No Other Land

No Other Land
Logo du film.
Réalisation Basel Adra
Hamdan Ballal
Yuval Abraham
Rachel Szor
Scénario Basel Adra
Hamdan Ballal
Yuval Abraham
Rachel Szor
Musique Julius Pollux Rothlaender
Pays de production Palestine
Norvège
Genre Documentaire
Durée 95 minutes
Sortie 2024

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

No Other Land (de l'anglais, litt. « Pas d'autre terre ») est un film documentaire palestino-norvégien réalisé en par Basel Adra, Hamdan Ballal, Yuval Abraham et Rachel Szor, un collectif israélo-palestinien de quatre militants, qui traite de l'occupation israélienne en Cisjordanie, territoire palestinien, et des destructions de propriétés palestiniennes par Israël[1]. Le film est conçu comme un acte de résistance sur le chemin de la justice pendant la guerre à Gaza commencée en . Le film est sélectionné dans la section Panorama du 74e Festival international du film de Berlin, où il est présenté en première mondiale le .

Il remporte le prix du public Panorama du meilleur film documentaire, le prix du meilleur documentaire de la Berlinale[2], et l'Oscar du meilleur film documentaire lors de la 97e cérémonie des Oscars le , alors qu'il n'est toujours pas distribué en salles aux États-Unis[3].

Synopsis

Basel Adra, un jeune militant palestinien, résiste depuis son enfance au déplacement forcé de son peuple par l'armée israélienne à Masafer Yatta, une région de Cisjordanie, territoire palestinien occupé[1], et déclaré zone militaire par Israël dans les années 1980[4]. Il filme la destruction progressive des villages de sa terre natale, dont les soldats israéliens démolissent les maisons et expulsent les habitants. Il se lie d'amitié avec Yuval, un journaliste israélien qui l'aide dans son combat, mais leur amitié est fragilisée par le fossé qui sépare leurs vies : Basel est confronté à une oppression et à une violence constantes, tandis que Yuval jouit de la liberté et de la sécurité[5].

Fiche technique

Basel Adra, Hamdan Ballal, Yuval Abraham et Rachel Szor font avec ce film leurs débuts en tant que réalisateurs.

Contexte

La région de Massafer Yatta, d'où est originaire Basel Adra, a été déclarée zone militaire par l'armée israélienne, qui occupe ce territoire palestinien. La Cour suprême israélienne a donné raison en à l'armée israélienne, dans une décision ouvrant la voie à l'expulsion des habitants des huit villages installés[6].

La colonisation de la Cisjordanie par Israël est régulièrement dénoncée par l'ONU comme étant illégale au regard du droit international[6].

L'intention d'un des co-réalisateurs, Yuval Abraham, était de montrer ce que vivent les Palestiniens afin de sensibiliser les Israéliens à la vie dans les territoires occupés[7].

Appels à la censure en Israël, Allemagne et États-Unis

Le ministre israélien de la Culture Miki Zohar a appelé les institutions culturelles du pays à ne pas diffuser le film[8]. De fait aucune salle de cinéma ne le diffuse, les uniques projections étant faites dans des salles initialement vouées à d'autres buts[9]. L'Association pour les droits civils en Israël a protesté contre cet appel à la censure[8].

La presse ultranationaliste israélienne a dénoncé avec virulence le documentaire, au contraire du journal Haaretz qui l'a défendu[10].

L'un des réalisateurs, Yuval Abraham, a déclaré que son intention était de montrer aux Israéliens une réalité qu'ils ne voient pas[11]. Lors de son discours au festival du film de Berlin en , il appelle à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza et souligne la situation « d'apartheid » entre lui et Basel Adra, le coréalisateur : « Je suis israélien, Basel est palestinien. Et dans deux jours, nous allons revenir sur une terre où nous ne sommes pas égaux. » Son discours a déclenché un tollé sur les réseaux sociaux et dans la presse israélienne. Sa prise de parole a été jugée « antisémite » par des commentateurs en Israël et par des élus allemands, dont le maire de Berlin, Kai Wegner[12]. La Berlinale s'est elle même retrouvée accusée de propager l'antisémitisme. Yuval Abraham ayant dénoncé le « génocide en cours à Gaza », une enquête a été diligentée par les autorités allemandes afin de déterminer comment des lauréats du festival du film de Berlin ont pu tenir des propos jugés « inacceptables » contre Israël, selon une porte-parole du gouvernement allemand[13].

Aux États-Unis, le film peine à trouver des distributeurs, et n'en a aucun le jour où il reçoit l'Oscar. En Floride, le O Cinema, une institution culturelle qui l'a programmé, est menacé de fermeture par le maire de Miami Beach, Steven Meiner (en), qui accuse le film d'antisémitisme et de complicité dans « les attaques terroristes du Hamas et du Hezbollah » contre Israël[14]. Les menaces de fermeture sont finalement retirées sous la pression de 700 réalisateurs, mais pour le quotidien suisse Le Temps, le film « révèle comment la liberté d'expression menace de se fracasser face au conflit israélo-palestinien »[14].

Agressions et meurtre de membres de l'équipe

Dans les jours qui suivent la Berlinale, Yuval Abraham reçoit en ligne de nombreuses menaces de mort et une foule assiège sa maison familiale. Il est contraint d'interrompre son voyage pour des raisons de sécurité[15].

