Jane Sivadon

Jane Sivadon
Fonction
Directrice
École des surintendantes d’usines et de services sociaux (d)
-
Biographie
Naissance
Décès
(à 94 ans)
Muret
Nom dans la langue maternelle
Jeanne Sivadon
Nationalité
Formation
École des surintendantes d’usines et de services sociaux (d)
Activités
Fratrie
Autres informations
Lieux de détention
Distinctions

Jeanne Lucie Eugénie Sivadon, dite Jane, alias Jacqueline Simon, est une assistante sociale, directrice de l'École des surintendantes d'usine et résistante française, née le à Toulouse, et morte le à Muret (Haute-Garonne).

Biographie

Jeanne Sivadon appartient à une ancienne famille huguenote. Son père, Daniel Sivadon, est pasteur de l'Église réformée de France, et sa mère, Leila de Verbizier, appartient à une famille de gentilshommes verriers de l'Ariège[1]. Elle a trois frères, dont Paul Sivadon, médecin-chef du service psychiatrique asilaire de Ville-Évrard.

Elle fait ses études secondaires à Clermont-Ferrand, où elle obtient un premier prix de piano au conservatoire de musique[1]. Elle s'engage dans la Fédération française des éclaireuses où elle fonde avec une amie une section neutre d'éclaireuses[1],[2]. En 1927, elle entre à l'École des surintendantes d'usines et de services sociaux, école privée d'assistantes sociales, rue Princesse, dans le 6e arrondissement de Paris. Elle obtient son diplôme de surintendante en 1932.

Elle prend la direction d'une maison pour l’enfance en difficulté, dans les environs de Grenoble, mais en , Cécile Brunschvicg lui propose de devenir monitrice générale à l'école des surintendantes. Elle en devient sous-directrice en , puis directrice en [1]. Dans ces fonctions, elle fait la connaissance en de Berty Albrecht, une femme protestante, féministe et antifasciste de 43 ans, qui souhaite devenir surintendante, et elle valide l'entrée de celle-ci dans l'école[3].

Durant la Seconde Guerre mondiale

Fin 1940 et début 1941, son ancienne élève Berty Albrecht, fondatrice avec le capitaine Henri Frenay du Mouvement de libération nationale (MLN), envoie deux émissaires, Pierre de Froment puis Robert Guédon. Sous l'impulsion de Jeanne qui recrute plusieurs surintendantes, l'école devient un centre extrêmement actif de la résistance. Il assure d'une part une coordination entre de petits groupes de résistants auparavant isolés, en région parisienne et en province, et d'autre part une liaison avec d'autres mouvements. Jeanne est alors sous l'autorité du capitaine Guédon, secrétaire général en zone occupée de ce mouvement connu après la guerre sous le nom de Combat Zone nord. Lors de la réorganisation de Combat Zone nord en , elle est membre du comité directeur.

Le , elle est arrêtée par la Geheime Feldpolizei, avec sa secrétaire Denise Lauvergnat, une ancienne élève protestante de l'École des surintendantes d'usine[4]. Elle est détenue à la prison de la Santé et interrogée à l'hôtel Cayré, boulevard Raspail[2]. En application du décret Nacht und Nebel, qui prévoit la déportation des résistants vers l'Allemagne, elle est déportée et emprisonnée à Sarrebruck[5]. Elle est condamnée à mort, le , premier jour du procès des militants de Combat Zone nord (Affaire Continent) devant le 2e sénat du Volksgerichtshof. Elle est ensuite détenue à la prison de Cologne[5], avec les autres condamnées à mort : Elizabeth Dussauze, Odile Kienlen (deux autres protestantes engagées dans Combat dont Jane Sivadon partage la cellule[6]), Hélène Vautrin, Marietta Martin-Le-Dieu et Gilberte Bonneau du Martray[7]. L'exécution de la condamnation en ce qui concerne les femmes est suspendue, leurs peines sont commuées en travaux forcés. Jane Sivadon est transférée le au bagne de Lübeck, puis le , au bagne de Cottbus[5].

Le , le décret Nuit et Brouillard ayant été partiellement levé, elle est transférée au camp de Ravensbrück, puis déportée à Mauthausen (3-)[5]. Elle est libérée, le et rapatriée par la Croix-Rouge suisse[5].

Des condamnées du procès de Combat Zone nord, seules ont survécu Jeanne Sivadon (ESU), Elizabeth Dussauze, Anne-Marie Boumier (ESU), Gilberte Lindemann, Marcelle Villaine, Denise Lauvergnat (ESU) et Maguy Perrier.

