Équilibre des puissances en Europe
L'équilibre des puissances européennes ou équilibre européen désigne les relations internationales en Europe avant la Première Guerre mondiale, évoluant en la formation du système des États-nations européens. Le rôle d'équilibre des puissances en Europe est actuellement joué par l'Union européenne. Sa règle d'or est qu'aucune puissance ne doit pouvoir dominer une part importante du continent et encore moins atteindre le pouvoir absolu, ce but étant atteint par la présence d'un petit nombre d'alliances changeantes et en concurrence pour le pouvoir.
Histoire
Du XVIe au XVIIIe siècle
Aux XVIe et XVIIe siècles, la politique extérieure anglaise s'efforce d'empêcher la formation d'une unique monarchie universelle en Europe, et principalement la possibilité de sa formation par la France ou l'Espagne. Afin de maintenir l'équilibre des puissances, l'Angleterre forge des alliances avec d'autres États tels que le Portugal, l'Empire ottoman ou encore les Provinces-Unies pour contrer chaque menace. Ces alliances sont particulièrement importantes lors des guerres contre les rois de France Louis XIV et Louis XV. Les Anglais et les Hollandais se retrouvent souvent à payer de larges sommes pour financer les armées de leurs alliés européens.
Au XVIIIe siècle, ces pratiques mènent au terme de « quadrille majestueux », désignant la succession d'alliances entre les principales puissances européennes de l'époque : l'Autriche, la Prusse, la Grande-Bretagne et la France. Par ailleurs, de nombreux conflits ont lieu à cause de la volonté d'équilibre des puissances, telles que la guerre de Succession d'Espagne, la guerre de Succession d'Autriche, la guerre de Sept Ans, la guerre de Succession de Bavière ainsi que les guerres napoléoniennes. À la suite de la victoire britannique lors de la Guerre de Sept Ans, de nombreuses grandes puissances commencent à considérer la Grande-Bretagne comme une plus grande menace que la France, amenant plusieurs d'entre elles à intervenir lors de la guerre d'indépendance américaine, dans l'espoir de limiter sa puissance.
De 1792 à 1913
Les guerres de la Révolution et de l'Empire combinent une dimension idéologique, la lutte de la République française puis de la nouvelle monarchie de l'Empire français contre les monarchies de droit divin, à une politique plus traditionnelle de rivalité de puissances.
Pendant le XIXe siècle, dans le but d'établir une paix durable après les guerres napoléoniennes, le Concert européen tente de maintenir un certain équilibre entre les puissances. Les frontières établies par le Congrès de Vienne dureront, à l'instar de l'idée d'équilibre ; en effet, aucune agression majeure n'aura lieu pendant le reste de la première moitié du siècle[1]. Les quatre principales puissances vainqueurs de Napoléon y participent, soit le Royaume-Uni, l'Autriche, la Prusse et la Russie. La France, bien que vaincue et amputée de tous les territoires qu'elle avait conquis depuis 1792, va rapidement retrouver sa place dans la Sainte Alliance des monarchies, notamment à partir de 1823 quand elle intervient militairement en Espagne. L'équilibre des puissances est alors arbitré par l'Autriche, principale puissance conservatrice, par l'intermédiaire de Klemens Wenzel von Metternich, chancelier autrichien de 1821 à 1848. À tel point que l'on parle parfois de « l'Europe de Metternich » pour désigner la période. L'objectif des forces conservatrices est d'ancrer solidement l'Europe dans l'Ancien Régime et d'éviter toute nouvelle propagation des idées révolutionnaires.
Cependant, cette hégémonie des forces conservatrices va être mise à mal à partir de 1830. Des mouvements révolutionnaires agitent de nouveau le continent, notamment en Belgique et en France avec la Révolution des Trois Glorieuses des 27, 28 et . Ensuite, aucun nouveau Congrès ne sera appelé à revoir la disposition des États européens lors du Printemps des Peuples (1848) et des demandes de révision des frontières au profit des États-nations[2]. Alors qu'avant 1850 l'Europe est dominée par la France et la Grande-Bretagne, les années 1850 voient la croissance des puissances russe et prussienne. La guerre de Crimée en 1854 et 1855, puis la guerre d'Italie de 1859 détériorent les relations entre les grandes puissances[3]. Après 1870, l'essor de l'Empire allemand en tant que nation dominante amène son chancelier Otto von Bismarck à restructurer l'équilibre européen en créant de multiples alliances telles que la Triplice[4],[5].
