1er régiment de France

1er régiment de France

Insigne du régiment.

Création 15 juillet 1943
Dissolution 21 août 1944
Allégeance gouvernement de Vichy (1943-1944)
Résistance française (1944)
Garnison Le Blanc / Saint-Amand-Montrond / Dun-sur-Auron
Commandant général Berlon

Le 1er régiment de France (1er RF ou 1er RdF) est une unité militaire créée par le gouvernement de Vichy en 1943 pour lutter contre la résistance intérieure mais qui finit par la rejoindre en grande partie l'année suivante.

Histoire

Création

Après la dissolution de l'Armée d'armistice le et la découverte par les Allemands de dépôts d'armes camouflés dans l'ancienne zone libre[1], le général Eugène Bridoux, secrétaire d'État à la Guerre, éprouve les plus grandes difficultés à reconstituer quelques unités armées dépendant du gouvernement de Vichy[1]. Pierre Laval obtient cependant d'Hitler à Berchtesgaden le de pouvoir créer une force militaire de petite taille.

La loi est promulguée le [2] et le général Bridoux forme le le Premier régiment de France[1], composé de trois bataillons[1] et dont l'effectif maximum est fixé à 2 760 hommes, sous le commandement du général Antoine Berlon (°Toulon, 1890), considéré par certains comme pro-allemand[3] :

  • 1er bataillon (infanterie), stationné au Blanc, commandé par le chef de bataillon de Digoine du Palais[4] ;
  • 2e bataillon (infanterie), à Saint-Amand-Montrond, commandé par le chef de bataillon Ardisson[4] ;
  • 3e bataillon (mixte), à Dun-sur-Auron, commandé par le lieutenant-colonel Aublet[5].

Le choix de ces garnisons, fait par les Allemands, montre bien la volonté de ces derniers de disperser le régiment. L'état-major est au Blanc, à 120 km des deux autres garnisons, alors que les liaisons radio du régiment n'ont qu'une portée de 15 km[6].

Le régiment se distingue des précédentes unités françaises par son caractère interarmes, le troisième bataillon mêlant un escadron à cheval, un escadron cycliste, un escadron de mortiers et un escadron spécial de services[4].

Recrutement

Les militaires du rang sont à 50% des étudiants se destinant à une carrière militaire, ce qui fait surnommer l'unité « régiment des bacheliers » par la presse d'époque. Les officiers sont également des volontaires de l'ancienne armée d'armistice tandis que les sous-officiers sont généralement des militaires du rang formés au sein du peloton d'élèves gradés du régiment[4].

Le régiment, rattaché à Pierre Laval, est composé d’un personnel attaché aux valeurs militaires mais qui sera qualifié de « profondément pétainiste »[7]. Il accueille dans ses rangs une centaine de miliciens volontaires[réf. souhaitée]. Cependant, les personnels, hors les miliciens, sont dans l’ensemble profondément anti-allemands[8].

Équipement et armement

L'uniforme est celui du modèle 1941 dont la livraison avait commencé en 1942 dans l'Armée d'armistice, à l'exception du casque qui reste le casque Adrian modèle 1926[4].

Bien que les Allemands aient initialement prévu d'équiper le régiment d'armes allemandes, il reçoit finalement des armes françaises, livrées à partir de décembre 1943 : fusils MAS 36, pistolets-mitrailleurs MAS 38, fusils-mitrailleurs MAC 24/29, mitrailleuses Hotchkiss modèle 1914 et huit mortiers Brandt modèle 27/31 de 81 mm (ces derniers sont retirés en février 1944 quand le colonel Berlon refuse d'envoyer le régiment participer à la lutte contre la résistance en Haute-Savoie). À partir de juin 1944, le régiment reçoit également des armes capturées à la Résistance[4].

Le régiment est très légèrement motorisé, avec trente-quatre side-cars et motos Gnome et Rhône AX2 et une soixantaine de véhicules automobiles : voitures de tourisme, camionnettes (Peugeot DMA, Renault AHS et Citroën 23) et camions (Renault AHN et Berliet). Le régiment dispose cependant de 800 bicyclettes et de plusieurs centaines centaines de chevaux de selle et de trait (six cents en juin 1944 pour un total théorique de 895), ainsi que d'environ 200 véhicules hippomobiles[4].

