Virus d'Oropouche
Orthobunyavirus oropoucheense
Orthobunyavirus oropoucheense
- Oropouche orthobunyavirus ICTV, 2015
- Oropouche virus ICTV, 1976
Le virus d'Oropouche (Oropouche orthobunyavirus, OROV), nom scientifique Orthobunyavirus oropoucheense, est une espèce d'arbovirus de la famille des Peribunyaviridae (genre Orthobunyavirus), découvert en 1955. Il circule en Amérique centrale et en Amérique du Sud à partir de la forêt amazonienne.
Ce virus, transmis par des insectes hématophages, est responsable de la fièvre d'Oropouche, une maladie généralement de bon pronostic (guérison spontanée sans séquelles) mais dont la virulence parait s'accroître depuis les années 2020.
Historique
La fièvre et le virus doivent leur nom au village Vega de Oropouche sur le fleuve Oropouche, situés dans la région de Sangre Grande (Trinité-et-Tobago). La maladie est signalée pour la première fois en 1955 chez un travailleur forestier du village[2]. Le virus est isolé du sang du patient par inoculation intracérébrale à la souris de laboratoire au Trinidad Regional Virus Laboratory (en)[3].
En 1960, d'autres souches de virus OROV sont isolées à partir de moustiques Coquillettidia venezuelensis à Trinidad, et au Brésil à partir du sang de paresseux à trois doigts (Bradypus trydactillus) et du moustique Ochlerotatus serratus. La première épidémie d'OROV au Brésil est signalée en 1961[4].
En 1982, le principal vecteur responsable de la transmission épidémique est identifié comme étant le moucheron piqueur Culicoides paraensis[4].
À la fin du XXe siècle, le virus est signalé dans plusieurs pays d'Amérique du sud, d'Amérique centrale et des Caraïbes. En 2010, le génome viral d'OROV est complètement séquencé, et dans les années qui suivent son mode évolutif par réassortiment génétique est analysé[4].
Description
Classification
OROV appartient au genre Orthobunyavirus, représentant 129 virus en 2023 correspondant à 18 sérogroupes différents. OROV fait partie du sérogroupe Simbu qui compte 25 virus. Avec les nouvelles méthodes de génétique moléculaire, le sérogroupe Simbu a été divisé en deux sous-clades phylogénétiques A et B, OROV appartenant au sous-clade A[5].
En 2017, quatre lignées d'OROV ont été identifiées : les génotype I (Trinidad), II (Pérou), III (Panama), IV (Amazonie). Ces quatre génotypes sont présents au Brésil, ce qui suggère une émergence récente à partir de l'Amazonie brésilienne[6]. Cependant cette classification parait insuffisante pour catégoriser de nouvelles séquences virales, et en 2025, un nouveau système standardisé parait nécessaire pour suivre l'évolution d'OROV, la dynamique de sa transmission et pour coordonner les réponses de santé publique des pays concernés[2].
Structure
Comme les autres orthobunyavirus, l'OROV est un virus à ARN entouré d'une enveloppe lipidique, grossièrement sphérique ou ovoïde de 80 à 110 ou 120 nm de diamètre à symétrie hélicoïdale. Son enveloppe dérive de la membrane cellulaire de l'hôte en étant garnie de spicules formés de deux glycoprotéines (Gc et Gn) fonctionnant comme des protéines transmembranaires[4],[5]
Le génome d'OROV se compose de trois segments d'ARN simple brin, enroulés en sens négatif, le grand (L Large), le moyen (M Medium), le petit (S Small). Le segment L est programmé pour encoder une grande protéine, une polymérase ARN-dépendante, indispensable pour la réplication du génome ; le segment M encode une polyprotéine qui se clive en deux glycoprotéines virales de surface (Gc et Gn) et une protéine non structurale dite NSm dont la fonction exacte exacte est mal connue mais qui pourrait jouer un rôle dans l'assemblage du virus ; le segment S encode la protéine de nucléocapside (N) et la protéine non structurale dite NSs laquelle serait un facteur de virulence interférant avec les réponses antivirales de l'hôte[4],[5].
