Les Quatre Vérités (pièce de théâtre)

Les Quatre Vérités
Auteur Marcel Aymé
Genre Comédie
Nb. d'actes 4
Durée approximative 115 minutes
Sources Texte intégral publié aux Éditions Grasset
Société des amis de Marcel Aymé
Lieu de parution Paris
Éditeur Bernard Grasset
Collection Les Cahiers Verts
Date de parution Avril 1954
Date de création en français
Lieu de création en français Théâtre de l'Atelier
Paris
Metteur en scène André Barsacq
Scénographe Jean-Denis Malclès
Rôle principal Olivier Andrieu, biochimiste
Représentations notables
Personnages principaux
  • Lucie Trévière, épouse d'Alfred Trévière et mère de Nicole
  • Alfred Trévière, époux de Lucie Trévière et père de Nicole
  • Nicole, épouse d'Olivier et maîtresse de Jean-Pierre Leroi
  • Noël Bélugat alias Jean-Pierre Leroi, amant de Nicole
  • Hélène Soubriau, assistante et maîtresse d'Olivier
Lieux de l'action
  • Acte I : salon des Andrieu-Trévière
  • Acte II : salon des Andrieu-Trévière
  • Acte III : aux laboratoires Trévière
  • Acte IV : salon des Andrieu-Trévière
Incipit des tirades célèbres
Acte I
Scène III

Olivier à Lucie Trévière : — Le fond des êtres ? Mais il n'y a ni fond ni tréfonds ! Ce que nous cachons aux uns, nous le montrons aux autres et le fond devient la surface !

Acte II
Scène I

Lucie, Nicole et Olivier se tiennent debout, très agités. Alfred est assis en spectateur. Leurs voix forment un tumulte incompréhensible
Durant cet acte, les protagonistes, sous l'effet de la Masochine (sérum de vérité inventé par Olivier), se disputent pour être les premiers à révéler « le fond de leur être ». Ils invitent les nouveaux visiteurs à faire de même.

Lucie : — Je n'ai pas de meilleur plaisir que de faire souffrir les gens d'injustice. J'ai souvent pensé que si j'étais un homme, je voudrais être un juge, un mauvais juge qui condamnerait l'innocent avec un visible parti pris et se réjouirait de son désespoir. […] Malheureusement, ma cruauté et ma soif de despotisme ne trouvent guère l'occasion de s'assouvir. Pendant son enfance, j'ai eu quelque satisfaction avec Nicole que j'ai pu gifler tout mon content. […]

Lucie : — Quant à Alfred, c'est à peine si l'on peut dire que j'ai été une épouse tyrannique. Ses parents l'avaient déjà si bien crétinisé que je l'ai amené sans même m'en apercevoir à ce degré d'abrutissement où vous le voyez aujourd'hui. J'aime faire souffrir les faibles, mais les invertébrés de son espèce offrent bien peu d'intérêt.

Scène II

Lucie à Mariette, la bonne : — Mariette, c'est moi qui ai cassé le vase, tout à l'heure.
Mariette : — Madame plaisante.
Lucie : — Je vous le jure, Mariette, et je l'ai fait exprès avec l'intention de vos accuser.
Mariette : — Ça alors... Madame est une belle salope.
Lucie : — Oui, n'est-ce pas ? Une belle salope.
Mariette : — Je demande pardon à Madame, ça m'a échappé.
Lucie : — Vous avez bien fait. La vérité avant tout.
Mariette : — Madame est trop bonne.

Lucie à Olivier : — Naturellement, vous ne m'avez jamais désirée ?
Olivier à Lucie : — Si ! Vous m'y faites penser. Un soir, nous étions seuls dans le salon, assis l'un à côté de l'autre sur un canapé. Vous aviez les jambes croisées et j'apercevais la naissance de votre gorge. Brusquement, j'ai eu très envie de vous. Ça été fugitif, mais tout de même, il a fallu que je me raisonne.

Scène III

Olivier : — Et moi, je suis un triste individu. Tenez, tout à l'heure, je vous ai menti quand j'ai prétendu avoir fait un mariage d'amour. […] Il est vrai que j'étais amoureux de votre fille, mais je ne l'aurais pas épousée si elle n'avait pas été la fille des laboratoires Trévière. Jusqu'alors, j'avais végété dans de petits emplois. J'étais dévoré d'ambitions et je n'ai d'ailleurs jamais cessé de l'être. Je souffrais de ma médiocrité matérielle et plus encore de l'appréhension que ma valeur professionnelle ne fût jamais reconnue.

