Massacre des puits de Guerry
| Massacre des puits de Guerry | |
| Remontée des corps des victimes | |
| Type | Shoah en France |
|---|---|
| Pays | France |
| Localisation | lieu-dit : Guerry, commune de Savigny-en-Septaine (Cher) |
| Coordonnées | 47° 02′ 42″ nord, 2° 33′ 41″ est |
| Organisateur | État français |
| Date | - |
| Participant(s) | Milice française |
| Bilan | |
| Morts | 36 |
| Répression | |
| Arrestations | 37 |
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Le massacre des puits de Guerry est la mise à mort de 36 Juifs commises par la Milice française en et au lieu-dit Guerry à Savigny-en-Septaine, dans le sud-est du département du Cher. C'est l'un des plus importants massacres ayant eu lieu en France sous l'Occupation, après ceux d'Argenton-sur-Creuse, de Maillé ou d'Oradour-sur-Glane.
Historique
Des exactions sont commises par la Milice française sur tout le territoire, en représailles de l'exécution du collaborateur Philippe Henriot le par un commando de la Résistance. Un groupe de miliciens dirigés par Joseph Lécussan et la Gestapo, soutenus par la Propagandastaffel, au sein de laquelle Pierre de Varga semble être infiltré par la Résistance[1], arrêtent dans la nuit du au et transportent à Bourges, dans la prison du Bordiot, 70 personnes. Ces dernières représentent la quasi-totalité de la communauté juive de Saint-Amand-Montrond. Il s'agit pour la plupart d'Alsaciens-Lorrains, réfugiés depuis l'automne à Saint-Amand, sous-préfecture du département du Cher, et dans ses environs, cette partie du département du Cher étant en zone non occupée. Ils y ont vécu pendant cinq ans dans une relative sécurité.
Sur trois jours, 36 de ces personnes, hommes et femmes de 16 à 85 ans, sont tués sur le site des puits de Guerry[2],[3],[4] :
- Le , 26 hommes sont entassés dans une camionnette qui les conduit à une ferme au lieu-dit Guerry, dans la commune de Savigny-en-Septaine. Les hommes sont appelés à sortir de la camionnette par groupes de 6. Ils sont jetés, vivants pour la plupart, dans l'un des puits très profonds de la ferme. Un des prisonniers, Charles Krameisen, réussit à s'enfuir ; il court jusqu'à la ferme de la famille Guillaumin où il reste caché dans la grange trois jours, avant de repartir vers Saint-Just, à 13 km, aidé par Monsieur Guillaumin et Monsieur Mathurin, le boucher du village qui dans sa camionnette, le fera passer en zone libre[5].
- Le , 3 hommes sont assassinés, de manière semblable, dans un second puits de la ferme.
- Le , 8 femmes subissent le même sort, certaines portant des traces de violence sadique[6].
Dans les trois cas, les assassins jettent des sacs de ciment et des grosses pierres sur les corps pour les écraser et masquer leur présence[7].
Après la Libération, le témoignage du seul survivant, Charles Krameisen, permet de retrouver le lieu du drame et les corps des victimes, identifiées le [4].
Liste des victimes
Les victimes par ordre alphabétique[8] et chronologique[9] :
- :
- Bernheim-Dennery, Fernand ou Bernheim, Fernand[9], né le à Rouen (Seine-Inférieure) (76 ans)
- Brunschwig, Armand, né le à Lorrach[9] (Bade, Allemagne) (72 ans)
- Davidovici, Maier, né le à Bucarest (Roumanie) (51 ans)
- Davidovici, Sylvain, né le à Paris (16 ans)
- Dreyfuss, Isaac, né le à Soultz (Haut-Rhin) (85 ans)
- Grumbach, Élie, Raymond, né le à Porrentruy (Suisse) (41 ans)
- Halkain, Salomon, né le ou le [9] à Schobin (Russie) (52 ans)
- Halkain, Charles, né le à Paris (23 ans)[note 1]
- Jeankelowitsch Pierre ou Jankelowitsch[9], Pierre, né le à Nancy (Meurthe-et-Moselle) (53 ans)
- Kahn, Lucien, né le à Dettwiller (Bas-Rhin) (56 ans)
- Klein, Adolphe, né le ou le [9] à Ingwiller (Bas-Rhin) (53 ans)
- Lévy, Gaston, né le à Nancy (Meurthe-et-Moselle)[note 2]
- Lévy, Salomon, né le à Ingwiller (Bas-Rhin) (69 ans)
- Méchel, Marck[10] ou Mechel, Marc[9], né le à Livan (Pologne) (40 ans)
- Metzger, Michel, né le à Buswiller (Bas-Rhin) ou Ingwiller (Bas-Rhin)[9] (72 ans)
- Nathan, Léon, né le à Paris (68 ans)
- Rosenfeld, Alexandre, né le à Coarodera (Roumanie) (41 ans)
