Taller de Gráfica Popular
Le Taller de Gráfica Popular (traduisible par Atelier d'arts graphiques populaires) est un collectif d'artistes graveurs fondé au Mexique en 1937 par les artistes Leopoldo Méndez, Pablo O'Higgins et Luis Arenal Bastar. Le collectif a pour objectif principal d'utiliser l'art pour faire avancer les causes sociales révolutionnaires. L'imprimerie est devenue une base d'activité politique et de production artistique abondante, et a attiré de nombreux artistes étrangers comme collaborateurs.
Histoire
Création de l'Atelier
Le Taller de Gráfica Popular (Atelier d'Arts graphiques Populaire) est fondé en 1937 par les graveurs mexicains Leopoldo Méndez, Pablo O'Higgins et Luis Arenal Bastar à la suite de la dissolution de la Liga de Escritores y Artistas Revolucionarios (es) (LEAR, Ligue des écrivains et des artistes révolutionnaires), un groupe d'artistes créé en 1933 qui a soutenu les objectifs de la Révolution mexicaine[1],[2]. Initialement appelé Taller Editorial de Gráfica Popular (Atelier éditorial d'arts graphiques populaires), ses fondateurs s'appuient sur une riche tradition de gravure au Mexique, notamment sur l'héritage de José Guadalupe Posada et Manuel Manilla ; il émerge aussi dans la foulée du succès du mouvement muraliste mexicain[1] et dans le contexte d'un pays en ébullition dans lequel se côtoient l'art et la révolution[3]. Plusieurs artistes rejoignent ce noyau original, dont Alberto Beltrán, Alfredo Zalce, Ángel Bracho (en), Gonzalo de la Paz-Pérez[a], Ignacio Aguirre, Isidoro Ocampo (en), Jean Charlot, Mariana Yampolsky, Raúl Anguiano, Francisco Mora (en) et Rufino Tamayo[1],[5].
L'Atelier est le premier atelier artistique autosuffisant du Mexique à créer et à publier ses propres œuvres, grâce à leur maison d'édition appelée La Estampa Mexicana. Leurs travaux ont des objectifs variés, certains ouvertement politiques, d'autres comiques et d'autres purement artistiques[5]. Leur première production est une série d'affiches pour la Confédération des travailleurs du Mexique, fondée une année avant. L'Atelier réalise aussi un calendrier comportant douze lithographies pour l'Université Ouvrière du Mexique (es)[1].
Le Taller de Gráfica Popular inscrit dans ses statuts dès mars 1938 l'intention du collectif de produire un art et des listes antifascistes et anti-réactionnaires. Parmi les vingt-trois clauses, il est demandé aux membres de participer à des réunions d'affaires hebdomadaires ainsi qu'à des critiques régulières du travail collectif[1].
Léopoldo Méndez est le premier directeur de l'Atelier et occupe ce poste jusqu'en 1952, tandis que l'architecte suisse Hannes Meyer, qui a vécu à Mexico de 1939 à 1949, dirige la maison d'édition du collectif, La Estampa Mexicana (L'estampe mexicaine)[1].
| Image externe | |
| Cárdenas and the Expropriation of Oil, de Pablo O'Higgins (1952, Cleveland Museum of Art). | |
Pendant la présidence de Lázaro Cárdenas, les travaux du Taller soutiennent certaines politiques gouvernementales, notamment l'expropriation du pétrole (es).[réf. nécessaire]
Apogée de l'Atelier dans les années 1940
En 1940, le muraliste David Alfaro Siqueiros, proche de Staline, lance une attaque armée contre la résidence du combattant révolutionnaire russe en exil Léon Trotsky, que le dirigeant russe a qualifié de contre-révolutionnaire. Il utilise pour cela le Taller comme base d'opérations et certains des jeunes artistes de l'atelier font partie de l'escadron ; Trotsky en ressort indemne. L'Atelier est brièvement fermé par les autorités et son directeur, Méndez, est emprisonné, bien que n'ayant pas été impliqué dans l'attaque. Méndez et Siqueiros sont restés dans de très mauvais termes après cela, et ce dernier a critiqué le manque d'engagement de l'Atelier pour la cause, qui est pourtant resté proche de l'Union soviétique dans les années 1940, critiquant le fascisme et le nazisme[3]. C'est aussi la période la plus prolifique et de meilleure qualité des œuvres produites dans l'Atelier[1],[3].
