Tabita Rezaire
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Tabita Rezaire est une artiste contemporaine, thérapeute « en santé-tech-politix », et professeure de yoga « kemetic »[Note 1] et kundalini, française et danoise, née en 1989[1],[2],[3].
Biographie
Elle se définit comme « franco-guyano-danoise »[4]. Elle grandit à Paris et étudie dans cette ville ainsi qu'à Copenhague et Londres, où elle fait un master au Central Saint Martins College of Art and Design[4]. Elle vit ensuite à Paris, au Mozambique puis à Johannesbourg à partir de 2014[4],[3].
En 2017, elle est accueillie en résidence par la MeetFactory à Prague, où elle commence à travailler sur le son[5].
Elle s'installe en Guyane en 2018[6]. Elle y cultive du cacao et enseigne le yoga[7].
Œuvres
Elle réalise des vidéos et des œuvres numériques où elle se met fréquemment en scène. Le corps est considéré comme une technologie dans son travail[1].
Nombre de ses œuvres ont trait au concept de race et au féminisme[2].
Son œuvre vidéo Afro Cyber Resistance (2014) dénonce le caractère occidentalo-centré d'Internet, et la forme de suprémacisme blanc qui s'exerce par le contrôle du réseau[1]. Elle décrit Internet, à l'instar du monde qui l'entoure, comme « exploitationniste, discriminatoire, classiste, patriarcal, raciste, homophobe, coercitif et manipulateur »[Trad 1],[2]. Elle appelle à une cyber-résistance qui amènerait à la décolonisation d'Internet[1].
Sa première exposition solo, Exotic Trade, a lieu en 2017 à la Goodman Gallery à Johannesbourg[8]. Celle-ci comprend des vidéos, une installation, et des autoportraits produits numériquement[8].
Le travail de Rezaire utilise souvent le registre aquatique pour représenter Internet. Dans Deep Down Tidal, exposée en 2017, elle remarque que les câbles sous-marins suivent les mêmes voies maritimes que celles de la traite négrière. Rezaire fait aussi référence à un imaginaire d'une « Atlantide noire », par référence à L'Atlantique noir. Selon la critique Katrin Köppert, l'œuvre de Rezaire imagine des avenirs afrofuturistes qui ne seraient pas monolithiques mais auraient bien plus la forme de fractales, comme celles des motifs coralliens utilisés dans ses installations[9]. L'œuvre est aussi présentée au Brésil sous le titre Na Maré Profunda[10].
Dans son installation Sugar Walls Teardom présentée pour la première fois en 2016, Rezaire dénonce l'utilisation du corps des femmes racisées pour faire avancer la science, faisant référence notamment à Lucy, Betsey et Anarcha, trois femmes noires utilisées comme cobayes lors des débuts de la gynécologie, et à Henrietta Lacks, une femme noire dont les cellules cancéreuses, cultivées sans son consentement, permettent les tests d'innombrables expériences médicales. La critique Sara Morais dos Santos Bruss étend cette critique et argumente que les informations utilisées pour entraîner les intelligences artificielles amicales, majoritairement volées par scraping, sont en grande partie des produits directement extraits des corps racisés et féminisés. L'extraction de ces données serait en continuité avec la suprématie blanche qui façonnerait les sciences occidentales tout au long de leur histoire. L'IA, chargée de remplir des tâches reproductives, n'y parviendrait qu'en rendant invisibles les corps des femmes racisées dont cette capacité a été extraite, de manière comparable aux technologies de gestation pour autrui[11]. Katrin Köppert relie aussi cette installation avec l'exemple des applications de suivi menstruel, et apprécie les références au cyberféminisme ainsi que son esthétique de l'accumulation d'objets[12].
Dans l'exposition Cabula Nesh. From indigenous knowledges to digital technologies, curatée par Chuz Martinez et présentée en octobre 2024 au Musée Thyssen Bornemisza , Tabira explore les intersections entre technologie, spiritualité, décolonisation et guérison en collaboration avec l'artiste et architecte Youssef Agbo-Ola et les biologistes Alex Jordan et Anna Wenjer[13]. Les trois installations présentées au public conçoivent une narrative visuelle nourrie des méthodes des anciennes cultures non indo-européennes à fin de provoquer une vision non eurocentrée des arts visuels[14].
Collaborations
Elle forme le duo Malaxa, basé à Johannesbourg et Tel Aviv, avec Alicia Mersy[15].
Impact
Les idées de Tabita Rezaire ont inspiré le projet Wikifemia du collectif Roberte la Rousse, une révision humoristique et féministe de biographies de femmes sur l'encyclopédie en ligne[16].
Notes et références
Notes
- ↑ Il s'agit d'une discipline inspirée de celui pratiqué en Égypte antique (le nom vient de Kemet).
