Le Chemin de la Machine, Louveciennes

Le Chemin de la Machine, Louveciennes
Artiste
Date
Lieu de création
Type
Technique
Dimensions (H × L)
54 × 73 cm
Mouvement
Propriétaires
Alfred Dachery (d) et Joanny Benoît Peytel (d)
No d’inventaire
RF 2079
Localisation
Commentaire
Daulte 102

Le Chemin de la Machine, Louveciennes (appelé autrefois Louveciennes, le chemin de Sèvres et La route vue du chemin de Sèvres) est un tableau d'Alfred Sisley de 1873. Présenté à l'exposition universelle de 1900, et peut-être lors de la deuxième exposition des impressionnistes, il se trouve actuellement au 2e étage du musée d'Orsay[1] dans la section 32 (Monet-Renoir-Pissarro-Sisley), quand il n'est pas exposé ailleurs dans le monde. Peint à Louveciennes, il est reproduit sur le lieu de sa création sur un parcours du Pays des Impressionnistes[2].

Contexte

Le séjour d'Alfred Sisley à Louveciennes coïncide avec la formation de l'impressionnisme qui aboutit aux premières expositions collectives de 1874, 1876 et 1877 auxquelles le peintre participe. Sisley figure principalement les paysages que lui inspirent Louveciennes et ses environs, qu'il peint directement sur le motif, sans terminer dans son atelier. Peut-être inspiré par la méthode du peintre romantique britannique John Constable, il choisit ses paysages non pas au hasard, mais définit une série de points de vues en fonction de ses connaissances, réalisant une cartographie picturale d'un lieu géographique. Il poursuivra l'usage de cette méthode par la suite dans les différentes régions où il s'est installé[3].

Description

C’est une huile sur toile qui mesure 54 × 73 cm, une grande taille[4]. Le tableau représente le chemin de la Machine, descendant la colline vers la Seine depuis Voisins-Louveciennes jusqu'au hameau de Marly-la-Machine et Bougival, où se trouvait la machine de Marly pompant l'eau du fleuve jusqu'à l'aqueduc de Louveciennes. Des toitures de maisons de Croissy-sur-Seine et peut-être Chatou sont représentées au delà de la Seine. L'enceinte du château de Madame du Barry, construit sous Louis XIV et offert à Madame du Barry en 1769 par Louis XV, est figuré à droite, tandis qu'une palissade abritant des logements du personnel de la compagnie des eaux construits sur la canalisation se trouve à gauche, jouxtant une rangée d'arbres plantés au cordeau, sans feuille. Sisley a choisi de réaliser sa toile en hiver[5]. La clarté du ciel qui accentue l'impression de froid contraste avec les tons bruns du sol que renforce la lumière rasante[4]. La route qui chemine perpendiculairement à la surface du tableau donne l'illusion d'une représentation en trois dimensions. L'impression de profondeur est renforcée par la rangée d'arbres, rythmant de lignes verticales et horizontales les troncs et leurs ombres. La montée crée un point de fuite décentré, vers une vue plongeante sur l'arrière-plan ensoleillé. À la manière de Johan Barthold Jongkind, Sisley humanise le paysage, introduisant de petites silhouettes[1].

Analyse

Il a été suggéré que le sujet de la toile est la route avec sa plongée perspective et ses bandes d'ombre et de lumière. Sisley, mais aussi d'autres peintres impressionnistes comme Claude Monet et Camille Pissarro ont placé leurs chevalets au milieu de routes qu'ils utilisaient pour organiser leurs paysages, reproduisant consciemment le procédé de Meindert Hobbema dans L'Allée de Middelharnis (1689, Londres, National Gallery), ou de Jean-Baptiste Camille Corot, dans Le Chemin de Sèvres. Vue de Paris, env. 1855-1865[5].

Ce n'est que tardivement que le Chemin de la Machine a été identifié comme représenté sur la toile de Sisley. Elle a longtemps été présentée sous le titre Route vue du chemin de Sèvres au musée du Louvre[6].

MaryAnne Stevens (en) suggère que le tableau peut faire parti d'un thème centré sur l'ensemble du système lié à la Machine de Marly choisi par Sisley. Il a en effet représenté La Machine de Marly, L'Aqueduc de Marly sur deux toiles et une vue en hiver du pont qui enjambe une portion visible de la canalisation remontant l'eau depuis la Machine vers l'aqueduc (Neige à Louveciennes, D. 104), jalonnant ainsi ce thème[5]. Il devait aussi connaître l'histoire du château de Madame du Barry, habité initialement par Arnold de Ville, maître d'œuvre du projet de la machine de Marly[5]. Les fenêtres de l'édifice sont particulièrement petites, pour minimiser les nuisances sonores de la Machine qui faisait un « bruit lamentable » dont se plaignit Élisabeth Vigée Le Brun quand elle résida dans un corps de logis du château en 1786 pour y peindre Madame du Barry[6],[7]. Si Sisley choisit ce sujet lié à l'Ancien Régime, il le traite comme un paysage « réaliste », un genre dont l'accent révolutionnaire n'était pas apprécié des adeptes de l'art officiel du jury du Salon ou de celui de l'Exposition universelle de 1867. De plus, il utilise le style de la nouvelle école impressionniste. MaryAnne Stevens (en) se demande si Sisley, dans son choix du sujet et sa manière de le représenter, n'était pas là un peu subversif[5].

