Système de Madrid

Le système de Madrid, également connu sous le nom de protocole de Madrid[1] ou simplement Madrid, est un système international qui facilite l'enregistrement de marques dans de multiples juridictions à travers le monde. Il a été créé par l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques de 1891. Depuis 2016, il est régi par le protocole relatif à l'arrangement de Madrid de 1989[2].

Le système de Madrid établit un système administré de manière centralisée pour l'enregistrement de marques dans des juridictions multiples. À la différence du système des marques de l'Union européenne, le système de Madrid ne crée pas un enregistrement unifié dans les différentes juridictions[3]. Dans le système de Madrid, les requérants déposent une demande unique d'enregistrement et acquittent un ensemble de droits pour demander la protection dans un ou plusieurs pays membres du système. Chaque membre du système conserve le pouvoir discrétionnaire d'accorder la protection ou non. Une fois que l'autorité des marques d'un pays désigné accorde la protection, la marque est protégée dans cette juridiction comme si ce bureau l'avait enregistrée[4].

Le système de Madrid est administré par le bureau international de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) des Nations unies basé à Genève, en Suisse. En mai 2025, le système de Madrid comptait 115 membres couvrant 131 pays, qui assurent ensemble plus de 80 % du commerce mondial[5],[6].

Histoire et développement

Le système de Madrid est composé de deux traités : l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques, qui a été conclu en 1891 et est entré en vigueur en 1892, et le protocole relatif à l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques, qui est entré en vigueur le . L'arrangement de Madrid et le protocole de Madrid ont été adoptés lors de conférences diplomatiques tenues à Madrid.

L'arrangement de Madrid visait à organiser un système d'enregistrement international.

Toutefois, la simple transmission par le Bureau international d'une demande uniforme aux pays membres, plutôt que l'enregistrement de la marque applicable dans les registres nationaux des marques, exclut un véritable système d'enregistrement.

Par ailleurs, l'arrangement de Madrid n'a convaincu qu'un nombre limité de nations. De nombreux pays dont le Royaume-Uni, les États-Unis et des pays d'Amérique centrale, d'Amérique du Sud et d'Asie comme le Japon, n'ont pas adhéré à l'arrangement de Madrid. Cela a nui à la reconnaissance du système en tant que régime véritablement « international ». En effet, ces pays non-membres représentent ensemble le plus grand nombre de dépôts et d'enregistrements de marques dans le monde.

Certaines grandes nations de commerce comme les États-Unis, le Japon et le Canada reprochaient aussi à l'arrangement de Madrid le principe selon lequel, si l'enregistrement de base sur lequel l'enregistrement international est fondé fait l'objet d'une « attaque centrale », l'enregistrement international est annulé ou limité dans la même mesure que l'enregistrement de base.

En 1966 et 1967, des tentatives ont été faites pour résoudre le manque de soutien international en établissant un nouveau traité qui refléterait les besoins de l'époque plutôt que ceux des années 1890. Cela a conduit à la rédaction du Traité sur l'enregistrement des marques (TRT) qui a été adopté à Vienne en 1973. Le TRT est entré en vigueur en 1980 avec cinq États contractants, à savoir le Burkina Faso, le Congo, le Gabon, l'Union soviétique et le Togo. En l'absence d'autre adhésion et vu le faible nombre d'enregistrements qu'il a suscités, le TRT était peu susceptible de supplanter l'arrangement de Madrid.

À l'approche de l'introduction d'une marque communautaire européenne multi-juridictionnelle (ou du moins paneuropéenne), la pertinence du système de Madrid a fait l'objet d'un réexamen. La pression s'est accrue sur l'OMPI pour qu'elle maintienne sa pertinence et renforce l'accord en augmentant le nombre de ses membres, éventuellement par le biais d'amendements. Cela a abouti à la négociation du protocole de Madrid, en vertu duquel un enregistrement de marque communautaire pouvait servir de base à l'enregistrement international.

Le protocole, après des efforts de lobbying considérables de la part de l'OMPI, a été signé par de nombreux pays, y compris l'ensemble des membres de l'arrangement de Madrid et certains pays membres de l'Union européenne qui n'étaient pas membres de l'arrangement de Madrid. Le protocole est entré en vigueur le 1er décembre 1995. Il est devenu opérationnel le 1er avril 1996.

De nombreux pays ont dû modifier leur loi sur les marques afin d'adhérer au protocole, en plus des modifications requises par l'accord de l'OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce.

