Psychiatrie transculturelle

Depuis le XIXe siècle, la psychiatrie a été concernée par la rencontre avec des patients issus de cultures non-occidentales. Différents termes ont été utilisés par les chercheurs qui se sont intéressés à ces questions, tandis que les concepts se modifiaient.

La psychiatrie transculturelle est une branche de la psychiatrie qui vise à rendre compte de l'hétérogénéité culturelle dans laquelle cette discipline se développe, et de la nécessité d'articuler les savoirs académiques et les savoirs locaux, pour parvenir à des diagnostics et à des soins pertinents, lorsqu'on est dans une situation transculturelle. Cette discipline doit donc s'adosser à d'autres, comme l'anthropologie et la sociologie. Prendre en compte des langues, traditions et manières de penser différentes permet d'éviter les erreurs de diagnostic[1],[2].

La psychiatrie et la psychologie transculturelles se distingueznt des approches interculturelles en cela qu'elles postulent que la rencontre entre les cultures relève de la co-construction et non de la simple cohabitation ou mise en contact[3].

Psychiatrie et psychologie transculturelle communiquent activement et on trouvera des professionnels des deux disciplines dans le mouvement de pensée initié par Georges Devereux[4] et poursuivi par Marie-Rose Moro. Différents professionnels participent des élaborations théoriques et cliniques de cette école de pensée, orientée vers la prise en compte de la variabilité culturelle et destinée à proposer des prises en soin éclairées et informées[5]. Différentes spécialités sont représentées parmi les professionnels issus de la psychologie/psychiatrie transculturelle, au travers de professionnels gravitant autour de l'impulsion de Marie-Rose Moro : Thierry Baubet[6], spécialisé dans le psycho-trauma, Laëlia Benoit[7], qui travaille sur l'enfance et l'adolescence, Jonathan Lachal[8], attaché à la recherche théorico-clinique, Malika Mansouri, qui s'intéresse aux questions post-coloniales et à leurs conséquences psychologiques et sociales[9]. L'approche transculturelle est aussi portée par de jeunes chercheurs, qui se saisissent de ses outils et de ses réflexions pour proposer des travaux de différentes natures. Récemment, des recherches en psychologie clinique, portées par Malika Mansouri et Elie Letourneur, ont montré que les outils et préceptes de l'approche transculturelle peuvent être utilisés dans le champ des sciences quantitatives[10]

Kraepelin à Java

En 1904, Emil Kraepelin effectue un voyage d'étude à Java afin d'y tester la valeur universelle de sa classification. Il y identifie un certain nombre de troubles spécifiques à cette région comme l'amok et le latah pour lesquels il trouve des correspondances avec les entités diagnostiques qu'il a défini préalablement. Ce voyage marque la naissance de la « psychiatrie comparée »[11]. Ainsi, pour Kraepelin, même s'il existe à Java des tableaux cliniques d'allure exotique, ceux-ci sont réintégrés dans sa nosologie.

Psychiatrie coloniale

Notes et références

  1. Dr Claire Lewandowski, « Qu'est-ce que la “psychiatrie transculturelle”? », sur pourquoidocteur.fr, .
  2. (en) Elie K.N. Letourneur, Erwann Gouadon et Malika Mansouri, « Diagnosing psychopathy in an intercultural setting: Applications and implications in postcolonial contemporary Mayotte », International Journal of Law and Psychiatry, vol. 93,‎ , p. 101963 (DOI 10.1016/j.ijlp.2024.101963, lire en ligne, consulté le )
  3. Jacques Demorgon, « L’interculturel entre réception et invention. Contextes, médias, concepts », Questions de communication, no 4,‎ , p. 43–70 (ISSN 1633-5961 et 2259-8901, DOI 10.4000/questionsdecommunication.4538, lire en ligne, consulté le )
  4. Georges Devereux, Essais d’ethnopsychiatrie générale, Paris, Gallimard,
  5. Marie Rose Moro, « La nécessité transculturelle aujourd’hui pour une société « bonne » pour tous: », Le Carnet PSY, vol. N° 188, no 3,‎ , p. 18–21 (ISSN 1260-5921, DOI 10.3917/lcp.188.0018, lire en ligne, consulté le )
  6. Thierry Baubet, « Mémoire et traumatisme », dans Mémoire et traumatisme, Dunod, , 41–56 p. (ISBN 978-2-10-084816-4, DOI 10.3917/dunod.eusta.2023.02.0041, lire en ligne)
  7. John Rideau, « Laelia Benoit, Infantisme , Paris, Le Seuil, coll. « Libelle », 2023.: », Cahiers de l'enfance et de l'adolescence, vol. n° 11, no 1,‎ , p. 229–230 (ISSN 2650-3891, DOI 10.3917/cead.011.0229, lire en ligne, consulté le )
  8. Jonathan Lachal, « La subjectivité et le contre-transfert culturel en recherche clinique », Soins, vol. 64, no 836,‎ , p. 40–44 (DOI 10.1016/j.soin.2019.04.011, lire en ligne, consulté le )
  9. Malika Mansouri, Révoltes postcoloniales au cœur de l'Hexagone, Presses Universitaires de France, (ISBN 978-2-13-061882-9, DOI 10.3917/puf.mans.2013.01., lire en ligne)
  10. (en) Elie K.N. Letourneur, Ada Pouye et Malika Mansouri, « Being victim in a postcolonial context: A quantitative study on power relations in Mayotte », International Journal of Law, Crime and Justice, vol. 80,‎ , p. 100727 (DOI 10.1016/j.ijlcj.2025.100727, lire en ligne, consulté le )
  11. Le texte de Kraepelin sur son voyage à Java a été traduit en français et commenté in : Huffschmitt L. Kraepelin à Java. Synapse 1992 ; (86) : 69-75.

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Thierry Baubet, Marie Rose Moro, Psychiatrie et migrations. Paris:Masson;2003. (ISBN 9782294012075)
  • René Collignon, « La psychiatrie coloniale française en Algérie et au Sénégal : esquisse d'une historisation comparative », Revue Tiers Monde, Armand Colin, vol. 187, no 3,‎ , p. 527-546 (DOI 10.3917/rtm.187.0527, lire en ligne)
  • Portail de la culture
  • Portail de l’anthropologie
  • Portail de la médecine
  • Portail de la psychologie