Invariant de courbure (relativité générale)

En relativité générale, les invariants de courbure sont un ensemble de scalaires formé à partir des tenseurs de Riemann, Weyl et Ricci. Cet ensemble représente la courbure, et éventuellement les opérations telles que les contractions, les dérivées covariantes et la dualisation de Hodge.

Certains invariants formés à partir de ces tenseurs de courbure jouent un rôle important dans la classification des espaces-temps. Les invariants sont en réalité moins puissants pour distinguer localement les variétés lorentziennes non-isométriques que pour distinguer les variétés riemanniennes. Cela signifie qu'ils sont plus limités dans leurs applications que pour les variétés dotées d'un tenseur métrique positif défini.

Histoire

En , Charles Nelson Haskins (-) montre que 14 invariants de courbure, tous construits à partir du tenseur de courbure de Riemann et du tenseur métrique, et indépendants les uns des autres, permettent de caractériser la courbure d'une variété[1],[2],[3]. En , Jules Geheniau (-) et Robert Debever (-) présentent un tel ensemble d'invariants de courbure[1],[4],[5],[6],[7],[8]. En , V. V. Narlikar (en) (-) et K. R. Karmarkar présentent à leur tour un tel ensemble[1],[9],[10]. Par la suite, plusieurs auteurs construisent divers ensembles d'invariants[1]. En , John Carminati et Raymond G. McLenaghan (en) montrent que le nombre de 14 invariants indépendants, antérieurement suggéré, ne suffit pas à caractériser la courbure d'un espace-temps dans le cas d'un fluide parfait[1],[11],[12]. Ils construisent un ensemble de 16 invariants indépendants[1]. En , E. Zakhary et C. G. B. McIntosh construisent le premier ensemble complet d'invariants indépendants pour toutes les métriques possibles[1],[13],[14].

Utilisation

Les invariants de courbure sont notamment utilisés dans le cadre de l'étude des singularités de courbure[1]. Ils servent également à la classification des tenseurs de courbure : par exemple, Corrado Segre les a utilisés pour établir sa classification du tenseur de Ricci sans trace (en) ; et, autre exemple, Alekseï Z. Petrov (en), pour établir sa classification du tenseur de Weyl (en)[1]. