Synthèse hydrothermale
La synthèse hydrothermale est un procédé faisant appel à des techniques de cristallisation de substances à partir de solutions aqueuses à haute température et à haute pression de vapeur ; également appelée « méthode hydrothermale ». Le terme « hydrothermal » est d’origine géologique[1]. Les géochimistes et minéralogistes étudient les équilibres de phases hydrothermales depuis le début du XXe siècle. George W. Morey, à la Carnegie Institution, et plus tard, Percy W. Bridgman, à l’Université Harvard, ont effectué une grande partie du travail pour jeter les bases nécessaires au confinement des milieux réactifs dans la plage de température et de pression où la plupart des travaux hydrothermaux sont effectués.
La synthèse hydrothermale peut être définie comme une méthode de synthèse de monocristaux qui dépend de la solubilité des minéraux dans l’eau chaude sous haute pression. La croissance cristalline est effectuée dans un appareil composé d’un récipient sous pression en acier appelé autoclave, dans lequel un nutriment est fourni avec de l’eau. Un gradient de température est maintenu entre les extrémités opposées de la chambre de croissance. À l’extrémité la plus chaude, le soluté nutritif se dissout, tandis qu’à l’extrémité la plus froide, il se dépose sur un cristal "graine", faisant croître le cristal souhaité.
Les avantages de la méthode hydrothermale par rapport aux autres types de croissance cristalline comprennent la capacité de créer des phases cristallines qui ne sont pas stables au point de fusion. De plus, les matériaux qui ont une pression de vapeur élevée près de leur point de fusion peuvent être cultivés par la méthode hydrothermale. La méthode est également particulièrement adaptée à la croissance de gros cristaux de bonne qualité tout en gardant le contrôle de leur composition. Les inconvénients de la méthode comprennent la nécessité d’autoclaves coûteux et l’impossibilité d’observer le cristal pendant qu’il grandit si un tube d’acier est utilisé[2]. Il existe des autoclaves en verre à parois épaisses, qui peuvent être utilisés jusqu’à 300 °C et 10 bars[3].
Histoire
Le premier rapport sur la croissance hydrothermale de cristaux[4] a été fait par le géologue allemand Karl Emil von Schafhäutl (1803-1890) en 1845 : il a fabriqué des cristaux de quartz microscopiques dans une cocotte-minute[5]. En 1848, Robert Bunsen a signalé la croissance de cristaux de carbonate de baryum et de strontium à 200 °C et à des pressions de 15 atmosphères, en utilisant des tubes de verre scellés et du chlorure d'ammonium aqueux (« Salmiak ») comme solvant[6]. En 1849 et 1851, le cristallographe français Henri Hureau de Sénarmont (1808-1862) produit des cristaux de divers minéraux par synthèse hydrothermale[7],[8]. Plus tard (1905), Giorgio Spezia (1842-1911) publia des rapports sur la croissance des cristaux macroscopiques[9]. Il a utilisé des solutions de silicate de sodium, des cristaux naturels comme graines et approvisionnement, et un récipient doublé d’argent. En chauffant l’extrémité d’alimentation de son récipient à 320-350 °C et l’autre extrémité à 165-180 °C, il a obtenu environ 15 mm de nouvelle croissance sur une période de 200 jours. Contrairement à la pratique moderne, la partie la plus chaude du récipient se trouvait au sommet. Une pénurie dans l’industrie électronique de cristaux de quartz naturels du Brésil pendant la Seconde Guerre mondiale a conduit au développement d’après-guerre d’un procédé hydrothermal à l’échelle commerciale pour la croissance de quartz, par A. C. Walker et Ernie Buehler en 1950 aux Laboratoires Bell[10]. D’autres contributions notables ont été faites par Nacken (1946), Hale (1948), Brown (1951) et Kohman (1955)[11].
Utilisation
Un grand nombre de composés appartenant à pratiquement toutes les classes ont été synthétisés dans des conditions hydrothermales : éléments simples, oxydes simples et complexes, tungstates, molybdates, carbonates, silicates, germanates, etc. La synthèse hydrothermale est couramment utilisée pour fabriquer du quartz synthétique, des pierres précieuses et d’autres monocristaux ayant une valeur commerciale. Certains des cristaux qui ont été fabriqués efficacement sont des émeraudes, des rubis, du quartz, de l’alexandrite et autres. La méthode s’est avérée extrêmement efficace à la fois dans la recherche de nouveaux composés ayant des propriétés physiques spécifiques et dans l’étude physicochimique systématique de systèmes complexes à plusieurs composants à des températures et des pressions élevées.
