Pièce de 5 cents de dollar américain Buffalo
| Nickel Buffalo | ||
| Pays | États-Unis | |
|---|---|---|
| Valeur | 0,05 USD | |
| Masse | 5 g | |
| Diamètre | 21,21 mm | |
| Épaisseur | 1,95 mm | |
| Tranche | lisse | |
| Composition | 25 % nickel, 75 % cuivre | |
| Année d'émission | 1913-1938 | |
| Numéro catalogue | ||
| Avers | ||
| Gravure | Profil droit d'un Amérindien | |
| Graveur | James Earle Fraser | |
| Année de la gravure | 1913 | |
| Revers | ||
| Gravure | Bison d'Amérique | |
| Graveur | James Earle Fraser | |
| Année de la gravure | 1913 | |
La pièce de 5 cents de dollar américain Buffalo, également appelée nickel Buffalo ou nickel Indian Head est une pièce en cuivre-nickel frappée par la Monnaie des États-Unis de 1913 à 1938. Elle est conçue par le sculpteur James Earle Fraser.
Dans le cadre d’un mouvement visant à embellir la monnaie, cinq dénominations de pièces américaines reçoivent de nouveaux dessins entre 1907 et 1909. En 1911, les responsables de l’administration Taft décident de remplacer le motif Liberty Head de Charles E. Barber pour le nickel, et ils confient la tâche à Fraser. Ils sont impressionnés par ses modèles représentant un Amérindien et un bison américain. Les dessins sont approuvés en 1912, mais leur émission est retardée de plusieurs mois en raison des objections de la Hobbs Manufacturing Company, qui fabrique des mécanismes destinés à détecter les contrefaçons dans les machines fonctionnant avec des nickels. L’entreprise n'est pas satisfaite des modifications apportées par Fraser, et, en , le secrétaire au Trésor Franklin MacVeagh décide de mettre les pièces en circulation malgré ces objections.
En dépit des tentatives de la Monnaie pour améliorer le dessin, les pièces se frappent de façon peu nette et s’usent rapidement : les dates disparaissent facilement en circulation. En 1938, après l’expiration de la période minimale de 25 ans durant laquelle le dessin ne peut être remplacé sans autorisation du Congrès, il est remplacé par le nickel Jefferson, conçu par Felix Schlag (en). Le dessin de Fraser est aujourd’hui encore admiré et est repris sur des pièces commémoratives ainsi que sur la série en or American Buffalo (en).
Contexte
En 1883, le nickel Liberty Head est émis, avec des motifs réalisés par le graveur de la Monnaie Charles E. Barber. Après la mise en circulation des premières pièces, le dessin est modifié pour ajouter le mot « CENTS » au revers, car la ressemblance de taille avec le half eagle permet à des escrocs de dorer les nouveaux nickels et de les faire passer pour des pièces de cinq dollars[1]. Une loi votée par le Congrès, entrée en vigueur le , impose que les motifs des pièces ne puissent être modifiés avant une période d’utilisation de 25 ans, sauf autorisation expresse du Congrès[2]. Cette loi fait toutefois exception pour la pièce de cinq cents et le dollar en argent, qui peuvent être redessinés immédiatement[3]. Néanmoins, la Monnaie continue de frapper le Liberty Head en grandes quantités durant la première décennie du XXe siècle[4].
En 1904, le président Theodore Roosevelt exprime son mécontentement quant à l’état artistique des monnaies américaines, et souhaite engager le sculpteur Augustus Saint-Gaudens pour les redessiner toutes[5]. Contraint par la loi de 1890, la Monnaie chargee finalement Saint-Gaudens de ne refaire que le cent et les quatre pièces d’or. Saint-Gaudens réalise les dessins de l’eagle et du double eagle, qui entrent en circulation l’année de sa mort, en 1907 ; le cent, le quarter eagle et le half eagle sont conçus par d’autres artistes et mis en circulation en 1909. À cette date, le nickel Liberty Head circule depuis plus de 25 ans et peut donc être redessiné. En 1909, le directeur de la Monnaie Frank Leach demande à Barber de préparer des essais pour de nouveaux nickels. La plupart représentent le premier président, George Washington. La presse apprend l’existence de ces pièces et spécule sur leur mise en circulation avant la fin de l’année. La Monnaie reçoit même des commandes de banques dans l’attente du futur nickel Washington nickel. Toutefois, le projet est abandonné lorsque Leach quitte son poste, le , et est remplacé par Abram Andrew[6].