Après-guerre

Après-guerre, Jeanne Sivadon est directrice du Centre d’études et de formation du service social du travail. Elle est chargée par le Ministère du Travail de créer le diplôme d'État de surintendante d'usine, profession qui prendra ensuite le nom d'assistante sociale[8],[9].

Elle participe à la fondation de l'Association nationale des anciennes déportées et internées de la Résistance, association de femmes résistantes, dont elle prend la présidence de 1945 à 1949 : « Nous nous sommes réunies entre femmes seulement […] : cet esprit de fraternité que nous voulons toutes prolonger et faire fructifier naît de la connaissance directe que les unes ont des autres, des souvenirs communs et des souffrances partagées », dit-elle lors de l’assemblée générale constitutive de l'ADIR, le .

Elle prend ensuite la Direction générale des services sociaux des trois armées françaises.

En 1961, Jeanne Sivadon prend sa retraite, d'abord à Paris, où elle s'occupe d'œuvres sociales. À partir de 1971, elle s'installe au Mas d'Azil, en Ardèche. Elle y crée, avec ses cousines, l'association La Réveillée, regroupant les descendants de leurs ancêtres gentilshommes verriers huguenots[1],[10],[11].

Hommages et distinctions

L’École supérieure de travail social (ETSUP) nouveau nom de l’École des surintendantes d’usines, organise une cérémonie en hommage à Jeanne Sivadon le [1].

Notes et références

  1. Anne-Marie Pavillard, « Sivadon Jeanne [Jane], Lucie, Eugénie. », sur maitron.fr, màj 9 août 2017 (consulté le )
  2. Geneviève Poujol, Un féminisme sous tutelle: les protestantes françaises, 1810-1960, Éditions de Paris, (ISBN 978-2-84621-031-7, lire en ligne)
  3. Mireille Albrecht, Vivre au lieu d'exister, Éditions du Rocher, (ISBN 978-2-268-08076-5 et 2-268-08076-5), p. 134
  4. Pierre Bolle, « Les femmes protestantes dans la Résistance », Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français (1903-2015), vol. 146,‎ , p. 185–192 (ISSN 0037-9050, lire en ligne, consulté le )
  5. « Les départs en juin 1942 (I.40.) », sur Fondation pour la mémoire de la déportation, màj 30 juillet 2008 (consulté le ).
  6. Pierre Bolle, « Témoignage d'une déportée, Jane Sivadon », Supplément au Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme franais (SHPF),‎ , p. 597-604 (lire en ligne [PDF])
  7. Anne-Marie Pavillard, « À propos des archives des femmes dans la Résistance », Matériaux pour l'histoire de notre temps, no 69,‎ , p. 64 (lire en ligne, consulté le ).
  8. Fabrice Bourrée, « Jeanne Sivadon », sur Musée de la Résistance en ligne (consulté le ).
  9. Cécile Formaglio, « Les assistantes sociales dans la résistance : d’une vocation professionnelle à la déportation », dans Philippe Mezzasalma (dir.), Femmes en déportation, Presses universitaires de Paris Nanterre, (lire en ligne), p. 153-164.
  10. Laure Debreuil, « Une famille pas comme les autres », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. « La Réveillée | Association des descendants des gentilshommes verriers du Sud-Ouest » (consulté le )
  12. Ordre de la Libération, « Base Médaillés de la Résistance française avec rosette : fiche Jane Sivadon » (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon : Procès-verbal d'audition par le service de recherche des crimes de guerre () Fonds Germaine Tillion 19a
  • Archives nationales : Causerie du Mas-d'Azil () AN72AJ/317 et Déposition auprès du comité d'histoire de la deuxième guerre mondiale AN72AJ/47
  • BDIC (Nanterre) : Lettre d' à l'ADIR et Souvenirs d'une déportée () F°delta rés 797/III/66.
  • À la Bibliothèque municipale de Toulouse, le Centre d’études et de recherches sur la résistance toulousaine (CERRT) conserve plusieurs témoignages, dont celui de J. Sivadon au Mas d'Azil : « En écoutant l’acte d’accusation, grande fut notre joie quand nous avons entendu cette phrase : "Les accusés [...] seront punis au maximum parce qu’ils sont à l’origine d’un mouvement de résistance qui met l’armée d’occupation en danger". Nos cœurs étaient enflés de joie et, j’ose l’avouer, de fierté face aux Allemands. [...]. Mon assurance suffisait pour dire à la Haute Cour : "C’est ainsi que sont les femmes françaises" ».

Liens externes

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