Sisley revint l'année suivante pour peindre Neige sur la route de Louveciennes (1874, collection particulière), le même point de vue sous la neige[4], d'avantage centré sur le château[5].

  

Reproduction sur un parcours du Pays des Impressionnistes

Une reproduction du tableau grandeur réelle est exposée depuis les années 1990 à l'endroit de sa création, le long d'un parcours du Pays des Impressionnistes. Sur la plaque, on peut lire : « Construite par le Roi-Soleil, la « machine » de Marly pompait l'eau de la Seine pour l'acheminer par aqueduc jusqu'aux pays de Marly et de Versailles. Ce n'est pas elle que Sisley a représentée sur cette toile, mais l'allée qui y conduit de Louveciennes, incitant le spectateur « à suivre le chemin que le peintre lui indique et voir tout d'abord ce qui a empoigné l'exécutant. » (A. Sisley) »[8]

Le paysage n'a que peu changé depuis la réalisation du tableau. Le bâtiment du château, son mur d'enceinte, les arbres du parc, et ceux alignées le long du chemin sont toujours présents[4].

Provenance

On ignore le début de l'historique de conservation de la toile de Sisley, toutefois, il pourrait correspondre à l'une des quatre toiles du peintre prêtées par Pierre-Firmin Martin pour la deuxième exposition des impressionnistes[9], puisque l'une d'entre-elles (n° 239) est intitulée Une Route aux environs de Marly[10], correspondant au titre du tableau de Sisley dans le catalogue de la vente Dachery de 1899[11].

  • A. Dachery (d) , Paris ;
  • vente Dachery, Hôtel Drouot, Paris, (n° 47, sous le titre Route aux environs de Marly ; Effet d'automne[11]), 9 300 francs[12].
  • Joanny Peytel (d) , Paris ; donation Joanny Peytel au musée du Louvre sous réserve d'usufruit, 1914.
  • entré au musée du Louvre, 1918 ;
  • galerie du Jeu de paume, Paris, 1947 ;
  • musée d'Orsay, Paris, 1986.

Expositions

Références

  1. « Chemin de la Machine, Louveciennes - Alfred Sisley | Musée d'Orsay », sur www.musee-orsay.fr (consulté le )
  2. « Le circuit Pissarro » (version du sur Internet Archive)
  3. MaryAnne Stevens (en), Alfred Sisley, Sisley l'impressionniste, Hazan Eds, 2017 (ISBN 2754109846), p. 90
  4. Anthony Lacoudre, Ici est né l'impressionnisme: guide de randonnées en Yvelines, (préface Claude Bonin-Pissarro), Éd. du Valhermeil, 2003 (ISBN 2913328415 et 9782913328419), p. 167-168
  5. MaryAnne Stevens (en), in Sisley: Royal Academy of Arts, Londres, 3 juillet-18 octobre 1992, Musée d'Orsay, Paris, 28 octobre 1992-31 janvier 1993, Walters Art Gallery, Baltimore, 14 mars-13 juin 1993, Réunion des musées nationaux, 1992, p. 128
  6. Richard Shone, Sisley, Éditions Phaidon, (ISBN 0714894117), 2004, p. 58
  7. « The Project Gutenberg eBook of Souvenirs de Madame Louise-Élizabeth Vigée-Lebrun,(1/3) par Madame Louise-Élizabeth Vigée-Lebrun », sur www.gutenberg.org (consulté le )
  8. (en) « Alfred Sisley », sur American Girls Art Club In Paris. . . and Beyond, (consulté le )
  9. (en) Hans Weevers, « Impressionism, a historical reconstruction: Alfred Sisley (1839-1899) at the 2nd ‘impressionist’ exposition in 1876 », sur www.impressionism.nl (consulté le )
  10. Sophie Monneret, L'impressionnisme et son époque: M à T, p. 265
  11. « Catalogue des tableaux, aquarelles, pastels, dessins et eaux-fortes composant la collection de Mr A. Dachery... / [expert] Durand-Ruel », sur Gallica, (consulté le ).
  12. Hippolyte Mireur, Dictionnaire des ventes d'art faites en France et à l'étranger pendant les XVIIIme & XIXme siècles ..., Paris : L. Souillié ; Marseille : R. Rémusat, (lire en ligne)

Liens externes

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