Sha'ir

En poésie arabe antéislamique, le shāʿir (mot arabe signifiant poète), شاعر en langue arabe, est un poète et dignitaire. Les paroles poétiques qu'il déclame sont considérées par sa communauté comme inspirées, par des esprits tels les Djinns ou les shaitans. Ces forces surnaturelles confèrent au savoir du sha'ir une forme de pouvoir, considéré comme une arme en temps de guerre. Le sha'ir pratique notamment une poésie satirique nommée hija[1]. Les croyances autour du surnaturel s'amoindrissent dans un second temps, mais le sha'ir conserve de son prestige comme porte-parole (louant sa communauté et insultant ses ennemis), les plus appréciés étant entourés de récitants, les rawis, qui apprennent leurs vers. Lors de l'avènement de l'Islam, le prophète Muhammad les considère avec méfiance[1], et certaines sourates du Coran mettent le croyant en garde contre l'inspiration, d'origine démoniaque, du poète (sha'ir[2]), qui pourrait l'égarer. Toutefois, le huitième siècle connaît le développement de la philologie ainsi que de la grammaire arabes et c'est leur langue, aussi langue coranique, qui s'impose comme norme des lettres arabes classiques[1].

L'islamologue Régis Blachère évoque le lien linguistique entre shi'r, la poésie, et sha'ir, le poète, substantivation du participe du verbe sha'ara (qui, dans le Coran, est employé dans le sens de savoir par intuition, pressentir, deviner) et renvoie dans le monde arabe à un monde merveilleux inspirant le sha'ir et lui conférant du savoir. Blachère opère un rapprochement sémantique avec le terme latin vates, le devin. Le terme désignant le voyant, kâhin, renvoie à une autre réalité, distincte mais proche (pour Blachère, c'est la raison pour laquelle le Coran englobe les inspirations du poète et du devin). Le poète est associé au Djinn, démon ou génie créateur, pourrait être valorisé s'il est aveugle (a'sha) et connaître une forme de marginalité : en se mettant en retrait ou en se revêtant de façon excentrique[3]. Henda Zaghouani-Dhaouadi, chercheuse, évoque des hommes et des femmes poètes[4].

Notes et références

  1. (en) « Shāʿir | Middle Eastern, Classical, Poetry | Britannica », sur www.britannica.com (consulté le )
  2. Rémi Chéno, « Prophétie biblique et prophétie coranique: », Nouvelle revue théologique, vol. Tome 132, no 3,‎ , p. 434–447 (ISSN 0029-4845, DOI 10.3917/nrt.323.0434, lire en ligne, consulté le )
  3. Blachère, R. 1980. Histoire de la littérature arabe des origines à la fin du XVe siècle de J.-C.,Vols. I-II. Librairie d’Amérique et d’Orient, Adrien Maisonneuve, J. Maisonneuve, succ. Paris. 458 p.
  4. Le cadre littéraire et historique des Mu‘allaqât et de la poésie arabe préislamique, Henda Zaghouani-Dhaouadi, Synergies Monde arabe n° 5 - 2008 pp. 23-46
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