LGBT en Pologne
Les personnes LGBT (Lesbiennes, gays, personnes bisexuelles, transgenre, intersexes, asexuelles...) en Pologne font face à d'importantes discriminations et leurs droits sont les plus faibles de toute l'Europe. Le militantisme homosexuel débute dans les années 1980 et a permis d'obtenir plusieurs avancées pour les personnes LGBT, même si dans les années 2010-2020, les personnes queer font l'objet d'une politique ouvertement anti-LGBT de la part du parti ultraconservateur au pouvoir.
Histoire
Débuts du militantisme
Le militantisme LGBT débute en Pologne dans les années 1980 par la publication de revues et la création d'associations[1], comme le Mouvement homosexuel de Varsovie (1988), Lambda Warszawa (1997), ou Campagne contre l'homophobie. Une émission de télévision, Homofonia (2006-2008), était entièrement consacrée aux personnes homosexuelles.
Ce militantisme concerne alors principalement les hommes homosexuels[1].
En 1985, Ryszard Kisiel crée le premier magazine homosexuel polonais, Filo. Il propose des traductions de magazines gays occidentaux, surtout concernant le SIDA[2].
Le militantisme LGBT polonais ne s'entend pas, comme en Occident, à un activisme reconnu publiquement ; il passe par des formes de résistance passive (nudité, travestissement) et de sous-culture (soirées dédiées)[2].
Années 2010
Arc-en-ciel
Le est installé l'Arc-en-ciel, monument érigé à Varsovie en soutien à la paix et à la cause LGBT. L'installation est brûlée plusieurs fois par des inconnus, jusqu'à ce qu'elle devienne une installation lumineuse pour éviter tout incendie volontaire.
Création d'un Refuge
En février 2015, sur le modèle de l'association française Le Refuge, est créée à Varsovie une auberge (en polonais, Ruszył hostel), dont la vocation est d’offrir un hébergement temporaire et de soutenir les jeunes majeurs victimes d'homophobie et de transphobie, notamment dans le cadre de leur propre cellule familiale[3]. Pour ses débuts, l'auberge peut recueillir un maximum de douze personnes[4].
Offensive conservatrice (2019)
En 2019, le gouvernement ultraconservateur du parti Droit et justice (PiS) utilise une rhétorique fortement anti-LGBT, décrivant les personnes LGBT+ « comme des êtres complètement étrangers au corps social polonais, des agents représentant des intérêts « gauchistes » issus d'un lobby mondial et complotant à l'encontre de la culture polonaise »[5].
De même, l'Église catholique polonaise dénonce ce qu’elle appelle « l’idéologie LGBT » (sans la définir précisément)[5].
En 2019, Jarosław Kaczyński, qui a fait des LGBT une cible et un enjeu électoral[6],[7], qualifie les marches des fiertés de « théâtre itinérant qui apparaît dans différentes villes pour provoquer puis pleurer… nous sommes ceux qui en souffrent »[8],[9]. Les députés de Konfederacja (une alliance de libertariens conservateurs, de nationalistes catholiques et de traditionalistes catholiques monarchistes) en rajoutent en voulant interdire « l’idéologie LGBT »[10].
Face à ces attaques, les réactions de l'opinion publique sont mitigées, avec d'un côté une exacerbation des insultes et violences homophobes[11] et d'un autre côté, l'organisation de rassemblement en défense des droits des personnes LGBT[12]. L'activiste Maja Heban fait son coming out en réaction à ce contexte d'offensive anti-LGBT[13].
Manifestations en 2020
Fin août 2020, l'arrestation d'une militante trans accusée d’avoir endommagé un van portant des inscriptions homophobes à Varsovie, l’interpellation d’une cinquantaine de contestataires qui tentaient de s’opposer à cette arrestation[14], et l'inculpation de trois personnes qui ont drapé plusieurs monuments de Varsovie de drapeaux LGBT, suscitent une réprobation internationale[15] et entraînent une vague de manifestations, en particulier à Varsovie[16].
Marche des fiertés
Le , la Pologne est condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour avoir interdit à des militants homosexuels, sous des prétextes qualifiés de « fallacieux » par la Cour, d'organiser un défilé et plusieurs rassemblements à Varsovie en juin 2005 (voir Bączkowski et autres c. Pologne)[17]. Depuis, la marche des fiertés (Parada Równości) a lieu tous les ans dans la capitale.
Du 7 au , la Pologne accueille la 17e Europride à Varsovie, manifestation européenne de la marche des fiertés ; c'est la première fois que cet événement européen se réunit dans un ancien pays communiste[18]. Cette marche est un succès, avec environ 10 000 à 15 000 participants[19]. De même, les manifestations annexes et stands présentés attirent des milliers de personnes[20].
Le , la marche des fiertés de Gdańsk attire son nombre record de participation, avec 2 000 participants[21]. Le 3 juin 2017, près de 10 000 personnes participent à la 17e parade de l’égalité de Varsovie dans un contexte où, depuis l'élection en octobre 2015 d'un gouvernement ultraconservateur mené par le parti Droit et justice (PiS), la parole homophobe est libérée[22]. Si paradoxalement 29 % des Polonais se prononcent pour le mariage homosexuel, et que plus de la moitié de la population est d’accord pour une forme de régulation juridique des unions du même sexe, cette évolution est peu relayée au niveau politique[22].