Opérations contre la Résistance

Le régiment est chargé de monter des opérations contre la Résistance[1]. De multiples accrochages ont lieu[réf. nécessaire]. Ainsi, à Vaussujean, sur la commune de Saint-Sébastien (Creuse), le , un détachement de 30 hommes du 1er RF commandé par le lieutenant Bonioli monte une embuscade contre des Résistants après un parachutage et en abat sept. Il arrête ensuite trois Résistants du voisinage qu'il livre à la Milice et qui seront torturés et abattus[9]. Le , le 1er RF, de concert avec les Allemands, tire sur des maquisards à Ussel. Quarante-sept FTP sont tués.

À partir de , le régiment reçoit des missions de protection des voies ferroviaires et des réseaux de transport d'électricité. Le 1er bataillon est ainsi chargé de la protection du barrage d'Éguzon et des lignes à haute tension qu'il alimente. Il surveille aussi la voie ferrée entre Argenton-sur-Creuse et Limoges. Trois compagnies du 2e bataillon (détachement Meyer)[10] protègent les lignes reliant le barrage de Kembs à Paris, entre Belfort et Troyes[11].

Les ralliements à la Résistance

Dès le débarquement connu, une cinquantaine de sous-officiers et hommes désertent pour rejoindre la Résistance[12], dont le la totalité de la musique du régiment qui passe au maquis Lebon et dont le chef, le lieutenant Louis Huygue (Matraque), deviendra un des adjoints de Guy Lebon[13],[1]. C'est ainsi que le , le soldat Henri Rognon et dix de ses camarades, lors du massacre d'Argenton-sur-Creuse, assistant à l'arrivée inattendue d'une colonne de la 2e division SS Das Reich, tirent spontanément sur elle. Il s'ensuit un combat qui nécessite l'utilisation d'un canon pour réduire les Résistants. Henri Rognon est tué et cinq soldats faits prisonniers sont exécutés le lendemain à Limoges. Le même jour la garnison allemande d'Ussel accepte de déposer les armes sous la protection d'une compagnie du 1er régiment de France. Cette libération échoue après qu'une compagnie de FTP ait pénétré dans le cantonnement pour s'emparer des armes[14].

Le 20 juin au soir, la compagnie du 2e bataillon stationnée à Saint-Amand se heurte à une unité allemande venant de Bourges et lui cause un ou deux tués[4].

En Champagne, les hommes du 2e bataillon entrent rapidement en contact avec la Résistance, d'autant plus facilement qu'ils sont isolés et autonomes. En , 17 soldats cantonnés à Humes rejoignent la Résistance, apportant leur armement, et deviennent le noyau du maquis du Fresnoy. D'autres éléments de l'Aube rejoignent les maquisards du département[15].

En , le général Berlon souhaite avoir un contact avec la Résistance militaire. Le colonel Chomel, commandant la brigade Charles Martel, qui dépend de l'Organisation de résistance de l'armée (ORA), en est informé, fait approcher le général et entre en pourparlers avec lui. Le général est arrêté le à Cluis, près d'Éguzon[16], par des éléments FFI du groupe Indre-Est. L'embuscade de Cluis est montée, sur renseignement de deux des officiers du 1er RF[17], par le capitaine Gouillard et le lieutenant Leroy, officiers tués au feu le mois suivant dans les combats contre les troupes allemandes de la colonne Elster[18], non contrôlés par le colonel Chomel mais ce dernier peut poursuivre avec l'adjoint du général ces contacts qui aboutissent le au ralliement à la Résistance de l'ensemble du régiment. Les trois bataillons ont perdu depuis le beaucoup d'hommes déjà passés à la Résistance, mais leur personnel, encore nombreux, est formé, équipé et encadré par des officiers de carrière. Ces effectifs sont fondus dans les maquis militaires du Berry. La brigade Charles Martel reçoit le 1er bataillon ainsi qu'un escadron cycliste, un escadron à cheval et un peloton de motards du 3e bataillon[19]. Les éléments du 2e bataillon stationnés dans le Cher rejoignent le maquis du colonel Bertrand et sont répartis dans la 33e demi-brigade de la brigade Bertrand[20].

Le ralliement du 1er bataillon double les effectifs de la brigade Charles Martel, avec des éléments de grande valeur[21]. Les nouveaux effectifs sont affectés au 17e bataillon de chasseurs portés et à la 27e demi-brigade, et permettent de créer le une quatrième unité, le 8e régiment de cuirassiers, sous les ordres du commandant Calvel qui vient lui aussi du 1er régiment de France. Le 8e cuir se bat victorieusement quelques jours plus tard contre la Wehrmacht au combat d'Écueillé. Deux cent cinquante hommes de son 1er escadron, capitaine Colomb, s'y illustrent dans un combat improvisé où ils réduisent entièrement en deux heures un convoi allemand d'artillerie antichar[4].

Le 1er régiment de France est officiellement dissous le [4].

Après son arrestation[22], le général Berlon est transféré à Limoges le . D'abord jugé à Bourges en [23], il l'est de nouveau à Bordeaux en décembre[24] et condamné à cinq ans d'indignité nationale, rayé des cadres de la Légion d'honneur, rétrogradé au grade de lieutenant-colonel et privé de pension. Il sera gracié par le président Vincent Auriol puis placé dans le cadre de réserve[25].

Personnalités ayant servi au 1er régiment de France

Notes et références

  1. Paxton 2006.
  2. Journal Officiel
  3. Voir Philippe Naud, § 67 : Le général Delmotte, secrétaire général à la Défense terrestre, aurait reçu plusieurs rapports sur l'attitude pro-allemande de Berlon lors de sa captivité en Allemagne, Naud 2001 ; v. Archives départementales du Cher, liasse 939 W 158, dossier militaire sur l'activité du Premier régiment de France. Le lieutenant-colonel Berlon avait été le chef d'état-major du général Alphonse Juin, commandant la 15e division d'infanterie motorisée en mai 1940. Il avait été fait prisonnier en même temps que le général à l'issue des combats de la poche de Lille et emprisonné en Allemagne. Après sa libération, le régime de Vichy l'avait promu général et commandeur de la Légion d'honneur. V. aussi la synthèse des rapports mensuels des préfets de juin 1943, note no 12, en ligne.
  4. Jacques Sicard, « Le premier régiment de France », Militaria Magazine, no 81,‎ , p. 51-56
  5. "Paul Boisset, mort pour la France", section Histoire locale et généalogie de l'Association Arts et Loisirs, Saint-Laurent-Nouan, novembre 2010. Le colonel Aublet a été déféré devant la Cour de justice de Bourges en même temps que le général Berlon (v. Alain Guérin, ouvrage cité ci-dessous) et condamné à Bordeaux à dix ans de travaux forcés (v. Liberté, 29 janvier 1947).
  6. Naud 2001.
  7. Cf. colonel Chomel, chef de la brigade de résistance Charles Martel.
  8. "Le 1er Régiment de France en Haute-Marne", Mémoires 52, 27 novembre 2011
  9. Voir le rapport officiel du 1er RF et l'analyse des circonstances du massacre dans l'article de J.-L. Laubry en référence. Le lieutenant Bonioli a été abattu le 27 septembre 1944 au Blanc par Marcel Paniez, son adjudant lors du massacre.
  10. Premier Régiment de France : (1943-1944) : itinéraire du 2e bataillon (Détachement Meyer) d'avril à octobre 1944 : récit, Bernard Famin, 214 p., 1995
  11. Club Mémoire 52, Association de recherches historiques consacrées au département de la Haute-Marne, 2004 (ISBN 2-9512931-0-0)
  12. Témoignage du lieutenant-colonel Mirguet (Surcouf), chef de la Résistance de l'Indre, Jean-Claude Fillaud, p. 154
  13. cf. Jean-Claude Fillaud, p. 28 et 44.
  14. Lemouzi No 182 (avril 2007); Anne Laure d'Ussel : L'organisation de résistance de l'armée dans la région 5 (ORA) pages 7 à 109
  15. Robert Bruce, 1944, Le temps des Massacres
  16. Le Premier régiment de France avait la garde du barrage d'Éguzon.
  17. Jean-Paul Gires, « L'arrestation du général Berlon », Revue de l'Académie du Centre,‎ , p. 128-141 (ISSN 0243-8402)
  18. V. Alain Guérin, Chronique de la Résistance, récit de Robert Vollet, p. 1320-1321.
  19. Général Raymond Chomel, "Avec la brigade Charles Martel dans les maquis du Berry", in Les années 40, no 67, Taillandier-Hachette, Paris
  20. Stéphane Weiss, « L’intégration dans l’armée des brigades ORA des colonels Chomel et Bertrand, entre le Berry et les fronts de l’Atlantique, 1944-1945 », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest. Anjou. Maine. Poitou-Charente. Touraine, no 129,‎ , p. 171–194 (ISSN 0399-0826, DOI 10.4000/abpo.7982, lire en ligne, consulté le )
  21. Cf. général Chomel, op. cit.
  22. Récit dans La Résistance, chronique illustrée, Alain Guérin, 6 volumes, p. 1 321, Livre du Club Diderot, Paris, 1985-1990
  23. La Nouvelle République, 23 janvier 1947, p. 1
  24. Le Populaire du Centre, 17 décembre 1947
  25. Jean-Claude Fillaud, p. 156