Des artistes étrangers vont aussi travailler et étudier au Taller, notamment Mariana Yampolsky, la première femme membre du Taller (1945-1960), et Elizabeth Catlett (1946-1966) ; toutes deux ont pris la nationalité mexicaine[6]. Pendant le mouvement américain des droits civiques, des artistes chicanos et afro-américains produisent des œuvres à l'Atelier. Celui-ci devient une source d'inspiration pour de nombreux artistes de gauche politiquement actifs ; par exemple, le peintre expressionniste américain Byron Randall fonde des collectifs d'artistes similaires, comme le Graphic Arts Workshop, après être devenu un membre associé[7],[8],[9].
Déclin à partir des années 1950
Après la mort subite de l'artiste José Clemente Orozco en 1949, l'Atelier se désunit peu à peu et perd de nombreux membres[1]. Peu avant de quitter lui aussi le collectif, Méndez reçoit en 1952 le prix international de la paix du Conseil mondial de la paix en reconnaissance de sa production artistique anti-guerre. L'artiste demande que le prix soit partagé avec l'ensemble du collectif Taller de Gráfica Popular[1].
L'Atelier souffre de l'instabilité économique et se voit fermer, rouvrir et être déplacé à plusieurs reprises[3]. Après que l'Atelier ferme et est abandonné au tournant des années 1960, Jesús Álvarez Amaya, devenu membre en 1955, ainsi que d'autres artistes décident de réactiver l'organisation en 1967, en obtenant les clés de l'installation, en la réhabilitant et en travaillant pour attirer de jeunes artistes[10]. Álvarez Amaya devient coordinateur général provisoire du Taller de 1967 à 1987, date à laquelle il s'autoproclame coordinateur à vie[11].
Pendant le soulèvement étudiant de 1968, Álvarez dirige le groupe dans la création de centaines d'affiches[12]. Cela conduit à la répression du groupe entier, mais il peut rouvrir en 1969, l'organisation comprenant des écrivains et des artistes tels que Jaime Sabines, Rubén Salazar Mallén (d), Efraín Huerta (es), Thelma Nava (es), Roberto López Moreno (d), Xorge del Campo (d), Dionicio Morales (en), Gerardo de la Torre (es), René Avilés Fabila (es) et Manuel Blanco Méndez (es). L'organisation connaît un nouveau déclin dans les années 1970 et doit déménager à plusieurs reprises[10].
Álvarez Amaya maintient les archives de l'Atelier, souvent avec son propre argent, jusqu'à ce que le maire de Mexico, Cuauhtémoc Cárdenas, fasse don du bâtiment où se trouve l'Atelier depuis 2000, au 46, Manuel Villada, à Mexico[3],[10],[13].
Quoiqu'ayant une activité désormais très réduite, l'Atelier et le collectif sont toujours actifs[1],[3],[13]. Il étend sa portée dans le pays en créant des ateliers associés à Uruapan et Pátzcuaro, ainsi qu'à l'international : aux États-Unis (New York et San Francisco), au Brésil et en Italie[1].
Engagement politique
Dans un contexte où la fondation de l'Atelier se fait juste avant l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale, les préoccupations politiques de ses membres portent aussi bien sur les sujets nationaux, tels que les réformes non réalisées de la Révolution mexicaine, qu'internationaux, prenant fait et cause des injustices et des atteintes aux droits humains produites en Europe et dans le reste du monde[1],[3].
La plupart des membres du Taller de Gráfica Popular appartiennent au Parti communiste mexicain et leur engagement politique se ressent fortement dans leur art, en adoptant une forme de réalisme social (es). Ils produisent des affiches, des brochures et des illustrations de magazines en faveur des syndicats ouvriers ou dont le contenu est clairement antifasciste et anti-réactionnaire[1].
Afin de rendre leurs contenus abordables et ainsi plus démocratiques, le collectif produit des œuvres à moindre coût ; c'est ainsi que les linogravures monochromes sont le média privilégié[1].
Travaux
Estampes
À son apogée, l'atelier se spécialise dans les estampes de linogravure et de gravure sur bois. Elle produit des affiches, des pamphlets, des brochures et des éditions de portfolio[14],[1]. L'art soutient des causes telles que l'antimilitarisme, l'union des travailleurs et l'antifascisme[1].
