Guillaume Bigot
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Guillaume Bigot[1], Le Bigot ou William Bigotius[2], né à Laval le et mort vers 1550 est un écrivain, médecin et humaniste français, poète français et latin, et l'un des plus savants hommes du XVIe siècle[3]. L'abbé Angot signalait qu'il n'est pas mal connu, « car comment peut-on débrouiller une biographie romanesque en soi, racontée par le héros lui-même avec le souci de rendre son histoire indéchiffrable et lui-même méconnaissable ? »
Biographie
Origine
Plusieurs hypothèses existent sur son père[4]. Il faillit mourir de la peste étant encore au berceau[5]. Sa première éducation avait été entièrement négligée. Une querelle qu'il eut pendant qu'il faisait à Angers son cours de philosophie l'obligea de se sauver pour éviter les poursuites qu'on dirigeait contre lui[6].
Il se retira à la campagne où il se livra à l'étude avec plus d'application qu'il ne l'avait encore fait. Il apprit, sans le secours d'aucun maître, la langue grecque et fit des progrès rapides dans la philosophie, l'astronomie, l'astrologie et la médecine[7].
L'itinérance savante : Belgique, Allemagne, Suisse
Il est allé d'université en université : Louvain, Marbourg, Mayence, Tübingen, Bâle. En 1535, il a professé la philosophie à l'université de Tübingen[8]. Il aurait suivi les leçons d'Antoine Curéus et de Guillaume Casterot, médecins. Il aurait rencontré en 1536 Guillaume du Bellay de Langey, chargé d'une mission secrète en Allemagne[9]. Langey l'aurait chargé d'enseigner le grec au fils de Barnabé Voré de La Fosse, René[10]. Ce fut dans la même ville qu'il composa son poème latin, intitulé Catoptron, ou le Miroir. Il le fit imprimer avec quelques autres pièces, à Bâle, en 1536, in-4°. Il est réimprimé en 1537 dans son Somnium dédié à Guillaume Du Bellay.
Le retour en France
Obligé de quitter Tübingen, il se réfugie à Bâle pour se soustraire aux persécutions des disciples nombreux de Philippe Melanchthon[11], dont il a combattu le système. De là, il revient en France, où Guillaume Budé[12] tente, au retour à Paris de Guillaume Bigot, de lui faire obtenir une chaire à l'Université, qu'il n'obtient pas. On lui offre une place à l'université de Padoue ; mais il la refuse. Il vend ce qu'il possède encore à Laval, puis accepte d'aller réorganiser à Nîmes l'école en université, où il est substitué pour cela à Claude Baduel, 1541.
Bigot fut obligé de faire plusieurs fois le voyage de Paris, pour obtenir des arrêts qui le maintinrent dans ses privilèges. On voulut lui substituer le protestant Claude Baduel. Bigot, appuyé par les bourgeois et les étudiants et surtout favorisés par les Du Bellay, obtint gain de cause au Parlement de Toulouse et serait rentré dans la place sans une mésaventure . En 1543, alors qu'il avait pris un engagement de 15 ans avec la ville, il s'associe lui-même dans le rectorat le même Claude Baduel, qui devait être son ennemi le plus acharné. Surviennent les procès avec les Nîmois qui prétendent que Bigot ne remplit pas les conditions du contrat, puis les mésaventures conjugales du professeur.
Sa femme, qu'il avait laissée à Toulouse, aurait été subornée par un joueur de luth. Le complice de ses débauches ayant été mutilé[13], on accusa Bigot d'être le premier auteur de ce crime, exécuté par un de ses anciens domestiques. Il fut mis en prison, où il resta longtemps. Les lettres de grâce qu'il obtint et fit entériner à Toulouse ne rétablirent pas sa réputation et ses affaires. Cette affaire n'était pas encore terminée en 1549. Il publia, cette même année, un poème latin, dans lequel il se plaint amèrement de son sort. Cette histoire n'est relatée que par Bigot et Bayle.
