Jean-Bernard Le Blanc

Jean-Bernard Le Blanc
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Jean-Bernard Le Blanc, né le à Dijon, mort en à Paris, est un poète, traducteur, critique d’art, dramaturge, collectionneur et historiographe français.

Biographie

Fils d’un concierge de prison à Dijon[1], Le Blanc, ayant embrassé l’état ecclésiastique[a], a débuté dans la carrière des lettres, par un Poème sur les gens de lettres de Bourgogne[3]. Monté à Paris, il est avocat au Parlement de Paris[4], avant de devenir le secrétaire Houdar de La Motte. Il rime, alors, des élégies, avant d’être initié à l’art par le collectionneur Charles de Nocé, qui le recueille, en 1732, dans son son hôtel particulier de la rue Neuve-Notre-Dame-des-Champs, jusqu’au départ de ce dernier pour Montpellier, après avoir dispersé ses collections[5].

Recueilli par l’économiste Jean-François Melon, ancien secrétaire de John Law et célèbre auteur de l’Essai politique sur le commerce (1734), mais également de Mahmoud le Gasnévide (1729)[b], qui l’inspire peut-être, il met au jour une tragédie intitulée Aben-Saïd, empereur des Mogols, jouée, le au Théâtre-Français[2]. La pièce a eu douze représentations, et cinq à sa reprise au mois de décembre, mais elle ne réussit pas à la seconde reprise en 1743, et n’a plus reparu sur la scène[3].

Familier de Montesquieu et de Buffon, il passe les vacances de 1735 chez ce dernier, à Montbard[c]. Au mois de février 1737, il est abbé de compagnie du duc de Kingston et de madame La Touche, fille naturelle de Samuel Bernard, au château de Thoresby, dans le Nottinghamshire[2]:273. Revenu à Paris, après plus d’une année, il rédige les Lettres d’un François, basées sur les notes qu’il a prises sur le vif, lors de son séjour. Sa réputation d’homme de lettres date de cette vaste étude, intelligente mais souvent critique, voire satirique, de la politique, de l’économie[8], de la science et de la culture anglaises[9], publiée en 1745. Rédigé sur le modèle des Lettres anglaises, ces quatre-vingt-douze lettres publiées en 3 volumes sur l’Angleterre, dont il effectuera lui-même la traduction en anglais sous le titre Letters on the English and French nations, en 1747, deviendra populaire des deux côtés de la Manche. Fréquemment réédité, voire plagié, ce succès de librairie de son siècle a été, après celui Voltaire, l’ouvrage le plus lu en Grande-Bretagne[10].

En 1746, il refuse une place d’homme de lettres que Maupertuis lui offrait à la cour de Berlin, de la part du roi de Prusse, préférant la médiocrité dans sa patrie à un sort plus brillant à l’étranger[3]. L’année suivante, il rédige la Lettre sur l’exposition des ouvrages de peinture, sculpture, &c. de l’année 1747, et en général sur l’utilité de ces sortes d’Expositions[d]. Le Blanc a pris une part effective au mouvement d’opinion qui transfigurait alors l’Académie royale de peinture et de sculpture, dont il a été, après le comte de Caylus, l’un des plus utiles collaborateurs[12]. Très lié avec Quentin de La Tour, il a réussi à s’insinuer dans les bonnes grâces de Tournehem, dont il est devenu le porte-parole et le confident, et auprès duquel il n’a cessé de jouir d’un crédit considérable, pour devenir une sorte d’éminence grise. S’effaçant volontairement derrière Coypel, le Premier Peintre du Roi et directeur de l’Académie Royale, il a secondé avec zèle toutes les vues de ce dernier, lançant des projets, tâtant l’opinion pour eux. Ainsi, l’institution d’un comité votant l’admission des tableaux au Salon est due à sa suggestion[13]. La Lettre de 1747 sera suivie de nouvelles Observations en 1753.