Andrew est insatisfait du nouveau cent Lincoln et envisage de solliciter l’autorisation du Congrès pour le remplacer par un dessin du sculpteur James Earle Fraser. Bien que le cent n'est finalement pas modifié, selon l’historien numismatique Roger Burdette, « l’enthousiasme de Fraser conduit finalement à l’adoption du nickel Buffalo en »[7].
Préparation
Nouveau dessin
Le , Eames MacVeagh, fils du secrétaire au Trésor Franklin MacVeagh, écrit à son père :
« Une petite chose qui semble avoir échappé à votre attention à tous est l’occasion d’embellir le dessin du nickel, durant votre mandat. Il me semble que ce serait un souvenir permanent d’un genre des plus attrayants. Comme vous le savez peut-être, c’est la seule pièce dont vous pouvez modifier le dessin pendant votre administration, car je crois qu’il existe une loi stipulant que les motifs ne doivent pas être changés plus souvent que tous les vingt-cinq ans. Je pense également que c’est peut-être la pièce qui circule en plus grand nombre[8]. »
Peu de temps après la lettre de MacVeagh, Abram Andrew annonce que la Monnaie va solliciter de nouveaux dessins pour le nickel. James Earle Fraser, qui a été l’assistant d'Augustus Saint-Gaudens, se rapproche de la Monnaie et produit rapidement des concepts et des esquisses. Le nouveau directeur de la Monnaie, George E. Roberts, qui remplace Andrew, est d’abord favorable à un dessin représentant le président assassiné Abraham Lincoln, mais Fraser développe bientôt un projet représentant un Amérindien sur une face et un bison sur l’autre. Andrew et Roberts recommandent Fraser à MacVeagh et, en , le secrétaire approuve l’idée d’engager Fraser pour concevoir un nouveau nickel. L’approbation officielle se fait cependant attendre : ce n'est qu’en que MacVeagh demande à Roberts d’informer Fraser qu’il est officiellement chargé du projet[9]. MacVeagh écrit : « Dites-lui que, parmi les trois esquisses qu’il a soumises, nous aimerions utiliser celle de la tête d’Indien et celle du bison »[10]. Roberts transmet la nouvelle, puis adresse au sculpteur une longue liste d’instructions, dans laquelle il précise : « la devise « In God We Trust » n’est pas obligatoire sur cette pièce, et je présume que nous sommes d’accord pour qu’elle ne porte rien qui ne soit pas exigé »[11].
Fraser achève les modèles en et prépare des électrotypes au format des pièces. Il apporte les modèles et les électrotypes à Washington le , où ils reçoivent l’enthousiaste approbation du secrétaire MacVeagh[12].
Affaire Hobbs
En , la nouvelle du nouveau dessin devient publique, et les fabricants de machines fonctionnant avec des pièces de monnaie cherchent à obtenir des informations. En réponse aux demandes, MacVeagh écrit qu’il n’y aurait aucun changement concernant le diamètre, l’épaisseur ou le poids du nickel. Cela satisfait la plupart des entreprises. Cependant, Clarence Hobbs, de la Hobbs Manufacturing Company de Worcester, au Massachusetts, demande des précisions supplémentaires. Selon Hobbs, son entreprise fabrique un dispositif capable de détecter avec une précision totale les nickels contrefaits insérés dans les distributeurs automatiques[13].
Les discussions se poursuivent durant la majeure partie de l’année 1912, Hobbs exigeant diverses modifications du dessin, auxquelles l’artiste hésite à consentir. En , lorsque la Hobbs Company soumet un dessin modifié du nickel, MacVeagh s’y oppose fermement. Le , Roberts approuve officiellement le dessin de Fraser, et le sculpteur est autorisé à le finaliser et le perfectionner, après quoi il doit recevoir 2 500 $[note 1] pour son travail[15].
Le , le dessin approuvé de Fraser est utilisé pour frapper des pièces expérimentales ; le sculpteur écrit plus tard qu’il se souvient de plusieurs ouvriers remarquant que la nouvelle pièce se frappe plus facilement que l’ancienne. Par la suite, George E. Roberts demande à Fraser si la Hobbs Company est satisfaite du dessin. L’artiste répond au directeur de la Monnaie que l’entreprise veut encore des modifications, et Fraser accepte de les rencontrer à nouveau. Au cours des deux semaines suivantes, Fraser travaille avec George Reith, le mécanicien de la Hobbs Company qui a inventé le dispositif anti-faux jetons[note 2], afin de tenter de répondre aux préoccupations de l’entreprise. Le , Fraser télégraphe à la Monnaie depuis son atelier de New York pour annoncer qu’il soumet un dessin modifié, expliquant que le retard est « causé par le travail avec l’inventeur jusqu’à ce qu’il soit satisfait »[16]. Le lendemain, le surintendant de la Monnaie de Philadelphie, John Landis, envoie à Roberts un exemplaire frappé du dessin révisé, déclarant : « le seul changement est dans la bordure, qui est rendue ronde et régulière »[17].
Malgré l’accord apparent, la Hobbs Company continue à soulever des objections. Le graveur en chef Charles E. Barber est consulté ; il déclare que Reith, qui a assisté à la frappe d’essai, a disposé de tout le temps et des moyens qu’il a demandés pour tester les nouvelles pièces, et qu'il s'est dit satisfait[18]. L’agent de la Hobbs Company, C. U. Carpenter, suggère que Reith a été intimidé par les préparatifs déjà engagés pour l’émission du nickel modifié, « et qu’au lieu d’indiquer clairement ce qu’exige la situation, il a accepté d’adapter notre dispositif à la pièce plus facilement qu’il n’aurait dû le faire »[19].
Le , Hobbs envoie à Roberts une longue liste de modifications qu’il souhaite voir apportées à la pièce, et le sculpteur est convoqué à une réunion avec Hobbs et Reith[20]. Le , à l’issue de la conférence, qui se termine sans accord, Fraser adresse à MacVeagh une lettre de dix pages, se plaignant que la Hobbs Company lui fait perdre son temps et appelant le secrétaire à mettre fin à la situation[21]. MacVeagh accepte d’organiser une réunion dans son bureau à Washington le . Lorsque la Hobbs Company demande l’autorisation de faire venir un avocat, Fraser annonce qu’il ferait de même. L’entreprise sollicite des lettres de soutien auprès du monde des affaires, mais avec peu de succès ; les démarches de Fraser pour obtenir le soutien d’artistes à sa position sont, elles, plus fructueuses[22]. Barber prépare des essais montrant à quoi ressemblerait le nickel si les changements exigés par Hobbs sont appliqués. MacVeagh mène la réunion comme une véritable audience juridique et émet une lettre le lendemain[23].
Le secrétaire note qu’aucune autre entreprise ne s’est plainte, que le mécanisme Hobbs n’a pas été largement commercialisé, et que les changements demandés — un espace dégagé autour du bord et l’aplanissement de la pommette de l’Indien — nuiraient au mérite artistique de la pièce.
