Mars dormant
| Artiste | |
|---|---|
| Date | |
| Type | |
| Matériau | |
| Dimensions (H × L) |
152 × 140 cm |
| No d’inventaire |
5460 |
| Localisation |
Mars dormant est une peinture à l'huile sur panneau de bois du peintre du siècle d'or néerlandais Hendrick ter Brugghen, réalisée vers 1629 et conservée au Centraal Museum d'Utrecht (Pays-Bas).
Description
Le tableau représente un soldat en train de dormir. Il porte une armure ornée, mais a retiré ses jambières. Il tient dans une main son épée, son autre bras repose sur un tambour. L'armure est de type milanais, il s'agit d'un modèle datant des années 1580 et largement répandu en Hollande à l'époque du tableau. Sur le côté gauche du plastron figure la gravure d'un lion[1].
La position de l'homme appuyé sur un coude et l'ombre portée sur ses yeux sont une représentation classique du tempérament mélancolique selon la théorie des humeurs du XVIIe siècle[2].
Le tableau a été agrandi par l'ajout de panneaux de bois latéraux au moment de son encadrement, vers 1650. Il est signé « HTBrugghen fecit 1629 », bien qu'on puisse aussi lire la date de 1624 ou 1625[3],[1].
Analyse
Il est communément admis que l'homme représenté est Mars, dieu gréco-romain de la guerre. La date d'exécution de la peinture place celle-ci en pleine guerre de Quatre-Vingts Ans entre les Provinces-Unies et l'Espagne. En 1629, après une série de défaites[note 1], l'Espagne fait une offre de paix aux Provinces-Unies. La population néerlandaise est divisée sur la politique à mener : les protestants radicaux refusent de baisser les armes alors que les élites économiques sont plus favorables à la fin des combats. L'assoupissement du dieu de la guerre représente ainsi l'espoir de voir la guerre cesser et la paix revenir[4].
Cette interprétation rejoint le symbolisme d'une gravure de Jacob de Gheyn III datant de 1618, représentant également Mars assoupi. La gravure comporte la légende suivante : « Mars se repose après s'être couvert de gloire ; qu'il se repose désormais plus glorieusement encore, pour le bien du peuple »[4].
Le pacifisme de l'œuvre est nuancée par le symbole figurant sur l'armure de Mars. Le lion est le lion Belgique (Leo Belgicus), symbole patriotique des Pays-Bas. Il n'est pas représenté sous sa forme héraldique classique mais est disposé de façon que la forme du lion rappelle la forme géographique du pays : une représentation symbolique courante à l'époque[4].
Selon une autre interprétation, la morale de l'œuvre ne serait pas pacifiste mais bien militariste. Le sommeil de Mars est un avertissement : après la Trêve de Douze Ans (1609-1621), la Hollande ne doit pas relâcher sa vigilance et se laisser abuser par un calme trompeur, mais se préparer à une reprise des hostilités[5].
Enfin, selon l'historien J. W. Smit, la peinture est trop réaliste pour avoir une dimension métaphorique. Pour les contemporains de Ter Brugghen, un homme en armure avec un tambour ne représente pas le symbole de la guerre mais un élément banal de leur vie quotidienne marquée par les combats. L'assimilation de l'homme à Mars serait ainsi une surinterprétation postérieure des antiquaires et historiens de l'art[6].
Influence
Le tableau de Ter Brugghen a servi d'inspiration à plusieurs autres peintres, tels que Carel Fabritius et sa Sentinelle (1654, Schwerin)[7] ou Willem Drost et son Homme debout en armure (1650-59, Cassel)[8]. Un autre tableau de Ter Brugghen, Les Joueurs de Backgammon (1627), représente un homme portant une armure similaire[1].
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Willem Drost, Homme debout en armure ou Portrait d'un officier en armure, 1650-59, Gemäldegalerie Alte Meister (Cassel).
L'œuvre est également mentionnée dans un poème de Lambert van den Bos (1610-1698), Konst kabinet van Marten Kretzer (Cabinet d'art de Martin Kretzer)[9],[10].
Notes et références
Notes
- ↑ Notamment le siège de Bois-le-Duc en avril-septembre 1629.
Références
- Harbison 1974, p. 35.
- ↑ Bok 2009, p. 6.
- ↑ (nl) Centraal Museum, « Slapende Mars », sur www.centraalmuseum.nl.
- Harbison 1974, p. 35-36.
- ↑ Kahr 1972, p. 122-123.
- ↑ Smit 1991, p. 22-23.
- ↑ Schama 1980, p. 9.
- ↑ Bikker 2005, p. 88.
- ↑ Golahny 1996, p. 109.
- ↑ (en) Gary Schwartz, « Lambert van den Bos, Konst kabinet van Marten Kretzer: a poem on an Amsterdam collection of paintings in 1650 », sur schwartzlist.wordpress.com, .
Sources
- [Bikker 2005] (en) Jonathan Bikker, Willem Drost (1633-1659): A Rembrandt Pupil in Amsterdam and Venice, New Haven, Yale University Press, , 222 p. (ISBN 9780300105810).
- [Bok 2009] (en) Marten Jan Bok, « Was Hendrick ter Brugghen a Melancholic? », Journal of Historians of Netherlandish Art, vol. 1, no 2, (DOI 10.5092/jhna.2009.1.2.2, lire en ligne [PDF]).
- [Golahny 1996] (en) Amy Golahny, « Pieter Lastman in the Literature: From Immortality to Oblivion », Dutch Crossing, vol. 20, no 1, , p. 87-116 (DOI 10.1080/03096564.1996.11784058, lire en ligne).
- [Harbison 1974] (en) Craig Harbison, « A Note on Terbrugghen's 'Sleeping Mars' », The Burlington Magazine, vol. 116, no 850, , p. 35-38 (JSTOR 877593, lire en ligne).
- [Kahr 1972] (en) Madlyn Millner Kahr, « Vermeer's "Girl Asleep": A Moral Emblem », Metropolitan Museum Journal, vol. 6, , p. 115-132 (JSTOR 1512637, lire en ligne).
- [Schama 1980] (en) Simon Schama, « Wives and Wantons: Versions of Womanhood in 17th Century Dutch Art », Oxford Art Journal, vol. 3, no 1, , p. 5-13 (DOI 10.1093/oxartj/3.1.5, JSTOR 1360173, lire en ligne [PDF]).
- [Smit 1991] (en) J. W. Smit, « History in Art », dans David Freedberg et Jan de Vries, Art in History/History in Art: Studies in Seventeenth-Century Dutch Culture, Santa Monica, Getty Center, coll. « Issues & Debates », , 456 p. (ISBN 9780892362011, lire en ligne [PDF]), p. 17-25.
Articles connexes
Liens externes
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