Notes de traduction
- ↑ "exploitative, exclusionary, classicist, patriarchal, racist, homophobic, coercive and manipulative"
Références
- Oulimata Gueye, Marie Lechner, EnsadLab, « Afrocyberféminismes, séance #03 (la séance d'AVRIL, ressources, compte-rendu) », sur www.afrocyberfeminismes.org (consulté le )
- James H. Miller, Victoria Stapley-Brown, Gabrielle Angeleti, Sarah P. Hanson, Helen Stoilas, Ivy Olesen, « Artist profiles: the names you should know at Armory », sur www.theartnewspaper.com, The Art Newspaper (en), (consulté le )
- (en) « 17 Emerging Artists to Watch in 2017 », Artsy, (lire en ligne, consulté le )
- Noé Michalon, « QUI ES-TU... Tabita Rezaire, artiste-vidéaste engagée », Clique.tv, (lire en ligne, consulté le )
- ↑ « La vidéaste engagée Tabita Rezaire questionne le web », Radio Prague, (lire en ligne, consulté le )
- ↑ « Tabita Rezaire : « Se connecter et transmettre » », sur franceguyane.fr, (consulté le )
- ↑
- (en) Kwanele Sosibo, « Rezaire awakens what is within », The M&G Online, (lire en ligne, consulté le )
- ↑ (de) Katrin Köppert, « Rifted Algorithms. Digitale Medienkunst postafrikanischer Zukünfte. Tabita Rezaire: „Deep Down Tidal“ (2017) », Navigationen - Zeitschrift für Medien- und Kulturwissenschaften, (ISSN 1619-1641, DOI 10.25969/MEDIAREP/17181 )
- ↑ Ruy Cézar Campos Figueiredo et Erick Felinto, « Na Maré Profunda: infraestruturas midiáticas e o oceano animado. », Revista Concinnitas, vol. 21, no 37, , p. 287–309 (ISSN 1981-9897 et 1415-2681, DOI 10.12957/concinnitas.2020.46545, lire en ligne, consulté le )
- ↑ (en) Sara Morais dos Santos Bruss, « Artificial reproduction? Tabita Rezaire’s Sugar Walls Teardom and AI “liveness” », AI & SOCIETY, vol. 39, no 1, , p. 43–51 (ISSN 0951-5666 et 1435-5655, DOI 10.1007/s00146-023-01762-6, lire en ligne, consulté le )
- ↑ (en) Katrin Köppert, « Patching and hoarding », dans Queer Reflections on AI, Routledge, , 109–123 p. (ISBN 978-1-003-35795-7, DOI 10.4324/9781003357957-9 )
- ↑ (es) « Tabita Rezaire. Calabash Nebula », sur TBA21 Thyssen-Bornemisza Art Contemporary (consulté le )
- ↑ (en) Chuz Martinez, « Tabita Rezaire. Calabash Nebula » [PDF], sur https://tba21.org/items/uploads/module_download/241111_TBA21_TabitaRezaire_Booklet_EN.pdf (consulté le )
- ↑ « Malaxa », sur malaxa.net (consulté le )
- ↑ Jean-Paul Fourmentraux, « Wikifémia : langue - genre - technologies », Critique d’art. Actualité internationale de la littérature critique sur l’art contemporain, (ISSN 1246-8258, DOI 10.4000/critiquedart.97534, lire en ligne, consulté le )
Bibliographie
- (de) Ann Mbuti, chap. 10 « Tabita Rezaire, FRANKREICH – Die Heilerin, die unser Kunstverständnis herausfordert », dans Black Artists Now: Von El Anatsui bis Kara Walker, Verlag C.H.BECK oHG, (ISBN 978-3-406-78803-1, DOI 10.17104/9783406788031-82 )
- (en) Kristin Klein, « Art Education and Entangled Knowledge in the Digital Age: Learning from Tabita Rezaire's Premium Connect », dans The Routledge Companion to Decolonizing Art, Craft, and Visual Culture Education, Routledge, (ISBN 978-1-003-19053-0, DOI 10.4324/9781003190530 )
- (en) Rosa Wevers, « Healing the Internet: Exposing Colonial Histories, Caring for Alternative Futures in Tabita Rezaire's Deep Down Tidal », Kunstlicht, informatief subfaculteitsblad van de Afdeling Kunstgeschiedenis en Archeologie van de Vrije Universiteit, vol. 43, nos 2/3, , p. 53–59 (ISSN 0921-5026)
- (en) Timothy J. Smith, « Toward an Anti-Racist and Anti-Colonial Post-Internet Curriculum in Digital Art Education », dans Post-Digital, Post-Internet Art and Education, Springer International Publishing, , 239–256 p. (ISBN 978-3-030-73769-6, DOI 10.1007/978-3-030-73770-2_14 , lire en ligne )
- (pt) Sara Castelo Branco, « Sobre a exposição Premium Connect, de Tabita Rezaire: a reativação do potencial terapêutico e político da magia », Aniki: Revista Portuguesa da Imagem em Movimento, vol. 10, no 2, , p. 201–207 (ISSN 2183-1750, DOI 10.14591/aniki.v10n2.998 , lire en ligne )
Voir aussi
Liens externes
- Le site de l'artiste https://tabitarezaire.com/
Liens internes
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