Bibliographie

  • Pierre Jean-François Vin, Le Premier régiment de France, 1943-1944 : pourquoi ? comment ?, Montgeron, P.J.F. Vin, , 202 p. (ISBN 2-9505822-0-6)
    L'ouvrage contient une « Présentation du Premier régiment de France » par le général Antoine Berlon.
  • Jacques Blanchard, L'Armée secrète dans la Résistance en région 5, 1992, 313 p.
  • Arnaud Rouquayrol (capitaine), Le 1er Régiment de France, création, recrutement, équipement ( - ), mémoire de maîtrise, Université d'Orléans, 1992
  • Bernard Famin, Premier régiment de France, 1943-1944, itinéraire du 2e bataillon (Détachement Meyer) d'avril à , 214 p., B. Famin, 1995
  • Philippe Naud, Le Premier Régiment de France, 1943-1944, mémoire de DEA, histoire, Université de Paris 1 - Sorbonne, 155 p., 1997.
  • Philippe Naud, « La mise sur pied du 1er Régiment de France, avril-octobre 1943 », Guerres mondiales et conflits contemporains, Presses Universitaires de France, nos 202-203,‎ , p. 33-53 (ISBN 978-2-130-52721-3, DOI 10.3917/gmcc.202.0033, lire en ligne)
  • Léandre Boizeau, "Le 1er Régiment de France à Saint-Amand-Montrond et Le Blanc", La Bouinotte, no 85, p. 19-19, 2003
  • Robert Paxton (trad. de l'anglais par Pierre de Longuemar), L'Armée de Vichy : Le corps des officiers français 1940-1944, Paris, Le Seuil, coll. « Points-Histoire », , 588 p. (ISBN 2-02-067988-4), p. 422-426
  • Jean-Louis Laubry, "Retour sur un épisode de la guerre franco-française : la tragédie de Vaussujean ()", in ARSVHRC, Bulletin no 11,
  • Patrick Grosjean, "Le Premier régiment de France au Blanc", in La Seconde Guerre mondiale en pays blancois, p. 96-103, numéro spécial d'Au fil du temps, Revue des amis du Blanc et de sa région, 321 p., 2009, Le Blanc (ISSN 1620-4549)
  • Jean-Claude Fillaud, Guy Lebon, chef du maquis FTP blancois, Association des amis de Mérigny et de ses environs, 170 p., Mérigny, 2011.
  • Jean-Paul Gires, Le Premier Régiment de France et la Résistance (Indre, Cher, Creuse, Corrèze, Haute-Marne...), préface de Patrick Grosjean, 149 p., Alice Lyner Éditions, Issoudun, 2016 (ISBN 978-2-918352-76-1).
  • Jean-Paul Gires, "Le Premier Régiment de France et Argenton", p. 11-19, Argenton et son Histoire, bulletin no 24, (ISSN 0983-1657).
  • Jean-Paul Gires, "L'arrestation du général Berlon, , hasard ou guet-apens ?", p. 129-141, Revue de l'Académie du Centre, Châteauroux, 2018 (ISSN 0243-8402).
  • Christian Delaballe, Pages d'un carnet, /, présentation et notes de Patrick Grosjean, 168 p., Amis du Blanc et de sa région, Le Blanc, 2019 (ISBN 978-2-9540279-44).
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