Nijnekamtchatsk

Nijnekamtchatsk
(ru) Нижнекамчатск

Héraldique
Administration
Pays Russie
Région économique Extrême-Orient
District fédéral Extrême-oriental
Sujet fédéral Kraï du Kamtchatka
Raïon Raïon d'Oust-Kamtchatsk
Démographie
Population hab. (1968)
Géographie
Coordonnées 56° 14′ 10″ nord, 162° 01′ 39″ est
Fuseau horaire UTC+12:00
Divers
Fondation 1713
Statut Commune rurale
Ancien(s) nom(s) Nijnekamtchatski jusqu'en 1731
Localisation
Géolocalisation sur la carte : Russie
Nijnekamtchatsk
Géolocalisation sur la carte : kraï du Kamtchatka
Nijnekamtchatsk

Nijnekamtchatsk, ou Nijne-Kamtchatsk, (en russe : Нижнекамчатск ou Нижне-Камчатск) est une ville disparue de Russie. Elle était située dans la péninsule du Kamtchatka, sur le cours inférieur du fleuve Kamtchatka, à 30 km à l'ouest de l'actuelle Oust-Kamtchatsk, dans ce qui est aujourd'hui l'Extrême-Orient russe.

Fondée en tant qu'avant-poste cosaque pour la conquête du Kamtchatka, sous le nom d'ostrog de Nijnekamtchatski en 1713, la forteresse est détruite par la révolte des Itelmènes en 1731 et reconstruite plus en aval. La ville se développe à partir des années 1740 comme port principal pour la traite de fourrure maritime dans les Aléoutiennes et en Alaska. Elle sert aussi de base pour les expéditions maritimes russes dans le nord de l'océan Pacifique, dont celles de Vitus Béring et Piotr Krenitsyne, et pour la colonisation de l'Amérique russe.

Nijnekamtchatsk est élevée au statut de ville de 1783 à 1822 et devient la principale agglomération de la péninsule, avant de connaître un déclin rapide dès le début du XIXe siècle au profit de Petropavlosk-Kamtchatski. Elle cesse d'exister en 1968. En 1993, l'église de l'Assomption de la Vierge Marie, seul bâtiment encore debout, est restaurée entièrement et consacrée.

Toponymie

Littéralement, en russe, Нижне (Nijne) signifie « en bas » ou « plus bas » et камчатский (Kamtchatski) « de la Kamtchatka » (Kamtchatka est féminin en russe)[1]. Nijnekamtchatski et Nijnekamtchatsk sont deux versions du même nom qui peut donc se traduire par « (fort) de la Kamtchatka d'en bas » ou encore « (fort) de la basse vallée de la Kamtchatka ».

Par opposition, Verkhnekamtchatsk, situé en amont du fleuve, signifie « (fort) de la Kamtchatka d'en haut ».

Géographie

Les ruines de la ville de Nijnekamtchatsk se situent en Russie, dans l'Extrême-Orient russe, dans le raïon d'Oust-Kamtchask, à une trentaine de kilomètres de la ville du même nom. Le site est un petit plateau à la confluence de la rivière Radouga et du fleuve Kamtchatka, dans un bassin entouré de montagnes, à 30 km de l'embouchure de ce dernier sur la côte Pacifique[2]. Aucune route ne mène à Nijnekamtchatsk, il faut remonter le fleuve en bateau depuis Oust-Kamtchask[3].

Aujourd'hui aucun bâtiment ne subsiste excepté l'église d'origine qui a été entièrement restaurée en 1993. Quelques tombes sont encore visibles dans le cimetière, dont celle du colonel de l'Armée rouge Vitold Popko, héros de la « Grande guerre patriotique », constituée par une pyramide surmontée d'une étoile rouge[3].