Réplication
La réplication, l'assemblage et la libération d'OROV reste encore mal connues. Les glycoprotéines de surface Gc et Gn sont des protéines transmembranaires synthétisées dans le réticulum endoplasmique, pour être transportées dans l'appareil de Golgi dans des vésicules COPII (en) (COat Protein complex II), ce qui nécessite aussi des protéines membranaires provenant de l'hôte. La réplication virale s'effectue dans le cytoplasme, où les différents composants migrent vers la membrane plasmique où ils sont assemblés en nouveaux virions avant d'être relâchés[4],[5].
En tant que virus à génome segmenté, OROV est susceptible d'évoluer par recombinaison. Ces recombinaisons se produisent lorsque une cellule-hôte est co-infectée par plusieurs virus, ces virus peuvent échanger des segments, ce qui donne naissance à de nouvelles souches virales recombinées[2].
Cycles épidémiologiques
Le virus OROV circule dans la nature en deux cycles distincts : le cycle sylvatique et le cycle urbain. Comme les autres arbovirus, il nécessite un arthropode servant de vecteur et un vertébré servant de réservoir.
Cycle sylvatique
Le vecteur exact démontré reste inconnu. Occasionnellement, OROV a été isolé de moustiques forestiers comme Ochlerotatus serratus et Coquillettidia venezuelensis[4].
En milieu rural ou forestier, les hôtes vertébrés sont le paresseux à trois doigts, des primates non-humains (Callithrix penicillata, Sapajus appela, Alouatta caraya), des rongeurs du genre Proechymis et des oiseaux (passereaux, columbidae)[6].
Cycle urbain
Le cycle urbain est un cycle humain épidémique. Les animaux domestiques ne paraissent pas impliqués dans le maintien d'un cycle urbain, quoique les poulets ont été suspectés comme hôtes amplificateurs lors de poussées épidémiques. L'humain est probablement le seul hôte vertébré faisant le lien entre cycle sylvatique et cycle urbain : il se contamine en forêt et revient infecté en zone urbaine[4],[6].
Les arthropodes vecteurs en zone urbaine sont principalement le moucheron piqueur Culicoïdes paraensis (diptère hématophage de la famille des Ceratopogonidae) et accessoirement le moustique Culex quinquefasciatus[5],[4].
Pouvoir pathogène
Le virus OROV est transmis par piqûre d'insecte vecteur. La virémie est maximum deux à quatre jours après les premiers symptômes. OROV est un virus neurotrope, infectant les macrophages et susceptible d'envahir le système nerveux central par voie neuronale ou sanguine en traversant la barrière hémato-encéphalique (d'où méningite ou encéphalite). Le Le virus est retrouvé dans le liquide cérébrospinal[2].
Par voie sanguine, il peut infecter les cellules hépatiques (notamment les cellules de Kupffer)[4] et traverser la barrière placentaire (d'où atteintes fœtales chez la femme enceinte)[2].
La plupart des personnes infectées présentent un syndrome grippal de quelques jours, parfois avec rechutes, et guérissent spontanément. Dans 20 à 30 % des cas, il existe des manifestations neurologiques, la maladie peut persister deux à quatre semaines, et après guérison il n'y a pas de séquelles à long terme. Toutefois, depuis 2024, des cas de décès sont signalés chez des personnes avec comorbidités, ainsi que des cas de morts fœtales, ce qui pourrait indiquer une virulence accrue des souches virales en circulation[2],[5].
Diagnostic de laboratoire
Indications
Les manifestations cliniques de la fièvre d'Oropouche ne sont pas spécifiques : elles sont le plus souvent commune aux autres arboviroses (fièvre aigüe d'origine indéterminée). Il faut prendre en compte le contexte : lieux de vie et activités du patient surtout dans la période précédant la maladie. La fièvre d'Oropouche doit être incluse dans le diagnostic différentiel d'une fièvre contractée en Amérique centrale et du sud[6].
Dès lors le diagnostic est surtout biologique, par exemple identification du virus dans le liquide cérébrospinal lorsque la maladie se manifeste comme une méningite. Un grand nombre d'épidémies de fièvre Oropouche ont été détectées de façon rétrospective par des études de séroprévalence pour maladies fébriles indéterminées en Amérique du Sud[6].
Techniques
Les techniques classiques d'isolement du virus OROV sont l'inoculation au souriceau nouveau-né ou à partir de culture cellulaire (cellules Vero)[4].
Les tests sérologiques sont principalement la recherche d'IgM spécifiques pour le diagnostic précoce et d'IgG (retrouvé dans le sérum des convalescents) pour les enquêtes épidémiologiques (méthode ELISA)[6].