« Il est bien sûr vrai que seules des considérations commerciales très sérieuses devraient faire obstacle à l’amélioration de la monnaie, et cette pièce en particulier a de grands mérites propres, en raison de sa qualité spéciale. Si nous devons interrompre une nouvelle frappe — qui est toujours permise tous les vingt-cinq ans — pour des obstacles commerciaux moins qu’impératifs, nous devrions renoncer à toute émission monétaire digne de ce nom. Ce serait un très grave handicap pour l’art de la Nation, car il existe peu de formes d’art plus influentes qu’une pièce artistique, lorsqu’elle circule largement. Vous voudrez donc bien procéder à la frappe du nouveau nickel[24]. »
Après avoir rendu sa décision, MacVeagh apprend que la Hudson & Manhattan Railroad Company, dont Hobbs affirme qu’elle a accueilli son dispositif avec enthousiasme, est en réalité en train de le retirer du service car jugé insatisfaisant. La décision du secrétaire ne met pas fin aux démarches de la Hobbs Company, qui fait appel au président William H. Taft. À deux semaines de la fin de son mandat, le président n’a aucune intention d’interrompre la frappe du nouveau nickel[note 3], et MacVeagh écrit au secrétaire de Taft, Charles D. Hilles (en) : « Il est certain que Hobbs a obtenu de cette administration tout le temps et toute l’attention qu’aucune administration n’aurait pu consacrer à une seule société manufacturière »[25].
L’historien numismate et marchand de monnaies Q. David Bowers décrit l’affaire Hobbs comme « beaucoup de bruit pour rien de la part d’une entreprise dont les dispositifs ne fonctionnent pas bien, même avec les nickels Liberty Head »[26].
Production
Les premières pièces sont distribuées le , lorsque William H. Taft préside la cérémonie de pose de la première pierre du National American Indian Memorial (en) à Fort Wadsworth, à Staten Island, à New York. Le mémorial, projet du magnat des grands magasins Rodman Wanamaker (en), n'est jamais construit, et l’emplacement est aujourd’hui occupé par une culée du pont Verrazzano-Narrows. Quarante nickels sont envoyés par la Monnaie pour la cérémonie ; la plupart sont remis aux chefs amérindiens qui y participent[27]. Le paiement du travail de James Earle Fraser est approuvé le , dernier jour complet de l’administration Taft. En plus des 2 500 $ convenus, Fraser reçoit 666,15 $[note 4] pour travail supplémentaire et dépenses engagées jusqu’au [29].
Les pièces sont officiellement mises en circulation le , et reçoivent rapidement des commentaires positifs, car elles représentent des thèmes véritablement américains[30]. Cependant, le New York Times déclare dans un éditorial que « le nouveau nickel est un exemple frappant de ce qu’une pièce destinée à une large circulation ne devrait pas être… [il] n’est pas agréable à regarder lorsqu’il est neuf et brillant, et sera une abomination une fois vieux et terni »[31]. La revue The Numismatist, dans ses éditoriaux de mars et , émet une critique tiède, suggérant de réduire la taille de la tête d’Indien et d’éliminer le bison au revers[32].
Alors que la pièce est désormais en production, Charles E. Barber surveille la vitesse d’usure des coins, car il revient à son département de graveur de fournir les coins de travail aux trois ateliers monétaires. Le , il écrit à John Landis que les coins s’usent trois fois plus vite qu’avec le nickel Liberty Head. Son département peine à en produire suffisamment pour répondre à la demande. De plus, la date et la valeur faciale sont les éléments les plus sujets à l’usure, et Landis craint que la valeur ne disparaisse de la pièce[33]. Barber propose des révisions, que Fraser approuve après avoir reçu des échantillons[34]. Ces changements agrandissent la légende FIVE CENTS et remplacèrent le sol en relief sur lequel le bison se tient par un terrain plat[35]. Selon les données compilées par l’historien numismate David Lange à partir des Archives nationales, ces modifications, connues comme le type II[note 5], réduisent en réalité la durée de vie des coins[36]. Le nouveau secrétaire au Trésor, William G. McAdoo, veut d’autres changements, mais Fraser, occupé par de nouveaux projets, n’est pas intéressé à retravailler le nickel[37]. L’épaisseur des chiffres de la date est progressivement augmentée, ce qui les rend plus résistants ; néanmoins, le problème n'est jamais totalement résolu, et même de nombreux nickels Buffalo des dernières années présentent une date usée[30].
