Thuân

Thuận
photo prise en 2016
Naissance
Hung Yên (Vietnam)
Activité principale
romancière, traductrice
Auteur
Langue d’écriture vietnamien, français
Genres
roman

Thuận (Đoan Ánh Thuận) est une écrivaine et traductrice française d'origine vietnamienne. Ses œuvres sont pour la plupart écrites en vietnamien et traduites en français. Son dernier roman, B-52 ou celle qui aimait Tolstoï, a été écrit directement en français[1].

Biographie

Née au Viêt Nam en 1967, après son baccalauréat, Thuận obtient une bourse pour étudier les littératures russe et anglaise en Russie où elle reste cinq ans. Arrivée en France en 1991, elle poursuit des études littéraires à Paris, à la Sorbonne. Elle est la sœur jumelle de l'universitaire Doan Cam Thi, professeure en littérature vietnamienne à l'INALCO, qui est également la traductrice de ses œuvres à plusieurs reprises. Elle est mariée au peintre vietnamien Trần Trọng Vũ.

Installée aujourd'hui à Antony (Hauts-de-Seine), Thuận est auteure de dix romans dont sept ont été traduits en français (au Seuil, aux éditions Riveneuve et Actes Sud). Son roman Un avril bien tranquille à Saigon est interdit par la censure vietnamienne en 2015.

Elle reçoit le prix de l'Union des écrivains du Vietnam en 2006[2], la Bourse de Création du Centre national du livre en 2013 et en 2020 et le PEN Translates Award pour son roman Chinatown qui fait partie également de la sélection des meilleurs livres de l'année 2022 du journal américain The New Yorker[3] et obtient le National Translation Award 2023 aux Etats-Unis[4]. Elle est finaliste du prix Republic of Consciousness 2023 pour le même roman[5].

Thuận fait partie des écrivains vietnamiens[6] qui voyagent et partagent leur vie entre plusieurs pays. Ses romans font l'objet de recherches dans les universités vietnamiennes[7], françaises[8] et américaines[9] pour son écriture novatrice, parfois dérangeante par son humour.

Elle est également traductrice de Jean-Paul Sartre, Patrick Modiano et Michel Houellebecq en langue vietnamienne.

Littérature de l’exil

L’exil est le thème principal dans l’écriture de Thuận. De livre en livre, elle dessine la nouvelle configuration du monde tel qu’il se présente depuis la fin de la Guerre Froide, la disparition de l’Union soviétique et la montée en puissance de la Chine. Ses livres sont des carnets d’errance comme le suggèrent leurs titres – Chinatown, L’Ascenseur de Saïgon, T. a disparu, Un Avril bien tranquille à Saïgon, Paris 11 Août, Lettres à Mina – où l’on déambule entre Hanoi, Saïgon, Paris, Moscou, Pékin, Pyongyang, Séoul, Kaboul, Pyatigorsk, Odessa, Tchétchénie... Ses personnages fuient le Vietnam, leur terre natale, à tout prix et par tous les moyens.

Le Parc aux roseaux

Dans Le Parc aux roseaux, à la fin des années 2000, la narratrice, une jeune Vietnamienne, abandonne ses études littéraires à la Sorbonne, quitte son amant français et rentre dans son pays. Elle y retrouve son père qui a tenté trente ans auparavant d’insuffler à la construction du socialisme vietnamien l’enthousiasme de Mai 68 qu’il avait lui-même vécu pendant sa jeunesse en France, avant de voir son rêve se briser sur la réalité locale. Elle y découvre également sa sœur devenue femme d’affaires accomplie, symbole de l’émergence de la nouvelle nomenklatura dans une société marquée par les blessures de la guerre, la corruption et le monopartisme. Entre un père aimant mais autoritaire, idéaliste mais blasé, et une sœur riche mais stérile, parvenue mais amère, entre ces deux Vietnam, la narratrice, profondément attachée à sa quête de liberté, refuse de choisir et repart finalement pour Paris.

Le Parc aux roseaux est le septième livre de Thuận traduit en français. Imprimé au Vietnam en 2022, il a été ensuite interdit de diffusion dans le pays[10]. Il est traduit du vietnamien par Yves Bouillé.

B-52 ou celle qui aimait Tosltoï

Fin décembre 1972, à la veille des Accords de paix de Paris mettant fin à la guerre du Vietnam qui avait opposé depuis près de dix ans le Nord aidé par Moscou et le Sud soutenu par Washington, les Etats-Unis ont décidé de bombarder le Nord-Vietnam et de « le ramener à l’âge de la pierre »[11], dans l’espoir d’obtenir des conditions qui leur seraient avantageuses.

Après ses études de médecine à Leningrad, la narratrice est rentrée à Hanoi, capitale du Nord-Vietnam, et s’est vu confier par la direction de la Prison Centrale une mission particulière : soigner un prisonnier américain dont l’avion avait été abattu. Fascinée par le jeune homme du nom d’Andreï Bolkonski, célèbre héros de Guerre et Paix, elle l’a sauvé non seulement en lui donnant des soins mais aussi en lui apportant des pages déchirées de ce roman qu’elle avait rapporté de Leningrad. Unis l’un à l’autre par une même passion pour Tolstoï, ils sont tombés amoureux, et ce malgré les hurlements des B-52, l’étroite surveillance du pouvoir communiste et une séparation inévitable dès la signature des Accords de Paris.