Le retour à Laval
Après ses mésaventures conjugales, il se sauve à Laval. Il en aurait rêvé alors qu'il était en exil au-delà du Rhin et s'était vu accueillir en triomphe par toute la population lavalloise :
« Post longum exilium, patriam repetisse videbar
Rura Lavalla meam, populo gratissimus omni. »
La réalité fut moins poétique sans doute, mais ne fut pas une déception. Mais lui se hâta de régler ses affaires d'intérêt et de repartir pour Nîmes en 1547. Les procès qu'on fit à Nîmes, où Baduel avait un parti puissant, ceux qu'il fit lui-même, durèrent deux ans, qu'il passa en grande partie en prison.
Athéisme
On l'accusa d'athéisme, et il dut se justifier aux Grands Jours tenus au Puy[14].
Il eut gain de cause enfin, aux Grands Jours, sur le chef d'hérésie, au mois d', et contre les Nîmois qui durent lui verser une indemnité de 3 000# par sentence du parlement de Toulouse, le . Malgré le gain de son procès, Bigot ne put rester à Nîmes. Il enseigna quelque temps à Montauban, et finalement se retira à Metz pour mourir bientôt inconnu. On ignore l'époque de sa mort.
Publications
- Carmina (Catoptron, id est speculum ad emendationem Juventutis factum carmen ; Epithalamion ; Epigrammata in empiricum, etc). Basileae, 1536.
- Catoptron : hoc est, ad emendationem iuventutis factum carmen : cumprimis eruditum & lectu dignissimum. Eiusdem Epithalamium, pro d. Henrico Caduceatore iurisconsulto. Item, Epigramma in empiricum quendam, unà cum elegia ad libellum suum, & aliis quibusdam : omnia recens & nata, & edita. Basileae : Thomas Platter : Balthasar Lasius : Robert Winter, 1536
- Somnium ad Guillelmum Bellaium Langaeum; maecenatem suum, in quo cum alia tum imperatoris Caroli describitur ab regno Galliae depulsio. Ejusdem explanatrix somnii epistola, qua se item et Guillelmum Budaeum a quorundam defendit calumniis. Ejusdem Catoptron et alia quaedam poemata, causa prius inemendatius[15]. Paris, 1537, poème latin.
- Poésies diverses (imprimées dans le Poësie française de Charles de Sainte-Marthe)[16], Lyon, 1540, in-8° ;
- Christianae philosophiae praeludium, opus cum aliorum tum hominis substantiam lucuplentis expromens et exemplis et rationibus. Ejusdem et as Jesum Christum carmen supplex, et antilogica dedocatrixque Epistola, peraptètam praeludicio quam reliquis ipsius christianis scriptis praelegenda.[17] Guy Boutteville, Toulouse, 1549, in-4°[18].
Notes et références
- ↑ Le nom Bigot était fort commun à Laval. Pierre Le Bigot, ami de Pierre Le Baud, était souvent invité à sa table à l'aumônerie Saint-Julien de Laval ; il rédigea en 1488, un accord entre le prieuré d'Avénières et les habitants. Jean Le Bigot, prieur du Pertre et de Saint-Melaine, qui fonda les chapelles de Sainte-Marguerite et de Saint-Roch, à Montigné-le-Brillant et Ahuillé, mourut à Rome en 1502. Il y en a beaucoup d'autres.
- ↑ (en) M. A. Screech, « The death of Pan and the death of heroes in the fourth book of Rabelais : a study in syncretism », Bibliothèque D'Humanisme Et Renaissance, vol. 17, no 1, , p. 36-55 (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ Dans l’ouvrage De ratione vitæ studiosae ac literatae de Claude Baduel, un professeur de Leipzig, nommé Grégoire Bresman, a ajouté une préface où il dit que Guillaume Bigot, « homme bien versé dans les matières de médecine et de physique, avait promis un traité que l'homme, sans le mariage, ne saurait vivre en santé. » Melanchton, avec lequel il avait eu des querelles de doctrine, le dit l'un des deux hommes les plus savants de France. Pierre Duchâtel étant le premier. Scaliger le qualifie maximus philosophus ; ce que la plupart des interprètes ont entendu tant dans le sens relatif que dans le sens absolu. Gabriel Naudé, venu plus tard, et qui pouvait déjà juger avec l'impartialité de l'histoire, lui donne la palme sur tous les philosophes de son temps.