Références
- ↑ La plus ancienne occurrence du mot "hydrothermal" apparaît dans l'ouvrage : Sir Charles Lyell, A Manual of Elementary Geology … , 5th ed. (Boston, Massachusetts: Little, Brown, and Company, 1855), page 603: "The metamorphic theory [requires us to affirm] that an action, existing in the interior of the earth at an unknown depth, whether thermal, hydro-thermal, … "
- ↑ (en) M. O'Donoghue, A guide to Man-made Gemstones, Great Britain, Van Nostrand Reinhold Company, , 40–44 p. (ISBN 0-442-27253-7)
- ↑ (en) Schubert, Ulrich. and Hüsing, Nicola, Synthesis of inorganic materials, Weinheim: Wiley-VCH, , p. 161
- ↑ Pour une histoire plus détaillée de la synthèse hydrothermale, voir : (en) K. Byrappa and Masahiro Yoshimura, Handbook of Hydrothermal Technology, Norwich, New York, Noyes Publications, (lire en ligne), « Chapter 2: History of Hydrothermal Technology »
- ↑ (de) Schafhäutl, « Die neuesten geologischen Hypothesen und ihr Verhältniß zur Naturwissenschaft überhaupt » [« Les dernières hypothèses géologiques et leur relation avec la science en général »], Gelehrte Anzeigen, die königliche Bayerische Akademie der Wissenschaften (the Royal Bavarian Academy of Sciences)), vol. 20, , p. 557, 561-567, 569-576, 577-596 (lire en ligne) A la page 578, il déclare : « 5) Bildeten sich aus Wasser, in welchen ich im Papinianischen Topfe frisch gefällte Kieselsäure aufgelöst hatte, beym Verdampfen schon nach 8 Tagen Krystalle, die zwar mikroscopisch, aber sehr wohl erkenntlich aus sechseitigen Prismen mit derselben gewöhnlichen Pyramide bestanden. » ( 5) Des cristaux se sont formés à partir de l'eau dans laquelle j'avais dissous de l'acide silicique fraîchement précipité dans un pot de Papin [c'est-à-dire une cocotte-minute], après seulement 8 jours d'évaporation, qui bien qu'étant microscopiques étaient constitués de prismes à six faces très facilement reconnaissables avec leurs pyramides habituelles.
- ↑ (de) R. Bunsen, « Bemerkungen zu einigen Einwürfen gegen mehrere Ansichten über die chemisch-geologischen Erscheinungen in Island » [« Comments on some objections to several views on chemical-geological phenomena in Iceland »], Annalen der Chemie und Pharmacie, vol. 65, , p. 70-85 (lire en ligne). Page 83, Bunsen mentionne la cristallisation des sels carbonate de baryum, de strontium, etc. ("die kohlensauren Salze der Baryterde, Strontianerde, etc.").
- ↑ Voir :
- de Sénarmont, « Expériences sur la formation artificielle par voie humide de quelques espèces minérales qui ont pu se former dans les sources thermales sous l'action combinée de la chaleur et de la pression », Comptes rendus…, vol. 28, , p. 693-696 (lire en ligne)
- H. de Sénarmont, « Note sur la formation artificielle, par voie humide, du corindon et du diaspore », Comptes rendus …, vol. 32, , p. 762-763 (lire en ligne)
- ↑ (en) « Hydrothermal Crystal Growth - Quartz », Roditi International (consulté le )
- ↑ (it) Giorgio Spezia, « La pressione è chimicamente inattiva nella solubilità e ricostituzione del quarzo » [« la pression est chimiquement inactive dans la solubilité et la reconstitution du quartz »], Atti della Reale Accademia delle scienze di Torino (Proceedings of the Royal Academy of Sciences in Turin), vol. 40, , p. 254-262 (lire en ligne)
- ↑ (en) Denis McWhan McWhan, Sand and Silicon: Science That Changed the World, Oxford Univ. Press, , 11 p. (ISBN 978-0199640270, lire en ligne)
- ↑ (en) R.A. Laudise, R.H. Doremus, B.W. Roberts et D. Turnbull, Growth and perfection of crystals. Proceedings of an International Conference on Crystal Growth held at Cooperstown, New York on August 27–29, 1958., Wiley, New York, , 458–463 p.
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