Nanine ou le Préjugé vaincu

Nanine, ou le préjugé vaincu
Gravure de Simonet d’après Moreau le Jeune pour l’acte I, scène 5.
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Nanine, ou le Préjugé vaincu est une comédie attendrissante en trois actes écrite en vers décasyllabiques par Voltaire en . La pièce a été représentée pour la première fois le à Paris au théâtre de la rue des Fossés Saint-Germain sous la direction de l’auteur et publiée la même année.

Personnages

  • Le comte d’Olban, seigneur retiré à la campagne.
  • La baronne de l’Orme, parente du comte, femme impérieuse, aigre, difficile à vivre.
  • La marquise d’Olban, mère du comte.
  • Nanine, fille élevée à la maison du comte.
  • Philippe Hombert, paysan du voisinage.
  • Blaise, jardinier.
  • Germon, domestique.
  • Marin, autre domestique.

Résumé

La scène est dans le château du comte d’Olban.

Acte 1

L’action se déroule dans le château du comte d’Olban, veuf depuis deux ans. Le jardinier Blaise demande au comte la main de Nanine, une orpheline qui a grandi au château, mais celui-ci se dérobe. Le comte reconnait qu’il aime la jeune et belle Nanine. La différence de rang s’oppose toutefois au mariage. L’intrigante baronne d’Orme, qui travaille à un mariage avec le comte, a compris depuis longtemps que d’Olban aime Nanine et tente de se débarrasser de sa rivale dans un couvent.

Acte 2

La baronne quitte le château avec Nanine pour la faire entrer au couvent, mais d’Olban la fait amener chez lui par un domestique. Le comte lui propose de l’épouser. La jeune orpheline ne sait pas si elle doit accepter et attend un signe du ciel. Elle donne à Blaise une lettre pour Philippe Hombert. La baronne intercepte la lettre et montre au baron le document destiné au « rival » que Nanine aime.

Acte 3

Un paysan apparait et se présente comme Philippe Hombert, « né d’une honnête famille ». Il est le père de Nanine, qui s’avère donc être d’origine convenable. L’opposition de la mère du comte ne tient plus, et donne son accord au mariage.

Analyse

La version originale de Nanine, dont le titre a été étendu en 1763 à Nanine, ou le Préjugé vaincu, a été remaniée à la suggestion de la comtesse d’Argental. Dans le premier dénouement, Nanine s’avérait être fille d’un bon gentilhomme, la comtesse a convaincu Voltaire de laisser Nanine fille de son père pour éviter de faire de cette comédie un mauvais roman. Voltaire a caché cette pièce à Frédéric II qui lui en réclamait la lecture. Comme il le pressentait, la réaction prussienne à la pièce est négative. Le caractère bourgeois de la comédie larmoyante, montrant un marquis de Versailles épouser une servante, déplait au souverain : « ce genre ne m’a jamais plu[1]. » Ainsi, le dénouement heureux de la version finale de Nanine est dû à la vertu des amants plutôt qu’à la rectification de leur statut. Il s’agit de la dernière production indépendante de Voltaire à Paris avant son exil définitif.

Représentations et réception

La comédie a été représentée à la Comédie-Française le 16 juin 1749, en présence de l’auteur. La réaction du public a été mitigée. Clément de Dijon, rapporte, dans ses Anecdotes dramatiques, que la Nanine de Voltaire a reçu de grands applaudissements, mais l’auteur a paru ne pas s’en rapporter entièrement à ces éloges[2]. À partir de 1754, la pièce a été jouée à plusieurs reprises et a été à nouveau représentée, en l’honneur de Voltaire, en 1778. Nanine a connu au total 195 représentations, et été jouée plus souvent que nombre de ses tragédies[3]. Elle a été remontée à Lille, en 2012, puis jouée dans plusieurs villes.

Sources et genèse

Devant le succès de la première pièce larmoyante, Voltaire reprend le thème du Paméla (1740) de Samuel Richardson[4], qui avait déjà été adapté sans succès, en 1743, à la scène par Nivelle de La Chaussée, au Théâtre-Français et Boissy au Théâtre-Italien. Ces derniers ayant fait imprimer leur Paméla, l’impression n’a pas été mieux reçue par le public. Voltaire a, à l’évidence, écrit Nanine pour surpasser Nivelle de La Chaussée et Boissy[5].

Voltaire aurait pu être l’auteur de la première comédie larmoyante, car Quinault cadette, qui en a eu l’idée, a initialement proposé le sujet du Préjugé à la mode, considéré comme la première pièce de ce genre. Devant le refus, Quinault s’est tournée vers Nivelle de La Chaussée, qui en a tiré une pièce à succès. Voltaire s’est rallié au genre théâtral en vogue[a], peut-être par dépit d’avoir laissé passer un sujet à succès[5], et certainement pour des raisons d’intéressement[6], voire de glorification[7].

Genre théâtral

Dans sa préface à la première édition autorisée de Nanine, Voltaire décrit la pièce comme une bagatelle dans laquelle il a inséré des éléments tragiques pour provoquer la sentimentalité. Voltaire a ensuite dénigré, dans l’article « art dramatique » du Dictionnaire philosophique, le genre larmoyant comme « une espèce bâtarde qui, n’étant ni comique ni tragique, manifestait l’impuissance de faire des tragédies et des comédies[8]. » Malgré la réhabilitation de la comédie larmoyante des Réflexions sur le comique-larmoyant de Pierre-Mathieu Martin de Chassiron (d) entreprise dans la préface de sa première édition de Nanine, l’article « Art dramatique » du Dictionnaire philosophique, paru en 1764[9], ainsi que sa correspondance de la décennie 1760-1770[5]:40, en dévoilant la continuité de son attachement aux règles classiques de Boileau et son hostilité à l’égard de la tragédie bourgeoise, montrent que le ralliement de Voltaire au genre nouveau relève plus de l’opportunisme de circonstance[b], que d’une adhésion pleine et entière[11].

