Shabeh

Le Shabeh[1],[2] désigne une méthode de torture consistant à placer un détenu dans des positions extrêmement inconfortables et douloureuses, souvent combinées à d’autres formes de mauvais traitements comme les privations sensorielles et de sommeil.

Description et variantes

La méthode classique consiste à attacher les mains et les jambes du détenu à une petite chaise inclinée vers l’avant, le plaçant dans une position instable (illustration page 16[2]). À cela s’ajoutent souvent des privations sensorielles, la privation de sommeil ou l’exposition à des bruits très forts. Les personnes soumises à cette pratique peuvent avoir la tête couverte d’un sac (souvent sale) et subir des souffrances prolongées, parfois pendant plusieurs jours voire plusieurs mois[2].

D’autres sources[3],[4] emploient également ce terme pour décrire une méthode où le prisonnier est suspendu de manière à ce que ses pieds touchent à peine le sol (Al Shabeh). Il existe des variantes, comme la suspension par une poulie, la suspension tête en bas (Shabeh inversé) ou encore par un seul membre (Shabeh latéral). Ces pratiques s’accompagnent souvent de coups ou de flagellations.

Les conséquences physiques incluent des gonflements des extrémités, des dislocations, des ruptures musculaires ainsi que des vertiges et nausées liés à l’afflux sanguin, notamment en cas de Shabeh inversé. Cette méthode a notamment été pratiquée en Syrie sous le régime baasiste[4].

Usage par le GSS

Dans de nombreux cas, le GSS (General Security Service aussi appelé Shin Bet ou encore Shabak) a complété et modifié le Shabeh comme suit :

  • La méthode dite du « Réfrigérateur » qui consiste à exposer la personne interrogée à un climatiseur projetant de l'air froid directement sur elle. Le GSS utilise généralement cette méthode lorsque la personne interrogée est en Shabeh dans la salle d'interrogatoire. Cela peut durer un week-end ou encore davantage.
  • Le Shabeh debout obligeant le détenu à se lever, les bras attachés derrière lui, souvent à un tuyau fixé au mur. Cela peut se poursuivre durant au moins 24h avec de très courtes pauses.
  • Le Shabeh debout avec les bras du détenu tirés vers l'arrière et vers le haut, de sorte que le haut du corps soit forcé vers l'avant et vers le bas (illustration page 19[2]).

Shabeh et interrogatoire

Certaines des méthodes de Shabeh sont utilisées pendant la période que le GSS appelle « attente de l'interrogatoire », c'est-à-dire lorsque le détenu n'est ni interrogé ni dans sa cellule, mais plutôt dans le couloir ou la cour. Certaines de ces méthodes sont également utilisées lorsque le détenu est interrogé. Pendant l'interrogatoire, qui peut durer des minutes ou des heures, le sac est généralement retiré, tout comme une partie ou la totalité des entraves et la musique est baissée. Cependant, le GSS mène généralement l'interrogatoire pendant que le détenu est assis sur une petite chaise, souvent au moins partiellement attaché et n'est toujours pas autorisé à dormir. Les entraves et sacs sont retirées lors des quelques minutes allouées pour manger ou se doucher[2].

Durée

Dans le cas du GSS, il s'agit généralement du « Shabeh régulier » pendant plusieurs jours d'affilée, avec des pauses extrêmement courtes. Parfois, les interrogateurs privent totalement la personne interrogée de sommeil pendant plusieurs jours consécutifs. D'autres fois, le détenu est privé de sommeil par cycles de quarante-huit heures et est autorisé à dormir quelques heures (cinq maximum) dans la cellule ou la salle d'interrogatoire, puis est renvoyé en Shabeh pour quarante-huit heures supplémentaires. Cela se produit du dimanche au jeudi. Lorsque les interrogateurs partent en week-end, la plupart des détenus peuvent se détendre dans leur cellule jusqu'au dimanche.

Cependant, dans certains endroits comme au Complexe russe (Moscovia Detention Centre (en)), à Jérusalem, le GSS a maintenu certains détenus en Shabeh pendant le week-end. Les détenus peuvent ainsi être maintenus en Shabeh pendant des semaines, voire des mois[2].

Approche officielle d’Israël

Le GSS a admis avoir recours au Shabeh, du moins au « Shabeh classique » (en position assise). L'État soutient généralement que la plupart des méthodes consistant à enchaîner, à se couvrir la tête et à écouter de la musique forte sont des « mesures de sécurité » et ne sont pas des méthodes d'interrogatoire.

En effet, selon eux :

  • Le fait de couvrir la tête est fait par crainte que la personne interrogée n'en identifie d'autres à ses côtés en attendant d'être interrogées.
  • L'écoute de musique à un volume élevé « n'est pas fait pour opprimer le requérant, comme le prétend la requête, mais pour empêcher les personnes interrogées de parler avec d'autres détenus, ce qui pourrait nuire à leur interrogatoire ».
  • Attacher le détenu à une petite chaise « est fait pour protéger la sécurité du centre de sécurité et des interrogateurs ».

En d'autres termes, toujours selon eux, ces actes ne sont pas des méthodes d'interrogatoire.

D'autre part, l'État d'Israël soutient que la privation de sommeil est nécessaire pour un « interrogatoire intensif ». L'État soutient en outre que les interrogateurs permettent généralement aux personnes interrogées de dormir pendant quelques heures après qu'elles ont été totalement privées de sommeil pendant quarante-huit heures[2].

Interdiction

En septembre 1999, la Haute Cour de justice d'Israël a examiné plusieurs requêtes contestant la légalité des méthodes d'interrogatoire employées par le GSS, y compris le Shabeh, et dans une décision unanime, toutes les méthodes de force physique, y compris le maintien en position de Shabeh, ont été interdites[5],[6].

Mais ces méthodes pratiquées avant les années 2000[6] pourraient être toujours d'actualité dans le contexte du conflit israélo-palestinien[7].

Notes et références

  1. « Israël et Territoires Occupés: Action complémentaire: torture et mauvais traitements/prisonnier d'opinion », sur Amnesty International, (consulté le ).
  2. (en) Yuval Ginbar, Routine Torture: Interrogation Methods of the General Security Service, , 84 p. (lire en ligne), p. 15-24.
  3. Céline Zünd, «Le cauchemar éveillé de la torture systématique», sur Le Temps, (consulté le ).
  4. (en) « Islamic State Torture is Destroying Syrian Society », sur Atlantic Council, .
  5. (en) Jessica Montell, « Uncharted Territory: Generating Opposition to Torture in Israel », sur JSTOR, Bridges, .
  6. « Israël : la torture codifiée », sur jeuneafrique, .
  7. (en) Rami ‘Abdel Razeq Ahmed Musleh, « This is My story of Being Held 100 times in Shabeh Position », sur Palestinian Centre for Human Rights, (consulté le ).
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