Histoire

Fort cosaque

La première expédition d'exploration russe de la péninsule du Kamtchatka est menée en 1697 par le cosaque Vladimir Atlassov et ses troupes. Ils construisent des cabanes pour hiverner près de la confluence entre la rivière Ielovka et le fleuve Kamtchatka, dans le nord de la péninsule[Note 1]. L'année suivante Atlassov proclame l'annexion du Kamtchatka par la Russie, avant de retourner à Iakoutsk, dont il dépend. En 1704, venu mater la rébellion des Itelmènes, Atlassov déplace l'hivernage sur un promontoire, 5 km en aval sur le cours du fleuve, lequel est probablement fortifié et désigné sous le nom de Nijnekamtchatski. En 1707, les Cosaques se mutinent contre Atlassov et ses méthodes jugées trop brutales. Celui-ci est emprisonné à Verkhnekamtchatski[Note 2], un autre hivernage installé plus au sud, dont il s'évade pour se réfugier à Nijnekamtchatski où il meurt assassiné en 1711[4].

En 1713, un fort (ostrog) nommé Nijnekamtchatski est construit près de l'embouchure de la rivière Ouatchkhach, 3 kilomètres en aval du précédent site. Le fort est entouré d'une palissade en bois comprenant une tour et une église est également construite, la première au Kamtchatka : cet évènement marque traditionnellement la fondation de Nijnekamtchatski dans les écrits historiques[5]. En juillet 1728, la première expédition du Kamtchatka du navigateur Vitus Béring part de Nijnekamtchatski pour explorer l'océan Pacifique jusqu'à l'actuel détroit de Béring. La localité compte alors 65 « maisons avec cour » et est le centre administratif du Kamtchatka russe[5].

En 1731, Nijnekamtchatski est détruite et incendiée par les Itelmènes, en révolte contre l'impôt impérial russe (iassak) et mené par le cosaque rebelle Fiodor Kharchine. Entre 1733 et 1740, un fort est reconstruit à un nouvel emplacement, une soixantaine de kilomètres en aval, sur la rive gauche du fleuve Kamtchatka, à la confluence avec la Radouga[6].

Le nouveau site est d'abord nommé Nijnechantalski, d'après le nom d'un lac à proximité. Puis, rapidement, l'ostrog occupant les mêmes fonctions que le précédent, il reprend le nom de Nijnekamtchatski. D'après l'explorateur et géographe Kracheninnikov, qui visite la ville en 1739, les palissades et les bâtiments sont construits en mélèze, ce qui les rend particulièrement solides comparé à d'autres forts. L'enceinte du fort, dont la porte d'entrée est surmontée d'une tour, abrite quatre quartiers d'habitation, dont la maison du commandant, des greniers, un bania et une « cabane iassak » pour la collecte de l'impôt. Autour du fort se développent un village, une distillerie et une taverne[3].

Ville portuaire

Pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, Nijnekamtchatsk devient un important port de transit et chantier naval pour les négociants et entrepreneurs russes pratiquant la traite de fourrures avec l'Alaska[6]. En 1743, devant la raréfaction des proies de trappe sur les côtes sibériennes, le cosaque Piotr Kolokolnikov embarque un équipage pour une expédition vers l'île Béring. Ils y passent l'hiver et seraient revenus avec 1 200 peaux de loutre de mer et 4 000 peaux de renard arctique[3]. Le second voyage les voit ramener 2 240 peaux de renard, 1 990 peaux d'otarie à fourrure et 1 670 peaux de loutre. La vente leur rapport au total 112 220 roubles, soit près d' 1 million de dollars actuels[7]. Devant de telles richesses, et malgré les risques encourus[Note 3], c'est le début d'une « ruée vers les fourrures » et Nijnekamtchatsk devient une ville champignon. Cependant, les populations de proies diminuant rapidement, les chasseurs russes doivent aller toujours plus loin à bord de leurs chitiks et de leurs kotchs[7]. Un mouvement maritime, migratoire et commercial s'enclenche alors vers les chapelets d'îles du Commandeur et des Aléoutiennes, pour aboutir finalement à la colonisation russe de l'Alaska[3].