La pièce connaît de légères modifications de dessin en 1916[38]. Le mot LIBERTY est accentué et légèrement déplacé ; cependant, de nombreuses émissions de Denver et San Francisco des années 1920 montrent une frappe faible du mot, en particulier l’émission de Denver en 1926. Q. David Bowers doute qu’un changement ait été apporté au portrait de l’Indien, bien que Walter Breen, dans son ouvrage de référence sur les monnaies américaines, affirme que Barber a légèrement allongé le nez de l’Indien[39],[40]. Selon Breen, toutefois, aucune de ces modifications n’améliore la situation : la pièce est rarement bien frappée et son dessin s’use considérablement durant toute la durée de sa production[40].
La pièce est frappée à des dizaines de millions d’exemplaires, dans les trois ateliers (Philadelphie, Denver et San Francisco), durant le reste des années 1910. En 1921, une récession commence et aucun nickel n'est frappé l’année suivante[41]. Le plus faible tirage de la série est celui du 1926-S, avec 970 000 exemplaires — la seule combinaison date-ateliers en dessous du million. Le deuxième plus faible tirage de la série est celui du nickel frappé en 1931 à San Francisco. Le 1931-S est produit à 194 000 exemplaires au début de l’année. Comme il n’est pas nécessaire d’en frapper davantage, la directrice par intérim de la Monnaie, Mary Margaret O’Reilly, demande à la Monnaie de San Francisco d’en produire plus afin que les pièces ne soient pas thésaurisées. Utilisant le métal disponible, y compris en refondant des nickels usés, San Francisco trouve assez de matière pour frapper un million de pièces supplémentaires. De grandes quantités sont conservées dans l’espoir qu’elles prennent de la valeur, et la pièce n’est donc pas particulièrement rare aujourd’hui malgré son faible tirage[42].
Une variété bien connue de la série est le nickel 1937-D « à trois pattes », sur lequel l’un des membres du bison est manquant. Walter Breen rapporte que cette variété est causée par un ouvrier de presse, M. Young, à la Monnaie de Denver, qui, en cherchant à enlever des marques d’un coin de revers — provoquées par le contact des coins entre eux, efface accidentellement ou affaiblit considérablement l’une des pattes de l’animal. Lorsque les inspecteurs de la Monnaie découvrent et condamnent le coin, des milliers de pièces ont déjà été frappées et mélangées aux autres monnaies[40].
Une autre disparité est le 1938-D/S, causée par des coins portant le différent « S » de San Francisco qui sont refrappés avec le « D » de Denver. Bien que le déroulement exact des faits reste incertain, Q. David Bowers est convaincu que cette variété voit le jour parce que des coins destinés à San Francisco sont refrappés du « D » et envoyés à Denver afin de ne pas être gaspillés. Aucun nickel Buffalo n'est frappé à San Francisco en 1938, mais ils sont produits à Denver, et il est déjà connu qu’un nouveau type va être introduit. Le 1938-D/S est la première marque d’atelier refrappée découverte sur une pièce américaine, provoquant un grand enthousiasme parmi les numismates lorsque la variété est mise en lumière en 1962[43].
Lorsque le nickel Buffalo a circulé pendant la durée minimale de 25 ans, il est remplacé sans grande discussion ni protestation. Les problèmes de durée de vie des coins et de faiblesse de frappe n’ont jamais été résolus, et les responsables de la Monnaie plaident pour son remplacement. En , la Monnaie annonce un concours public pour un nouveau dessin de nickel, devant représenter le président Thomas Jefferson à l’avers et sa demeure, Monticello, au revers[44]. En avril, Felix Schlag (en) est proclamé vainqueur[45].
Les derniers nickels Buffalo sont frappés en , à la Monnaie de Denver, le seul à en produire cette année-là. Le , la production du nickel Jefferson commence, et il est mis en circulation le [46].
