Samuel Johnson (historien nigérian)

Samuel Johnson
Biographie
Naissance
Décès
(à 54 ans)
Lagos
Nationalité
Activité

Samuel Johnson (Freetown, 1846 — Lagos, 1901) est un prêtre anglican, diplomate et historien du peuple yoruba, ainsi que l'arrière-petit-fils d'Alaafin Abiodun (en), un puissant roi yoruba de la nation Oyo.

Il est surtout connu pour son ouvrage de référence The History of the Yorubas[1], publié à titre posthume en 1921, dans lequel Johnson s'efforce d'enregistrer les traditions orales et l'histoire des Yorubas, dont il craignait qu'elles ne tombent rapidement dans l'oubli. Perdu, réécrit, puis échappant de justesse à la destruction pendant la Première Guerre mondiale, son ouvrage est depuis devenu « le volume le plus fréquemment cité et le plus influent sur le peuple de langue yoruba ».

Outre ses contributions historiques, Johnson a mené une vie active, servant tour à tour comme ministre, enseignant et surintendant d'école à Ibadan, capitale de l'État d'Oyo au Nigéria. Pendant les guerres révolutionnaires yorubas, il était un émissaire impliqué dans les négociations entre les Britanniques, les chefs d'Ibadan et le roi d'Oyo.

Biographie

Samuel Johnson naît krio réfugié[a] à Freetown, en Sierra Leone, troisième des sept enfants de Henry Erugunjinmi Johnson et Sarah Johnson, le [3]. Son père, qui s'est donné le nom yoruba d'Erugunjinmi, est né en 1810 dans la ville d'Oyo-Ile, capitale de l'empire d'Oyo[4]. Henry était un Omoba (prince) du clan Oyo et était un petit-fils de l'alaafin (roi) Abiodun (en) du XVIIIe siècle[5]. Il fut plus tard capturé lors de la traite négrière occidentale, mais fut heureusement redirigé vers la Sierra Leone, comme de nombreux Yorubas, tels que Samuel Ajayi Crowther (son cousin éloigné) et d'autres. Il rencontre plus tard l'écrivain et critique littéraire anglais Samuel Johnson, dont il donne le nom à son fils. Johnson avait deux frères aînés, Henry et Nathaniel, et un frère cadet, Obadiah. Henry et Nathaniel sont tous les deux devenus missionnaires et archidiacres comme Samuel, tandis qu'Obadiah est lui devenu le premier médecin indigène yoruba[6].

Samuel Johnson termine ses études à l'Institut de formation de la Church Missionary Society (CMS) et devient enseignant et surintendant d'école à Ibadan, capitale de l'État d'Oyo au Nigéria pendant les guerres révolutionnaires yorubas (ou « guerres civiles yorubas »)[7].

Outre ses contributions historiques et éducatives, Johnson sert aussi comme ministre. Pendant les guerres révolutionnaires yorubas, il est un émissaire impliqué dans les négociations entre les Britanniques, les chefs d'Ibadan et le roi d'Oyo[7]. Johnson et Charles Phillips, également du CMS, organisent un cessez-le-feu en 1886, puis un traité qui garantit l'indépendance des villes d'Ekiti. Cependant, les habitants d'Ilorin refusent de cesser les combats et la guerre continue[8].

En 1880, il devient diacre et en 1888 prêtre. Il est basé à Oyo à partir de 1881 et achève un ouvrage sur l'histoire des Yorubas en 1897. Johnson déclare que son objectif principal en écrivant ces lignes est de sauvegarder les annales de l'histoire yoruba, un héritage qui tombe rapidement dans l'oubli. Ainsi, il écrit :

« Ce qui a conduit à cette production n'est pas un désir ardent de l'auteur de paraître dans une publication - comme tous ceux qui le connaissent bien l'admettront aisément - mais un motif purement patriotique, afin que l'histoire de notre patrie ne se perde pas dans l'oubli, d'autant plus que nos vieux géniteurs s'éteignent rapidement.

Les natifs instruits de Yoruba connaissent bien l'histoire de l'Angleterre, celle de Rome et de la Grèce, mais ils ignorent tout de l'histoire de leur propre pays ! C'est ce reproche que l'auteur s'efforce d'éliminer[b]. »

Samuel Johnson meurt à Lagos le [3].

The History of the Yorubas

Devenir du manuscrit et publication

Il confie d'abord son manuscrit à la CMS, qui l'a transmet à d'autres éditeurs — le manuscrit est ensuite « égaré » et perdu pour la postérité[10],[c]. Johnson ne vivra pas assez longtemps pour voir son travail publié[10].

Après sa mort, son frère, le docteur Obadiah Johnson (en), a recompilé et réécrit le livre, en utilisant les nombreuses notes du révérend comme guide. Le deuxième manuscrit a également subi de nombreux incidents[10] : tandis qu'il est en route pour l'Angleterre depuis Lagos pendant la Première Guerre mondiale, le navire sur lequel il était transporté, la S. S. Appam, a été capturé par le SMS Möwe allemand et par la suite le manuscrit est arrivé aux États-Unis[11]. Il n'a été découvert et transmis à l'imprimeur que deux ans plus tard, après l'entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale. Malheureusement, l'impression était impossible à cette époque en raison de pénuries de papier, et le livre fut mis en attente jusqu'à la fin de la guerre[11].

En 1921, Obadiah réussit finalement à publier le manuscrit, intitulant l'ouvrage The history of the Yorubas: from the earliest times to the beginning of the British Protectorate (L'Histoire des Yorubas depuis les temps les plus reculés jusqu'au début du protectorat britannique)[1]. Le livre a depuis été comparé à La Décadence et la Chute de l'Empire romain d'Edward Gibbon.