Les œuvres sont souvent réalisées en collaboration. En outre, l'atelier adopte la pratique anti-commerciale de ne pas numéroter les tirages[3],[b]. Malgré cela, elle vend des tirages tout au long de son existence[15]. Les sujets sont principalement des scènes très figuratives et narratives aux formes lourdes et très contrastées dans un espace comprimé[1].
La Estampa Mexicana
Sous la marque La Estampa Mexicana, la maison d'édition qu'il a créée, le Taller de Gráfica Popular produit des affiches de héros et de la culture mexicaine et des mouvements de la gauche politique mexicaine et internationale. Fortement influencé par les tons esthétiques et politiques de l'œuvre de José Guadalupe Posada, il donne également naissance à une nouvelle génération de calaveras, une tradition mexicaine qui consiste à caricaturer les hommes politiques et autres personnalités populaires par le biais de rimes simples et de caricatures de ces personnages réduits à l'état de squelettes[1]. En plus des sujets directs linogravés, l'Atelier s'appuie sur la solide tradition de la lithographie du XIXe siècle du Mexique pour la diffusion des Penny Presses ainsi que le mouvement des affiches agitprop du début du XXe siècle en Union soviétique[1].
La Estampa Mexicana a aussi publié des ouvrages, parmi lesquels[1] :
- Juan de la Cabada (es), Incidentes melódicos del mundo irracional (1946), illustré par Méndez
- Bernardo Ortiz de Montellano (es), El sombrerón (1946)
- VV. AA., Las estampas de la revolución mexicana (1947). Inclut 85 images sous-titrées dans un ensemble de 550 linogravures qui racontent l'histoire riche en changements politiques du Mexique du XIXe siècle aux années 1940. L'ouvrage a eu un grand succès et est souvent cité, notamment pour ses sujets sur la lutte pour les réformes en faveur des droits des paysans.
- Mariana Yampolsky, La guerra nuclear tranformaría al mundo en un campo desolado (1958). Un ouvrage qui traduit les préoccupations des membres du collectif vis-à-vis de la guerre froide, après la Seconde Guerre mondiale[16].
Conservation
Influence et postérité, le fonds TGP du centre Pompidou
En Espagne, le réseau de collectifs d'artistes Estampa Popular s'inspire notamment du Taller de Gráfica Popular pour l'utilisation des estampes comme moyen de résistance civile[18].
A partir de 1948, le Taller de Gráfica Popular envoie ses œuvres (gravures, affiches… ) à son correspondant Léopold Vitorge[19],[20] [c] [d] [e], étudiant en architecture aux Beaux-Arts de Paris ; c’est l’origine du fonds Taller de Gráfica Popular[22] de la bibliothèque Kandinsky (centre Pompidou, Paris) : plus de 400 œuvres données en 2017[22] . La constitution de ce fonds, s’inscrit dans l’activité internationale du Taller de Gráfica Popular après-guerre, et de ses relais en France[c] : outre ses principaux thèmes mexicains, le fascisme, la terreur nazie, l’impérialisme et le combat pour la paix[f] dans le contexte international de la Seconde Guerre mondiale puis de la guerre froide[c].
Plus précisément, Leopoldo Méndez participe au Congrès mondial des intellectuels pour la paix qui se tient à Wroclaw (Pologne) en août 1948[23],[e] [g]. A cette occasion, il s’arrête dans plusieurs villes européennes dont Paris[e] (France) où il rencontre le responsable de Traits[24],[e], journal créé en avril 1947 par Léopold Vitorge et quelques autres étudiants du cercle des arts de l’Union de la jeunesse républicaine de France (UJRF), appellation en 1945-1956 du mouvement de jeunes du Parti communiste français (PCF)[h]. Leopoldo Méndez fait ainsi la connaissance de Léopold Vitorge qui devient correspondant du Taller de Gráfica Popular[d]; dès lors, il lui envoie des gravures et affiches [i] pour, en les exposant en France, y faire connaitre le travail du Taller[j].
