poisson d’avril

Français

Étymologie

Locution composée de poisson, d’ et avril.
(Sens de plaisanterie) (Attestée en 1727, et probablement déjà usité en 1634[1], et serait attestée chez Paul Ferry au xviie siècle[2])
(Sens ichtyologique) (Attestée en 1558)[3]
(Sens d'entremetteur) (Attestée en 1557)[4]
Concernant la plaisanterie
L’origine de ce terme reste obscure.
Une explication serait qu’il viendrait de l’époque où le début de l’année était le premier avril, jour théorique du début du printemps. Les étrennes données ce jour-là prenaient le nom de « poisson d’avril », par allusion au fait qu’au début de l’année, le Soleil quittait le signe des Poissons (dernier signe de l’année zodiacale) pour entrer dans le Bélier. Le début d’année ayant été fixé au 1er janvier par l’Édit de Roussillon de Charles IX, en France, les étrennes traditionnelles ont été remplacées par des farces. référence nécessaire (pourquoi ? résoudre le problème)
La locution est attestée en 1727 dans l'Histoire ecclésiastique et civile de Lorraine[1], où l’auteur signale que l’usage était déjà établi à Nancy en 1634, et qu’il y était redouté des Français venus en Lorraine, et qui, alors, ignoraient cet usage (→ voir citation).
Et même, pour une période antérieure, la revue Le Pays Lorrain[2] indique que « l’usage en était connu dans le pays messin au XIVe siècle, […]. Le pasteur Paul Ferry cite l’expression dans ses manuscrits relatifs à l’histoire de Metz ».
Enfin, Antoine d’Origny propose trois étymologies possibles[5] :
  • Par les fréquentes pêches que l’on fait en avril.
  • Par la corruption du mot de la Passion, dans son sens religieux, qui a lieu surtout en avril.
  • Par un mauvais tour qu’aurait fait un duc de Lorraine au roi de France en s’échappant du château de Nancy, à la nage, par la Meuse, un 1er avril, celui de l’année 1635 semblerait-il. (La Meuse à Nancy ! Voilà un poisson d’avril !)
Concernant les maquereaux, surnommés autrefois eux aussi « poissons d'avril »[6]
Selon Antoine Oudin : on nomme le maquereau « poisson d’avril » du fait de la période traditionnelle de pêche de ce poisson[7], bien que cette affirmation soit contestée par d'autres auteurs[8] (mais cela dépend probablement de l’emplacement géographique).
Pour ce qui est du surnom du proxénète comme « maquereau », lui aussi surnommé « poisson d'avril », il s’agirait, selon Antoine Furetière, d’une extension de sens[9]. Notons que pour Maurice de La Porte le maquereau en tant que poisson serait lui nommé par analogie avec le costume bigarré des maquereaux de comédie.[6]

Attestations historiques

(Ichtyologie)
  • ΣΚΌΜΒΡΟΣ, en Latin Scomber, ou Scombrus, en Languedoc Verrat parce qui reluit comme verre, ou poiſſon d'Auril, en France Maquereau, à Marseille Auriol […]  (Guillaume Rondelet, La premiere partie de l'histoire entiere des poissons, Mace Bonhome, Lion, 1558, livre , chapitre , « Du Maquereau », page 191  lire en ligne)
  • Les premiers eſtoient poiſſons d’Auril : ce ſont maquereaux […]  (François Rabelais, Le cinquiesme et dernier livre des faicts et dicts heroïques du bon Pantagruel, 1564 (posthume), chapitre ⅩⅩⅩ, verso de la page 83.  lire en ligne)
  • Maquereau poiſſon. Bigarré, ferme, luiſant, eſpais, charnu, rondelet, azuré, friand, ondé ou ondelé, printanier, copieus, poiſſon d’Auril.
    Pour autant que ce poiſſon marin eſt bigarré, & de diuerſes couleurs, principalemẽt ſur le dos, comme ſont veſtus les maquereaus des comedies, on lui a baillé ce nom.
     (Maurice de La Porte, Les épithètes de M. de La Porte Parisien, Gabriel Buon, Paris, verso de la page 157, 1571  lire en ligne)
(Plaisanterie)
  • Ce jour-là on a coutume en Lorraine, de donner ce qu’ils appellent le Poiſſon d’Avril ; c’eſt à-dire, de faire quelques petits tours, & quelque innocente tromperie aux perſonnes qui ne s’en défient pas. Les François qui étoient depuis peu dans Nancy, avertis de cette coutume, & craignant qu’on ne leur donnât le Poiſſon d’Avril, se défioient de tout ce qu’on leur disoit.  (Augustin Calmet, Histoire ecclésiastique et civile de Lorraine, tome 3, Jean-Baptiste Cusson, Nancy, 1727, page 261.  lire en ligne)