- ↑ Celui que l'abbé Angot regarde tout d'abord comme le père du savant se nommait Guillame Bigot, et l'acte de partage de sa succession fut passé le 22 mai 1519 par Guillaume Le Doyen. Un seul des 5 enfants, nommé Jean était majeur ; il étudia le droit, fit fortune et acquit le Petit-Vaugeois d'Andouillé et la Merveille de Saint-Jean-sur-Mayenne. Guillaume eut sa part dans la succession paternelle, qui ne comprenait que quelques pièces de terre en Avénières. Un scoliaste des œuvres de Bigot affirme que son père se nommerait Jean et non Guillaume ; de plus il serait mort au dire de Bigot, lui-même, non en 1519, mais après 1530 pendant que son fils était exilé en Allemagne. On pourrait alors penser selon l'abbé Angot à Jean Lebigot qui est sénéchal de la Hune, 1513, procureur à Laval des frères de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, 1517, sénéchal de Launay-Peloquin, 1529, probablement seigneur de la Jarossaie (Entrammes) ; mais dans ce cas il aurait vécu encore en 1537 avec le titre de procureur fiscal de Laval.
- ↑ Le philosophe réseumera plus tard les aventures de sa première enfance en disant que, né avec deux dents, mauvais présage au dire des matrones, il avait été confié à une nourrice de la campagne, et que, la peste ayant fait mourir 13 personnes dans sa maison, cette femme l'avait abandonné sur le bord d'un chemin où son propre père le trouva et le recueilli. L'abbé Angot signale que ce témoignage sent bien le roman...
- ↑ Il se livra surtout au plaisir, et fit obligé de quitter la ville parce que le seigneur de la Tour-Landry, offensé par une de ses fredaines, le faisait poursuivre en justice.
- ↑ L'abbé Angot affirme N'y a-t-il point là encore beaucoup d'exagération ?. Il est certain que Bigot s'insinua dans la maison du Bellay, où peut-être il trouva des secours pour ses propres études tout en instruisant les jeunes seigneurs.
- ↑ Bigot figure sur le registre matricule de l'Université à la date du 27 mai 1535. Il y est au nombre des nouveaux professeurs de la réforme de l'Université en 1534-1535, et chargé d'expliquer la physique d'Aristote.
- ↑ Il voyageait deguisé en joaillier, et quand du Bellay n'eut plus besoin de ses services, le laissa libre de visiter les universités. Dans les écoles des villes bordant le Rhin, il fut seulement l'étudiant qui cherche littérairement et littéralement plaies et bosses.
- ↑ Nicole Bingen, Aux escholles d'outre-monts: Étudiants de langue française dans les universités italiennes (1480-1599) : Français, Francs-Comtois et Savoyards, Genève, Droz, (ISBN 978-2-600-35904-7, lire en ligne)
- ↑ François Ier aurait eu le désir d'entendre disserter Bigot, mais Du Châtel, qui avait l'oreille du roi, craignant le succès d'un pareil rival, aurait fait entendre qu'il était disciple outré d'Aristote, au point de préférer le gouvernement populaire à l'autorité royale. François Ier ne pouvait que trouver cette opinion mal sonnante. Bigot fut écarté. Mais ce récit, emprunté à Melanchton, est contredit par des contemporains, qui en font même une inventionde Guillaume Bigot, jaloux.
- ↑ Mort en 1540
- ↑ On avait mutilé le suborneur en lui coupant le nez, les oreilles et les jarrets.