En 1768, une expédition secrète commanditée par Catherine II et dirigée par Piotr Krenitsyne quitte Nijnekamtchatsk avec deux navires pour trouver une nouvelle route maritime vers l'Arctique et cartographier les côtes de ces nouveaux territoires riches en fourrure. Après un hivernage difficile en Alaska et la perte de plusieurs dizaines d'hommes, l'expédition rentre au port à l'été 1770. Lors d'un transfert en chaloupe, Krenitsyne tombe à l'eau et se noie dans le fleuve Kamtchatka[8]. Entre temps, le Kamtchatka est touché par une épidémie de variole qui décime la moitié de la population[3].

Dans les années 1770, l'agglomération de Nijnekamtchatsk est constituée tout d'abord d'une partie fortifiée, un ostrog en bois dans l'enceinte duquel se trouve un bâtiment administratif, des granges et une église dédiée à l'Assomption-de-la-Sainte-Vierge-Marie[Note 4]. Entre le fort et le port s'est développée une ville constituée de cabanes en bois, de balagans et de yourtes autochtones, d'habitations itelmènes semi-enterrés, ainsi que de l'église Saint-Nicolas-le-Thaumaturge[6].

En 1783, Nijnekamtchatsk obtient le statut de ville et devient chef-lieu du district du même nom dans l'oblast d'Okhotsk[1]. Le 26 octobre 1790, les armoiries de Nijnekamtchatsk sont approuvées par les hautes autorités avec la description suivante : « Dans la partie supérieure de l'écu figurent les armoiries d'Irkoutsk. Dans la partie inférieure, sur fond bleu, figure une baleine, signe qu'il y en a beaucoup dans l'océan près de cette ville.[9] »

Déclin et disparition

Alors qu'au début des années 1800, Nijnekamtchatsk est encore la principale ville du Kamtchatka[6], elle va rapidement décliner, en raison d'une part de la disparition de l'activité navale liée à la Compagnie russe d'Amérique[10] et d'autre part de l'affirmation de Petropavlosk, dont le port est mieux abrité et plus facile d'accès, qui devient capitale régionale en 1813. En 1822, Nijnekamtchatsk perd son statut de ville[6].

En 1852, l'explorateur et géologue russe Karl von Ditmar décrit une ville moribonde constituée de seulement 20 maisons et dont les fortifications ont disparues. Il cite les colonies de Klioutchi, Milkovo et Petropavlosk comme l'ayant surpassé en population et note l'absence de poste de commerce[11]. Les habitants vivent principalement de la pêche, de la chasse et de cultures vivrières[5].

Au début du XXe siècle, le village de Nijnekamtchatsk, bien que considérablement réduit, continue d'exister. Pendant la période soviétique, Moscou débloque des fonds pour développer l'Extrême-Orient. Le village regagne quelques habitants, abrite une ferme collective et une garnison militaire, mais les activités industrielles, comme les conserveries de poisson, sont développées sur la ville côtière d'Oust-Kamtchatsk[3]. À partir du recensement de 1968, la ville n'apparait plus dans la liste des localités habitées[5].

Période moderne

Dans les années 1980, le site est redécouvert par des fouilles archéologiques qui mettent à jour de nombreux objets de la période cosaque. Ceux-ci attestent d'un syncrétisme culturel entre colons russes (principalement cosaques) et autochtones[6].

Au début de l'été 1993, l'église de l'Assomption, seul bâtiment encore existant, est restaurée avant d'être inaugurée deux mois plus tard. La consécration de l'église se déroule devant une assistance de plusieurs centaines de personnes et journalistes, dont de nombreux Américains, l'église de l'Assomption étant l'église mère du Diocèse orthodoxe d'Alaska. Dans les années 2020, un projet touristique prévoit d'installer des logements sur le lac Krasnikovskoïe, à la bordure nord de Nijnekamtchatsk, et d'organiser des visites guidées du site historique[3].

