Neuromancien

Neuromancien
Auteur William Gibson
Pays États-Unis
Genre Science-fiction
Cyberpunk
Version originale
Langue Anglais américain
Titre Neuromancer
Éditeur Ace Books
Lieu de parution New York
Date de parution
Nombre de pages 271
ISBN 0-441-56956-0
Version française
Traducteur Jean Bonnefoy
Éditeur La Découverte
Collection Fictions
Lieu de parution Paris
Date de parution
Type de média Livre papier
Nombre de pages 300
ISBN 2-7071-1562-2
Chronologie
Série Trilogie de la Conurb

Neuromancien (titre original : Neuromancer) est le premier roman de science-fiction de William Gibson. Publié en 1984, il est généralement considéré comme le roman fondateur du mouvement cyberpunk, ayant inspiré bon nombre d'œuvres telles que le manga Ghost in the Shell et le film Matrix. Il a notamment remporté le prix Nebula du meilleur roman 1984.

Il est suivi par Comte Zéro (1986) et Mona Lisa s'éclate (1988).

Historique de la publication

À la fin de 1981, Gibson est un jeune auteur qui n'a publié que quatre nouvelles. Il attire cependant l'attention du milieu SF avec la nomination de Johnny Mnemonic pour le prix Nebula en 1981. Gibson obtient le soutien de l'éditeur Terry Carr, qui a publié sa nouvelle The Gernsback Continuum dans l'anthologie Universe, et qui propose à Gibson de publier un roman. Gibson lui soumet en octobre 1981 un court synopsis sous le titre provisoire Jacked In («câblé»)[1]. À la même période, Gibson présente sa nouvelle Gravé sur chrome, dans laquelle il invente le concept de Cyberespace. En 1982, Gibson débute l'écriture de Neuromancien, bien qu'il ne se sent pas prêt pour l'écriture d'une œuvre longue. Poussé par une «panique animale»[2], il combine le personnage de Molly apparu dans Johnny Mnemonic avec la trame narrative de Gravé sur chrome[3]. Tout en s'occupant de son fils nouveau-né, Gibson termine son roman en 1983, en dépassant de six mois le délai imparti[1]. Le livre sort chez Ace Books le .

William Gibson a ajouté la dernière phrase du roman à la dernière minute, dans une tentative délibérée de s'empêcher d'écrire une suite, mais a fini par le faire précisément avec Comte Zéro (1986)[4].

Contexte fictionnel

Neuromancien présente une dystopie de type cyberpunk : un monde futuriste où règne le capitalisme le plus débridé, gouverné par des mégacorporations et où les drogues de synthèse et les augmentations physiques (cybernétiques) sont omniprésentes.

Dans cet univers, les « cowboys » du cyberespace (des pirates informatiques) se connectent au réseau informatique global, surnommé la « Matrice » (the matrix en VO), grâce à leur console à laquelle ils sont reliés par des électrodes fixées sur le crâne, ce qui leur permet d'avoir une perception visuelle et sensorielle des données numériques qui composent la Matrice.

Les cowboys, en perpétuelle quête d'informations à monnayer au plus offrant, s'infiltrent incognito dans les banques de données des grandes corporations en exploitant leurs failles. Mais la police de Turing veille, ainsi que les Intelligences artificielles (IA), utilisées pour protéger les données sensibles des corporations de la main avide des pirates ; tout comme la « Glace », des programmes pare-feu qui peuvent être d'un danger mortel pour les cowboys assez fous pour tenter de passer au travers, ou de les contourner.

Résumé

Dans la Conurb, la plus grande mégalopole du monde située en Amérique du Nord, Henry Dorsett Case est un « cowboy » du cyberespace, un hacker qui sillonne la Matrice. Il est le meilleur et rien ne lui résiste. Mais un jour, étant trop gourmand, il décide de doubler son employeur. Celui-ci, en représailles, lui injecte une mycotoxine russe qui détruit de manière sélective une partie de son système nerveux, celle qui est reliée aux « trodes » (les électrodes de sa console informatique). Case perd alors toute capacité à se connecter à la Matrice : pour lui, tout est perdu, il n'est plus rien...