Protégé par Maurepas, le cardinal de Polignac, l’abbé de Rothelin, dans les bonnes grâces de Voyer d’Argenson, il est dans les bonnes grâces de Madame de Pompadour qui le choisit pour accompagner, avec Cochin et Soufflot, son frère le jeune marquis de Vandières[14], lors d’un voyage éducatif en Italie de décembre 1749 à septembre 1751, afin de le préparer à son poste de directeur des Bâtiments du Roi[15].

En 1754, il donne une traduction des Discours politiques, de Hume, qui renchérit sur l’apologie du luxe de Jean-François Melon dans son Essai politique sur le commerce[16]. Loin de se borner à une simple traduction, Le Blanc a agrémenté sa traduction d’une longue introduction, de nombreux commentaires en bas de page et de deux bibliographies, la première énumérant d’autres ouvrages anglais notables d’économie politique t l’autre proposant une bibliographie des nouvelles traductions françaises récentes et des écrits dans le même domaine[17]. L’ouvrage s’est vendu « comme un roman[18] ».

En 1756, il publie Le Patriote anglois, ou Réflexions sur les hostilités que la France reproche à l’Angleterre. Censément traduit depuis l’auteur anglais « John Tell Truth », ce pseudonyme laisse supposer que l’ouvrage est réellement de Le Blanc lui-même[19]. Ambitionnant un fauteuil à l’Académie française, la marquise de Pompadour avait promis de soutenir sa candidature une fois celle de Duclos obtenue, mais la chose ne s’étant pas faite, elle lui a fait attribuer la place d’historiographe des Bâtiments du Roi[2]. Sa collection d’art de tableaux des 3 écoles, de bronzes, marbres, porcelaines, meubles de boule, feux et bras de bronze doré, et autres objets de cabinet de curiosités a été dispersée le [20].

Jugements

« Bas et rampant auprès des grands, il n’était pas moins insolent et grossier avec ses égaux. Comme il avait été quelque temps logé au-dessus d’un maréchal, Piron, son compatriote, faisait allusion à la rudesse du style et du caractère de cet abbé, disait de lui : Il demeure au dessus de son cordonnier. Ces défauts et son ennuyeuse loquacité lui valurent, au sujet de son portrait peint par le célèbre La Tour, dont on disait que les tableaux étaient parlants, cette autre épigramme de Piron :

La Tour va trop loin, ce me semble,
Quand il nous peint l’abbé Leblanc.
N’est-ce pas assez qu’il ressemble ?
Faut-il encore qu’il soit parlant

 »

— Michaud[3].

Publications

  • Poème sur les gens de lettres de Bourgogne, Dijon, 1726, in-8º.
  • Élégies de Mr. L*. B*. c. [Leblanc], avec un Discours sur ce genre de poésie et quelques autres pièces du mesme auteur..., Paris, Chaubert, 1731. In-8 ̊, pièces limin., 163 p.
  • Lettres d’un François, La Haye, J. Neaulme, , 3 vol. in-8º (lire en ligne). — Outre la traduction anglaise ci-dessous, a connu au moins deux rééditions françaises, en 1751 et 1758, en 3 volumes, notamment sous le titre Lettres de M. l’abbé Le Blanc.
  • Lettre sur l’exposition des ouvrages de peinture, sculpture, &c. de l’Année 1747 : et en général sur l’utilité de ces sortes d’Expositions, Paris, [s.n.], , 180 p., in-12 (OCLC 966405186, lire en ligne sur Gallica).
  • Observations sur les ouvrages de MM. de l’Académie de peinture et de sculpture, exposés au Sallon du Louvre, en l’Année 1753, et sur quelques Écrits qui ont rapport à la peinture : À monsieur le Président de B**, Paris, [s. n.], , xv-[4]-1-173-[2] p., in-12 (OCLC 20959692, lire en ligne sur Gallica).
  • John Tell Truth (Ouvrage traduit de l’anglais de John Tell Truth : par un avocat au parlement de Paris), Le Patriote anglois : ou Réflexions sur les hostilités que la France reproche à l’Angleterre et sur la réponse de nos ministres au dernier Mémoire de S. M. T. C., Genève, , xii-159 p., in-12 (lire en ligne). — Traduction supposée due au « traducteur ».
  • Dialogues sur les mœurs des Anglois, et sur les voyages considérés comme faisant partie de l’éducation de la jeunesse, Paris, Barthelemi Hochereau le jeune, , xxxvi-194 p., in-12 (lire en ligne). — A fait l’objet d’une traduction anglaise par Leblanc lui-même, publiée à Londres avant l’édition française.