Démographie

Recensements et estimations de la population[5],[2]:

Évolution démographique
1741 1787 1795
92550179
1822 1852 1867
299245110
1895 1926* 1968
1072250

Notes et références

Notes
  1. En 1741, la nouvelle colonie de Klioutchi sera fondée sur ce premier emplacement de Nijnekamtchatski alors abandonné.
  2. Fondé en 1698.
  3. Crawford Isto indique que seulement 4 bateaux sur 6 revenaient au port.
  4. L'Église de l'Assomption est l'église mère de toutes les églises orthodoxes du Kamtchatka mais aussi d'Alaska, la conquête russe de ce territoire s'étant faite depuis le Kamtchatka et plus particulièrement depuis le port de Nijnekamtchatsk alors à son apogée.
Références
  1. Dictionnaire encyclopédique Brockhaus et Efron 1907.
  2. Dictionnaire géographique et statistique de l'Empire russe 1867.
  3. (ru) Alexandre Smichliaev, « Нижне-Камчатский острог [Fort de Nijne-Kamtchatski] », sur Полуостров Камчатка - сетевое издание,‎ (consulté le )
  4. Youri Semionov (trad. Maurice Ténine), La Conquête de la Sibérie du IXe au XIXe, Paris, Payot, 1938.
  5. Encyclopédie historique de la Sibérie 2010.
  6. (ru) Bobina Tatiana Vasilievna, Musée régional du Kamtchatka, « Нижне-Камчатск — административный центр Камчатки и база русского освоения Тихого океана во второй половине XVIII в. [Nijne-Kamtchatsk est le centre administratif du Kamtchatka et la base de l'exploration russe de l'océan Pacifique dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.] », sur https://kamchatka-museum.ru,‎ (consulté le )
  7. (en) Sarah Crawford Isto, The Fur Farms of Alaska: Two Centuries of History and a Forgotten Stampede, University of Alaska Press, (ISBN 978-1-60223-172-6)
  8. (en) Lydia Black, Russians in Alaska, 1732-1867, University of Alaska Fairbanks, (ISBN 978-1-889963-04-4 et 978-1-889963-05-1)
  9. (ru) Centre russe de vexillologie et d'héraldique, « Герб Нижнекамчатска » [archive du ], // heraldicum.ru,‎ (consulté le )
  10. (en) Anatole G. Mazour, « The Russian-American Company: Private or Government Enterprise? », Pacific Historical Review, vol. 13, no 2,‎ , p. 168–173 (ISSN 0030-8684, DOI 10.2307/3634611, lire en ligne, consulté le )
  11. (ru) Karl von Ditmar, Поездки и пребывание в Камчатке в 1851--1855 гг.: Часть первая. Исторический отчет по путевым дневникам [« Voyages et séjour au Kamtchatka en 1851-1855 : première partie. Rapport historique basé sur les carnets de voyage »], Petropavlosk-Kamtchatski, Новая книга,‎

Bibliographie

Encyclopédies et dictionnaires

  • (ru) « Нижнекамчатск », dans Dictionnaire encyclopédique Brockhaus et Efron, Saint-Pétersbourg, 86 volumes,‎ 1890-1907 (lire en ligne). .
  • (ru) « Нижнекамчатский острог, Нижнекамчатск », dans Историческая энциклопедия Сибири [« Encyclopédie historique de la Sibérie »],‎ (lire en ligne). .
  • (ru) Piotr Semionov-Tian-Chanski, « Нижнекамчатскь », dans Географическій лексиконъ Россійскаго государства [« Dictionnaire géographique et statistique de l'Empire russe »], Saint-Pétersbourg,‎ (lire en ligne). .

Ouvrages

  • (ru) Gokov A. V., Первые итоги раскопок города Нижнекамчатска XVIII—XIX вв [« Premiers résultats des fouilles de la ville de Nijnekamtchatsk aux XVIIIe-XIXe siècles »], Magadan, 1990.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Portail du kraï du Kamtchatka
  • Portail de la géographie
  • Portail de l’histoire