Aussi, lorsqu'un jour Armitage, un homme mystérieux au passé trouble mais apparemment influent, et Molly, une mercenaire dangereuse dont les yeux ont été remplacés par des implants oculaires, le retrouvent à Chiba au Japon et proposent de lui redonner accès à la Matrice, Case accepte sans hésiter. Mais sa mission est risquée : il s'agit de pénétrer le système informatique d'une gigantesque multinationale suisse, la Tessier-Ashpool SA, ce qu'il fera avec l'aide du mystérieux Muetdhiver.

Personnages

Personnages principaux

  • Case (Henry Dorsett Case) : un ancien hacker, spécialiste de l'intrusion dans les systèmes informatiques via le cyberespace. Après avoir trompé un client, il a été puni en voyant son système nerveux endommagé à l'aide d'une mycotoxine russe, ce qui l'empêche d'accéder au cyberespace. Il accepte la mission d'Armitage, car on lui propose de réparer les dommages subis.
  • Molly (Molly Millions) : une tueuse à gages et ancienne prostituée, qui porte diverses modifications corporelles (cyberware), telles que des lentilles intégrées à sa peau avec amplificateur de lumière résiduelle, et des lames de scalpel rétractables sous ses ongles. Son ancien amour fut Johnny (Johnny Mnemonic), un coursier de données tué par les Yakuzas.
  • Willis Corto, alias Armitage : un ancien officier des forces spéciales, qui a pu être physiquement rétabli après une mission ratée, mais qui est psychologiquement instable. Il se présente au début de la mission comme le commanditaire direct, mais il s'avère qu'il n'est qu'une marionnette de Wintermute.
  • McCoy Pauley, alias « Dixie le Trait-plat » (« Dixie Flatline » en VO)
  • Peter Riviera : il est originaire de Bonn, ancienne capitale allemande détruite par des bombes atomiques. Manipulateur et toxicomane, il maîtrise la technique de projection d'hologrammes.

Personnages secondaires

  • Julius « Julie » Deane
  • Linda Lee
  • Le Finlandais (« The Finn » en VO) : un receleur. Il tient une boutique à New York nommée Metro Holografix, où il vend toute sorte de matériel illégal, notamment des armes et des biens volés, ainsi que des logiciels sensibles.
  • Lady 3Jane / Marie-France Tessier-Ashpool
  • Maelcum
  • Hideo

Les intelligences articifielles

  • Muetdhiver (« Wintermute » en VO) : une intelligence artificielle basée à Berne qui dirige un groupe de personnes afin de pouvoir s'unir à son jumeau Neuromancer et ainsi dépasser les limites de ses paramètres programmés..
  • Neuromancien (« Neuromancer » en VO) : une intelligence artificielle basée à Rio, la contrepartie de Wintermute. Même si le personnage de Neuromancien est décrit de manière assez succincte dans le livre, il représente la principale motivation de toutes les actions des autres personnages.

À propos du titre

Le terme « Neuromancien » est une variation du mot « nécromancien »[5],[6] », un magicien qui pratique la nécromancie, c'est-à-dire la divination par l'évocation des morts :

  • neuro- : « nerfs », intelligence (artificielle)
  • mancien : « prédire l'avenir », par extension, la magie.

Gibson définit le terme original Neuromancer comme un mot-valise basé sur « neuro », « romancer » et « necromancer »[7] où lui-même apparaît en trompe-l'œil comme le narrateur qui renouvelle les genres littéraires dans ce pastiche d'anticipation futuriste[8].

Inspirations

Le roman de Philip K. Dick Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? et son adaptation au cinéma, le film Blade Runner de Ridley Scott sorti en 1982, ont influencé William Gibson pendant l'écriture de son roman[9],[10].