Dessin, modèles et controverse sur le nom
Lors d’une interview radio en 1947, James Earle Fraser évoque son dessin :
« Lorsque l’on m’a demandé de concevoir un nickel, j’ai eu le sentiment que je voulais faire quelque chose de totalement américain — une pièce qui ne puisse être confondue avec celle d’aucun autre pays. Il m’est venu à l’esprit que le bison, en tant qu’élément de notre passé de l’Ouest, est 100 % américain, et que notre Indien d’Amérique du Nord s’intègre parfaitement à cette image[47]. »
Le visage de l’Indien qui domine l’avers de Fraser est un composite de plusieurs Amérindiens. Walter Breen note, avant l’apparition du dollar Sacagawea, que le dessin de Fraser est le deuxième et dernier modèle de pièce américaine à présenter un portrait réaliste d’un Indien, après le dessin de Bela Pratt (en) en 1908 pour le half eagle et le quarter eagle[48].
L’identité des Indiens dont Fraser s’est inspiré reste quelque peu incertaine, car celui-ci donne, durant les quarante années qui suivent la conception du nickel, des récits variés et pas toujours cohérents. En , il écrit au directeur de la Monnaie, George E. Roberts, que « avant que le nickel ne soit créé, j’ai réalisé plusieurs portraits d’Indiens, parmi eux Iron Tail, Two Moon, et un ou deux autres, et j’ai probablement repris certains traits de ces hommes pour la tête figurant sur la pièce, mais mon intention n’était pas de faire un portrait, plutôt de représenter un type »[49].
En 1931, John Two Guns White Calf (en), fils du dernier chef tribal Pied-Noir, tire parti de sa prétention à être le modèle de la pièce. Pour tenter de mettre fin à cette affirmation, Fraser écrit qu’il a utilisé trois Indiens pour son dessin, dont « Iron Tail, la plus belle tête indienne dont je me souvienne. L’autre était Two Moon, le troisième je ne m’en rappelle pas ». En 1938, Fraser déclare que les trois Indiens sont « Iron Tail, un Sioux ; Big Tree, un Kiowa ; et Two Moon, un Cheyenne »[50]. Malgré les efforts du sculpteur, lui et la Monnaie continuent à recevoir des demandes d’information sur l’identité du modèle jusqu’à sa mort en 1953[51].
L’un des prétendants persistants est un Sénécas au nom similaire, John Big Tree, acteur hollywoodien renommé qui se produit sous le nom de « Chief Big Tree ». Il fait de nombreuses apparitions publiques en tant que « l’Indien du nickel », notamment lors de la convention de la Texas Numismatic Association en 1966, un an avant sa mort à l’âge de 90 ans[note 6],[50].
En raison de ses revendications et de la confusion avec le véritable Big Tree mentionné par Fraser en 1938, John Big Tree est identifié comme le modèle du nickel dans des dépêches annonçant sa mort. À la suite de cela, la Monnaie déclare qu’il n’est très probablement pas l’un des modèles de la pièce. D’autres prétentions voient le jour : en 1964, le sénateur du Montana Mike Mansfield écrit à la directrice de la Monnaie, Eva B. Adams, pour savoir si Sam Resurrection, un Choctaw, a servi de modèle au nickel. Adams répond : « D’après nos archives, le portrait est un composite. Il y a eu de nombreux prétendants à cet honneur, tous sans doute sincères dans la conviction que c’est leur visage qui orne le nickel »[52].
Selon Fraser, l’animal figurant au revers est le bison d’Amérique Black Diamond (en). Dans une interview publiée dans le New York Herald le , Fraser est cité déclarant que l’animal, qu’il ne nomme pas, était un « spécimen typique et hirsute » qu’il a trouvé au zoo du Bronx. Fraser écrit plus tard que le modèle « n’est pas un bison des plaines, mais nul autre que Black Diamond, l’animal le plus rétif du zoo du Bronx. Je suis resté des heures… Il a catégoriquement refusé de me laisser prendre des vues de profil et a obstinément montré son visage de face la plupart du temps »[53].
Cependant, Black Diamond n’a jamais été au zoo du Bronx, mais vit au zoo de Central Park jusqu’à ce qu’il soit vendu et abattu en 1915. Sa tête naturalisée existe toujours et est exposée lors de conventions numismatiques[26]. L’emplacement des cornes de Black Diamond diffère considérablement de celui de l’animal figurant sur le nickel, ce qui suscite des doutes sur le fait qu'il ait réellement servi de modèle à Fraser. Un autre candidat évoqué par Q. David Bowers est Bronx, un bison qui est pendant de nombreuses années le chef du troupeau au zoo du Bronx[54].