Théâtre

  • Aben-Saïd, empereur des Mogols : tragédie en cinq actes et en vers, Paris, Prault fils, , vi-87 p., in-8º (lire en ligne sur Gallica).

Traductions

  • (en) Abbé Le Blanc (trad. Mons. l’Abbé Le Blanc), Letters on the English and French nations : containing curious and useful observations on their constitutions natural and political, Londres, J. Brindley, , 312 ; 439, 2 vol. in-8º (OCLC 642345725, lire en ligne), « t. 2 ».
  • David Hume, Discours politiques de M. Hume, Amsterdam, (réimpr. 1986), 2 vol. in-12 (lire en ligne sur Gallica).

Notes et références

Notes

  1. Ce statut est de pure forme ; il ne dit pas la messe[2].
  2. Reflétant le climat intellectuel des Lumières, cette satire politico-économique, sous forme de conte oriental inspiré des Lettres persanes de Montesquieu, illustre les vues de Melon sur le luxe et le commerce comme moteurs de civilisation[6].
  3. La création du parc de Buffon à Montbard ne doit néanmoins rien à l’abbé Leblanc, pourtant proche de Buffon, comme on l’a longtemps cru[7].
  4. Dans un exemplaire de cet ouvrage conservé dans la collection Deloynes, Pierre-Jean Mariette a noté au bas du titre : « De méchantes langues ont osé avancer que cet ouvrage avoit été fait pour M. de la Tour et lui avoit été donné en payement du portrait de M. l’abbé Le Blanc ; d’autres ont dit que si cela étoit, ils le trouvoient bien mal payé[11]. »