Récompenses

Éditions

Un classique de la science-fiction

Ce roman est considéré comme un classique de la science-fiction dans les ouvrages de référence suivants :

Adaptations

Adaptation en jeu vidéo

Dans les années 1985-1987, Timothy Leary travaille sur une adapation de Neuromancien en jeu vidéo intitulé Neuromancer: An Electronic Mind Movie[11],[12] , sous contrat avec Electronic Arts[13]. Leary prévoit des visuels conçus par Keith Haring (dessinés avec le logiciel MacPaint), des photographies de Helmut Newton, une bande-son composée par Devo, et la participation de William S. Burroughs à l'écriture[14],[11]. Le projet de Leary n'est pas réalisé sous cette forme, mais est repris par le concepteur de jeux Brian Fargo, ami de Leary et fondateur d'Interplay Productions. L'adaptation en jeu vidéo développée par Interplay est publiée en 1988 par Mediagenic (une branche d'Activision). Le jeu sort sur les plateformes Amiga, Apple II, Commodore 64 et MS-DOS. Le jeu a reçu des critiques favorables dans les magazines Computer Gaming World[15] et Compute![16].

Adaptation cinématographique

Un projet d'adapter le roman en film est à l'étude depuis de longues années. En 2012, Vincenzo Natali annonce des possibilités de casting avec Mark Wahlberg dans le rôle de Case et Liam Neeson dans le rôle d'Armitage. Mais rien ne se concrétise par la suite[17].

En février 2024 est annoncée la production d'une série en 10 épisodes pour Apple TV+[18]. Les réalisateurs sont J. D. Dillard et Graham Roland. Il est annoncé que Callum Turner interprétera le rôle de Case[19], Briana Middleton celui de Molly[20], et Mark Strong celui d'Armitage.

Notes et références

  1. Henthorne 2011, p. 10.
  2. McCaffery 1991, p. 268.
  3. Westfahl 2013, p. 61.
  4. (en) William Gibson, « (untitled weblog post) » [archive du ], sur williamgibsonbooks.com,
  5. Informations lexicographiques et étymologiques de « nécromancie » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  6. David Porush, « Cybernauts in Cyberspace: William Gibson's Neuromancer » in Aliens: The Anthropology of Science Fiction, ed. George Slusser et Eric Rabkin, Carbondale, 1987, p. 171.
  7. (en)

    « "Neuromancer," the boy said, slitting long gray eyes against the rising sun. "The lane to the land of the dead. Where you are, my friend. Marie-France, my lady, she prepared this road but her lord choked her off before I could read the book of her days. Neuro from the nerves, the silver paths. Romancer. Nec- romancer. I call up the dead. But no, my friend," and the boy did a little dance, brown feet printing the sand, "I am the dead, and their land." He laughed. A gull cried. "Stay. If your woman is a ghost, she doesn't know it. Neither will you." »

    (Neuromancien, Chapitre 21)

    traduction (par Jean Bonnefoy) :

    « Neuromancien, dit le garçon, plissant ses grands yeux gris face au soleil levant. La voie vers le pays des morts. Où tu te trouves en ce moment, mon ami. Marie-France, ma dame, c'est elle qui a préparé cette route, mais son seigneur l'a étouffée avant que j'aie pu lire le livre de ses jours. Neuro, de nerfs, ces chemins d'argent. Et mancien. Comme nécromancien. J'invoque les morts. Mais non, mon ami (et le garçon accomplit une petite danse, pieds bruns s'imprimant sur le sable), je suis les morts, les morts et leur territoire. (Il rit. Une mouette cria.) Reste. Si ta compagne est un spectre, elle ne le sait pas. Et toi non plus. »

  8. (en) Lance Olsen à propos de l'essai de David Porush :

    « Second, as Porush notes, the title echoes "necromancer, the magician who conjures up the dead." No doubt this is a text inhabited by those raised from the dead, Lazarus after Lazarus, from Dixie Flatline in the form of a construct to Linda Lee's structure in cyberspace. Ashpool intermittently awakes from his cryogenic death-sleep, and the child 3Jane perceives Wintermute as a ghost whispering in her ear. Case flatlines and comes back to talk about it. Metaphorically, Corto is raised from the dead when he is transformed into Armitage.

