Alma (Safed)

Alma (Safed)
Inscription antique retrouvée à Alma, conservée dans la synagogue.
Géographie
Superficie
19,5 km2 (1945)
Démographie
Population
950 hab.
Densité
48,7 hab./km2

Alma (علما) est un des villages arabes expulsés et vidés de leur population par les forces de défense israéliennes, à la fin de la première guerre israélo-arabe. Il faisait partie du sous-district de Safed, et était situé à 10 km de son chef-lieu, Safed. Il a été remplacé par le moshav du même nom.

Construit sur le plateau basaltique du nord de la Palestine, il se trouvait à environ 4 km de la frontière libanaise[1].

Géographie

Alma est situé à environ 675 m au-dessus du niveau de la mer[2], dans une zone appellée les collines d’Alma, limitée par le Nahal Dishon. Le village tcherkesse de Reihaniya est situé à proximité.

La superficie des terres d'Alma était de 19 498 dounams dont 17 240 privés détenus par des Arabes, le reste étant des terres publiques[3].

Histoire

Empire romain

À l'époque de l'Empire romain, un village juif du même nom se trouvait dans la province romaine de Judée.

Des restes d'une construction identifiés comme ceux d'une synagogue se trouvent près du cimetière du moshav. Ils peuvent remonter au IIIe siècle. Aucune fouille systématique n'a été conduite sur le site[4].

Empire byzantin

Des céramiques d'époque byzantine ont été découvertes[5]. Plusieurs khirbats se trouvent dans les alentours, et trois fragments d'inscriptions venant d'une synagogue ont été découverts près du village au XXe siècle[1]. Les ruines d'une tour de guet se trouvent sur la crête dominant le village, et trois petits dolmens se trouvent a quelques centaines de mètres au sud[6].

Croisades

La première mention d'Alma remonte à la période des croisades, quand le village faisait partie du royaume de Jérusalem. Il est issu d'un nom de personne[7]. Lorsque Benjamin de Tudèle (1130–1173) visite le village, une communauté juive de 50 familles s'y trouve[8]. Plusieurs sages mentionnés dans la Mishnah et le Talmud[9]Elle s'y maintient jusqu'au XVIIe siècle[4].

Les Croisés, qui contrôlent le village jusqu'en 1187, l'appellent Alme[10]. Un manuscrit hébreu anonyme indique qu'il y a des habitants de religion juive et musulmane , et que le seigneur est apparemment Franc. Le soir du Shabbat, les deux communautés allument des bougies sur la tombe de Rabbi Eléazar ben Arakh, un Tannaïm et tsadik local (homme juste) ; un arbre miraculeux se trouvait à proximité[10].

Deux inscriptions découvertes à 'Alma indiquent l'existence d'une synagogue[11]. L'une d'entre elles, faisant partie d'un linteau, était bilingue (Hébreu et araméen juif de Palestine, dont la partie de droite est un remploi. Elle consiste en une bénédiction de paix sur le site et le peuple d'Israël, et la dédicace du graveur[note 1][11]. La datation correspond aux synagogues de Biram ; l'utilisation inhabituelle de la première personne est similaire à l'usage sur les épitaphes de Jérusalem. Enfin, l'inscription permet de confirmer l'usage de Lévi à la fois comme nom et comme titre. Une seconde inscription araméenne de deux lignes qui se lit “]--[נה טברייה דע]בד -- | הדי[ן שקופה מלך ע]למה יתן ברכתה בעמלה[”, soit “…na le Tibérien qui a fait/donné ce linteau. Que le roi du monde (bénisse son ouvrage).” a été trouvée en remploi dans la synagogue[11].

Empire ottoman

Évolution de la composition religieuse d’Alma
Année Juifs Musulmans Autres Total
XIIe siècle[9] 50 ?
1521[12] 15 ?
1596[13] 8 ménages 428 ménages 1 440
1875[14] 200
1881[15] 250
1887[16] 1,105
1922[17] 309
1931[18] 712
1945[19],[20] 950
1948 : création d’Israël. Expulsion des Arabes


Au début de la période ottomane Moshe Basola (en) vit à Alma en 1521-1523. Quinze familles juives et une synagogue s'y trouvaient[12] bien que le defter ottoman ne recense aucun juif. Il est possible que Basola ait comptabilisé des juifs vivant entre Safed et Alma, et listés dans le defter, qui est un registre fiscal, à Safed[21].