Scène IV

Alfred : — Quand je sors avec ma boîte et mon filet, vous souriez, vous haussez les épaules avec un mépris bienveillant, mais moi je ricane. Et en rentrant, quand je raconte à la mégère que je viens de faire une belle capture, je ricane encore. Mes papillons, je les achète dans une boutiqque, voilà la vérité. […] Vingt-cinq ans que je la roule, la mégère. Quelle satisfaction ! Je ne me lasse pas d'y penser ! […] Le fameux papillon que j'ai attrapé cet après-midi au bois, si vous aviez vu cette poitrine et ces yeux ! Et ces cuisses ! Hier, à cette heure-ci, j'étais encore dans les bras d'une petite dactylo qui avait une figure d'ange.

Acte III
Scène II

Olivier à Alfred : — Mon cher beau-père, vous tenez à votre gendre des propos révoltants. N'avez-vous pas entendu dire que le mensonge est immoral ?
Alfred à Olivier : — Allons donc ! Le mensonge est une activité normale de l'esprit et aussi saine que n'importe quelle autre. Le fait qu'on en puisse faire un mauvais usage ne suffit pas à le condamner. Faut-il se couper les poings parce qu'ils peuvent tenir un révolver ? Croyez-moi, Olivier, c'est être honnête et sincère que de consentir à la nature mensongère de l'espèce humaine.

Acte IV
Scène XVI

Nicole à l'assemblée : — J'ai beaucoup à dire et ma confession sera lourde. Sachez d'abord que je suis une menteuse ! Oui, une menteuse ! Olivier m'a souvent reproché d'avoir le mensonge facile. Eh bien, il avait raison ! […]
Nicole à Olivier : — Je n'ai pas quitté Montauban ni tante Pascaline, mais dans l'espoir de te rendre jaloux, j'ai mis tout en œuvre pour te faire croire que j'étais allé à Cannes. […] Mais je n'ai pas réussi.
Olivier : — Comment ! Mais j'étais jaloux !
Nicole : — Non, Olivier, non. Sur ce point comme sur tant d'autres, mon échec a été complet.
Lucie à Olivier : — Gendre, vous vous êtes conduit comme un mufle avec cette petite. […] Vous avez été d'une injustice !
Nicole monte sur une chaise pour déclarer à l'assemblée : — Silence ! Je ne vous permets pas d'interrompre plus longtemps ma confession ! Allons, laissez Olivier !
Olivier à Nicole : — Ce sont eux qui ont raison ! Je me suis conduit comme une brute, comme un maladroit. […] (Il prend Nicole dans ses bras et l'enlève de sa chaise). Je t'aime, Nicole, je t'aime. Je voudrais être sur que tu me pardonnes d'avoir pu mettre en doute ta sincérité. Je te promets d'avoir toujours confiance en toi.
Nicole : — Tu peux avoir confiance en moi, Olivier. Tu vois, je n'étais pas allée à Cannes.

Rideau

Les Quatre Vérités est une pièce de théâtre de Marcel Aymé créée au Théâtre de l'Atelier le .

Décor

  • Décor identique aux actes I, II et IV : salon des Andrieu-Trévière. Bureau, bibliothèque. Table-bureau. Rayons garnis de reliures. Vitrines dans lesquelles sont exposés des papillons. Porte à droite et porte à gauche. Au fond, porte vitrée donnant sur un perron à balustrade, derrière laquelle on aperçoit des arbres.
  • Acte III : aux laboratoires Trévière. Au premier plan, bureau d'Olivier. Au fond et lui faisant suite, un laboratoire auquel on accède par une ouverture sans porte, mais encadrée par des rideaux. Par cette ouverture, on aperçoit des placards, des rayons et une table chargée de flacons, éprouvettes, cornues, etc. Dans le bureau, fenêtre à gauche et porte à droite.

Synopsis

Olivier Andrieu a épousé Nicole, la fille de Lucie et Alfred Trévière, propriétaires des Laboratoires Trévière. Olivier y occupe le poste de biochimiste. Il soupçonne sa femme d'infidélité et veut lui faire une piqûre de Masochine, un sérum de vérité de son invention. Nicole accepte si la famille se prête à l'expérience. Après l'injection, ils éprouvent (presque) tous l'irrépressible besoin de révéler leur vraie nature devant le plus grand nombre de témoins.

Acte I

Olivier fait une crise de jalousie : il soupçonne Nicole de lui avoir menti en prétextant avoir séjourné chez une tante à Montauban alors qu'elle aurait été aperçue et photographiée à Cannes. Lorsque Nicole arrive, elle rejette cette accusation. Un journaliste, Noël Bélugat, avec ses questions idiotes, achève d'exaspérer Olivier. Devant les dénégations persistantes de Nicole, et prenant ses beaux-parents à témoin, Olivier propose à sa femme de lui injecter la Masochine, son sérum de vérité. Nicole accepte à condition que lui et sa mère se prêtent à l'expérience ; Lucie exige que son mari soit également mis à l'épreuve.

