Une matrice
de type
est à coefficients positifs lorsque tous ses éléments sont réels positifs ; on écrira alors
.
Elle est dite strictement positive lorsque tous ses éléments sont strictement positifs ; on écrira alors
.
Relation d'ordre sur les matrices réelles
et
étant deux matrices réelles
on définit une relation d'ordre partiel sur ces matrices en posant
.
Il est immédiat que cette relation d'ordre est compatible avec l'addition. De même elle est compatible avec la multiplication (à gauche ou à droite) par une matrice positive.
Matrices carrées positives
Graphe associé
À toute matrice carrée positive
nous associons le graphe (orienté)
défini par :
- l'ensemble des sommets est
,
- un arc (orienté) joint le sommet
au sommet
si
.
Rappelons par ailleurs qu'un chemin de longueur
est une suite de
arcs telle que l'extrémité de chaque arc soit l'origine du suivant. L'origine du premier arc est l'origine du chemin et l'extrémité du dernier arc est l'extrémité du chemin. On peut considérer qu'un chemin de longueur
relie chaque sommet à lui-même.
Il est aisé (par exemple en faisant une récurrence) de vérifier :
Rappelons qu'un graphe est fortement connexe si pour tout couple
de sommets il existe un chemin joignant
à
.
Il résulte alors aisément par utilisation du second lemme ci-dessus que
est fortement connexe si et seulement s'il existe un naturel
tel que
.
Tout chemin dans un graphe peut être simplifié en supprimant les cycles (chemin dont l'origine coïncide avec l'extrémité) parcourus dans ce chemin. Par conséquent un tel chemin simplifié ne peut passer qu'une fois au plus par chaque sommet et est donc de longueur inférieure ou égale à
. Le graphe est donc fortement connexe si et seulement s'il existe un naturel
tel que
.
Matrice irréductible
Nous dirons que la matrice carrée positive
est irréductible si le graphe
est fortement connexe.
En particulier une matrice strictement positive est irréductible puisque chaque sommet
de
est relié à tout sommet
par un arc (chemin de longueur 1).
L'étude ci-dessus montre qu'une caractérisation des matrices positives irréductibles est la suivante : Il existe un naturel
tel que
.
On peut également caractériser ces matrices positives irréductibles par
.
Matrice réductible
Il s'agit évidemment d'une matrice carrée positive non irréductible. En plus des caractérisations évidentes obtenues par négation des caractérisations ci-dessus nous avons :
Lemme —
Soit une matrice carrée positive
. Il y a équivalence entre
est une matrice réductible.
- Il existe une partition de
en 2 parties non vides
telle que
.
- Il existe une matrice de permutation
telle que
[1]
soit de la forme
où
et
sont des matrices carrées de format non nul.
Démonstration
:
Le graphe
n'est pas fortement connexe. Il y a donc un couple
de sommets tel qu'il n'existe aucun chemin d'origine
et d'extrémité
. Soient alors
l'ensemble des extrémités de tous les chemins d'origine
et
. Ces 2 ensembles de sommets vérifient bien la condition demandée.
:
désignant la base canonique de
, désignons par
une base obtenue simplement en réordonnant les vecteurs de
de manière à placer d'abord les vecteurs indexés par les éléments de
et enfin ceux indexés par les éléments de
.
désignant la matrice de passage de
à
convient à la demande.
:
D'après la remarque ci-dessus
. Désignons par
l'ensemble des naturels
où
est le format de la matrice
et soit
. Posons
et
. On a donc
et par conséquent
. Ceci entraîne qu'un sommet du graphe
appartenant à
ne peut être l'origine d'un chemin dont l'extrémité soit dans
et que le graphe ne peut être fortement connexe.
Propriétés spectrales des matrices irréductibles
Le théorème de Perron-Frobenius
Théorème de Perron-Frobenius —
Soit
une matrice positive irréductible.
- Le rayon spectral
de A est une valeur propre simple de
, et le sous-espace propre associé est une droite vectorielle engendrée par un vecteur (colonne) strictement positif.