Dès fin 1948 Leopoldo Méndez écrit un article[26] pour Traits ; une exposition du Taller de Gráfica Popular est organisée en mai 1950 dans le quartier de l'école des Beaux-Arts de Paris[27]. D’autres expositions et évènements suivent en France sans qu’il soit possible de tous les répertorier :
- fin 1948-début 1949, article[26] de Leopoldo Mendès dans Traits[24] n°7 daté du 8 décembre 1948[j],
- Mars 1950, Traits[24] n°8 publie l’article « L’atelier d’art politique », atelier que des étudiants d’écoles d’art commencent à développer en s’inspirant du Taller de Gráfica Popular, déjà quelques linogravures sont créées pour accompagner cet article, mais l’expérience reste sans suite[k],
- 1er-8 mai 1950, exposition de gravures du Taller de Gráfica Popular à la Maison des Beaux-Arts (de l’époque) à Paris[27],
- 20 Juin-7 juillet 1958, musée Galliera, « Gravures mexicaines contemporaines », Paris[28],
- 26 Mai-8 juin 1961, exposition « Gravures contemporaines du taller de gráfica popular - mexique » à la maison des beaux-arts de l'époque (« 11 rue des beaux-arts - paris 6[29] »)[30],[l] et le 7 juin conférence « Vues du Mexique par un architecte Mexicain F.Ursua[31] »,
- Années 1960, Grand palais (Paris),
- 12 novembre 1992-11 janvier 1993, exposition « Art d’Amérique latine : 1911-1968 » au centre Pompidou, un article de Hannes Meyer est reproduit dans le catalogue qui est illustré de vingt reproductions de gravures du Taller de Gráfica Popular provenant de la « Collection Léopold Vitorge[25] »,
- Décembre 1996 à avril 1997, deux affiches du Taller de Gráfica Popular sont reproduites dans le catalogue de l'exposition au centre Pompidou : Face à l’histoire[32],
- 2005, Alain Buyse crée les Ateliers d'Éditions Populaires sur le modèle du Taller de Gráfica Popular,
- 2017, don de la collection de Léopold Vitorge à la bibliothèque Kandinsky (centre Pompidou) qui constitue maintenant son fonds Taller de Gráfica Popular[22],
- 11 mai-6 juillet 2019, « « El Grito ! », estampes du Taller de Gráfica Popular, sur une initiative du sérigraphe Alain Buyse », à Villeneuve-d’Ascq[33],
- 23 mars-29 août 2022, prêt de 86 gravures du fonds Taller de Gráfica Popular[22]de la Bibliothèque Kandinsky, au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía (Madrid) pour l'exposition « De Posada à l'Isotype, de Kollwitz à Catlett[34] »,
- été 2024, première exposition en France du fonds Taller de Gráfica Popular[22] à la Bibliothèque Kandinsky où des vitrines en rassemblent quelques gravures,
- 12 Mars 2025, Conférence « Taller de Gráfica Popular » à la bibliothèque Kandinsky dans le cadre de recherches en cours exploitant notamment son fonds Taller de Gráfica Popular et autres archives conservées à la bibliothèque Kandinsky[21].
Ainsi, après l’arrêt de la parution de Traits en 1952[35] [m] puis le déclin du Taller de Gráfica Popular, Léopold Vitorge continue ‑ jusqu’à son décès fin 1996 ‑ d’en prêter des gravures et affiches[i], sans toutefois réussir à donner sa collection à un musée[n] ; mais le centre Pompidou la redécouvre à la suite de son exposition « Politiques de l’art[36] » en 2016 aboutissant à sa donation[37][o] dont elle constitue le fonds Taller de Gráfica Popular de la bibliothèque Kandinsky[22].
Notes et références
Notes
- ↑ Gonzalo de la Paz-Pérez (né en 1919), élève à La Esmeralda, est membre du Taller de Gráfica Popular de 1937 à 1941[4].
- ↑ Le fait de numéroter une série imprimée en un petit nombre d'exemplaire en augmente sa valeur mercantile pour sa rareté. Dans les années 2000, des estampes du Taller de Gráfica Popular sont vendues aux États-Unis pour des centaines voire des milliers d'euros (sans que les artistes ne touchent rien, les bénéfices de la vente étant conservés par les collectionneurs ou galeries propriétaire de ces estampes)[3].
