Partner (film)

Partner

Réalisation Bernardo Bertolucci
Scénario Gianni Amico
Bernardo Bertolucci
d'après le roman de
Fiodor Dostoïevski
Musique Ennio Morricone
Acteurs principaux
Sociétés de production Red Film
Pays de production Italie
Genre drame psychologique
Durée 105 minutes
Sortie 1968

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Partner est un drame psychologique italien réalisé par Bernardo Bertolucci, sorti en 1968.

Il s'agit d'une adaptation du deuxième roman de l’écrivain russe Fiodor Dostoïevski Le Double publié le dans Les Annales de la Patrie. Pierre Clémenti en est l'acteur principal.

Le film a été présenté à la Mostra de Venise 1968 et à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 1969[1].

Synopsis

À Rome, deux jeunes hommes qui se ressemblent comme deux gouttes d'eau, tous deux prénommés Giacobbe, circulent dans les rues : l'un, aux cheveux ébouriffés, se promène armé et tue sans raison apparente un homme qui joue du piano ; l'autre, toujours sur son trente-et-un, est un professeur de théâtre profondément insatisfait de son existence. En effet, ce dernier n'arrive pas à se faire obéir par Petrouchka (un ancien souffleur de théâtre réduit à faire le domestique) et, au début, il est tenu à l'écart de la maison de sa bien-aimée Clara ; puis, une fois admis, il se dispute avec les autres invités de la fête qui s'y déroule. Dans des toilettes publiques, il tente de se suicider en se coupant les poignets avec une lame de rasoir, mais il est interrompu par l'autre Jacob, qui a remarqué son geste. Le professeur de théâtre l'invite chez lui et, dans un élan d'enthousiasme, lui propose d'emménager chez lui pour commencer une nouvelle vie ensemble.

Le professeur Giacobbe, ayant reçu une lettre de Clara dans laquelle elle lui propose de s'enfuir avec elle, a l'idée de se faire remplacer par son sosie, qui se met à insulter la jeune fille et à lui arracher ses vêtements. Le lendemain, le Giacobbe assassin lui raconte sa vie faite d'arrestations et de fuites, affirmant entre autres être la réincarnation d'Arthur Rimbaud. L'autre lui demande alors de l'aider à mettre en scène son spectacle, intitulé Le pouvoir de l'imagination (avec un décor inspiré du drapeau du Vietcong), en s'adressant directement aux étudiants de l'académie. Le meurtrier Giacobbe enseigne comment fabriquer des cocktails Molotov, tandis que l'autre répète avec une aspirante actrice (qui travaille comme représentante en détergents) un rôle sur la présence obsessionnelle de la publicité, considérée comme une conséquence du capitalisme, et sur le fait que la libération du travail de l'exploitation devrait aller de pair avec la libération sexuelle.)

Au cours d'une nuit orageuse, les deux Giacobbi se mettent à réciter un texte qui compare l'orage à un bombardement. Après avoir répété la scène de la poussette dans Le Cuirassé Potemkine (1925), le spectacle commence à être dévoilé au public avec l'annonce par haut-parleurs d'une prochaine coupure d'électricité qui touchera la capitale, suivie de l'inventaire de divers slogans de Mai 68. Alors qu'il joue avec la représentante en détergents autour d'une machine à laver d'où sort de la mousse à profusion, le Giacobbe enseignant l'étouffe accidentellement. Se rendant compte de ce qui s'est passé, il se met à crier mais est incapable de pleurer.

Au moment de mettre en scène le spectacle, aucun des étudiants de l'académie ne se présente. Le Giacobbe assassin aimerait réessayer, mais l'autre tempère ses espoirs en lui disant que, comme les étudiants, lui aussi avait eu peur, et lui dévoile parmi les accessoires une guillotine en état de marche, lui expliquant qu'il l'avait fabriquée pour se débarrasser de lui s'il avait réussi, mais que vu la situation, il ne l'utilisera pas. Il s'adresse ensuite au spectateur en l'invitant à chercher autour de lui « son propre Jacob » et à unir ses forces pour améliorer la société.

Fiche technique

Distribution

Production

Bertolucci a expliqué son choix d'adapter Le Double de Dostoïevski en disant qu'après plusieurs scénarios refusés, il n'avait plus la force d'en écrire un nouveau et qu'à la demande d'un producteur, il avait pris le premier livre qui se trouvait sur sa table de chevet[3]. Le livre de Dostoïevski constitue un point de départ, mais l'intrigue n'est que très vaguement reconnaissable dans Partner. Certains auteurs pensent qu'il n'est pas nécessaire de la comprendre[4]. Le personnage principal, Giacobbe, imite les gestes de Nosferatu le vampire (1922) et tue un pianiste dans une pièce étrangement éclairée. Il est servi par son propriétaire, Petrouchka. Il cherche à entrer dans la maison de sa bien-aimée et se fait rejeter. Un sosie apparaît, mais par la suite, le spectateur a souvent du mal à le distinguer de l'original. Lorsqu'il amuse la femme en dansant lors d'une fête dans ladite maison, il est expulsé. Il étrangle sa bien-aimée après un trajet en bus à travers Rome, enseigne le théâtre à sa classe et l'incite à une révolution, à une refonte radicale du théâtre. Finalement, il tue une jeune femme qui vend du détergent et se vend elle-même de porte en porte.