- Si
et
sont respectivement le minimum et le maximum des sommes des éléments de chaque ligne de
, on a
.
- Si
alors
.
- Soit
le nombre de valeurs propres (complexes) de module
. Le spectre de
dans le plan complexe est invariant par la rotation de centre
et d'angle
. En outre, si
, il existe une matrice de permutation[1]
telle que
, où les blocs diagonaux (nuls) sont carrés.
Matrice primitive
Définition :
Une matrice carrée positive irréductible de rayon spectral
est dite primitive si
[2] et si
est la seule valeur propre (complexe) de module maximal
.
On remarque qu'en particulier une matrice strictement positive est primitive (c'est dans ce cas des matrices strictement positive qu'O. Perron a établi son théorème en 1907).
Une matrice carrée positive irréductible non primitive est dite imprimitive. Dans ce cas le nombre
de valeurs propres complexes de module maximal
est désigné par indice d'imprimitivité de
.
Propriétés spectrales des matrices carrées positives générales
Le théorème de Perron Frobenius ne s'applique pas aux matrices réductibles. Cependant il est possible d'en donner une forme affaiblie valable de manière générale.
Démonstration
- Commençons par remarquer qu'une matrice carrée positive
est la limite d'une suite de matrices irréductibles (par exemple si
est une matrice strictement positive quelconque on a
).
- Si
l'ensemble des valeurs propres de l'ensemble des
est borné.
Soit en effet le polynôme caractéristique de
. Pour tout
est un polynôme (à coefficients constants) en les éléments de
et comme l'ensemble de ces éléments est borné à cause de la convergence de la suite
il s'ensuit que l'ensemble des
est borné.
Si maintenant
est une racine complexe non nulle de
on peut écrire
. Si l'ensemble des valeurs propres des
n'était pas borné on aurait une suite
de valeurs propres vérifiant
. Mais à cause du caractère borné de l'ensemble des
le membre de gauche de l'égalité ci-dessus avec
tendrait vers 1, ce qui est clairement contradictoire.
- Soit donc
une suite de matrices irréductibles tendant vers
. Pour chaque valeur de
soit
la valeur propre positive maximale de
.
et
un vecteur propre associé strictement positif (cf. P.F) qu'on peut choisir normé.
Ordonnons alors pour tout
les valeurs propres (complexes)
de
dans l’ordre décroissant des modules en plaçant
en première position :
. L’ensemble des valeurs propres étant borné, on peut extraire de la suite des listes ordonnées ci-dessus une suite encore indexée par
(par abus de langage) telle que
(en particulier
).
Comme
il s’ensuit que
.
Comme
.
(continuité du déterminant).
Or
. Ceci montre que le polynôme caractéristique de
est
et donc que les valeurs propres de
sont exactement les
.
Comme pour tout
le vecteur
est normé on peut à nouveau de la suite déjà extraite précédemment extraire une suite que nous indexerons encore par
par abus de langage de façon que
converge vers un vecteur
non nul (en fait normé).
On a évidemment
et
par passage à la limite de
et
.
Enfin pour chaque
est compris entre le minimum et le maximum des sommes des lignes de
. Par passage à la limite on obtient l'encadrement annoncé sur
.
Cas particuliers
Parmi les familles de matrices à coefficients positifs qui ont été beaucoup étudiées on compte les matrices stochastiques, les matrices bistochastiques et les matrices stochastiques à coefficients positifs.
Notes et références
- Si
est une permutation de
la matrice
associée est définie par
(
symbole de Kronecker). La matrice
s'obtient aussi à partir de
en effectuant la permutation
sur les lignes et colonnes (équivalent respectivement à la multiplication à gauche par
et à droite par
). Autrement dit
.
On remarque que
est strictement positive (resp.irréductible) si et seulement si
l'est. En effet les éléments de
sont ceux de
et de plus comme
.
- ↑ Si
on a nécessairement
(cf. P.F.)
- ↑ F.R Gantmacher. Théorie des matrices Ch.5 §4 (Ed. Jacques Gabay)
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