé, aux transports et à l'éducation » et ne concerne pas d'informations hautement sensibles ou classifiées[6]. De plus, les entreprises technologiques ont l'interdiction contractuelle de refuser leurs services à toute entité particulière du gouvernement israélien[7].

Bien que la mission spécifique du projet Nimbus n'ait pas encore été révélée, les outils d'intelligence artificielle de Google Cloud Platform pourraient donner à l'armée et aux services de sécurité israéliens la capacité de détecter les visages, de classer automatiquement les images, de suivre des objets et d'analyser les sentiments, autant d'outils qui ont déjà été utilisés par les douanes et la protection des frontières américaines pour la surveillance des frontières[1].

Le projet Nimbus comprend quatre phases : la première consiste à acheter et à construire l'infrastructure cloud, la deuxième à élaborer une politique gouvernementale pour transférer les opérations vers le cloud, la troisième à transférer les opérations vers le cloud et la quatrième à mettre en œuvre et à optimiser les opérations cloud[8].

Les conditions fixées par Israël pour le projet interdisent contractuellement à Amazon et Google d'interrompre leurs services en raison de pressions exercées par le boycott[7],[9].

Un porte-parole de Google a déclaré que tous les clients de Google Cloud doivent respecter ses conditions d'utilisation qui interdisent aux clients d'utiliser ses services pour violer les droits légaux des personnes ou se livrer à des actes de violence[6] mais des documents internes provenant à la fois de Google et du gouvernement israélien contredisent cette affirmation[10].

Conflit israélo-palestinien

Vers 2022, le contrat suscite des critiques et des condamnations de la part des actionnaires des entreprises ainsi que de leurs employés, qui craignent que le projet ne conduise à de nouvelles violations des droits humains des Palestiniens dans le contexte de l'occupation en cours (en) et du conflit israélo-palestinien[11],[12],[13],[14]. Plus précisément, ils s'inquiètent de la manière dont cette technologie permet de renforcer la surveillance des Palestiniens et la collecte illégale de données les concernant, ainsi que de faciliter l'expansion des colonies illégales d'Israël sur le territoire palestinien[13].

Ariel Koren, qui avait travaillé comme responsable marketing pour les produits éducatifs de Google et qui était une opposante déclarée au projet, s'est vu imposer un ultimatum : déménager à São Paulo dans les 17 jours ou perdre son emploi[5],[15]. Dans une lettre annonçant sa démission à ses collègues, Ariel Koren écrit que Google « réduit systématiquement au silence les voix palestiniennes, juives, arabes et musulmanes préoccupées par la complicité de Google dans les violations des droits humains des Palestiniens, au point de prendre officiellement des mesures de représailles contre les employés et de créer un climat de peur », reflétant son opinion selon laquelle l'ultimatum est une mesure de représailles contre son opposition au projet et son organisation contre celui-ci[5]. Elle dépose des plaintes pour représailles auprès du service des ressources humaines de Google et du National Labor Relations Board (Conseil national des relations du travail), qui rejette son dossier pour manque de preuves[5].

En 2022, l'organisation Jewish Voice for Peace et MPower Change lancent une campagne intitulée No Tech for Apartheid (en français : Pas de technologie pour l'apartheid), également connue sous le nom de #NoTechForApartheid, pour s'opposer au projet[16],[17]. Plus de 200 employés de Google rejoignent un groupe de protestataires nommé d'après cette campagne, qui affirment que le manque relatif de contrôle sur le projet signifie qu'il sera probablement utilisé à des fins violentes[6].

En , un ingénieur logiciel de Google Cloud est licencié après qu'une vidéo soit devenue virale le montrant en train de crier « Je refuse de développer une technologie qui favorise le génocide », en référence au projet Nimbus, lors d'un événement organisé par l'entreprise[18]. En avril, des dizaines d'employés participent à des sit-in au siège de Google à New York et Sunnyvale pour protester contre la fourniture par Google de logiciels de cloud computing au gouvernement israélien. Les employés occupent le bureau du directeur général de Google Cloud, Thomas Kurian (en). Neuf employés sont accusés d'intrusion et 28 sont licenciés[19]. D'autres licenciements portent le nombre total de suppressions d'emplois liés à cette affaire à 50[20].

