Lex Irnitana

La lex Irnitana est une loi romaine de l'époque des Flaviens qui définit le statut du municipe d'Irni (Municipium Flavium Irnitanum), dans la province romaine de Bétique, dans le sud de l'Espagne.

C'est la copie la plus complète connue (en 2021) d'une loi de municipe flavien[1].

Découverte

Six de ses dix plaques de bronze et des fragments d'autres plaques ont été découverts fortuitement au printemps 1981 sur le territoire de la commune de El Saucejo (province de Séville), à environ 5 km au sud-ouest du bourg de El Saucejo et 3 km nord-est d'Algámitas, sur une colline appelée Molino del Postero, près de la rivière Corbonés (es)[2].

Cette colline escarpée portait des traces d'habitats anciens ; mais avant cette découverte on ne connaissait pas l'existence du Municipium Flavium Irnitanum.[réf. nécessaire]

Description

Les six plaques de bronze font partie d'un ensemble de dix plaques mesurant 57,5 cm sur 91,5 cm. Chacune est gravée sur trois colonnes[3],[4], avec des lettres de 4 à 6 mm de hauteur. Les plaques portent en haut et en bas trois trous servant à la fixation sur le mur où elles étaient affichées. Elles devaient occuper sur ce mur une largeur de 9 mètres. Leur état de conservation est assez bon, hormis des marques de corrosion sur toutes les plaques ; ces attaques de la surface ont fait disparaître quelques mots[2],[n 1].

Elles correspondent aux plaques III, V, VII, VIII, IX et X[2]. Des fragments de la plaque II ont été retrouvés plus tard.[réf. nécessaire]

Toutes les plaques portent un numéro à un moment près du bord[2]. Les chapitres de la Lex Irnitana ne sont pas numérotés, à la différence de ceux de la Lex Malacitana (en) et de la Lex Salpensana (es), mais on peut restituer l'essentiel de la numérotation par comparaison avec celles des deux lois parallèles[5],[n 2]. Environ deux colonnes de la plaque VI (manquante) devaient reproduire, avec quelques modifications appropriées, le texte de la Lex Malacitana jusqu'au chapitre 69, 1. 2[2].

Contenu

La Lex Irnitana est la version locale de la Lex Flavia municipalis, cette dernière étant le cadre général pour les statuts des municipes mis en place par Domitien, dérivé de la Lex Iulia municipalis (es) d'Auguste déjà réformée par Vespasien[6],[n 3].

La Lex Irnitana peut être mise en rapport avec la Lex Malacitana (es) (CIL II, 1964) de Malaga, la Lex Salpensana (es) (CIL II, 1963) du municipe de Salpensa (es), les fragments de la Lex Villonensis (de)[7] et d'autres fragments provenant d'Italica et de Duráton (es), pour la reconstitution du cadre général de la Lex Flavia municipalis[8].

Elle comportait 96 chapitres, un complément au chapitre 23[n 4], une lettre de Domitien datée de 91 ap. J.-C., et les références du duumvir et légat chargé d'apposer publiquement les plaques[5].

Cette loi devait commencer en traitant des différents corps de citoyens et des affaires religieuses ; et notre connaissance du texte commence au milieu de la section traitant des magistrats, qui se poursuit jusqu'au chapitre 27. Les chapitres 28 et 29 traitent de la manumission et la désignation des tuteurs. Une section sur les décurions est couverte par les chapitres 30 et 31 (plaque IV) et les chapitres (A)[n 5] à (K)[n 5] de la plaque V manquante. Puis vient une section sur les élections : chapitre (L)[n 5] de la plaque V, l'équivalent d’une colonne manquante sur la tablette VI, chapitres 51 à 60 ; puis deux chapitres (61 et 62) sur l'administration générale ; douze chapitres (62 à 73) sur les questions financières ; deux chapitres (74 et 75) sur les rassemblements illégaux et l'accaparement des céréales ; cinq chapitres (76 à 80) sur les questions financières ; trois chapitres (81 à 83) sur les jeux, les routes et les opérations ; une longue section (chapitres 84 à 93) sur la compétence juridictionnelle ou procédure judiciaire ; et trois chapitres (94 à 96) sur les incolae[n 6], sur l'inscription de la loi et sur les dispositions pour son application[5]. La plaque X porte le sanctio, ce qui indique qu'elle est bien la dernière du lot ; elle inclut aussi quelques matériaux auxiliaires[2] : le chapitre additionnel et la lettre (litterae) de Domitien.

Lieux de conservation

En 1986 les six plaques sont déjà dispersées : les plaques III, V, VIII et tous les petits fragments sont au musée archéologique de Séville ; les plaques VII et X sont au musée de Huelva (es), section archéologie ; la plaque IX est au musée archéologique national de Madrid[2],[4].

Notes et références

Notes

  1. La plaque III est en 16 fragments et il manque un fragment dans la colonne A, section 11. 36.
    La plaque V est entière et n'a souffert que d'une brisure minime.
    La plaque VIII est en 11 fragments et il manque un fragment de la colonne A, section 11. 37-51[2].
    La plaque IX est en 8 fragments et il manque deux frangments en haut des colonnes A-B et à 11. 11-21 de la colonne B.
    La plaque X est aussi en 8 fragments[5].
  2. Ainsi les numéros de chapitres de la plaque III se retrouvent après recoupement avec la Lex Salpensana (en) ; et pour ceux des plaques VII à X, après recoupement avec la Lex Malacitana (en)[5].
  3. Vespasien a accordé le droit latin à toute l'Espagne en 73-74.
  4. Ce complément au chapitre 23, écrit en caractères plus petits, a pu être ajouté plus tardivement.[réf. nécessaire]
  5. Entre la fin de la tablette V et le début du texte de la Lex Malacitana, il y a un écart équivalent à environ une colonne, pour lequel les numéros des chapitres sont indéfinissables ; González et Crawford (1986) leur donnent à ces chapitres la nomenclature "A" à "L"[5].
  6. Incolae : les habitants ; à différencier des cives ou natifs. Voir la page « Droit d'incolat ».