De 1914 à 1945
Les systèmes d'alliance de la Triplice et de la Triple alliance, réunissant la France, la Russie et le Royaume-Uni, combinés avec une course aux armements, débouchent sur l'engrenage de la crise de juillet 1914 qui ouvre la Première Guerre mondiale : les États européens subissent des pertes humaines et matérielles sans précédent. La Russie révolutionnaire, devenue l'Union soviétique, se trouve temporairement marginalisée sur la scène internationale. L'Allemagne est désarmée par le traité de Versailles dont un des objectifs est d'abolir le concept d'équilibre des puissances apparu après le congrès de Vienne et de le remplacer par la Société des Nations, plus globale. Cependant, les États-Unis, arbitres de l'Europe au lendemain de la guerre, reviennent vite à leur politique traditionnelle d'isolationnisme et refusent d'adhérer à la SDN.
L'absence de consensus européen conduit à la formation de trois factions dans les années 1920 et 1930 : les États libéraux et démocrates, comme la France et le Royaume-Uni ; les États nationalistes et autoritaires, tels que l'Allemagne nazie et l'Italie de Mussolini, et enfin le bloc communiste représenté par l'URSS. L'échec des démocraties à empêcher l'agrandissement du Troisième Reich mène à la Seconde Guerre mondiale. Le pacte germano-soviétique de 1939 permet à l'Allemagne et ses partenaires de l'Axe de remporter la première phase de la guerre mais sa rupture en 1941, lors de l'opération Barbarossa, conduit à une nouvelle alliance entre l'Empire britannique et l'URSS à laquelle se joindront les États-Unis. De 1943 à 1945, l'Italie et les partenaires mineurs de l'Axe font défection, l'Armée rouge prend Berlin et établit des régimes prosoviétiques dans une grande partie de l'Europe.
Après 1945
Après la Seconde Guerre mondiale, les Alliés se divisent en deux blocs, et un nouvel équilibre émerge entre le bloc soviétique, le bloc occidental et les non-alignés. La majorité des démocraties européennes ainsi que le Canada et les États-Unis forment l'OTAN, une alliance militaire encore existante. Son premier secrétaire général, le Britannique Hastings Lionel Ismay, déclare que le but de cette organisation est « de garder les Russes dehors, les Américains à l'intérieur, et les Allemands au sol[6]».
La chute des régimes communistes en Europe, entre 1988 et 1991, met fin à la guerre froide et établit un nouvel équilibre international, dominé militairement par les États-Unis mais où l'Union européenne joue le rôle de régulateur. À partir de la fin du XXe siècle, les quatre membres les plus importants de l'Union européenne (le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Italie) sont les seuls représentants de l'UE au G7 et au G20. Le terme G4 est d'ailleurs utilisé pour désigner les réunions de leurs dirigeants. Alors que l'Allemagne est souvent considérée comme le leader économique de l'Union, la France et le Royaume-Uni, tous deux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, dirigent ce qui concerne la défense et les affaires étrangères, comme par exemple lors de la crise libyenne de 2011. Cet équilibre est cependant remis en cause à la suite du référendum sur le Brexit en 2016. Au niveau mondial, le retour en force de la Fédération de Russie et la montée de la Chine empêchent une hégémonie sans partage des puissances occidentales et l'invasion de l'Ukraine par la Russie, depuis 2022, montre la fragilité du nouvel équilibre européen.
Voir aussi
Notes et références
- ↑ Gordon Craig, "The System of Alliances and the Balance of Power." in J.P.T. Bury, ed., The New Cambridge Modern History, Vol. 10: The Zenith of European Power, 1830-70 (1960) p 266.
- ↑ Paul W. Schroeder, The Transformation of European Politics: 1763–1848 (1996) p 800.
- ↑ René Albrecht-Carrié, A diplomatic history of Europe since the Congress of Vienna (1958) pp 65-68, 84-106.
- ↑ Erich Eyck, Bismarck and the German Empire (1964) pp 58-68
- ↑ René Albrecht-Carrié, A diplomatic history of Europe since the Congress of Vienna (1958) pp 163-206.
- ↑ Reynolds 1994, p. 13.
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « European balance of power » (voir la liste des auteurs).
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