Les techniques de biologie moléculaire (comme la RT-PCR) sont de plus en plus utilisées pour détecter la présence du génome viral dans le sang ou des biopsies. Ces techniques doivent être affinées pour la détection spécifique de nouveaux virus réassortis[4],[2].
Épidémiologie
Depuis sa découverte à Trinité-et-Tobago en 1955, la circulation du virus a été mise en évidence au Brésil, d'abord dans le nord du pays (état de Pará) en 1961 puis dans d'autres régions du Brésil[4]. En dehors du Brésil, des épidémies sont signalées au Panama (1989), au Pérou (1992)[5],[4].
À partir des années 2000, le virus est aussi détecté en Équateur, en Colombie, en Bolivie et en Argentine[6]
En septembre 2020, 37 cas compatibles avec le virus d'Oropouche ont été détectés à Saül (centre de la Guyane française), dont 7 confirmés par RT-PCR. Avec un nombre d'habitants compris entre 50 et 80 à cette date, le taux d'incidence pourrait avoisiner les 50 à 70 %[7].
Début on observe une recrudescence de la prévalence du virus, avec déjà 5 530 cas au Brésil (contre 836 pour toute l'année 2023). La Bolivie, la Colombie et le Pérou connaissent également une hausse. Traditionnellement endémique du bassin amazonien, le virus est désormais présent parmi des populations éloignées de la forêt tropicale et proches de grands centres urbains. En mai 2024, Cuba signale ses premiers cas[8],[2].
En mars 2025, un cas est detecté en France à la suite d'un voyage au Brésil[9]. En juin 2025, Santé Publique France publie un rapport qui mentionne l'inquiétude pour la région Antilles-Guyane concernant le virus d'Oropouche[10].
Notes et références
- ↑ ICTV EC 54, Online meeting, July 2022
- Richard Steiner Salvato, « Re-emergence of Oropouche virus as a novel global threat », Current Research in Microbial Sciences, vol. 8, , p. 100406 (ISSN 2666-5174, PMID 40510237, PMCID 12159208, DOI 10.1016/j.crmicr.2025.100406, lire en ligne, consulté le )
- ↑ Ronnie Henry et Frederck A. Murphy, « Etymologia: Oropouche Virus », Emerging Infectious Diseases, vol. 24, no 5, , p. 937–937 (ISSN 1080-6040 et 1080-6059, PMCID 5938780, DOI 10.3201/eid2405.ET2405, lire en ligne, consulté le )
- Jorge Fernando Travassos da Rosa, William Marciel de Souza, Francisco de Paula Pinheiro et Mário Luiz Figueiredo, « Oropouche Virus: Clinical, Epidemiological, and Molecular Aspects of a Neglected Orthobunyavirus », The American Journal of Tropical Medicine and Hygiene, vol. 96, no 5, , p. 1019–1030 (ISSN 1476-1645, PMID 28167595, PMCID 5417190, DOI 10.4269/ajtmh.16-0672, lire en ligne, consulté le )
- Yuli Zhang, Xiao Liu, Zhen Wu et Shuo Feng, « Oropouche virus: A neglected global arboviral threat », Virus Research, vol. 341, , p. 199318 (ISSN 0168-1702, DOI 10.1016/j.virusres.2024.199318, lire en ligne, consulté le )
- Daniel Romero-Alvarez et Luis E. Escobar, « Oropouche fever, an emergent disease from the Americas », Microbes and Infection, vol. 20, no 3, , p. 135–146 (ISSN 1769-714X, PMID 29247710, DOI 10.1016/j.micinf.2017.11.013, lire en ligne, consulté le )
- ↑ « Maladie à virus Oropouche - Guyane française (France) », sur Organisation mondiale de la santé, (consulté le )
- ↑ (en) Sofia Moutinho, « A little-known virus on the rise in South America could overwhelm health systems », Science, vol. 384, no 6700, (DOI 10.1126/science.zsbcmzz).
- ↑ (en-US) « Oropouche Virus Arrives in Europe Again », sur www.vax-before-travel.com (consulté le )
- ↑ « "Oropouche", ce nouveau virus qui inquiète les autorités sanitaires aux Antilles-Guyane », sur Martinique la 1ère, (consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- [1]
- site INVS
- site livestrong.com
- site du CDC
- [2]
- « Oropouche, virus », sur www.inrs.fr (consulté le )
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