Problème des distances distinctes d'Erdős
En géométrie discrète, le problème des distances distinctes d'Erdős concerne le nombre de distances distinctes possibles entre n points distincts du plan euclidien, nombre au sujet duquel plusieurs conjectures ont été posées par Paul Erdős, en 1946[1], et en 1996[2]. Elles concernent en particulier le minimum du nombre de distances distinctes[3]. Erdős et Guy ont aussi étudié les sous-ensembles de présentant inversement le maximum de distances possibles[4],[5].
Conjecture sur l'évaluation asymptotique de f(n)
Dans son article de 1946, Erdős démontre l'encadrement pour une certaine constante [1]. Le minorant est calculé par un raisonnement élémentaire[6]; pour le majorant, Erdős considère les points à coordonnées entières où et sont compris entre 0 et ; toutes les longueurs obtenues sont alors racines carrées d'entiers qui s'expriment comme somme de deux carrés et il y a tels entiers (voir constante de Landau-Ramanujan), d'où le résultat[6]. Erdős a conjecturé que ce majorant est une estimation assez précise de , c'est-à-dire qu'on a également (voir les notations de Landau).
En 2010, Larry Guth et Nets Hawk Katz annoncent avoir une solution[7],[8] ; elle est publiée en 2015 par les Annals of Mathematics[9], mais démontre seulement la minoration f(n) = Ω(n/ln n).
Résultats successifs
La minoration f(n) = Ω(n1/2) donné par Paul Erdős en 1946 a été successivement amélioré :
- f(n) = Ω(n2/3) (Leo Moser, 1952),
- f(n) = Ω(n5/7) (Fan Chung, 1984)[10],
- f(n) = Ω(n4/5/ln n) (Fan Chung, Endre Szemerédi, W. T. Trotter, 1992),
- f(n) = Ω(n4/5) (László Székely, 1993),
- f(n) = Ω(n6/7) (József Solymosi, C. D. Tóth, 2001),
- f(n) = Ω(n(4e/(5e − 1)) − e) (Gábor Tardos, 2003),
- f(n) = Ω(n((48 − 14e)/(55 − 16e)) − e) (Nets Katz, Gábor Tardos, 2004),
- f(n) = Ω(n/ln n) (Guth et Katz 2015)
Cas d'un polygone convexe
Dans son article de 1946, Erdős conjecture que si les points forment un polygone convexe alors le nombre minimal de distances distinctes est avec égalité lorsqu'ils forment un polygone régulier[1].
Valeur exacte de f(n) et configurations correspondantes
Les valeurs de sont connues jusqu'à ( suite A186704 de l'OEIS) :
| 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | |
|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
| 1 | 1 | 2 | 2 | 3 | 3 | 4 | 4 | 5 | 5 | 5 | 6 |
Jusqu'à , (le minimum est atteint entre autres par le n-gone régulier) ; pour , Erdős a trouvé trois autres configurations que l'ennéagone[2],[11].
Pour , le dodécagone régulier n'est plus minimal ; est atteint par une configuration utilisant des nœuds du réseau hexagonal[2],[11].
Erdős définit comme le nombre maximal de points du plan définissant distances distinctes ; est en quelque sorte la réciproque de :
- , et si [2],
- , et si .
Les valeurs de sont connues jusqu'à (suite A131628 de l'OEIS) :
| 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | |
|---|---|---|---|---|---|---|
| 3 | 5 | 7 | 9 | 12 | 13 |
Erdős conjecture que pour il existe des ensembles de nœuds du réseau hexagonal de taille [2].
Ensembles minimaux présentant toutes les distances possibles
Un exemple d'ensemble de points du plan présentant les distances possibles entre eux est formé des points de coordonnées ; il s'agit d'un cas particulier de règle de Golomb, ensemble de points de présentant les distances possibles. Il existe des règles de Golomb plus courtes que celle des puissances de 2 ; par exemple est plus courte que . La liste des longueurs des règles de Golomb les plus courtes est donnée par la suite A003022 de l'OEIS :
| 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | |
|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
| 1 | 3 | 6 | 11 | 17 | 25 | 34 | 44 | 55 |
Passant en dimension 2, Erdős et Guy ont posé en 1970 le problème d'évaluer les dimensions du plus petit carré de contenant points présentant les distances possibles[4],[12].
La liste du nombre de points sur le côté d'un tel carré est donnée par la suite A193838 de l'OEIS :
| 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | |
|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
| 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 9 | 10 | 11 | 13 | 15 | 16 | 18 |
Un dénombrement élémentaire montre que , donc que [4],[12].
Notes et références
- (en) P. Erdős, « On sets of distances of n points », American Mathematical Monthly, vol. 53, , p. 248–250 (lire en ligne)
- (en) Paul Erdös, Peter Fishburn, « Maximum planar sets that determine k distances », Discrete Mathematics, vol. 160, , p. 115-125 (lire en ligne)
- ↑ (en) Julia Garibaldi, Alex Iosevich, Steven Senger, The Erdös distance problem, American Mathematical Society,
- (en) P. Erdős, R. K. Guy, « Distinct distances between lattice points, », Elemente der Mathematik, vol. 25, , p. 121-123 (lire en ligne)
- ↑ (en) R. K. Guy, Unsolved Problems in Number Theory, Third Edition, New York, Springer, , p. 367-368, problème F2
- Fabien Aoustin, « Des distances et des points », Bibliothèque Tangente, no 81, , p. 67
- ↑ (en) Terence Tao, The Guth-Katz bound on the Erdős distance problem
- ↑ (en) János Pach, Guth and Katz’s Solution of Erdős’s Distinct Distances Problem
- ↑ (en) Larry Guth et Nets H. Katz, « On the Erdős distinct distances problem on the plane », Annals of Mathematics, , p. 155–190 (DOI 10.4007/annals.2015.181.1.2, lire en ligne)
- ↑ (en) F. Chung, « The number of different distances determined by n points in the plane », Journal of Combinatorial Theory, (A), vol. 36, , p. 342-354 (DOI 10.1016/0097-3165(84)90041-4, lire en ligne [PDF])
- (en) Peter Brass, William O. J. Moser, János Pach, Research Problems in Discrete Geometry, Springer Science & Business Media, (lire en ligne), p. 200-207
- Fabien Aoustin, « Des distances et des points », Bibliothèque Tangente, no 81, , p. 64-66
Voir aussi
Articles connexes
- Conjecture de Falconer (en)
- Graphe distance-unité
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