Locution nominale

SingulierPluriel
poisson d’avril poissons d’avril
\pwa.sɔ̃ d‿a.vʁil\

poisson d’avril \pwa.sɔ̃ d‿a.vʁil\ masculin

  1. Plaisanterie que l’on fait le premier avril.
    • Nous lisons dans les journaux politiques, qu’à Paris, une femme vient de donner le jour à un enfant couvert d’écailles si nous étions au mois d’avril , nous demandrions si cet enfant n’est pas un poisson d’avril.  (La presse médicale belge, no 10, 26 février 1854, page 84)
    • Lorsque des journalistes de presse écrite ou de télévision réalisent un poisson d’avril, ils doivent mimer au plus près l’approche journalistique du réel et utiliser tous les codes vraisemblables pour accréditer la croyance en une information fausse.  (Marc Lits, Du récit au récit médiatique, De Boeck Supérieur, 2008, page 83)
  2. (Par extension) Plaisanterie ; absurdité.
    • Hier non plus, il ne devait pas être midi pile quand j’ai pensé que ma vie était un grand poisson d’avril. Je dois me faire à l’idée de revenir au bureau demain. Pas facile.  (Alain Teulié, A part ça, les hommes vont bien…, édition Plon, 2010)
  3. Figure d’un poisson que l’on colle sur le dos de quelqu’un le premier avril.
    • À l’école déjà, vous trouviez un peu bête la tradition du poisson d’avril collé dans le dos des petits camarades. Vous êtes charitable, c’est connu.  (Bernard Lalanne & Charles Haquet, Inventaire des petits plaisirs honteux... mais utiles pour supporter le quotidien en temps de crise, éd. J’ai Lu, 2014)
    • Elle laissait accroché dans son dos le poisson d’avril de l’année précédente pour ne pas nous donner la joie de la piéger une nouvelle fois.  (Christophe Léon, Nénuphar Grigrimaldit, éd. Alice Jeunesse/Primento 2014, chap. 8)
  4. (Ichtyologie) (Désuet) Maquereau, scombre.
    • Poisson d’Auril, i. macquereau. Parce que d’ordinaire les macquereaux se prennent & se mangent enuiron ce mois là.  (Antoine Oudin, Curiositez françoises pour supplément aux dictionnaires, Paris : chez Antoine de Sommaville, 1656, page 334  lire en ligne)
    • On appelle poisson d’Avril, un poisson dont on fait une pêche fort abondante en cette saison, qu’on nomme autrement maquereau […]  (Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes des sciences et des arts,..., par Antoine Furetière, corrigé & augmenté par Basnage de Beauval, puis par Brutel de la Rivière, tome 1, La Haye, 1727, dans l’article « Avril »)
    • POISSON D’AVRIL. (Ichthyol.) Dans quelques endroits, les pêcheurs donnent ce nom au MAQUEREAU. Voyez ce mot et SCOMBRE.  (Dictionnaire des sciences naturelles, tome 42, Paris : chez Le Normant & Strasbourg : chez F.G. Levrault, 1826, page 145)
  5. (Par extension) (Sens figuré) Maquereau, entremetteur, proxénète.
    • On appelle Poiſſon d’Avril, un poiſſon de figure longue & menuë dont on fait une peſche fort abondante en cette ſaiſon, qu’on nomme autrement Maquereau : & parce qu’on appelle du même nom les entremetteurs des amours illicites, cela eſt cauſe qu’on nomme auſſi ces gens-la Poiſſons d’Avril.  (Antoine Furetière, Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts, tome 1, La Haye, 1690, dans l’article « Avril »  lire en ligne)

Variantes orthographiques

  • (Vieilli) poisson d’Avril — Note : En français moderne les noms de mois s’écrivent généralement sans majuscule.