Lors d’un entretien enregistré en 1965 avec le sculpteur Beniamino Bufano (en), celui-ci affirme qu’il a fait et conçu le bison de la pièce, alors qu’il était l’apprenti de Fraser[55],[56].
Dès sa création, la pièce est appelée nickel Buffalo, en référence au terme familier américain pour désigner le bison d’Amérique. Comme la pièce est composée de 75 % de cuivre et 25 % de nickel, le numismate Stuart Mosher s’oppose à cette appellation dans les années 1940, écrivant qu’il « ne comprend pas pourquoi on l’appelle un nickel Buffalo, même si ce nom est préférable à Bison copper[note 7] ». La revue numismatique la plus largement diffusée, Coin World, l’appelle « nickel Indian head », tandis que le Red Book de R.S. Yeoman la désigne comme un « Indian Head or Buffalo type »[57].
En 2001, le dessin est adopté pour une pièce commémorative d’un dollar en argent. Le sénateur du Colorado Ben Nighthorse Campbell réussit en 2001 à faire adopter une loi autorisant la frappe de 500 000 dollars commémoratifs en argent reprenant le dessin de Fraser. L’ensemble du tirage est épuisé en seulement quelques semaines et permet de récolter 5 millions de dollars pour contribuer à la construction du Smithsonian Museum of the American Indian[note 8] à Washington, DC[58],[59],[60]. En 2006, la Monnaie commence à frapper des pièces en or American Buffalo (en), reprenant une version modifiée du dessin de type I de Fraser[61].
Valeur numismatique
La valeur numismatique du nickel Buffalo est particulièrement élevée, en faisant un objet très prisé par les collectionneurs[62],[63]. Bien que ces pièces de 5 cents, frappées de 1913 à 1938, soient composées de nickel et de cuivre, et non de métaux précieux, de nombreux exemplaires peuvent atteindre des milliers de dollars sur le marché numismatique, y compris ceux qui sont usés. La valeur d'une pièce est déterminée par plusieurs critères, notamment sa rareté, la présence d'erreurs de frappe, des dates de frappe spécifiques et l'atelier de frappe[64]. Les exemplaires bien conservés sont particulièrement recherchés, car une grande partie de ces pièces a circulé intensément. Les pièces présentant des caractéristiques comme le Full Horn[note 9] sont également très demandées[63]. La fourchette de prix pour certaines pièces peut s'étendre de 4 000 à 90 000 $[64]. Des variétés spécifiques telles que le 1918/7-D Overdate et le 1937-D 3-Legged Buffalo figurent parmi les plus précieuses en raison de leurs erreurs ou de leur faible tirage. D'autres dates clés incluent le 1921-S, 1924-S, 1926-S et 1931-S[63]. Les estimations de prix pour des pièces en condition MS60 ou supérieure peuvent varier de 640 à 350 000 $, voire plus pour le 1918-D 8 over 7[62].
Notes et références
Notes
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de la page de Wikipédia en anglais intitulée « Buffalo nickel » (voir la liste des auteurs).
- ↑ soit un peu plus de 83 000 dollars de 2025[14]
- ↑ anti-slug device
- ↑ dont la production a commencé le
- ↑ soit un peu moins de 22 000 dollars de 2025 corrigés de l’inflation[28].
- ↑ les originaux étant le type I
- ↑ bien qu’il ait parfois affirmé avoir plus de 100 ans
- ↑ cuivre de bison
- ↑ Musée Smithsonian des Indiens d'Amérique
- ↑ une corne de bison entièrement détaillée
Références
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Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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Sources journalistiques
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- (en) US Mint, « United States Mint Strikes First Pure Gold U.S. Coins for Investors & Collectors » [archive du ], sur United States Mint, (consulté le ). .
Liens externes
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