- Le « Taller de Gráfica Popular […] a […] pu compter sur un solide réseau d’acteurs issus des milieux politiques et culturels internationaux, durant la période de la Guerre froide […] pour l’exposition et la vente des gravures du TGP [Taller de Gráfica Popular…] plusieurs des membres du TGP [ont] accompagn[é] les expositions présentées lors des Congrès mondiaux pour la Paix […] importants pour la diplomatie culturelle soviétique[21] »
- « « Traits » nous le diffusions […] aussi en l’adressant aux musées et institutions d’art contemporain […] ce […] qui a permis la première rencontre avec Leopoldo Méndez. Lors d’un séjour à Paris, il est venu rencontrer le « directeur » du journal Traits […] L’adresse du journal était celle de [Léopold Vitorge, avec qui] Leopoldo Méndez [… a] immédiatement sympathisé, […] suite à cette rencontre […] Léopold [Vitorge] est devenu le correspondant du Taller en France[22] »
- « Lorsque Leopoldo Mendez vient à Paris en 1948 (sur le trajet de son voyage à Varsovie), il cherche à rencontrer le directeur d[e…] Traits[…], journal d’art [que le Taller de Gráfica Popular a reçu[d]] à Mexico […] Il découvre que c’est le journal des étudiants d’art parisien, et que son directeur de publication, Léopold Vitorge, est un tout jeune étudiant en architecture[19] » chez qui Traits est domicilié
- ↑ La bibliothèque Kandinsky (centre Pompidou) présente son fonds Taller de Gráfica Popular[22] en sept séries ; la première aborde « principalement les luttes contre : le Fascisme, la terreur Nazi, l'impérialisme et le combat pour la paix […] également l'histoire révolutionnaire mexicaine, […] les mouvements ouvriers et l'éducation populaire. La vie et les traditions du peuple Mexicain sont également représentées »
- ↑ En 1948 es designado delegado al Congreso Mundial de Intelectuales por la Paz, realizado en Wroclaw, Polonia. Recorre varios países de Europa[23] » [En 1948, Leopoldo Méndez est désigné délégué au Congrès mondial des intellectuels pour la paix qui se tient à Wroclaw (Pologne). Il se rend dans plusieurs pays d'Europe]
- ↑ Le titre et le sous-titre du premier numéro du journal sont : Traits / Journal mensuel édité par le cercle des arts de l’U.J.R.F. / Numéro I - 9, rue Milton Paris IX° - avril 1947. L’adresse est celle de Léopold Vitorge, alors étudiant en architecture aux Beaux-Arts. Cercle des arts signifie ici organisation de base (comme la cellule au PCF) regroupant des étudiants des écoles d’art parisiennes. « Nous étions des étudiants de toutes les écoles d’art : les beaux arts, les arts déco[20] »…
- « Nous [avions] ces gravures en dépôt [à destination] du monde ouvrier, et [… du] monde artistique […] nous avons organisé quelques expositions propres, mais surtout contribué à des expositions sur l’art mexicain […] Pour la dernière exposition d’art mexicain au centre Pompidou [en 1992, Art d’Amérique latine : 1911-1968[25]], dès que Léopold [Vitorge…] a su qu’elle se préparait, il […] est allé proposer une contribution. Un commissaire de l’exposition […] a choisi environ 80[20] » gravures dont 20 sont reproduites dans le catalogue[25].
- Le numéro 7 de Traits publie (avant le 20 mars 1949) un article de Leopoldo Méndez signé le 8 décembre 1948 qu’il conclut ainsi : « Les portes de notre atelier [Taller] sont ouvertes à tous ceux qui ne sont ni fascistes ni traîtres à notre pays. J’espère que bientôt les jeunes artistes français pourront voir une exposition du travail de notre atelier à Paris. J’espère que cette exposition éveillera l’intérêt d’une critique sévère mais constructive[26] ». Une telle exposition est organisée du 1er au 8 mai 1950 à la Maison des Beaux-Arts de Paris[27].