Traductions

Locution interjective

poisson d’avril \pwa.sɔ̃ d‿a.vʁil\

  1. Exclamation utilisée pour révéler à une personne victime d’un poisson d’avril qu’elle vient de se faire piéger.
    • L’électeur aimait passionnément à en dire, et à faire toutes les fonctions de prêtre et d’évêque. […]. Il s’avisa un jour du commencement d’avril de faire inviter tout Valenciennes à le venir voir officier et ouïr son sermon. L’église était pleine, et les tribunes garnies de sa musique et de trompettes et timbales. Il monta en chaire, fit le signe de la croix, salua les assistants; puis tout-à-coup s’écria: « Poisson d’avril ! poisson d’avril ! » et la musique de lui répondre, et lui de rire, de faire le plongeon , et de s’enfuir au bruit des trompettes et des timbales.  (Nouveaux mémoires de Dangeau, dans : Pierre-Édouard Lemontey, Essai sur l’établissement monarchique de Louis XIV, Paris : chez Deterville, 1818, page 211)
    • Ambiance un peu spéciale, ce matin, sur France Inter puisque notre invité, c’est François Fillon… Non, ce n’est pas un poisson d’avril, il sera là, dans quelques minutes, en chair et en os. Lui, en revanche, adore faire des poissons d’avril : « Il n’y aura pas de période de récession. » Poisson d’avril !  (Stéphane Guillon, François Fillon : 1er avril 2008, dans On m’a demandé de vous calmer, édition Stock, 2009)
    • — Qu’est-ce qui se passe ? demanda Milli avec colère. Pourquoi vous nous trompez ?
      Poisson d’avril ! cria le lutin en sautant en l’air comme s’il avait une fusée dans le pantalon. Je vous ai eus ! Je vous ai eus !
       (Alexandra Adornetto, Le cirque infernal, traduit de l’anglais par Pierre Baril, City Edition, 2011)
    • Ce matin, j’ai eu l’idée de cueillir ma petite sœur au réveil par un “Tu sais pas quoi ? Trump est mort du corona !” ou par un “Tu le croiras jamais : le confinement est levé !”, à quoi j’aurais ajouté un tonitruant : “Poisson d’avriiiil !”  (Samuel Lacroix, « Carnet de la drôle de guerre », dans la newsletter du 1er avril 2020 de Philosophie Magazine.)

Traductions

Prononciation

Voir aussi

Références

Sources

  1. 1 2 Augustin Calmet, Histoire ecclésiastique et civile de Lorraine, tome 3, Jean-Baptiste Cusson, Nancy, 1727, page 261. → Lire en ligne.
  2. 1 2 Jean-Julien, Coutumes populaires et Cérémonies anciennes du Pays Messin dans Le Pays Lorrain, tome 6, 1909, page 240. → Lire sur Gallica
  3. Guillaume Rondelet, La premiere partie de l'histoire entiere des poissons, Mace Bonhome, Lion, 1558, livre , chapitre , « Du Maquereau », page 191. → Lire en ligne
  4. Gabriel Meurier, Vocabulaire François-Flameng, Christofle Plantin, Anvers, 1557, page 101 recto, entrée « poiſſon d'auril ». → Lire en ligne :
    « poiſſon d'auril, een coppelaer »
  5. Antoine d’Origny, Dictionnaire des origines, ou Époques des inventions utiles, des découvertes importantes, et de l’établissement des peuples, des religions, des sectes…, chez Jean-François Bastien, Paris, 1777, en 6 tomes, tome M-Q, page 405. → Lire en ligne
  6. 1 2 Maurice de La Porte, Les épithètes de M. de La Porte Parisien, Gabriel Buon, Paris, 1571, verso de la page 157, entrée « Maquereau poisson ». → Lire sur Gallica
  7. Antoine Oudin, Curiositez françoises pour supplément aux dictionnaires, Paris : chez Antoine de Sommaville, 1656, page 334. → Lire en ligne
  8. L.S.R, L’art de bien traiter, Claude Bachelu, Lyon, 1693, article ⅩⅩⅦ « Maquereaux frais roſtis », page 261.→ Lire sur Gallica :
    « […] quoy qu’on le nomme du poiſſon d’Avril, il n’en vient pas ſouvent un ſeul en ce mois-là, & bien plus en May, qui eſt ſa plus naturelle ſaiſon […] »
  9. Antoine Furetière, Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts, tome 1, La Haye, 1690, dans l’article « Avril ». → Lire sur Gallica

Bibliographie