Il est considéré comme « le volume le plus fréquemment cité et le plus influent sur le peuple de langue yoruba »[12].

Éditions

  • (en) Samuel Johnson et Obadiah Johnson (dir.), The history of the Yorubas : from the earliest times to the beginning of the British Protectorate, Lagos (Nigeria), C.M.S. Bookshops, (lire en ligne).
  • (en) Samuel Johnson et Obadiah Johnson (dir.), The History of the Yorubas : from the earliest times to the beginning of the British protectorate, Lagos (Nigeria), C.M.S. Bookshops, , 684 p. (BNF 35338329).
  • (en) Samuel Johnson et Obadiah Johnson (dir.), The History of the Yorubas : From the Earliest Times to the Beginning of the British Protectorate, Cambridge, Cambridge University Press, (ISBN 9780511702617, DOI 10.1017/CBO9780511702617.002, lire en ligne).

Notes et références

Notes

  1. Les Africains libérés de la Sierra Leone, également connus sous le nom de « recaptifs », étaient des Africains qui avaient été illégalement réduits en esclavage à bord de navires négriers et qui avaient été secourus par des patrouilles anti-esclavagistes de l'escadre de l'Afrique de l'Ouest (West Africa Squadron) de la Royal Navy[2].
  2. Citation originale : « What led to this production was not a burning desire of the author to appear in print—as all who are well acquainted with him will readily admit—but a purely patriotic motive, that the history of our fatherland might not be lost in oblivion, especially as our old sires are fast dying out. Educated natives of Yoruba are well acquainted with the history of England and with that of Rome and Greece, but of the history of their own country they know nothing whatever! This reproach it is one of the author's objects to remove[9]. »
  3. Obadiah Johnson, frère et éditeur de Johnson, était sceptique quant à l'honnêteté de l'éditeur qui prétendait avoir perdu le précieux manuscrit :

    « Les manuscrits ont été transmis à un éditeur anglais bien connu par l'intermédiaire de l'une des grandes sociétés missionnaires en 1899 et — mirabile dictu — on n'en a plus entendu parler !

    L'éditeur [Obadiah] qui a toujours collaboré avec l'auteur a eu l'occasion de visiter l'Angleterre en 1900, et a appelé l'éditeur, mais n'a rien pu obtenir de plus de sa part que le fait que les manuscrits avaient été égarés, qu'ils étaient introuvables, et qu'il était prêt à les payer ! Cela parut si étrange à l'éditeur et à tous ses amis qui en entendirent parler qu'on ne pouvait s'empêcher de penser qu'il y avait là plus qu'il n'y paraissait, surtout en raison d'autres circonstances liées à la soi-disant perte des manuscrits. Cependant, nous laissons le sujet en suspens[9]. »

Références

  1. Johnson et Johnson 1921.
  2. (en) Johnson U. J. Asiegbu, Slavery and the Politics of Liberation, 1787-1861 : A Study of Liberated African Emigration and British Anti-Slavery Policy, Harlow, Longmans, .
  3. « Notice de Samuel Johnson », sur catalogue.bnf.fr (consulté le ).
  4. (en) « Johnson, Henry 'Erugunjinmi' », Dictionary of African Christian Biography, sur dacb.org (consulté le ).
  5. (en) Dennis D. Cordell, The Human Tradition in Modern Africa (Volume 49 of Human tradition around the world), Rowman & Littlefield, (ISBN 978-0-742-5373-23, lire en ligne), p. 89–90.
  6. (en) « Johnson, Samuel (B) », Dictionary of African Christian Biography, sur dacb.org (consulté le ).
  7. (en) « Johnson, Samuel (1846-1901) : History of Missiology », sur bu.edu (consulté le ).
  8. (en) The Dupuy Institute, « The Yoruba War 1877-1893 », Armed Conflict Events Database, sur onwar.com (consulté le ).
  9. Johnson et Johnson 2010, p. ix-x.
  10. (en) Andrew Walls, « Johnson, Samuel (C) », Dictionary of African Christian Biography, sur dacb.org, 1846–1901 (consulté le ).
  11. (en) E. Sidney Hartland, « Review of The History of the Yorubas from the Earliest Times to the Beginning of the British Protectorate », Folklore, vol. 34, no 4,‎ , p. 392–396 (ISSN 0015-587X, JSTOR 1256572).
  12. (en) Toyin Falola, « Chapitre 5 : Samuel Johnson (1846-1901) and The History of the Yorubas », dans The Human Tradition in Modern Africa, Lanham (MD), Rowman & Littlefield Publishers, , 303 p. (ISBN 9781442213838), p. 95.

Bibliographie

  • (en) Toyin Falola, Pioneer, patriot and patriarch: Samuel Johnson and the Yoruba people, Madison (WI), University of Wisconsin-Madison, coll. « African Studies Program », (ISBN 9780942615197).
  • (en) Robin Law, « How Truly Traditional Is Our Traditional History? The Case of Samuel Johnson and the Recording of Yoruba Oral Tradition », History in Africa, vol. 11,‎ , p. 195–221 (ISSN 0361-5413, DOI 10.2307/3171634, JSTOR 3171634, lire en ligne).

Liens externes

  • Portail de l'anglicanisme
  • Portail de l’historiographie
  • Portail de l’anthropologie
  • Portail du Nigeria
  • Portail de la Sierra Leone