En avril, d'anciens employés de Google licenciés pour avoir manifesté sous le hashtag #NoTechForApartheid, citant un article du magazine +972[21], expriment leurs inquiétudes quant à l'utilisation actuelle par Israël du ciblage assisté par l'IA dans la bande de Gaza : Un programme appelé « The Gospel » classe les bâtiments comme des bases militaires, tandis que les programmes Lavender[21] et « Where’s Daddy » identifient et classifient à tort les civils palestiniens comme des « terroristes » et suivent leurs déplacements afin de sélectionner des cibles[22].

En , un article du New York Times rapporte que les avocats de Google s'inquiétent du fait que « les services Google Cloud pourraient être utilisés ou associés à la facilitation de violations des droits humains, notamment les activités israéliennes en Cisjordanie », au moins quatre mois avant la signature du contrat avec Nimbus[23].

Notes et références

  1. (en) Sam Biddle, « Documents Reveal Advanced AI Tools Google Is Selling to Israel », The Intercept,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. (en) Ziv Amitai, « Israel Picks Google, Amazon for Massive Official Cloud; 'Data Will Remain Here' », Haaretz,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. (en) Ziv Amitai, « Microsoft to Launch Much Awaited Cloud Server Farm in Israel in 2021 », Haaretz,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. (en) Steven Scheer, « Israel picks Amazon's AWS, Google for flagship cloud project », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. (en) Nico Grant, « Google Employee Who Played Key Role in Protest of Contract With Israel Quits », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. (en) Billy Perrigo, « Exclusive: Google Workers Revolt Over $1.2 Billion Contract With Israel », Time,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. (en) Dan Swinhoe, « Israel Government says AWS and Google can't boycott Nimbus Project », DCD,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. (en) Zev Stub, « Amazon, Google to employ thousands in Israel for massive Nimbus project », The Jerusalem Post,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  9. (en) Charmaine Chua, Jake Alimahomed-Wilson et Spencer Louis Potiker, « Amazon’s Investments in Israel Reveal Complicity in Settlements and Military Operations », The Nation,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. (en) Sam Biddle, « Documents Contradict Google's Claims About Its Project Nimbus Contract With Israel », The Intercept,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. (en) Sam Biddle, « Google and Amazon Face Shareholder Revolt Over Israeli Defense Work », The Intercept,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. (en) « Google and Amazon shareholders to oppose Israel's Project Nimbus in resolutions », The Newarabe,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. (en) « We are Google and Amazon workers. We condemn Project Nimbus Anonymous Google and Amazon workers », The Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. (en) « “No Tech for Apartheid”: Google Workers Push for Cancellation of Secretive $1.2B Project with Israel », Democracy Now,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  15. (en) Suhauna Hussain, « A worker objected to Google’s Israel military contract. Google told her to move to Brazil », Los Angeles Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. (en) Michael Starr, « Jewish Google employee quits citing retaliation over BDS efforts », The Jerusalem Post,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. (en) Samer Abdelnour, « Making a Killing: Israel’s Military-Innovation Ecosystem and the Globalization of Violence », Sage Journal,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  18. (en) « War on Gaza: Google fires employee after pro-Palestine protest at Israeli tech conference », Middle East Eye,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  19. (en) Nico Grant, « Google Fires 28 Employees Involved in Protest of Israeli Cloud Contract », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  20. (en) Catherine Thorbecke, « Google has fired 50 employees after protests over Israel cloud deal, organizers say », CNN,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. (en) Yuval Abraham, « ‘Lavender’: The AI machine directing Israel’s bombing spree in Gaza », +972 Magazine,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  22. (en) Mohammad Khatami, Zelda Montes et Kate Sim, « Google Fired Us for Protesting Its Complicity in the War on Gaza. But We Won’t Be Silenced », The Nation,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  23. (en) Nico Grant, « Google Worried Israeli Contract Could Enable Human Rights Violations », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Articles connexes

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