Dans le registre fiscal ottoman (defter) de 1596, Alma fait partie de the nahié ("sous-district") de Jira et de la Liwa ("district") de Safed[22], avec 1440 habitants[13] dont 288 foyers musulmans et 140 célibataires musulmans Muslim, 7 foyers juifs et un célibataire juif. Le village payait des taxes sur les chèvres, les ruches, un moulin à eau et un pressoir servant pour les olives et le raisin[22],[23]. Le total des taxes perçues était de 51 100 akce[13]. La prospérité du village était attribuée à sa proximité avec Safed[24].

Edward Robinson et Eli Smith, qui voyagent dans la région en 1838, donnent le nom complet du village : 'Alma el-Khait (علماالخيط)[25].

James Finn, consul britannique à Jérusalem, décrit Alma dans les années 1850 : les roches basaltiques, les femmes et les enfants gaulant   les oliviers pour la récolte des olives. Il relève que la petite région du village est surnommée "Khait" (corde en arabe) et est réputée pour ses extraordinaires récoltes de maïs[26].

Victor Guérin visite Alma en 1875, qu'il estime peuple de 200 habitants[14]. Dans The Survey of Western Palestine (1881), Alma la population est estimée à 250 musulmans algérois, vivant dans des maisons de pierre et qu milieu d'une plaine fertile et de quelques jardins[15].

D'après une liste de population de 1887, Alma avait 1105 habitants, tous musulmans[16].

Période du mandat britannique

Après la Première Guerre mondiale, la Grande-Bretagne reçoit un mandat de la Société des Nations pour administrer ce qui devient la Palestine mandataire. Alma faisait partie du sous-district de Safed. Au recensement de 1922, Alma avait 309 habitants, tous musulmans[17], population qui augmente à 712 musulmans, et 148 maisons à celui de 1931[18]

Dans les statistiques de Villages de 1945, la population atteint 950 habitants[19],[27] tous musulmans[28].

Les habitants étaient principalement cultivateurs[1]. Leurs productions, outre les céréales et le bétail, comprenaient l'olivier. Pendant la saison 1942-1943, 750 dounams (75 hectares) étaient plantes d'oliviers, dont 550 dounams d'oliviers portant fruits. C'était la plus grande oliveraie du district de Safed[1]. En 1944–45, 983 dounams étaient irrigués ou plantés ; 7475 dounams étaient consacrés aux céréales[1],[3].

Le village disposait de sa propre mosquée et d'une école primaire qui accueillait aussi les enfants du village tcherkesse voisin de al-Rihaniyya[1].

Affectation des terres à Alma, en dounams, en 1945[3],[29] :

Usage Superficie
Irrigation et plantation 983
Olives 750
Céréales 7475
Constructions 147
Cultivable 8458
Non-cultivable 10 893

Répartition de la propriété des terres avant l'occupation, en dounams[19] :

Propriété Dounams
Arabe 17 240
Juive 0
Publique 2 258
Total 19 498

Guerre de 1948 et expulsion

L’armée israélienne s’empare du village au cours de l’opération Hiram le 30 octobre 1948. L’historien israélien Benny Morris a retrouvé des archives montrant qu’Alma est le seul village de la région dont les habitants ont été expulsés alors qu’ils n’avaient offert aucune résistance[30]. Les massacres de Safsaf et de Jish avaient eu lieu à moins de 10 km les jours d’avant[2]. Le ministère des Minorités l’avait mis dans sa liste des villages qui n’ont pas résisté et qui ne seraient pas punis. C’est la septième brigade qui procède à l’expulsion[2].

Période israélienne

Le site du village arabe est entouré d’une clôture qui empêche l’accès aux ruines, recouvertes d’herbe[2]. En 1998, le nombre de descendants issus des habitants d’Alma expulsés en 1948 est estimé à 6767[31].

Un nouveau village israélien est implanté à proximité immédiate du site du village arabe. Ce moshav, également baptisé Alma, est fondé le 1er septembre 1949 pour accueillir des juifs de Libye. En 1953, un groupe de personnes converties au judaïsme, dit les juifs de San Nicandro, arrive d’Italie. Ils abandonnent ensuite Alma pour s’installer ailleurs. Ils sont alors remplacés par les juifs de Cochin[4].