    But Porush does not point out a secondary "necromancy" in the title. Not only are characters raised from the dead by a number of fictional magicians, but also various genres are "raised from the dead" by the very real magician of magicians — Gibson himself. The text is one about regeneration and endurance. Forms arise, undergo transformations, and continue metamorphosed. Gibson becomes the new romancer behind Neuromancer, revitalizing the science fiction novel, the quest story, the myth of the hero, the mystery, the hard-boiled detective novel, the epic, the thriller, and the tales of the cowboy and romantic artist, among others. He represents old stories in a revealing revamped intertexual pastiche. »

  9. How did William Gibson really feel about Blade Runner?
  10. An Interview with William Gibson by Larry McCaffery
  11. (en) Alison Rhonemus, « Transmissions from the Timothy Leary Papers: Keith Haring Makes a Mind Movie », sur The New York Public Library (consulté le )
  12. (en-US) Greg Miller, « Turn On, Boot Up, and Jack In With Timothy Leary's Long-Lost Videogames », Wired,‎ (ISSN 1059-1028, lire en ligne, consulté le )
  13. (en-US) Jimmy Maher, « Turning on, Booting up, and Jacking into Neuromancer », sur The Digital Antiquarian, (consulté le )
  14. (en-US) Adi Robertson, « Timothy Leary’s ‘Neuromancer’ video game could have been incredible », sur The Verge, (consulté le )
  15. (en) « Game of the Year Awards », Computer Gaming World, no October 1989,‎ , p. 8
  16. (en) Keith Farrell, « Neuromancer », Compute!, vol. 11, no 4,‎ , p. 62 (lire en ligne)
  17. (en) Ben Child, « Will Liam Neeson and Mark Wahlberg be plugging into Neuromancer? », sur The Guardian.com, .
  18. (en-US) Rosy Cordero, « Apple Greenlights New Sci-Fi Drama Series ‘Neuromancer’ Based On William Gibson Novel », sur Deadline, (consulté le )
  19. (en-US) Joe Otterson, « Callum Turner to Star in ‘Neuromancer’ Series at Apple TV+ », sur Variety, (consulté le )
  20. (en-US) Nellie Andreeva, « ‘Neuromancer’: Briana Middleton Joins Callum Turner In Apple TV+ Series », sur Deadline, (consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • (en) Larry McCaffery, Storming the Reality Studio: A Casebook of Cyberpunk and Postmodern Science Fiction, Durham, Duke University Press, (ISBN 978-0-8223-1168-3, OCLC 23384573)
  • (en) Tom Henthorne, William Gibson : A Literary Companion, Jefferson (Caroline du Nord), McFarland & Company, coll. « McFarland Literary Companions », , 176 p. (ISBN 978-0786461516).
  • (en) Gary Westfahl, William Gibson, University of Illinois Press, coll. « Modern Masters of Science Fiction », (ISBN 978-0-252-07937-5)
  • (en) George Slusser (dir.) et Tom Shippey (dir.), Fiction 2000: Cyberpunk and the Future of Narrative, University of Georgia Press, (ISBN 978-0820314495)
  • (en) Ian Lancashire, « Ninsei Street, Chiba City, in Gibson's "Neuromancer" », Science Fiction Studies, University of California Press, vol. 30, no 2,‎ , p. 341–46 (JSTOR 4241190).
  • (en) Tony Myers, « The Postmodern Imaginary in William Gibson's "Neuromancer" », Modern Fiction Studies, Johns Hopkins University Press, vol. 47, no 4,‎ , p. 887–909 (JSTOR 26286501).

Articles connexes

Liens externes

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