- ↑ « Nous [voulions] monter un atelier d’art politique […] plein d’essais différents [sont restés sans] suite […] ce mythe de l’éducation populaire […] était la suite du front populaire au lendemain de la guerre. On le retrouvera en mai 68 avec des étudiants « soixante-huitard » qui allaient devant les usines[20] »
- ↑ En «1947 […Gérard Prémel] s’engage au Parti communiste français[30] », admis en 1957 aux Beaux-Arts de Paris, section architecture, il abandonne en 1959. Il passe sept mois au Mexique où il prend part aux travaux du Taller de Gráfica Popular. À son retour en France en 1961, il en expose des gravures à la galerie des Beaux-Arts ». Jusqu’en 1959, Léopold Vitorge était ‑lui aussi‑ étudiant communiste aux Beaux-Arts de Paris, mais on ne sait pas s’ils se sont connus, ni si l’exposition de 1961 par Gérard Prémel est la même que celle dont Léopold Vitorge a conservé l’affiche[29] , ou du moins si Gérard Prémel a ses propres gravures du Taller de Gráfica Popular ou si c’est Léopold Vitorge qui les lui a prêtées.
- Guillaume Roubaud-Quashie conclue que c’est « un désaccord dans l’articulation entre art et politique, qui aurait précipité la fin de Traits[35]p. 347-348 », désaccord notifié par Annie Becker (plus connue sous son nom d’épouse Annie Kriegel), alors dirigeante au militantisme stalinien avant de tourner le dos au PCF jusqu’à devenir éditorialiste au Figaro, quotidien de droite : « Convocation au comité central […] Il y avait Annie Becker » témoigne Roland Prédiéri « j’ai compris ce qu’était un procès de Moscou[...] Annie Becker a dit : « On arrête, on ne vous donne plus d’argent ». Un journal sans publicité ne pouvait pas tenir : on vivait grâce au financement de l’UJRF. On ne pouvait plus : il fallait payer les dettes. Là, c’est [Léopold] Vitorge, je crois qui est allé voir les Renaud de Jouvenel avec le dessin de Picasso : ça a payé les notes de frais impayées [...] on est partis chacun de notre côté […] On a abandonné[35]p. 346-348 ». Léopold Vitorge, défenseur de l’art moderne, témoigne de la dégradation des relations avec la direction du PCF lorsqu’elle décide de s’aligner sur le nouveau réalisme prôné en Union soviétique : « pas de position esthétique constante dans l’ensemble de la collection de Traits[35]p. 320 » montre toutefois Guillaume Roubaud-Quashie tout en citant la facétie de Léopold Vitorge dans le n°9 de Traits dont la « dernière page […] propose un encart : « NE PARLEZ PAS DE NOUVEAU RÉALISME avant d’avoir acheté la plaquette de Traits : 15 dessins pour la paix[35]p. 321 », où le texte en majuscules est en caractères si gros qu’il occupe presque toute la page.
- ↑ C’« était la propriété du Taller, dont nous n’étions que les dépositaires » rapporte la veuve de Léopold Vitorge, « nous pensions restituer le fonds qui nous restait. Nous avions revu Fanny [Rabel]. Mais ils nous ont dit de garder les gravures ensemble, que nous faisions partie des rares à avoir conservé un tel fonds et que le Taller n’existait plus [il s’agit naturellement du Taller de ses créateurs…] Léopold [Vitorge] a écrit à de nombreux musées pour tenter de faire une donation avec un minimum de garantie quant au maintien de l’unité du fonds et de sa visibilité, mais sans aboutir[20] ».
- ↑ « Le réalisme socialiste « à la française » [… est] la ligne dogmatique adoptée par le PCF dès les premières années de la Guerre froide [… mais] La production personnelle des peintres et sculpteurs proches du Parti communiste ne saurait se limiter aux normes définies par la doctrine réaliste socialiste […] Les Repasseuses de Simone Baltaxé, jeune membre du comité de rédaction de la revue Traits, convoque quant à elle l’héritage du cubisme à travers un sujet à caractère social. Enfin, Pablo Picasso, malgré son adhésion au parti le 5 octobre 1944, n’a cessé d’affirmer son indépendance artistique ». Ces passages de la présentation de l’exposition « Politiques de l’art[36] » en 1992 au centre Pompidou, à la fois correspondent au débat artistique au sein de Traits[m] (dont un article[37] de Léopold Vitorge sur Picasso y est exposé) et illustrent le cheminement de la constitution du fonds Taller de gráfica popular[22] de la bibliothèque Kandinsky. Ainsi, en 2015, Elsa Martayan, la fille de Simone Baltaxé donne à la bibliothèque Kandinsky sa collection de Traits[24] dont un article[37] est montré face à un tableau de Simone Baltaxé à l’exposition « Politiques de l’art[36] » (2016). Elsa Martayan confirmant que Léopold Vitorge est un des principaux acteurs de Traits, elle met la bibliothèque Kandinsky en contact avec la famille de Léopold Vitorge, ce qui aboutit au don constituant l’actuel fonds Taller de Gráfica Popular en 2017[22].