Éditions

Voltaire a révisé sa pièce après la publication d’une édition pirate sous le nom de la compagnie des libraires associés de Paris[12], dont le manuscrit lui aurait été, écrit-il à Frédéric II « volé »[13]. La première édition autorisée a paru en 1749, sous la forme de deux éditions identiques, chez Mercier et Lambert, à Paris. En 1763, la nouvelle édition publiée par Duchesne a été enrichie de l’expression « Le Préjugé vaincu ». Le passage concernant les éditions pirates est omis de la préface de cette édition.

Adaptations

Nanine a été traduite en anglais dès les années 1760. Charles Macklin l’a adapté au gout anglais dans son Man of the world, or the trueborn Englishman, joué sur la scène irlandaise en 1766, puis à Covent Garden, en 1780[14]. Ippolit Fyodorovich Bogdanovich a fidèlement traduit Nanine en russe, en 1766, et joué sur la scène impériale et sur des théâtres privés. Les personnages gardent leurs noms français, sauf Nanine et Blaise, devenus Nanina et Vlas, qui s’exprime en vrai paysan russe[15].

Notes et références

Notes

  1. Tou en nommant sa pièce « comédie attendrissante », et non « larmoyante ».
  2. Voltaire n’a rien négligé, allant même jusqu’à dédier, en 1736, sa tragédie Alzire ou les Américains à Nivelle de La Chaussée, puis à se rendre exprès à Paris pour faire réussir sa candidature, pour lui céder toutes les voix dont il pouvait disposer, lorsque celui-ci s’est présenté à l’Académie Française[10].

Références

  1. Frédéric II, Poésies du philosophe de Sans-Souci, t. 1, Berlin, Chrétien-Frédéric Voss, , 368 p., 3 vol. ; in-12 (OCLC 40636345, lire en ligne).
  2. Clément de Dijon, « Nanine ou le Préjugé vaincu, Comédie en trois actes, en vers de dix ſyllabes, par M. de Voltaire, au Théâtre François, 1749 », dans Joseph de La Porte, Anecdotes dramatiques, t. 2, Paris, Vve Duchesne, , 594 p., 3 vol. in-8º (OCLC 1178079236, lire en ligne sur Gallica), p. 2.
  3. Pierre Guillaud-Brandon, « La Correspondance de Voltaire », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, Paris, no 16 Lettres d’humanité,‎ , p. 131-154 (lire en ligne, consulté le ).
  4. Alexandre Jovicevich, « À propos d’une ‘Paméla’ de Voltaire », The French Review, Paris, vol. 36, no 3,‎ , p. 276–83 (ISSN 2329-7131, lire en ligne, consulté le ).
  5. (en) Lillian Ruth Niedorff, Voltaire and the Comédie Larmoyante, Paris, University of Minnesota, , 50 p. (OCLC 19604685, lire en ligne), chap. 7 (« Nanine – Voltaire at his Height in Defense of the Comédie Larmoyante »), p. 33.
  6. (en) Lauren R. Clay, « The Strange Career of Voltaire : Bestselling Playwright of Eighteenth-Century France », dans Databases, Revenues, & Repertory : The French Stage Online, 1680-1793, Cambridge, MIT Press, (OCLC 1199996254, lire en ligne).
  7. (en) Mary Karen Zahn, « Voltaire’s comedies larmoyantes », Fordham Research Commons, no T07:00:00Z,‎ (OCLC 1243629537, lire en ligne, consulté le ).
  8. Œuvres de Voltaire : Dictionnaire philosophique, t. 27, Paris, Firmin Didot, , 571 p., 5 vol. ; in-8º (lire en ligne sur Gallica), « art dramatique », p. 103.
  9. John Pappas, « Voltaire et le drame bourgeois », Diderot Studies, Paris, vol. 20,‎ , p. 225-44 (ISSN 0070-4806, lire en ligne, consulté le ).
  10. Ferdinand Höfer, Nouvelle Biographie générale : depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, t. xxviii. Koehler-La Laure, Paris, Firmin-Didot, , 496 p., 37 vol. ; in-8º (lire en ligne sur Gallica), p. 527.
  11. Elsa Jaubert, « Voltaire dramaturge comique : un « auteur amphibie » ? », Revue Voltaire, Paris,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. Œuvres complètes de Voltaire, t. 4, Paris, L. Hachette, , 442 p., 46 vol. ; in-18 (OCLC 80759679, lire en ligne sur Gallica), p. 65.
  13. (en) James Fowler, Richardson and the Philosophes, Paris, Routledge, , 185 p., 26 cm (ISBN 978-1-35155-081-9, OCLC 881131352, lire en ligne), p. 69.
  14. (en) Harold Lawton Bruce, Voltaire on the English Stage, t. 8, Berkeley, Harold Lawton Bruce, , 152 p., in-8º (OCLC 4079816, lire en ligne), « The Man of the World », p. 113.
  15. Henri Duranton, Marie-Rose de Labriolle, Ralph A. Nablow, Mark Waddicor (éd.), Œuvres complètes de Voltaire, Liverpool University Press, , 593 p. (ISBN 978-1-83764-022-5, OCLC 1419060484, lire en ligne), p. 36.

Bibliographie

  • (en) Peter Hynes, « From Richardson to Voltaire : ’Nanine’ and the novelization of comedy », The Eighteenth Century, Paris, vol. 31, no 2,‎ , p. 117-35 (ISSN 1935-0201, lire en ligne, consulté le ).

Liens externes

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