Périple

Un périple (περίπλους, en grec ancien, littéralement : « naviguer autour » ; en latin navigatio, voyage en bateau) est, dans l'Antiquité, un document sur lequel les marins phéniciens, grecs puis romains, pouvaient se baser dans leur navigation le long des côtes, pour se déplacer relativement aux ports, embouchures, amers ou à certains dangers que ce genre de documents situait de manière approximative.

Le français périple, substantif masculin, est un emprunt du latin periplus, substantif masculin, lui-même emprunt du grec ancien περῐ́πλους, substantif masculin composé de περί et πλοῦς[1],[2]. Le nom commun περῐ́πλους est attesté au IVe siècle av. J.-C. : sa première occurence connue se trouve chez Hérodote[3],[4],[5],[6] qui l'emploie dans le sens de « naviger autour »[7]. Son emploi au sens de « relation d’un voyage par mer autour d'un pays » est attesté chez Lucien de Samosate[7],[8]. Le terme périple a maintenant le sens de long voyage et/ou de voyage circulaire, ou encore de voyage touristique[2].

L'auteur d'un périple est un périplographe[9],[10],[11],[12],[13].

Le périple est un genre littéraire[14],[15],[16],[4],[17],[18] : le genre périplographique[19],[20],[21],[22],[23],[24]. Ses débuts[14],[25] sont datés du VIe siècle av. J.-C.[14],[17],[25],[26],[27] quand les Grecs avaient déjà établi des colonies autour de la Méditerranée et de la mer Noire[14]. Antérieurement, les voyages en mer relatés ne sont d'abord attribués qu'aux héros ou aux dieux[28] ; puis, au VIIe – VIe siècle av. J.-C., apparaissent les premières relations d'expéditions maritimes effectuées par de « simples mortels »[29] : par exemple, Hérodote nous informe sur celles de Colæos de Samos[30],[31] et de Scylax de Caryanda[30],[32].

Le principe de composition littéraire d'un périple consiste à décrire une région depuis la ligne du littoral[33]. Celle-ci constitue l'espace hodologique du développement du texte[33]. Cet espace linéaire est le spatium epicum[34] (« espace épique »), c.-à-d. celui de l'épopée[33] dont les Argonautiques offrent une illustration et dont le périple reprend le principe traditionnel de composition[35].

À la suite de Marcien d'Héraclée, les auteurs distinguent les périples dites de la mer Intérieure — c.-à-d. de la mer Méditerranée — de ceux dits de la mer Extérieure — c.-à-d. de l'océan — ainsi que de ceux dits partiels[36].

Notions connexes

Le paraplous est la navigation côtière (action de naviguer en longeant la côte) relatée dans un périple[37],[38]. Un paraplous est aussi une section du périple dont celui-ci donne la distance[37].

Un anaplous est un voyage à contre-courant[39]. Ἀνάπλους Βοσπόρου (« Remontée du Bosphore ») est le titre du périple de Denys de Byzance[39].

Période et périégèse

Un périple se différencie d'une période[40] (περίοδος)[41] : alors que la région est décrite, dans un périple, depuis la mer, en longeant la côte, elle l'est, dans une période, depuis la terre, en longeant un chemin[41]. Un périple ou une période se différencie d'une périégèse (περιήγησις) : celle-ci, décrivant une région de manière plus détaillée que ne le fait un périple ou une période, sert de guide de voyage[41].

Stadiasme et miliasme

Un stadiasme (σταδιασμός / stadiasmós) est une distance exprimée en stades[42]. Le stadiasmôn epidromḗ est l'abrégé, par Timosthène de Rhodes, de sa descriptions des ports en dix livres et consiste en une compilation de distances, données en stades, d'un port à l'autre[42]. Au IIe siècle av. J.-C., le stadiasme est considéré comme un genre littéraire[42]. Par exemple, l'extrait de la description des ports de Timosthène, conservé par Marcien d'Héraclée, et celui du périple de Ménippe, conservé par Constantin VII Porphyrogénète, sont aujourd'hui considérés comme des stadiasmes[42]. Le stadiasme le plus connu est le Stadiasme de la (Grande) Mer[43] (stadiasmòs tês thalássēs) conservé par la Chronique (Chronikón) d'Hippolyte de Rome, à l'année  : son titre complet est Stadiasme ou Périple de la Grande Mer[44] (stadiasmòs ḗtoi períplous tês megálēs thalássēs) ; et il consiste en la révision byzantine d'un stadiasme du IIIe siècle av. J.-C.[42].

Un miliasme (miliasmós) est l'analogue d'un stadiasme lorsque des distances sont exprimées en miles[42].