Acte II

Sous l'effet de la Masochine, les membres de la famille se disputent pour révéler en premier leur vraie nature. On apprend notamment que Lucie a des tendances sadiques tandis que la chasse aux papillons de son mari dissimule un « papillonnage sexuel ». Olivier révèle que son assistante Hélène Soubriau est sa maîtresse, mais qu'il est fou amoureux de sa femme. Divers intervenants comme le couple Jourdan et le plombier exacerbent leur besoin de confession publique. Mais, dans cette effervescence, on ne sait rien des confidences que Nicole a chuchoté à l'oreille du plombier...

Acte III

Dans son bureau-laboratoire, Olivier s'entretient avec son assistante et maîtresse Hélène Soubriau. Celle-ci lui avoue ne pas lui être très attachée et se garde bien de lui révéler qu'elle connaît l'amant de sa femme : c'est « Noël Bélugat » alias Jean-Pierre Leroi, un vendeur de réfrigérateurs. Olivier veut absolument savoir ce que Nicole a réellement fait durant son séjour et injecte la Masochine au plombier pour enfin apprendre la vérité, mais c'est sans résultat. En aparté, Nicole avoue à Hélène qu'elle est effectivement allée à Cannes pour une rencontre amoureuse qui s'est soldée par un rendez-vous manqué...

Acte IV

Lucie veut contraindre son mari à ne chasser désormais que de « vrais papillons ». Olivier conseille à son beau-père de trouver une parade et celui-ci se met à harceler sexuellement son épouse, ce qui a pour effet de calmer le tempérament despotique de cette dernière. Olivier, plus que jamais désireux de connaître la vérité, verse en cachette une dose de Masochine dans la tasse de thé de Nicole, ce qu'elle découvre après coup. Hélène a entre-temps épousé Jean-Pierre Leroi. Elle connaît l'antidote à la Masochine : c'est le Septilanum qu'elle injecte à Nicole. Lucie, pour mettre fin aux assiduités de son mari, revient avec deux  pierreuses[1] pour calmer ses ardeurs. Nicole simule « sa confession » à Olivier, ce qui est en fait la vérité : elle n'a jamais aimé que lui et, peinée par la liaison qu'il entretenait avec Hélène, elle a voulu le rendre jaloux, mais n'est jamais allée à Cannes...

Fiche technique

Distribution de la première représentation

Par ordre d'entrée en scène.
  • Madeleine Lambert : Lucie Trévière, épouse d'Alfred Trévière et mère de Nicole
  • Gilberte Géniat : Mariette, la bonne
  • Jean-Claude Michel : Olivier Andrieu, biochimiste, époux de Nicole et amant d'Hélène Soubriau
  • Henri Crémieux : Alfred Trévière, époux de Lucie Trévière et père de Nicole
  • Anne Vernon : Nicole Andrieu, épouse d'Olivier et maîtresse de Jean-Pierre Leroi
  • Robert Lombard : le journaliste Noël Bélugat alias Jean-Pierre Leroi, amant de Nicole
  • Germaine Delbat : Armandine Jourdan, épouse du professeur Jourdan
  • Henri Gaultier : le professeur Jourdan, époux d'Armandine
  • Jacques Dynam : Viramblin, le plombier
  • Jean Sylvain : le facteur
  • Jacques Rispal : Émilien, l'employé des laboratoires
  • Catherine Romane : Hélène Soubriau, assistante et maîtresse d'Olivier
  • Véra Pharès : Loulou-la-Myope, une  pierreuse
  • Nicole Compaing : Gladys, une pierreuse

Représentations notables

Théâtre des Variétés, 1973

Fiche technique
Distribution des rôles[3]
Par ordre d'entrée en scène.

Au théâtre ce soir, 1973

Fiche technique
Distribution des rôles
Par ordre d'entrée en scène.

Vidéo

Les Quatre Vérités, de Pierre Sabbagh (prod.) et de Georges Folgoas (réal.), INA-LMLR-TF1 Vidéo, coll. « Au théâtre ce soir » (no EDV1556), 1973, 1 DVD 9, Zone 2, PAL, couleurs, format image 4/3, son mono (EAN 3384442048170) [présentation en ligne]Mise en scène René Clermont

Notes et références

  1. Argot : prostituées (dans le texte).
  2. Source : SAMA (Société des amis de Marcel Aymé)
  3. Source : Les Archives du Spectacle

Liens externes

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