Références

  1. Hélène Monod-Cassidy, Lettres de l’abbé Jean Bernard Le Blanc au Président Bouhier, précédées d’un essai sur la vie et les œuvres de l’abbé Le Blanc, University of Michigan, (OCLC 1136878913, lire en ligne), p. 8.
  2. Edmond de Goncourt, Portraits intimes du dix-huitième siècle : études nouvelles d’après les lettres autographes et les documents inédits, Paris, E. Fasquelle, , vii, 496 p., 18 cm (OCLC 1060499, lire en ligne), p. 272
  3. Joseph François Michaud et Louis Gabriel Michaud, « Le Blanc (Jean-Bernard) : de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes », dans Biographie universelle, ancienne et moderne ou, Histoire, par ordre alphabétique, t. 23, Paris, Michaud frères, (lire en ligne), p. 483.
  4. (de) Lisl Mühlhöfer, Abbé Jean Bernard Le Blanc : sein Leben und Werk : ein Beitrag zur Geschichte der Anglomanie im Frankreich des 18. Jahrhunderts, Kilian, Würzburg, , 84 p. (OCLC 1039736526, lire en ligne), p. 27.
  5. (en) Rochelle Ziskin, Sheltering art : collecting and social identity in early eighteenth-century Paris, University Park, Pennsylvania State University Press, , xix, 354 p., ill. ; 26 cm (ISBN 978-0-27103-785-1, OCLC 1348171840, lire en ligne), p. 255.
  6. Patrick Neiertz, « Mahmoud le Gasnevide de Jean-François Melon : un compagnonnage intellectuel avec Montesquieu », Revue d’histoire littéraire de la France, Paris, vol. 117, no 4,‎ , p. 917–32 (ISSN 0035-2411, lire en ligne, consulté le ).
  7. Anne Allimant-Verdillon, « Le Parc de Buffon à Montbard. 1734-1738 : le rôle de l’Abbé Leblanc », Étude historique et archéologique du parc Buffon (Montbard), Rapport Inédit, Service Régional De l’Archéologie Bourgogne-France-Comté, CRBA,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. Yoshie Kawade, « Peace through commerce or jealousy of commerce? : Jean-Bernard Le Blanc on Great Britain in the mid-eighteenth century », dans Ryuzo Kuroki, Yusuke Ando, The Foundations of Political Economy and Social Reform : Economy and Society in Eighteenth Century France, , vi, 202 p., in-8º (ISBN 978-1-13873-275-9, OCLC 1004957288, lire en ligne), p. 21.
  9. James Boswell et Paul Tankard & Lisa Marr (éds.), Facts and Inventions : Selections from the Journalism of James Boswell, New Haven, Yale University Press, , lii, 442 p., illustr. ; in-8º (ISBN 978-0-30014-126-9, OCLC 861676836, lire en ligne), p. 337.
  10. (en) Robert Tombs et Isabelle Tombs, That Sweet Enemy : Britain and France : the history of a love-hate relationship, Knopf Doubleday, , xxv, 782 p., in-8º (ISBN 978-1-40003-239-6, OCLC 756785995, lire en ligne), p. 65.
  11. Le Cabinet historique : moniteur des bibliothèques et des archives, vol. 26, t. 4, Paris, Alphonse Picard, , 302 p. (ISSN 2418-8646, lire en ligne sur Gallica), p. 13.
  12. Jean Locquin, La Peinture d’histoire en France de 1747 à 1785 : étude sur l’évolution des idées artistiques dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Paris, H. Laurens, , xii, 344 p., xxxii pl. ; 27 cm (OCLC 10517332, lire en ligne), p. 5.
  13. Lettre sur l’exposition des ouvrages de peinture, sculpture, &c. de l’Année 1747 : et en général sur l’utilité de ces sortes d’Expositions, Paris, [s.n.], , 180 p., in-12 (OCLC 966405186, lire en ligne sur Gallica), p. 104 et suiv..
  14. Rosamond Hooper-Hamersley, The Hunt after Jeanne-Antoinette de Pompadour : patronage, politics, art, and the French Enlightenment, Lanham, Lexington Books, , xv, 397 p., illustr. ; 24 cm (ISBN 978-0-73914-963-8, OCLC 701327372, lire en ligne), p. 281.
  15. Robert Muchembled, Madame de Pompadour, Paris, Fayard, , 600 p., 24 cm (ISBN 978-2-21366-665-5, OCLC 894848893, lire en ligne), p. 328.
  16. (en) John Shovlin, The Political Economy of virtue : luxury, patriotism, and the origins of the French Revolution, Ithaca, Cornell University Press, , 265 p., in-8º (ISBN 978-0-80147-418-7, OCLC 70114568, lire en ligne), p. 23.
  17. Margaret Schabas et Carl Wennerlind, David Hume’s Political Economy, Londres, Routledge, , xiii, 378 p., 24 cm (ISBN 978-1-13436-250-9, OCLC 233792340, lire en ligne), p. 267.
  18. James A. Harris, Hume : an intellectual biography, New York, Cambridge University Press, , xiii, 621 p., 24 cm (ISBN 978-0-52183-725-5, OCLC 924638608, lire en ligne), p. 621.
  19. Antoine-Alexandre Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes, t. III. M-Q, Paris, P. Daffis, , xlv, 1130, 1360, 1166, 1410 col., 4 vol. gr. in-8º (OCLC 606381145, lire en ligne sur Gallica), p. 806.
  20. « Catalogue d’une belle collection… », Annonces, affiches et avis divers, Paris, Bureau d’adresse et de rencontre,‎ (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).

Iconographie

Maurice Quentin de La Tour a réalisé son portrait intitulé L’abbé Jean Bernard Le Blanc, critique d’art, qui se trouve à Saint-Quentin. Charles-Nicolas Cochin a dessiné son portrait en médaillon reproduit en gravure à l’eau-forte par Augustin de Saint-Aubin, en 1777.

Bibliographie

  • Hélène Monod-Cassidy, Un voyageur-philosophe au XVIIIe siècle, Cambridge, Harvard University Press, , 565 p., in-8º (OCLC 907800, lire en ligne).

Liens externes

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