Le 20 juillet 2019, lors la Marche des fiertés, des militants nationalistes agressent les personnes qui défilent avec des bouteilles et des cailloux. Un hebdomadaire d’extrême droite distribue par ailleurs des autocollants « Zone sans idéologie LGBT »[23].
Représentation
La représentativité des hommes et femmes politique LGBT est récente en Pologne.
Le , Krystian Legierski (Les Verts) devient le premier homme politique ouvertement homosexuel à être élu conseiller municipal de Varsovie grâce à une alliance avec l'Alliance de la gauche démocratique[25].
Les élections législatives du 9 octobre 2011 marquent un tournant historique avec l'élection de personnes ouvertement LGBT. En effet, la percée du parti anticlérical Ruch Palikota permet l'élection de Robert Biedroń et Anna Grodzka, respectivement premier député ouvertement gay et première députée transgenre de Pologne[26].
Le , Robert Biedroń est le premier maire gay élu en Pologne dans la ville de Słupsk (95 000 habitants), l'emportant avec 57 % des suffrages au second tour contre le maire sortant[27]. En 2019, il est élu député européen[28].
Angela Getler est la seule femme trans de la télévision en Pologne en 2023[29].
Références
- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Droits LGBT en Pologne » (voir la liste des auteurs).
- Agnieszka Kościańska, « « Le droit de cité » : sexologie, homosexualité et discours des droits de la personne dans la Pologne socialiste des années 1970 », Sextant. Revue de recherche interdisciplinaire sur le genre et la sexualité, no 37, , p. 135–148 (ISSN 1370-267X, DOI 10.4000/sextant.336, lire en ligne, consulté le )
- Mathieu Lericq, interviewé par Micha Barban Dangerfield, « Comment vivait et se défendait la communauté gay en URSS ? », sur Vice, (consulté le ).
- ↑ Ouverture du premier Refuge pour les LGBT en Europe de l'Est. En polonais: Ruszył hostel interwencyjny dla osób LGBT. Pierwszy w naszej części Europy
- ↑ Site internet du Refuge polonais
- (en-US) Anna C. Zielinska, « En Pologne, l'offensive anti-LGBT illustre un incroyable renversement de valeurs », sur The Conversation, (consulté le )
- ↑ « La communauté LGBT prise pour cible par les ultraconservateurs au pouvoir en Pologne », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ Nelly Didelot, « En Pologne, le PiS fait de la communauté LGBT sa nouvelle bête noire », sur Libération.fr, (consulté le ).
- ↑ Alice Lavigne, « Un tiers de la Pologne déclarée « zone sans idéologie LGBT », des communes françaises jumelées réagissent… ou pas », Komitid, (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ (en) « Poland's Kaczynski condemns gay pride marches as election nears », Reuters, (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ « L’extrême droite au Parlement polonais, le problème de Kaczynski », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ (en-GB) Jacek Dehnel, « The struggle for LGBT equality: Pride meets prejudice in Poland », The Guardian, (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
- ↑ (en-GB) Reuters, « More than 1,000 march in Warsaw in support of LGBT rights », The Guardian, (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
- ↑ (pl) Natalia Waloch, « Maja Heban: Mam piersi, kobiecą twarz i głos, nie mam penisa. Ale w akcie urodzenia napisano "chłopiec" » [html], sur wysokieobcasy.pl, (consulté le )
- ↑ « Pologne : des manifestants tentent d'empêcher l'arrestation d'une militante LGBT », sur Franceinfo, (consulté le ).
- ↑ « « Les agressions homophobes se multiplient en Pologne parce qu’elles sont tolérées par le parti au pouvoir » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- ↑ « En Pologne, des milliers de manifestants après l’arrestation d’une militante LGBT », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- ↑ Bączkowski et al. c. Pologne, no 1543/06 [lire en ligne] : Violation des articles 11, 13 et 14 de la Convention
- ↑ L’europride pour la première fois en Pologne
- ↑ La première europride en Pologne: un succès ! En anglais: First Europride Poland a success!
- ↑ Défilé dans la métropole de Varsovie. En polonais: Przeszła parada różnorodności
- ↑ Arc-en-Gdańsk : La première marche est passée à travers la ville de l'égalité. En polonais : Tęczowy Gdańsk. Pierwszy Marsz Równości przeszedł przez miasto
- Jakub Iwaniuk, « A Varsovie, une parade de l’égalité pour « devenir une minorité visible » », lemonde.fr, (consulté le ).
- ↑ « Rammstein affiche son soutien à la communauté LGBTI+ lors d'un concert en Pologne », 20 Minutes, (lire en ligne, consulté le )
- ↑ (en) Jessica Hofflich, « Ireland passes bill allowing gender marker changes on legal documents », sur Glaad, .
- ↑ (en) « Poland gets first out gay elected official », PinkNews, (lire en ligne)
- ↑ (en) « Poland swears in first transsexual and gay MPs », BBC, (lire en ligne)
- ↑ Iwona Ostapkowicz, « Robert Biedron, le premier maire polonais ouvertement gay », Courrier International, (lire en ligne)
- ↑ « LGBT en Pologne », sur la base de données des députés au Parlement européen
- ↑ (pl) Krystian Janik, « To jedyna transpłciowa dziennikarka w Polsce! Po coming oucie straciła znajomych » , sur nowy-sacz.eska.pl, (consulté le )
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