- ↑ Cela est raconté dans les œuvres mêmes de Guillaume Bigot ; on doit donc le croire, au moins pour le fond, mais il convient d'ajouter pourtant que tant de luttes, d'incidents dramatiques et de procès n'ont laissé aucune trace dans les registres du Parlement de Toulouse, dans ceux des assises solennelles du Puy, ni dans les histoires de Nîmes et de son université. L'abbé Angot indique qu'une recherche soigneuse a été faite par M. Pasquier, archiviste à Toulouse et n'a donné qu'un résultat négatif. L'université de Nîmes fut bien organisée à cette époque, mais avec les facultés de grammaire et des arts seulement, et il n'est fait aucune allusion à Guillaume Bigot. Peut-être ce dernier a-t-il sans son autobiographie exagéré son rôle. L’Histoire de Nîmes... par Ménard, 1753, parle et cite quelques documents pour les affaires de Nîmes.
- ↑ Cet ouvrage de veine nationaliste est dédié à Guillaume du Bellay, que l'auteur nomme son Mécène. Il contient une réédition complète de Carmina et quelques pièces nouvelles, y compris son apologie et celle de Budé.
- ↑ Suivant La Monnoye, il n'a publié qu'un seul poème français, imprimé avec les poésies de Sainte-Marthe, à qui il est adressé. Bigot engage Charles de Sainte-Marthe à renoncer à la poésie, et c'est en vers qu'il lui donne ce conseil ; il aurait pu être plus important.
- ↑ II l'a fait imprimer à la suite son Catoptron, corrigé
- ↑ On avait avancé que c'était à Guillaume Bigot que Jean Calvin reprochait, dans une lettre, de n'avoir pas abjuré, pour le protestantisme, la religion romaine. Bayle a relevé cette erreur en observant que le Bigot auquel Calvin écrivait portait le prénom de Pierre, et non celui de Guillaume. Cet ouvrage contient l'autobiographie du philosophe, et est le dernier sorti de sa plume, et ne précéda guère sa mort, qui fut prématurée.
Sources partielles
- Une partie du présent article est empruntée textuellement à l'article « Guillaume Bigot », dans Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabétique de la vie publique et privée de tous les hommes avec la collaboration de plus de 300 savants et littérateurs français ou étrangers, 2e édition, 1843-1865 [détail de l’édition], vol. 4, 1843, p. 311, consultable sur Google livres.
- « Guillaume Bigot », dans Alphonse-Victor Angot et Ferdinand Gaugain, Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne, Laval, A. Goupil, 1900-1910 [détail des éditions] (BNF 34106789, présentation en ligne)
- Cet article a été en partie mis à jour et doit encore l'être à partir de l'ouvrage de Nicole Bingen, Aux escholles d'outre-monts: Étudiants de langue française dans les universités italiennes (1480-1599) : Français, Francs-Comtois et Savoyards, Genève, Droz, 2019.
Annexes
Bibliographie
- Dictionnaire de Bayle au mot Bigot ;
- Bibliothèque française, de Claude-Pierre Goujet, t. 15, p. 65 ;
- P. Galland, Vita Castellani, p. 74 ;
- Joachim Camerarius (ami de Melanchton), t. 2, lib. III ;
- Scaliger, Contra Dardanum, p. 307 ;
- Menagiana, t. 2, p. 353 ;
- La Croix du Maine ;
- La Monnoie, Notes, t. 2, p. 95-103 ;
- Dom Liron, Singularités historiques, t.1, p. 436-438 ;
- Narcisse Henri François Desportes ;
- Jean-Barthélemy Hauréau ;
- Paul Delaunay, Théories médico-philosophiques (Vieux médecins mayennais, 1re série, p. 66-132).
- Mathieu-Jules Gaufrès, Claude Baduel et la réforme des études au XVIe siècle, Librairie Hachette, Paris, 1880, p. 82-147, 304-334 (lire en ligne)
Articles connexes
Liens externes
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