Références

  1. [Encinas 2021] (es) Alex Corona Encinas (préf. Francisco Javier Andrés Santos), Instituciones políticas municipales durante el reinado de Justiniano I (527-565). Un estudio histórico-jurídico (thèse de doctorat, dir. Francisco Javier Andrés Santos), Madrid, Dykinson, coll. « Monografías de Derecho Romano y Cultura Clásica », , 256 p. (ISBN 978-84-1377-737-5).
  2. González et Crawford 1986, p. 147.
  3. Références épigraphiques AE 1984, 00454 etc. : lien sur le texte latin et photographies.
    « Hispania epigraphica », n° 5058(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), sur eda-bea.es (consulté en ) (page accessible par Archive.is).
  4. (en) « Chapters concerned with citizenship from the Lex Flavia Municipalis (Flavian Municipal Law) », sur judaism-and-rome.org (consulté en ).
  5. González et Crawford 1986, p. 148.
  6. González 2012.
  7. [González 1992] (es) Julián González, « Lex Villonensis », Habis, no 23,‎ , p. 97–120 (lire en ligne [PDF] sur dialnet.unirioja.es, consulté en ).
  8. González 2012, p. 106.

Voir aussi

Bibliographie

  • [D'Ors et D'Ors 1988] (la + es) Alvaro D'Ors et Javier D'Ors, Lex Irnitana, Santiago de Compostela, Universidad de Santiago de Compostela, coll. « Cuadernos Compostelanos de derecho romano » (no 1), , 281 p. (présentation en ligne).
  • [Galsterer 1988] (en) Hartmut Galsterer, « Municipium Flavium Irnitanum: A Latin Town in Spain », Journal of Roman Studies, no 78,‎ , p. 147-243.
  • [Giménez-Candela 1983] Teresa Giménez-Candela, « La « Lex Irnitana » : une nouvelle loi municipale de la Bétique » (publié dans Iura no 32, p. 37-56, en 1981), Revue Internationale des Droits de l'Antiquité, no 30,‎ , p. 125-140 (lire en ligne [PDF] sur ddd.uab.cat).
  • [Gómez et Hera 1990] (es) Fernando Fernández Gómez et Mariano del Amo y de la Hera, La lex Irnitana y su contexto arqueológico, Séville, .
  • [González et Crawford 1986] (en) Julián González et Michael H. Crawford, « The Lex Irnitana: A New Copy of the Flavian Municipal Law », The Journal of Roman Studies, vol. 76,‎ , p. 147-243 (lire en ligne [sur academia.edu], consulté en ). .
  • [González 2012] (es) Julián González, « La Lex Flavia municipalis y los municipia Hispaniae », dans Vespasiano e l'Impero dei Flavi, Roma, L'Erma di Bretschneider, (lire en ligne [sur academia.edu]), p. 97-109.
  • [Jacques 1990] François Jacques, «  Quelques problèmes d'histoire municipale à la lumière de la lex Irnitana », dans L'Afrique dans l'Occident romain. Ier siècle av. J.-C. - IVe siècle ap. J.-C. (Actes du colloque de Rome (3-5 décembre 1987)), École française de Rome, (lire en ligne [sur persee]), p. 381-401.
  • [Lamberti 1993] (it) Francesca Lamberti, Tabulae Irnitanae : municipalità e ius romanorum, Naples, Jovene ed., coll. « Pubblicazioni del Dipartimento di Diritto romano e storia della scienza romanistica dell'Università di Napoli » (no 6), , X-602 p. (lire en ligne [sur academia.edu]).
  • [Lamberti 2000] (it) Francesca Lamberti, « La 'maggiore età' della lex Irnitana. Un bilancio di diciotto anni di studi  », Minima Epigraphica et Papyrologica, no 3,‎ , p. 237–256.
  • [Lyasse 2010] Emmanuel Lyasse, « Communis ou publicus ? D'Irni à Arpinum », Mélanges de l'École française de Rome, antiquité, vol. 122, no 1 « Le quotidien institutionnel des cités municipales. Regards croisés de juristes et d'historiens »,‎ , p. 7-14 (ISBN 978-2-7283-0892-7, lire en ligne [sur journals.openedition.org], consulté en )
  • [Torrent 2008] (es) Armando José Torrent, « Lex Irnitana: cognitio de los magistrados locales en interdictos, y limitación a su competencia por cuantía », Anuario da Facultade de Dereito da Universidade da Coruña, no 12,‎ , p. 987-1006 (ISSN 2036-2528, présentation en ligne, lire en ligne [PDF] sur teoriaestoriadeldirittoprivato.com, consulté en ).

Articles connexes

Liens externes

  • (en) Carlos Sánchez-Moreno Ellart, « Lex Irnitana », dans Encyclopedia of Ancient History, sur academia.edu (consulté en ).
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