Patere legem quam ipse fecisti

Tu patere legem quam ipse fecisti est une locution latine originaire du droit romain signifiant textuellement « Souffre la loi que tu as faite toi-même » ou « subis les conséquences de ta propre loi ». Elle est parfois abrégée en patere legem quam fecisti.

Signification juridique

Cet adage signifie qu'une autorité administrative ne peut déroger par une décision particulière au règlement qu'elle-même a édicté sans prévoir de dérogation. En d'autres termes, toute autorité est liée par la règle qu’elle a elle‑même édictée, aussi longtemps qu’elle ne l’a ni modifiée ni abrogée.

L'acte individuel est donc subordonné au règlement : il ne peut lui être contraire. C'est une application du principe de la hiérarchie des normes.

Il s'agit donc du fondement de l’état de droit.

Histoire

L'adage remonte à la « sentente de Manlius », tradition rapportée par Tite-Live[1],[2] et selon laquelle le consul T. Manlius lmperiosus Torquatus a fait exécuter son fils victorieux pendant la conquête du Latium en , parce que celui-ci s'était battu corps à corps avec un chef ennemi, contrairement aux ordres[3]. Son fondement est plutôt la lex Cornelia de iurisdictione, un plébiscite de en vertu duquel les préteurs devaient obéir aux dispositions qu'ils avaient publiées dans leur édit[3].

Au Moyen Âge, l'adage est connu sous la forme : Patere legem quam ispe tuleris[4],[5]. Il figure ainsi dans les Distiques de Caton[6],[7]. Il est attribué à Caton l'Ancien[4],[8]. La pape Innocent III l'emploie dans la décrétale Quum omnes[4],[8],[9].

En France, sous le règne de François Ier, le chancelier Guillaume Poyet se voit opposer l'adage patere legem quam ipse tuleris[10]. Poyet est le principal rédacteur de l'ordonnance de Villers-Cotterêts[10]. Elle prive l'accusé de l'assistance d'un avocat[10]. Lors de son procès, Poyet sollicite l'assistance d'un avocat. Les juges la lui refusent en lui opposant l'adage.

Notes et références

  1. Knütel 1998, sec. 3, § 2, a), p. 135, n. 29.
  2. Tite-Live, liv. VIII, 6,11 et 7,1-22.
  3. Knütel 1998, sec. 3, § 2, a), p. 135.
  4. Tuccillo 2017, résumé.
  5. Wilks 1963, IIe partie, chap. III, p. 216.
  6. Reinoso-Barbero 2016, p. 618.
  7. Pseudo-Caton.
  8. Wilks 1963, IIe partie, chap. III, p. 216, n. 1.
  9. Dounot 2009, sec. 1, p. 492.
  10. Detourbet 1881, Ire partie, liv. Ire, chap. V, § 2, p. 17.

Voir aussi

Bibliographie

  • [Pseudo-Caton] Pseudo-Caton, Distiques de Caton (BNF 12202817, LCCN n85056840).
  • [Detourbet 1881] Edmond Detourbet, La procédure criminelle au XVIIe siècle : histoire de l'ordonnance du  ; son influence sur les législations qui l'ont suivie, et notamment sur celle qui nous régit actuellement, Paris, A. Rousseau, , 1re éd., 220 p., in-8o (OCLC 457788652, BNF 30337113, SUDOC 106429442, lire en ligne [PDF]).
  • [Dounot 2009] Cyrille Dounot, « Les problèmes de méthode du sédévacantisme : autour d'un ouvrage récent », Revue thomiste, t. CXIX, no 3,‎ , p. 489-506 (OCLC 8371906278, HAL hal-02326007, résumé, lire en ligne [PDF]).
  • [Knütel 1998] Rolf Knütel (trad. de l'allemand par Andreas Nitsch, revue par Jean-Pierre Coriat), « L'unité du droit en Europe et le droit romain » [« Rechtsteinheit in Europa und römisches Recht »], Revue d'histoire des facultés de droit et de la culture juridique, du monde des juristes et du livre juridique, no 19,‎ , p. 125-169 (HAL halshs-01786260, lire en ligne [PDF]).
  • [Reinoso-Barbero 2016] (es) Fernando Reinoso-Barbero, « Paroemia et regulae iuris romanorum : desde el ius commune a la jurisprudencia de la Unión Europea », Glossae : European Journal of Legal History, no 13,‎ , p. 590-625 (résumé, lire en ligne [PDF]).
  • [Tite-Live] Tite-Live, Histoire romaine (BNF 12008346, LCCN n81025971).
  • [Tuccillo 2017] (it) Fabiana Tuccillo, « Innocenzo III, D. 2.2 e un aspetto del principio romano di equità », Index : quaderni camerti di studi romanistici, no 47,‎ , p. 650-661 (résumé).
  • [Wilks 1963] (en) Michael Wilks, The problem of sovereignty in the later Middle Ages : the papal monarchy with Augustinus Triumphus and the publicists, Cambridge, CUP, coll. « Cambridge studies in medieval life and thought / new series » (no IX), (réimpr. ), 1re éd., XIII-619 p., in-8o (14 × 21,6 cm) (ISBN 978-0-521-06808-6 et 978-0-521-07018-8, EAN 9780521068086, OCLC 896987721, BNF b332234111, SUDOC 008102422, présentation en ligne, lire en ligne).

Articles connexes

  • Portail du droit