Outre la lutte du personnage principal contre ses peurs et ses désirs, contre certaines facettes de sa personnalité, Partner critique la société de consommation et la publicité. Les positions d'extrême gauche occupent également une place importante[5], le drapeau nord-vietnamien apparaît souvent en évidence à l'écran et Giacobbe donne des instructions pour fabriquer un cocktail Molotov. Les théories du dramaturge Antonin Artaud sont également abordées. « Le théâtre de la cruauté, poussé à son paroxysme, n'est-ce pas la révolution ? »[6].

De tous les films de Bertolucci, Partner est celui qui est le plus influencé par le style de Jean-Luc Godard. Les piles de livres, par exemple, sont inspirées du film La Chinoise, réalisé par Godard l'année précédente. Partner serait tellement imprégné des motifs godardiens que la signature unique de Bertolucci en serait complètement effacée[7].

Lorsque Bertolucci s'attaqua à Partner, il venait de passer quatre années sans produire de long métrage, ce qui lui semblait insupportable, alors que Godard pouvait tourner plusieurs films par an. Les théories et les chimères accumulées pendant quatre ans se sont déversées dans Partner, qui, selon lui, est ainsi devenu son film le plus artificiel[8] : « Partner était une expérience vécue comme une maladie, un film complètement névrosé, malade et schizophrène », alors que 1900 était un film sain[9]. « Derrièrre nos films se cachait le sadisme d'un cinéma qui obligait le spectateur à se couper de son emotivité. Il voulait le forcer, à tout prix, à réfléchir (...) Mais l'attitude masochiste qui consistait à faire des choses que personne ne voulait voir, à réaliser des films que le public refusait, existait également. Le fait d'avoir peur d'un rapport adulte avec le public nous poussait à trouver refuge dans un cinéma pervers et infantile. De ce point de vue, Partner est vraiment une espèce de manifeste du cinéma soixante-huitard ». La cause en serait une mauvaise compréhension, exagérée, de la dramaturgie de distanciation de Bertolt Brecht, un détournement de la magie du cinéma[10]. Dans Partner, l'admiration de Bertolucci pour Godard est encore intacte[11]. Certes, Bertolucci a continué à s'intéresser à Godard après Partner, dans Le Conformiste (1970), dans Le Dernier Tango à Paris (1972) et dans La Tragédie d'un homme ridicule (1981), mais il a adopté une position plus distanciée, parfois même agressive.

Accueil critique

Que le film les ait convaincus ou non, de nombreux critiques y voient une expression de leur époque. Ils reconnaissent également son intention anti-commerciale[12]. Partner est tout sauf populaire, alors que selon Bertolucci, l'objectif des films politiques devrait être d'être populaires[13]. Partner voulait « convaincre de choses qui ne sont pas convaincantes »[14]. Dietrich Kuhlbrodt, qui a vécu quelque temps dans un groupe politique marginal, juge : « Avec ces excroissances, ces racines, ces entrelacs, ces tromperies et ces illusions, Partner est devenu pour nous aujourd'hui le document qu'il était déjà en 1968, lorsqu'il témoignait de l'échec de la révolution universitaire alors qu'elle était encore en plein essor. Partner de Bertolucci est le documentaire sur les Bertolucci qui étaient nos partenaires »[15]. Le Lexikon des internationalen Films considère que le film « a une structure complexe, chargée d'une critique sociale agressive »[16].

Distinctions

Le film a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs, en sélection parallèle du festival de Cannes 1969[1].

Notes et références

  1. « Quinzaine 1969 », sur quinzaine-cineastes.fr
  2. « Partner », sur encyclocine.com
  3. Tonetti 1995, p. 49.
  4. Kuhlbrodt 1982, p. 121.
  5. Tonetti 1995, p. 60.
  6. Kuhlbrodt 1982, p. 124.
  7. Loshitzky 1995, p. 15, 56.
  8. Ungari et Ravaud 1987, p. 51.
  9. Gili 1978, p. 56.
  10. Ungari et Ranvaud 1987, p. 52.
  11. Tonetti 1995, p. 15.
  12. Tonetti 1995, p. 73.
  13. Magazine Cineaste, hiver 1972-1973, New York
  14. Tonetti 1995, p. 72.
  15. Kuhlbrodt 1982, p. 128.
  16. (de) « Partner », sur filmdienst.de

Bibliographie

  • Jean Wagner, « partner  », Téléciné no 160, Paris, Fédération des Loisirs et Culture Cinématographique (FLECC), , p. 302, (ISSN 0049-3287)
  • (de) Dieter Kuhlbrodt, Bernardo Bertolucci, Munich, Hanser Verlag, coll. « Reihe Film 24 », (ISBN 3-446-13164-7)
  • (de) Enzo Ungari et Donald Ravaud, Bertolucci par Bertolucci, Calmann-Lévy, (ISBN 2-7021-1305-2)
  • (en) Claretta Micheletti Tonetti, Bernardo Bertolucci : The cinema of ambiguity, New York, Twayne Publishers, (ISBN 0-8057-9313-5)
  • (en) Yosefa Loshitzky, The radical faces of Godard and Bertolucci, Detroit, Wayne State University Press, (ISBN 0-8143-2446-0)

Liens externes

  • Portail du cinéma italien
  • Portail des années 1960