Exemples

Certains textes sur des périples sont des récits décrivant les côtes avec l'indication des distances entre les ports :

Périplographes grecs de l'époque archaïque ou classique[53]
Auteur datation titre
Scylax de Caryanda c. Périple
Euthymènes av. ?
Philéas Ve siècle av. J.-C. ?
Damastès Ve siècle av. J.-C. ?
Ctésias c. ?
Callisthène c. Périple
Timagète c. ?
Pseudo-Scylax Philippe II Périple de l'écoumène
Périplographes grecs de l'époque hellénistique[54]
Auteur datation titre
Andron Alexandre ?
Néarque Alexandre ?
Androsthène Alexandre Périple de l'Inde
Cléon Alexandre ?
Apellas Ptolémée Ier Périple
Andrétas IVeIIIe siècle av. J.-C. Périple de la Propontide
Timostène Ptolémée II ?
Eudoxe c. ?
Mnaséas Ératosthène ?
Siméas Ptolémée III Périple de l'écoumène
Nymphodore 3e tiers ou fin du IIIe siècle av. J.-C. Périples
Charon de Carthage IIIe Périple
? ? Périple d'Hannon
Zénothémis 2de moitié du IIe siècle av. J.-C. Périple
Xénophon de Lampsaque c. Périple
Apollonide ap. Mithridate VI Périple
Alexandre Polyhistor c. Périple de Lycie
Timagène c. Périple de toute la mer
Sosandre av. Auguste ?
Agathon ? Périple du Pont
Périplographes grecs de l'époque impériale[55]
Auteur datation titre
Ménippe Auguste Périple de la mer Intérieure
Isidore de Charax Auguste ?
Alexandre de Myndos Ier siècle Périple de la mer Érythrée
anonyme Ier siècle Périple de la mer Érythrée
Arrien c. 131 – 132 Périple du Pont-Euxin
Denys de Byzance IIe siècle Remontée du Bosphore
anonyme c. 250 – 300 Stadiasme de la Grande Mer
Marcien d'Héraclée c. 400 Périple de la mer Extérieure
anonyme VIe siècle Périple du Pont-Euxin

Notes et références

  1. DAF, s.v. périple.
  2. TLFi, s.v. périple.
  3. Parker 2024, introd., p. 237.
  4. Roller 2018a, no 1.1.21, p. 14.
  5. Roller 2018b, sec. 6, p. 324-325.
  6. Hérodote, liv. VI, 95.
  7. Bailly 1935, s.v. 2 περίπλους, p. 1535, col. 1.
  8. Lucien, 31.
  9. Dan 2009, p. 75, 78, 107, 115 et 116.
  10. Dan 2017, p. 569.
  11. Maffre 2006, sec. 3, § 3.2, p. 185.
  12. Marcotte 1985, p. 254.
  13. Marcotte 2012, p. 9, 12 et 14.
  14. Dan 2011, p. 1702, col. 1.
  15. Koester 1995, IIIe partie, chap. 3, sec. c, p. 115.
  16. Kosmin 2024, chap. 1er, sec. I, p. 31.
  17. Rongau 2005, p. 81.
  18. Vlassopoulos 2013, chap. 1er, sec. 1.5, p. 31 ; chap. 5, sec. 5.2, p. 169 ; et chap. 5, sec. 5.3, p. 181.
  19. Arnaud 2012, sec. 1, § 1.4, p. 42.
  20. De Romanis 2016, sec. 1, p. 99.
  21. Ferrer-Albelda et Caparroy 2024, p. 104, n. 5 ; et p. 110.
  22. Hanigan 2022, p. 521, n. 1.
  23. Maffre 2006, sec. 2, § 2.1, p. 185.
  24. Vallet 2012, p. 363.
  25. Mauro 2022, sec. 1, p. 66.
  26. Crielaard 2021, p. 2 et 7.
  27. Foulke 2002, chap. 2, p. 34.
  28. Mauro 2022, sec. 1, p. 66-67.
  29. Mauro 2022, sec. 1, p. 67.
  30. Mauro 2022, sec. 1, p. 67, n. 13.
  31. Hérodote, liv. IV, 152.
  32. Hérodote, liv. IV, 44.
  33. Lebreton 2025, p. 115.
  34. Lebreton 2025, p. 108.
  35. Lebreton 2025, p. 109.
  36. Desanges 2011, p. 1701, col. 2.
  37. Shipley 2024, introd., sec. III, § III.1, b), p. 9.
  38. Shipley 2024, glossaire, s.v. paraplous, p. XXVIII.
  39. Shipley 2024, glossaire, s.v. anaplous, p. XXV.
  40. Dan 2007, p. 11 et 21.
  41. Dan 2007, p. 11, n. 42.
  42. Olshausen 2006.
  43. Arnaud 2011, p. 411, col. 1.
  44. Arnaud 2011, p. 412, col. 1.
  45. Purcell 2015.
  46. Purcell 2016a.
  47. Purcell 2016b.
  48. Rivet et Drinkwater 2016.
  49. Warmington et Spawforth 2015.
  50. Desanges 1978, Ire partie, chap. VIII, p. 121-147.
  51. Dan 2011, p. 1702, col. 2.
  52. Purcell 2016c.
  53. González Ponce 2008, corpus, tabl. A, p. 45-46.
  54. González Ponce 2008, corpus, tabl. B, p. 46-47.
  55. González Ponce 2008, corpus, tabl. C, p. 48.

Voir aussi

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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