- Salomon, Salomon, né le à Strasbourg (Bas-Rhin) (43 ans)
- Smoliack, Charles, né le à Paris (53 ans)
- Strauss, Simon, né le à Mommenheim (Bas-Rhin) (47 ans)
- Walewyk, Marcel ou Walewik, Marcel[9], né le à Aix-les-Bains (Savoie) (16 ans)
- Weill, Edmond, né le à Strasbourg (Bas-Rhin) (75 ans)
- Weill, Fernand, né le à Paris (45 ans)
- Weill, Gédéon, né le à Ingwiller (Bas-Rhin) (51 ans)
- Wolf, Félix, né le à Hoenheim (Bas-Rhin) (67 ans)
- :
- Juda, André, né le à Bliesbruck (Moselle) (59 ans)
- Seïden, Mojzesz Maurice ou Seiden, Mojzesz[9], né le à Rzeszow (Pologne) (31 ans)[note 3]
- Juda, Georges, né le à Bliesbruck (Moselle) (51 ans)[11]
- :
- Billou, Germaine (née Guetesmann), née le dans le 4e arrondissement de Paris (49 ans)
- Jeankelowitsch, Fanny ou Jankelowitsch[9], Fanny (née Blum), le à Vierzon (Cher) (45 ans)
- Krameisen, Marthe (née Kupferman), née le à Sieniawa (Pologne)[12],[13] (51 ans)
- Lang, Jeanne (née Weill), née le à Reims (Marne) (68 ans)
- Lévy, Mina (née Maïs), née le ou le [9] à Ingwiller (Bas-Rhin) (60 ans)
- Smoliack, Blanche, née le dans le 5e arrondissement de Paris (66 ans)
- Strauss, Colette, née le à Paris (16 ans)
- Wolf, Alphonsine, (née Weill), née le à Strasbourg (Bas-Rhin) (53 ans)
Jugement des crimes
La tragédie des puits de Guerry peut être considérée comme un épisode de la Shoah en France[14] et un exemple parmi des centaines qui témoignent de l'atrocité du génocide des Juifs entrepris par les nazis en France avec l'aide de milices françaises[2].
Un des responsables du massacre est Pierre Paoli, agent français naturalisé allemand du SIPO-SD de Bourges (sous les ordres de Erich Hassé), est condamné à mort[15] et exécuté le à Bourges[16].
Mais le massacre est ordonné par Friedrich Merdsche (de) dit Fritz, Kommandeur (Kommandeur der Sicherheitspolizei und des SD : KdS) de la SIPO-SD d'Orléans[17] qui est installé au no 20, rue Alsace-Lorraine. Pour cacher ces crimes contre l'humanité, cet ordre est secret[18]. Considéré comme responsable de la déportation de près de mille deux cents personnes, il est condamné deux fois à mort par contumace en France. Les tentatives pour obtenir qu'il soit rejugé en Allemagne n'ont jamais abouti. Il est décédé en à son domicile en Allemagne[19].
Joseph Lécussan, chef local de la Milice, est responsable aussi du massacre. Il est jugé et condamné à mort à Lyon le et passé par les armes le suivant.
Lécussan a été assisté de Roger Thevenot, chef départemental de la Milice pour la zone nord du Cher, qui sera abattu de 4 coups de revolver par un homme à bicyclette à l'angle de la rue Calvin et du boulevard de la République le .
Hommage aux victimes du nazisme et des collaborationnistes français
Encore aujourd'hui, un hommage est rendu aux victimes de cette tragédie par des commémorations[20],[21].
Notes et références
Notes
- ↑ Il est écrit par erreur dans Klarsfeld 2012, pour la date de sa mort : au lieu de .
- ↑ Il s'agit du militant socialiste Gaston Lévy, voir Justinien Raymond, « LÉVY Gaston, Salomon », Le Maitron, sur maitron.fr, , dernière modification le . Il y a dans Klarsfeld 2012, un Lévy, Gaston, né le à Lambach et mort le à Seillon (Ain), mais sans relation avec la localité de Guerry dans le Cher.
- ↑ Il est un médecin et un résistant. Son épouse, Sulamite Seiden (30 ans) et sa fille Irène (3 ans) sont arrêtées le à leur domicile de Blancafort par la Feldgendarmerie d'Aubigny-sur-Nère. Elles sont déportées par le convoi no 76 du , de Drancy vers Auschwitz, où elles sont assassinées à leur arrivée. Voir Ribault 2005.
Références
- ↑ Michel Bôle-Richard, « Pierre de Varga va être libéré », Le Monde, .
- « La tragédie des puits de Guerry : Un événement majeur de la Shoah en France », sur yadvashem-france.org, Comité français pour Yad Vashem (version du sur Internet Archive).
- ↑ Bernard Stéphan, « À Guerry près de Bourges la souffrance de la mémoire », sur leberry.fr, Le Berry républicain, .
- Bonnin 2011.
- ↑ Claude Passepont, « Tragédie des puits de Guerry », sur pupille-orphelin.fr, .
- ↑ Ribault 2005.