Vingt ans plus tard, leur éloignement s’est accru. Elle habite Paris où elle erre entre hôpitaux et prisons, pour soigner aussi bien les victimes que les criminels. Il réside à Little Odessa aux Etats-Unis et s’est lancé dans une carrière politique pour devenir le premier sénateur américain d’origine russe. Elle n’est pas mariée et a plusieurs amants. Il a une femme et deux enfants. Elle veut oublier la guerre mais s’éprend d’un jeune homme, autrefois victime des bombardements américains de Hanoi. Il fait de son expérience de la guerre du Vietnam son meilleur argument électoral, soucieux de séduire avant tout les immigrés venus de l’URSS. Elle vit dans la solitude, renonçant aux enfants et à la cuisine. Il passe son temps à plaire, préparant des spécialités russes du goût de ses électeurs. Elle aime toujours Tolstoï. Il ne pense qu’aux suffrages.

Romans

  • Made in Vietnam, Van Moi éditions, 2002
  • Chinatown, Da Nang éditions, 2005
    français : Chinatown, traduit par Doan Cam Thi, Seuil, 2009[12]
  • Paris 11 tháng 8, Nha Nam éditions, 2005
    français : Paris 11 août, traduit par Yves Bouillé, Riveneuve, 2014
  • T mất tích, Nha Nam éditions, 2007
    français : T. a disparu, traduit par Doan Cam Thi, Riveneuve, 2012
  • Vân Vy, Nha Nam éditions, 2008
  • Thang máy Sài Gòn, Nha Nam éditions, 2013
    français : L'Ascenseur de Saïgon, traduit par l’auteur et Janine Guillon, Riveneuve, 2013
  • Chỉ còn 4 ngày là hết tháng 4, Nha Nam éditions, 2016
    français : Un avril bien tranquille à Saigon, traduit par Yves Bouillé, Riveneuve, 2017[13]
  • Thư gửi Mina, Phan Book, 2019
    français : Lettres à Mina, traduit par Yves Bouillé, Riveneuve, 2020
  • Sậy, Phan Book, 2023
    français : Le Parc aux roseaux, traduit par Yves Bouillé, Actes Sud, 2023
  • B-52 ou celle qui aimait Tolstoï, Actes Sud, 2025
    Premier roman écrit en français

Notes et références

  1. « « B-52 ou celle qui aimait Tolstoï », par Thuận : l’insoutenable légèreté des bombes », sur L'Obs, (consulté le )
  2. ESCoM, « AAR - Les Archives audiovisuelles de la recherche », sur archivesaudiovisuelles.fr (consulté le ).
  3. (en-US) « The Best Books of 2022 », The New Yorker, (consulté le ).
  4. « La romancière vietnamienne Thuân reçoit le National Translation Award 2023 », sur Actualitté, (consulté le )
  5. « https://twitter.com/PrizeRofc/status/1636468630518128640?s=20 », Twitter (consulté le ).
  6. Au rez-de-chaussée du paradis : récits vietnamiens 1991-2003, réunis, traduits et présentés par Doan Cam Thi, Editions Picquier, 2005
  7. (vi) [1]Cấp độ liên kết và trần thuật trong tiểu thuyết của Thuận, Vũ Thị Hạnh, Tạp chí Khoa học và Công nghệ, số 96, pp. 155-161, [PDF].
  8. Michela Nessi, « La représentation de la condition migrante dans Thư gửi Mina [Lettres à Mina] de Thuận », Moussons. Recherche en sciences humaines sur l'Asie du Sud-Est, no 39,‎ , p. 131-149 (ISSN 1620-3224, DOI 10.4000/moussons.9445, lire en ligne, consulté le ).
  9. (en) Anh Thang Dao, « Living Without Quê: The Ethnic Minority and Freedom in Thuận's Chinatown », Journal of Vietnamese Studies, vol. 7, no 3,‎ , p. 55-79 (ISSN 1559-372X, DOI 10.1525/vs.2012.7.3.55, lire en ligne, consulté le ).
  10. « De Paris à Saïgon, les jeux de miroirs de la romancière Thuận », sur L'Obs, (consulté le )
  11. (en-US) « Hero pilot remembers Operation Linebacker II 50 years on », Vietnam News, (consulté le ).
  12. « Littérature & censure : au Vietnam, le mois d'avril est tabou », sur Bibliobs, (consulté le )
  13. Doan BUI, BibliObs 26 janvier 2018

Articles connexes

  • Augustin Trapenard, Magazine littéraire N°485, avril 2009, Chinatown de Thuận
  • Jean-Claude Pomonti, Le Monde Diplomatique, août 2009, Les parias du Vietnam [2]
  • Doan Cam Thi, La Revue des Ressources, août 2010, Thuận ou le roman comme recherche [3]
  • Jean-Pierre Han, Les lettres françaises, octobre 2020, Une fête pour l’esprit
  • Benoît Robert, Ouest-France, 20 avril 2021, Saint Nazaire. Les mots de Thuận, enfant de l'ère soviétique [4]
  • Florence Noiville, Le Monde des Livres, 20 avril 2023, Le Parc aux roseaux
  • Marie Jouvin, LIRE, 27 avril 2023, Saïgon superficiel
  • Sylvie Bressler, Esprit, juillet-août 2023, Le Parc aux roseaux de Thuận [5]
  • Valentin Hiegel, Mediapart, 16 mars 2025, Tolstoï sous les bombes ou derrière les barreaux
  • Patricia Reznikov, LIRE, avril 2025, Les cœurs captifs
  • Gilles Heuré, Télérama, 16 avril 2025, Entre Hanoï et Paris, un récit pudique teinté d’humour [6]


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