L'un des co-réalisateurs, Hamdan Ballal, est agressé le à son domicile par des colons israéliens armés. Blessé à la tête et au ventre, il est évacué pour être soigné ; mais des soldats israéliens entrent dans l'ambulance et embarquent Hamdan Ballal et deux autres Palestiniens[16]. Basel Adra, qui a assisté à l'arrestation, déclare qu'ils étaient « attaqués tous les jours (...) comme une punition pour avoir fait ce film »[4]. Ils sont détenus dans une base militaire israélienne, roués de coups par des soldats israéliens[17] puis relâchés le lendemain[16]. Hamdan Ballal a été agressé à plusieurs reprises depuis le début du tournage du film. En , Basel Adra avait également été encerclé et attaqué par des colons israéliens masqués[16]. Selon Ouest-France « ce harcèlement violent des villageois palestiniens est désormais quotidien en Cisjordanie occupée » et une « mise en abime » de son documentaire[18].

Les raids de colons et de soldats israéliens contre les habitants de Masafer Yatta se sont multipliés depuis l'attribution de l'Oscar à No Other Land selon Radio France internationale[19]. Le , lors d'une nouvelle attaque de colons cagoulés et armés de barres de fer, des habitations ont été mises à sac, au moins cinq Palestiniens ont été blessés et 22 autres arrêtés par l'armée israélienne, qui accompagnait les colons[19].

Le , Awdah Hathaleen (dont le nom se transcrit également Odeh Hadalin), figurant du film, est abattu par un colon israélien dans le village d'Umm al-Khair en Cisjordanie occupée. Ce colon, Yinon Levi, partisan du mouvement pro-implantation sous le coup de sanctions internationales, a tiré à bout portant sur plusieurs Palestiniens, tuant le membre de l'équipe du film[20]. L'assassin arrêté par la police israélienne est interrogé sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui[21].

Distinctions

Récompenses

Notes et références

  1. Oumeïma Nechi, « No Other Land” : la brutalité de l'occupation israélienne en Cisjordanie, caméra au poing », Courrier international, (consulté le ).
  2. (en) Edo Dijksterhuis, « Camera as a weapon of proof », sur idfa.nl, Festival international du film documentaire d'Amsterdam, (consulté le ).
  3. Samuel Douhaire, « Aux Oscars , un palmarès dominé par “Anora”, “Emilia Pérez” éclipsé », Télérama, (consulté le ).
  4. « Hamdan Ballal, l'un des réalisateurs palestiniens de « No Other Land », Oscar du meilleur documentaire, arrêté par l'armée israélienne en Cisjordanie », Le Monde, (consulté le ).
  5. « No Other Land », sur cineuropa.org (consulté le ).
  6. « Israël s'insurge après l'Oscar attribué à un documentaire sur la colonisation en Cisjordanie », France 24, (consulté le ).
  7. (he) Zohar Orbach, « "אני יכול לדמיין שנזכה באוסקר, אבל בסוף אחד מאיתנו חוזר לבית בלי תשתיות וחשמל" » [« Je ne peux nous imaginer gagner un Oscar, mais à la fin, l'un de nous rentre chez lui sans infrastructures ni électricité »], sur e.walla.co.il,‎ (consulté le ).
  8. « Gal Gadot nie avoir refusé de remettre un prix au film palestino-israélien », i24News, (consulté le ).
  9. « En Israël, les chemins de traverse du documentaire « No Other Land » », La Croix, (consulté le ).
  10. « No Other Land” : l'oscar qui fait polémique en Israël », Courrier international, (consulté le ).
  11. (en) David Lange, « The Unbearable Dishonesty of ‘No Other Land’ And Its Directors », sur isrealicool.com, (consulté le )
  12. Toby Axelrod, « Un journaliste israélien dénonce « l'apartheid » en Cisjordanie à la Berlinale », The Times of Israel, (consulté le ).
  13. AFP, « Allemagne: enquête après des propos jugés antisémites à la Berlinale », The Times of Israel, (consulté le ).
  14. Luis Lema, « «No Other Land», un film et son supplément de polémiques », Le Temps, (consulté le ).
  15. Lucas Minisini, « Qui est le journaliste israélien Yuval Abraham, qui a plaidé pour un cessez-le-feu à Gaza », Le Monde, (consulté le ).
  16. Charles Delouche-Bertolasi, « Hamdan Ballal, coréalisateur palestinien du film oscarisé «No Other Land», attaqué par des colons israéliens et arrêté », Libération, (consulté le ).
  17. « Cisjordanie. Arrêté et “roué de coups”, le coréalisateur palestinien de “No Other land” a été libéré », Courrier international, (consulté le ).
  18. Patrick Angevin, « Palestinien oscarisé attaqué par des colons et arrêté : un fait banal en Cisjordanie occupée », Ouest-France, .
  19. « Depuis l'Oscar, les attaques se multiplient à Masafer Yatta, le village palestinien où No Other Land a été tourné », RFI, (consulté le ).
  20. Nurit Yohanan et Jacob Magid, « Cisjordanie: Un Palestinien présenté dans « No Other land » abattu par des extrémistes Juifs », The Times of Israel,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. Martin Regley, « Cisjordanie : Awdah Hathaleen, Palestinien qui a contribué au film oscarisé No Other Land, tué par un colon israélien », Paris-Match,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Liens externes

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