Références
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- ↑ Caplow 2007.
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- Traits, le journal des étudiants d'art / Union de la jeunesse républicaine de France (UJRF) (Cote : RP 1221 à la bibliothèque Kandinsky (centre Pompidou), Don de Elsa Martayan, 2015), « Chaque numéro traite d'un thème particulier et porte parfois un titre qui lui est propre, avec des interviews ou articles de : 3-P. Colin, P. Nelson, A. Marchand, 4-Fernand Léger, 5-Marcel Gromaire, 6-Pablo Picasso, 7-Henri Moore, 8-Un article inédit de Henri Matisse », Traits, nos 1 à 11, avril 1947 - 1952 (BNF 32879544, lire en ligne, consulté le )
- Hannes Meyer (trad. de l'espagnol par Marie-France Eslin, ill. Article illustré de 20 reproductions de gravures (du Taller de Gráfica Popular) provenant de la « Collection Léopold Vitorge » qui maintenant fait partie du fonds Taller de Gráfica Popular de la bibliothèque Kandinsky (centre Pompidou).), « L’art engagé : Le Taller de Gráfica Popular », dans catalogue de l’exposition « Art d’Amérique latine : 1911-1968 » (12 novembre 1992-11 janvier 1993, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, , 524 p. (ISBN 2-85850-710-4, présentation en ligne, lire en ligne), p. 227, 231-243
- Leopoldo Méndez, « Mexique », Traits, no 7, , p. 12 (BNF 32879544) :
« article signé le 8 décembre 1948 »
- TGP (correspondant en France), « Gravures Mexicaines du Taller de Grafica Popular », Affiche, 1-8 mai 1950, cote TGP 265 du fonds Taller de Gráfica Popular de la bibliothèque Kandinsky (centre Pompidou) (lire en ligne , consulté le ) :
« Gravures Mexicaines du Taller de Grafica Popular, Maison des beaux-arts 11, rue des beaux-arts, paris (6) du premier au 8 mai 1950 »
- ↑ TGP (correspondant en France), « Gravures mexicaines contemporaines », Affiche, 20 juin-7 juillet 1958, cote TGP 448 du fonds Taller de Gráfica Popular de la bibliothèque Kandinsky (centre Pompidou) (lire en ligne , consulté le ) :
« musée Galliera, Gravures mexicaines contemporaines - réunies par l’institut national des beaux-arts du Mexique. Exposition organisée par les Amis de la République Française - Sous le patronage de l’Ambassade du Mexique et de la Ville de Paris »
- TGP (correspondant en France), « Gravures contemporaines du Taller de Grafica Popular », Affiche, 26 mai-8 juin 1961, cote TGP 459 du fonds Taller de Gráfica Popular de la bibliothèque Kandinsky (centre Pompidou) (lire en ligne , consulté le ) :
« université de paris - maison des beaux-arts - 11 rue des beaux-arts - paris 6 - gravures contemporaines du taller de gráfica popular - mexique »
- Toufik Hedna, « Gérard Prémel : l’insoumis au carrefour des arts, de la pensée et de la révolte », Le matin d’Algérie, (lire en ligne)
- ↑ F. Ursua (ill. F.Fuzier), « Vues du Mexique par un architecte Mexicain : Conférences de la grande masse » (Conférence), cote TGP 449 du fonds Taller de Gráfica Popular de la bibliothèque Kandinsky (centre Pompidou), (lire en ligne ) :
« Conférences de la grande masse - Vues du Mexique par un architecte Mexicain F. Ursua, mercredi 7 juin 1961 - 20 heures 30 - 11, rue des Beaux-Arts - Maison des arts »
- ↑ Centre Pompidou, « Face à l'histoire (1933-1996) », Exposition, 19 décembre 1996 au 7 avril 1997 (lire en ligne, consulté le )
- ↑ Galerie La Belle Epoque, « EL GRITO ! », Hommage du Taller de Grafica Popular à 450 années de lutte du peuple mexicain, (lire en ligne, consulté le ) :