En Europe, des mandataires en marques ont résisté à l'adoption du protocole de Madrid parce qu'ils craignaient de perdre des affaires en matière de marques communautaires à cause des simplifications introduites par le protocole[7]. Aux États-Unis, la proposition a été ralentie sur fond d'un différend en matière de marques entre deux entreprises qui avaient largement contribué à la campagne de certains membres du Congrès, suivi d'un remaniement du Sénat en raison d'élections et de la défection d'un sénateur républicain[7]. Le traité a finalement été ratifié sous la présidence de George W. Bush[5]. Avec l'adhésion des États-Unis le 2 novembre 2003 et de l'Union européenne le 1er octobre 2004, les principales juridictions commerciales ont rejoint le système de Madrid.

Le 31 juillet 2015, l'Algérie a déposé son instrument d'adhésion au protocole de Madrid. Cette adhésion est devenue effective le 31 octobre 2015. L'Algérie ayant été le dernier membre du système de Madrid à adhérer au protocole, le protocole est alors devenu effectif dans l'ensemble du système de Madrid[8].

Membres

L'adhésion à la convention ou au protocole inclut l'adhésion à « l'union de Madrid ». Au 30 mai 2025, le système comptait 115 membres couvrant 131 pays[5]. Le terme « union de Madrid » peut être utilisé pour décrire les juridictions parties à l'accord ou au protocole (ou aux deux)[9].

Depuis l'adhésion de l’Algérie au protocole en 2015, les 55 parties à l'arrangement de Madrid sont également parties au protocole et l'arrangement initial n'a plus d'effet pratique.

Membres de l'union de Madrid et année de leur accession à l'arrangement de Madrid ou au protocole relatif à l'arrangement de Madrid
Partie contractante Arrangement Protocole
Afghanistan 2018
Albanie 1995 2003
Algérie 1972 2015
Allemagne 1922 1996
Antigua-et-Barbuda 2000
Arménie 1991 2000
Australie 2001
Autriche 1909 1999
Azerbaijan 1995 2007
Bahrain 2005
Belarus 1991 2002
Belgique[note 1] 1892 1998
Bhoutan 2000 2000
Bosnie-Herzégovine 1992 2009
Botswana 2006
Brésil 2019
Brunei 2017
Bulgarie 1985 2001
Cambodge 2015
Canada 2019
Cap-Vert 2022
Chili 2022
Chine[note 2] 1989 1995
Chypre 2003 2003
Colombie 2012
Corée 2003
Croatie 1991 2004
Cuba 1989 1995
Danemark[note 3] 1996
Égypte 1952 2009
Estonie 1998
Eswatini 1998 1998
États-Unis 2003
Finlande 1996
France 1892 1997
Gambie 2015
Géorgie 1998
Ghana 2008
Grèce 2000
Hongrie 1909 1997
Islande 1997
Inde 2013
Indonésie 2018
Iran 2003 2003
Irlande 2001
Israël 2010
Italie 1894 2000
Jamaïque 2022
Japon 2000
Kazakhstan 1991 2010
Kenya 1998 1998
Kyrgyzstan 1991 2004
Laos 2016
Lesotho 1999 1999
Lettonie 1995 2000
Liberia 1995 2009
Liechtenstein 1933 1998
Lituanie 1997
Luxembourg[note 1] 1924 1998
Macédoine du Nord 1991 2002
Madagascar 2008
Malaisie 2019
Malawi 2018
Maroc 1917 1999
Mexique 2013
Moldavie 1991 1997
Monaco 1956 1996
Mongolie 1985 2001
Montenegro 2006 2006
Mozambique 1998 1998
Namibie 2004 2004
Nouvelle-Zélande[note 4] 2012
Norvège 1996
Oman 2007
Organisation africaine de la propriété intellectuelle 2015
Ouzbékistan 2006
Pays-Bas[note 1][note 5] 1893 1998
Philippines 2012
Pologne 1991 1997
Portugal 1893 1997
République démocratique populaire de Corée 1980 1996
Roumanie 1920 1998
Royaume-Uni[note 6] 1995
Russie 1976 1997
Rwanda 2013
Samoa 2019
Saint-Marin 1960 2007
Sao Tomé-et-Principe 2008
Serbie 1992 1998
Sierra Leone 1997 1999
Singapour 2000
Slovaquie 1993 1997
Slovénie 1991 1998
Espagne 1892 1995
Soudan 1984 2010
Suède 1995
Suisse 1892 1997
Syrie 2004
Tajikistan 1991 2011
Tchéquie 1993 1996
Thaïlande 2017
Trinidad-et-Tobago 2020
Tunisie 2013
Turquie 1999
Turkmenistan 1999
Ukraine 1991 2000
Union européenne[note 7] 2004
Vietnam 1949 2006
Zambie 2001
Zimbabwe 2015
  1. Le Bénélux est considéré comme un seul pays dans le système de Madrid.
  2. À l'exclusion de Hong Kong et de Macao.
  3. Y compris le Groenland et les îles Feroe.
  4. À l'exclusion de Tokelau.
  5. Y compris Curaçao, les Pays-Bas caribéens, et Sint Maarten, qui ont des registres indépendants de l'office du Bénélux. À l'exclusion d'Aruba.
  6. Y compris l'Île de Man et, à compter du 1er janvier 2021, Guernsey et Gibraltar. À l'exclusion d'autres dépendances de la Couronne et des territoires d'Outre-Mer britanniques.
  7. Malte est le seul pays membre de l'Union européenne qui n'est pas membre de l'Union de Madrid. Une marque européenne obtenue via Madrid couvre Malte.

