Sergent Gnama
Sergent Gnama est une nouvelle écrite par Romain Gary, publiée en janvier 1946 dans Le Bulletin de l'Association des Français Libres. Il est accompagné de trois dessins réalisés par Jean Talbot[1]: l'un représentant un boy en train d'écailler un poisson, un hippopotame sortant de l'eau « avec ses oreilles de chat »[2] et un dessin de l'écrivain[3].
Romain Gary aurait vécu cette scène lors de la campagne d'Afrique à laquelle il participa[1],[4],[5]. L'action se déroule au Tchad, en AEF à l'instar du roman de Romain Gary Les Racines du ciel publié en 1956.
Le terme Gnama [/ɲa.ma/] est une transcription littérale du terme bantou Nyama (en Lingala) ou Mnyama (en Swahili) signifiant viande, animal. « Et comment s'appelait-t'il ? : Sergent Gnama. . - Ça veut dire animal »[2].
Dans le roman de Gary Les Cerfs-volants publié en 1980, Ambroise, l'oncle du protagoniste, utilise le terme gnama pour désigner ses cerfs volants : « on expliquait ainsi son pacifisme et aussi cette marotte qui consistait à passer tout son temps libre avec ses cerfs-volants : avec ses gnamas »[6]. « Des soldats allemands venaient souvent nous commander des gnamas qu’ils envoyaient comme cadeaux à leurs enfants. Certains des cerfs-volants dissimulaient non seulement des appels à la résistance »[6].
Cette nouvelle s'inscrit dans l'ensemble d'œuvres garyenne se déroulant sur le continent africain : Les Racines du ciel, Une petite femme, Géographie humaine, Tout va bien sur le Kilimandjaro, Les Trésors de la Mer Rouge.
Cette œuvre est publiée avec d'autres nouvelles dans L'Orage[7] en 2005.
Résumé
L'histoire se déroule en janvier 1941 au Tchad. Un équipage de sept aviateurs descend le fleuve Chari entre Fort Archambaud (aujourd'hui Sarh) et Fort Lamy (actuel N'Djamena) à bord d'une baleinière.
Jean-Baptiste, un boy originaire de l'Oubangui, serviteur de Paul-Louis l'un des aviateurs, entonne une chanson en français bien qu'il ne parle pas cette langue. Le narrateur, aidé de son boy comme interprète lui demande où il a appris cette chanson. Jean-Baptiste lui raconte qu'un aviateur français qu'il avait rencontré à Bangui, le Sergent Gnama, et qui fut son ancien maître, lui aurait appris cette chanson.
Chanson du Sergent Gnama
« Nos mères pleurent sur la dalle Tous nos frères sont prisonniers La France entre des mains sales Mais nous sommes les jusiticiers... [...]
Les vengeurs et les sans trêve, Les cruels, les sans merci Nous n'avons tous qu'un seul rêve Que le crime soit puni... [...]
Alors par la sacrée Porte Nous reviendrons le cœur fier Sinon que le diable emporte Notre âme dans le désert [...]
Sinon que le chacal mange Nos os sec en ricannant Mais pour vivre dans la fange Il faudrait être allemand »[2].
Sont présent dans cette chanson des rimes croisées ainsi qu'un « hiatus dans chaque vers »[2].
Notes
Bien que non mentionné explicitement dans le texte l'on peut supposer que les "sept hommes sur le fleuve"[2] sont en partie des aviateurs pour deux motifs :
- Gary fait mention de camarade : « Les camarades dormaient dans la cabine »[2] pouvant désigner un frères d'armes.
- Les hommes doivent rejoindre Fort Lamy pour récupérer des Blenheims : « nos Blenheims nous attendaient à Fort-Lamy »[2]. Les Bristols Blenheims sont une catégorie d'avions bombardiers.
L'usage du Je désigne ici Romain Gary comme protagoniste de sa propre œuvre.
Gary crée une parallèle entre une faune vivante et des objets inanimés: Les pélicans comme avions : « Les pélicans prenaient leur essor; [...], puis rentraient leur train et décollaient », « Les hippos [...] baudruches obèses » et « les caïmans ressemblaient à des troncs d'arbres morts »[2]. À l'opposé, le Sergent Gnama voit son avion, objet inanimé, transformé en animal, en nyama.
Longue de trois pages, Sergent Gnama est l'une des nouvelles les plus courtes écrites par Romain Gary[8].
Pour Fabrice Larat[1] : « Gary utilise cette anecdote pour dire combien l’espoir était pourtant vivace en ces années de doute et de combats [...], alors qu’aujourd’hui, en 1946, ”tant des rêves ont mordu la poussière”. Le monde a changé de figure après la Libération, et il ne ressemble en rien à celui dont les combattants de 1941 avaient rêvé.»
Bibliographie
Myriam Anissimov, Romain Gary, le caméléon, Gallimard, 2006 (ISBN 2-07041361-6)
Fabrice Larat, Romain Gary (1914-1980), Romain Gary (1914-1980), Oeuvre et engagement : une trajectoire dans le siècle ou la recherche et l'expression d'une identité européenne. Volume 1 & 2. 26 juin 1996. Sous la direction du Pr Jean-Pierre AZEMA.
Romain Gary, Les Cerfs Volants, Gallimard, 1980 (ISBN : 9782070374670 )
Romain Gary, L'Orage, L'Herne, 2005 (ISBN : 9782851977113)
Références
- Fabrice Larat, Romain Gary (1914-1980), Oeuvre et engagement : une trajectoire dans le siècle ou la recherche et l'expression d'une identité européenne. Volume 2 "Bibliographie, annexes et index", Institut d'Études Politiques de Paris, (lire en ligne), p. 111
- Romain Gary, « Bulletin de l'Association des Français Libres N°2 janvier 1946. Sergent Gnama pages 11 à 13 », (consulté le )
- ↑ L'on peut noter sur ce dessin la signature de Jean Talbot
- ↑ Denis Labouret, « Les Racines du ciel, roman « écologique » ? L’Afrique sensible de Romain Gary »
- ↑ Fabrice Larat, Romain Gary (1914-1980), Oeuvre et engagement : une trajectoire dans le siècle ou la recherche et l'expression d'une identité européenne., Institut d'Études Politiques de Paris, , 635 p., p. 196
- Romain Gary, Les Cerfs-volants, Gallimard, (ISBN 9782070374670)
- ↑ Romain Gary, L'orage, L'Herne, (ISBN 9782851977113)
- ↑ A COMPLETER
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