Notes

Notes

  1. Le texte est : “יהי שלום על המקום הזה ועל כל מקומות עמו ישראל. אמן. סלה. אנה יוסה בר לוי הלוי אומנה דעבדת הדין שקופה”, qui se traduit par “Que la paix soit sur ce lieu et sur tous ceux du peuple d'Israël. Amen. Selah. Je suis Yose, fils de Levi, le Lévite, l'artisan qui a fait ce linteau.”

Références

  1. Khalidi, 1992, p. 432–433.
  2. « 'Alma — عَلْما », Interactive encyclopedia of the Palestine Question, consulté le 2 août 2025.
  3. Government of Palestine, Department of Statistics. Village Statistics, April, 1945., cité par Hadawi, 1970, p. 118 « https://web.archive.org/web/20150924152110/http://www.palestineremembered.com/download/VillageStatistics/Table%20II/Safad/Page-118.jpg »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), .
  4. (he) Mapa's concise gazetteer of Israel (Yuval El'azari (ed.)), Tel Aviv, Mapa Publishing, , 424 p. (ISBN 965-7184-34-7)
  5. Dauphin, 1998, p. 647
  6. Conder, Kitchener, 1881, SWP I, p. 220.
  7. Palmer, p. 66, 17, 61.
  8. (he) HaReuveni, Immanuel, Lexicon of the Land of Israel, Miskal - Yedioth Ahronoth Books and Chemed Books, (ISBN 965-448-413-7), p. 763
  9. Benjamin of Tudela in Thomas Wright. Early Travels in Palestine. Courier Corporation; 2003. (ISBN 978-0-486-42871-0). p. 89.
  10. Benjamin Z. Kedar, Holy Men in a Holy Land: Christian, Muslim and Jewish Religiosity in the Near East at the Time of the Crusades, London, Royal Holloway, University of London, coll. « Hayes Robinson Lecture Series No. 9 », , 21 p.
  11. (en) XXIII. ʿAlma, De Gruyter, , 146–149 p. (ISBN 978-3-11-071577-4, DOI 10.1515/9783110715774-031, lire en ligne )
  12. Schwarz, 1850, p. 385
  13. Petersen, 2005, p. 133.
  14. Guérin, 1880, p. 445-6
  15. Conder, Kitchener, 1881, SWP I, p. 196. Cité par Khalidi, 1992, p. 432.
  16. Schumacher, 1888, p. 189.
  17. Barron, 1923, Table XI, p. 41
  18. Mills, 1932, p. 105
  19. Government of Palestine, Department of Statistics. Village Statistics, April, 1945. Cité par Hadawi, 1970, p. 69 « https://web.archive.org/web/20110604235924/http://www.palestineremembered.com/download/VillageStatistics/Table%20I/Safad/Page-069.jpg »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), .
  20. Department of Statistics, 1945, p. 9
  21. Rhode, 1979, p. 188.
  22. Hütteroth and Abdulfattah, 1977, p. 177.
  23. Rhode, 1979, p. 6.« https://web.archive.org/web/20190420031504/https://www.academia.edu/2026845/The_Administration_and_Population_of_the_Sancak_of_Safed_in_the_Sixteenth_Century »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), écrit que le registre consulté par Hütteroth et Abdulfattah ne serait pas de 1595/1596, mais de 1548/1549.
  24. Petersen, 2005, p. 42.
  25. Robinson, Smith, 1841, vol 3, Second Appendix, p. 134.
  26. Finn, 1877, p. 108.
  27. Khalidi, 1992, p. 432.
  28. United Nations Conciliation Commission for Palestine, Village Statistics, April 1945, p. 4 « https://web.archive.org/web/20120609143136/http://domino.un.org/pdfs/AAC25ComTech7Add1.pdf »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), .
  29. Government of Palestine, Department of Statistics. Village Statistics, April, 1945. Quoted in Hadawi, 1970, p. 168 « https://web.archive.org/web/20141101214855/http://www.palestineremembered.com/download/VillageStatistics/Table%20III/Safad/Page-168.jpg »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), .
  30. Morris, 2004, p. 475.
  31. « Welcome To 'Alma - علما (עלמא) », Palestine Remembered, consulté le 2 août 2025.

Bibliographie

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