Avantages

Fondamentalement, le système de Madrid permet au titulaire d'une marque d'obtenir la protection de sa marque dans un ou plusieurs autres pays membres en déposant une demande unique et en s'acquittant d'un ensemble de droits et taxes. Il peut également modifier son enregistrement (par exemple, des changements de nom ou d'adresse) et le renouveler dans toutes les juridictions applicables par le biais d'un processus administratif unique et du paiement d'une taxe unique[10],[11],[12].

Concrètement, le détenteur d'une marque enregistrée dans un pays membre, ou qui a demandé un tel enregistrement, peut demander un « enregistrement international » de sa marque auprès de l'OMPI. Le titulaire de la marque peut alors étendre la protection de sa marque à une ou plusieurs autres juridictions membres. C'est le processus de « désignation ».

Un avantage du système de Madrid est que cette protection peut à tout moment être étendue à d'autres juridictions, que ce soit à des juridictions qui rejoindraient l'union de Madrid ultérieurement, ou à d'autres juridictions déjà membres du système, au choix du titulaire.

Inconvénients

Un inconvénient du système de Madrid est que tout refus, retrait ou radiation de la demande de base ou de l'enregistrement de base d’une marque dans les cinq ans suivant la date de l'enregistrement international entraîne le refus, le retrait ou la radiation de l'enregistrement international dans la même mesure. Concrètement, si une demande de base couvre les « vêtements, couvre-chefs et chaussures » et que « couvre-chefs » est ensuite supprimé de la demande de base (pour quelque raison que ce soit), « couvre-chefs » sera également supprimé de la demande internationale. Par conséquent, la protection offerte par l'enregistrement international dans chaque juridiction membre désignée ne s'étendra qu'aux « vêtements et chaussures ». Si la demande de base est rejetée dans son ensemble, l'enregistrement international sera également totalement refusé.[12]

L'approche qui consiste à attaquer la demande ou l'enregistrement de base à de telles fins est connu sous le nom d'« attaque centrale »[13],[14]. En vertu du protocole de Madrid, les effets d'une attaque centrale réussie peuvent être atténués en transformant l'enregistrement international en une série de demandes individuelles dans chaque juridiction choisie lors de la demande d'enregistrement international. C'est le processus dit de « transformation ». La transformation est une option coûteuse, de dernier recours. Néanmoins, les demandes résultantes recevront la date de l'enregistrement international comme date de dépôt[15].

Les économies de coûts engendrées par le système de Madrid peuvent être annulées par l'obligation d'utiliser des agents locaux dans la juridiction applicable en cas de problème.

Articles connexes

Références

  1. « Système de Madrid – Le système international des marques », sur wipo.int (consulté le )
  2. Guide to the International Registration of Marks under the Madrid Protocol, Geneva, Switzerland, World Intellectual Property Organization (WIPO), coll. « WIPO publication », (ISBN 978-92-805-3250-0, lire en ligne)
  3. Règlement (CE) No 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire (Journal officiel de l'Union européenne L78, 24.3.2009, p.1)
  4. (en-US) « Madrid Protocol », www.uspto.gov (consulté le )
  5. « Membres de l'Union de Madrid », sur wipo.int (consulté le )
  6. « Le Qatar adhère au système de Madrid », sur madrid-system (consulté le )
  7. Report by the International Trademark Association, April 2003
  8. Algeria Joins the Madrid Protocol, WIPO, 7 Août 2015
  9. « Textes législatifs relatifs aux marques », sur madrid-system (consulté le )
  10. « Benefits of the Madrid System », sur madrid-system (consulté le )
  11. (en-US) « Registering international trademarks under the Madrid System (Updated) », ABG IP, (consulté le )
  12. (en) « The Madrid Protocol: Key Benefits, Risks and Strategies », sur inta.org, International Trademark Association
  13. (en) « Madrid System Vs. National Filing: The Good, The Bad and The Ugly »,
  14. (en) Kazutaka SAWASATO, « INTRODUCTION INTRODUCTION To THE MADRID SYSTEM »
  15. (en) BTLJ, « Madrid’s “Central Attack” in Transnational Trademark Law: Practice, Procedures and Considerations », sur Berkeley Technology Law Journal, (consulté le )

Liens externes

  • Portail de Madrid et de sa communauté