- ↑ La tragédie de Guerry, près Bourges, Cher 1995.
- ↑ Bonnin 2016.
- Klarsfeld 2012.
- ↑ Annie Pennetier, « MECHEL Marck », Les Fusillés (1940-1944), sur fusilles-40-44.maitron.fr.
- ↑ Nom listé par Klarsfeld 2012.
- ↑ La date de sa mort n'est pas précisée dans Klarsfeld 2012.
- ↑ (en) Hervé Krameisen, « Hear Them Speak : The Stories of Holocaust Survivors », sur 19jlipsey.wixsite.com : ici, la date mentionnée est le .
- ↑ Stéphane Amélineau, La Shoah en Soissonnais : Journal de bord d'un itinéraire de mémoire, Iggybook, , 568 p. (ISBN 978-2-304-04689-2, lire en ligne).
- ↑ Roland Narboux, « Le sinistre Paoli, criminel de Bourges », sur encyclopedie-bourges.com (consulté le ).
- ↑ « La tragédie des puits de Guerry », sur tampow3945.com (version du sur Internet Archive).
- ↑ Jacques Gimard, Trompe-la-mort : Les cahiers secrets de Pierre Paoli, agent français de la Gestapo, Brimont, Éd. Qui lit vit, , 318 p. (ISBN 978-2-919760-04-6).
- ↑ Jean-Claude Bonnin, « La découverte d'un crime monstrueux », dans le CD-ROM La Résistance dans le Cher, Association pour des études sur la résistance intérieure (AERI), , repris dans « Remontée des corps aux puits de Guerry », sur museedelaresistanceenligne.org, Fondation de la Résistance (consulté le ).
- ↑ « L'annonce de la mort de l'ancien chef de la Gestapo d'Orléans Le nazi oublié », Le Monde, (consulté le ).
- ↑ Virginie Mayet, « Le massacre de aux puits de Guerry sera commémoré le mercredi », sur leberry.fr, Le Berry républicain, (consulté le ).
- ↑ « Exposition temporaire au CDI : un épisode de la Shoah – la tragédie de Guerry », sur lycee-zeller-bouxwiller.fr, Lycée Adrien-Zeller de Bouxwiller (version du sur Internet Archive).
Voir aussi
Bibliographie
Ouvrages
- La tragédie de Guerry, près Bourges, Cher (préf. Gustave Sarrien, Isaïe Schwartz et Joseph-Charles Lefèbvre), Bourges, Comité berrichon du souvenir et de la reconnaissance, , 47 p. (BNF 32621469).
La tragédie de Guerry, près Bourges, Cher, Vierzon, Comité du souvenir de la tragédie des puits de Guerry, , 63 p. (BNF 35815811). - Serge Klarsfeld, Le Mémorial de la déportation des Juifs de France, Paris, Beate et Serge Klarsfeld, .
Serge Klarsfeld, Mémorial de la déportation des Juifs de France (nouv. éd., mise à jour, avec une liste alphabétique des noms), Paris, FFDJF (Fils et filles de déportés juifs de France), , XX-812 p. - Serge Klarsfeld, La Shoah en France, Paris, Fayard, , 4 vol. (ISBN 2-213-60183-6, 2-213-61049-5, 2-213-61051-7 et 2-213-61052-5).
- Tzvetan Todorov, Une tragédie française, été : scènes de guerre civile, Paris, Le Seuil, coll. « L'histoire immédiate », , 247 p. (ISBN 2-02-022268-X) ; nouv. éd. rev. et corr. coll. « Points / Essais » (no 523), , 169 p. (ISBN 2-020-67920-5).
- Tzvetan Todorov et Annick Jacquet, Guerre et paix sous l'Occupation : témoignages recueillis au centre de la France, Paris, Arléa, diff. Seuil, , 221 p. (ISBN 2-86959-280-9).
Conférences
- Jean-Claude Bonnin (secrétaire de l'association des amis du Musée de la Résistance et de la Déportation du Cher), « La tragédie des puits de Guerry » [PDF], sur resistance-deportation18.fr, musée de la Résistance et de la Déportation du Cher, (version du sur Internet Archive).
- Jean-Yves Ribault (ancien directeur des Archives départementales du Cher), « La tragédie des puits de Guerry (été ) : étapes, rouages et mobiles d'une répression raciale » [PDF], La répression en France à l'été : actes du colloque organisé par la Fondation de la Résistance et la ville de Saint-Amand-Montrond à Saint-Amand-Montrond le mercredi , sur fondationresistance.org, Fondation de la Résistance, (version du sur Internet Archive).
Articles connexes
- Shoah
- Liste de massacres perpétrés par les forces allemandes en France durant la Seconde Guerre mondiale
- Crimes de guerre de la Wehrmacht
- Bourges pendant la Seconde Guerre mondiale
Liens externes
- Jean-Claude Bonnin, « Savigny-en-Septaine (Cher), puits de Guerry, - », Le Maitron, sur maitron.fr, , dernière modification le .
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