« Cette exposition fait suite à la volonté qu’avait Alain Buyse de présenter l’ensemble des planches qu’il a découvert dans l’édition de 1960 du Taller de Grafica Popular de Mexico (Atelier d’éditions populaire de Mexico) de « 450 años de lucha, homenaje al pueblo mexicano » [...] Faisant sien le slogan de 68 « l’art au service du peuple », maxime de « L’atelier Populaire » de l’U.U.U (Usine/Universités/Union) qui a produit en sérigraphie les affiches revendicatives du mouvement de grève de 68. C’est dans cette logique qu’Alain Buyse avait imaginé « L’Ateliers d'Éditions Populaires de Lille » qui pendant quelques années a permis à de nombreux artistes (ou non) de réaliser des affiches dans son atelier. »
- ↑ Bibliothèque Kandinsky (centre Pompidou), « La BK s'expose », News letter, (lire en ligne, consulté le ) :
« Un prêt exceptionnel : 86 gravures du fonds Taller de Grafica Popular [...de] la Bibliothèque Kandinsky, sont présentées dans le cadre de l’exposition « De Posada à l'Isotype, de Kollwitz à Catlett » au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía de Madrid du 23 mars au 29 août 2022 »
- Guillaume Roubaud-Quashie (Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, École doctorale d’histoire (ED 113), Centre d’histoire sociale des mondes contemporains), Les jeunes communistes en France : (1944-fin des années 1970) Les mutations d’une expérience politique en milieux juvéniles et populaires (Thèse pour le doctorat en histoire), Paris, , 596 p. (lire en ligne ), chap. 6 (« étudiant communiste à l’ENSBA en Guerre froide (1947-1953) »), p. 291-348
- Centre Pompidou, « Politiques de l'art », Exposition, 29 septembre 2016-2 avril 2017 (lire en ligne, consulté le )
- Leopold Vitorge, « Picasso », Traits, no 9, , p. 3 (BNF 32879544)
Annexes
Bibliographie
- (en) D. Ades et al., Revolution on Paper: Mexican Prints 1910–1960, Londres, British Museum, .
- (es) Deborah Caplow, Leopoldo Méndez: Revolutionary Art and the Mexican Print, Austin, University of Texas Press,
- (en) A. A. Casas, « Graphic Design in Mexico: A Critical History », Print, , p. 98–104
- (es) M. C. García Hallat, Ubicación social y artística del Taller de Gráfica Popular (thèse de maîtrise), Mexico, U. Iberoamer,
- (es) J. Gutiérrez, N. Leonardini et J. Stoopen, « La época de oro del grabado en México », Hist. A. Mex., no 101,
- (en) J. W. Ittmann et al., Mexico and Modern Printmaking: A Revolution in the Graphic Arts, 1920–1950, New Haven, CT ; Londres, Yale University Press,
- (en) J. Keller, El Taller de Gráfica Popular: Block Prints and Lithographs by Artists of the TGP from the Archer M. Huntington Art Gallery (cat. exp.), Austin, Archer M. Huntington Art Gallery, College of Fine Arts, The University of Texas, Austin,
- (en) Leonor Morales et Lesley Wolff, « Taller de Gráfica Popular », dans Grove Art Online, (lire en ligne)
- (en) Penny C. Morrill, Silver Masters of Mexico, Schiffer Publishing, , 224 p. (ISBN 9780887409615)
- (es) Humberto Musacchio, El Taller de Gráfica Popular, Fondo de Cultura Economica, 214 p. (ISBN 978-9681677039, lire en ligne)
- (es) Helga Prignitz-Poda, El Taller de Gráfica Popular en México 1937–1977, Mexico, Instituto Nacional de Bellas Artes, , 448 p. (ISBN 9682933544, lire en ligne)
- (es) Raquel Tibol, Gráficas y neográficas en México, Mexico, Casa Juan Pablos, , 303 p. (ISBN 9789685422246, lire en ligne)
- (es) El Taller de Gráfica Popular: Sus fundatores, Guadalajara,
- (es) Taller de Gráfica Popular, 60 años TPG: Taller de Gráfica Popular, Mexico, Consejo Nacional para la Cultura y las Artes, , 55 p. (ISBN 9789682993169, lire en ligne)
Liens externes
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- (en) « Catalogue des œuvres produites au Taller de Gráfica Popular », sur graficamexicana.com (consulté le ).
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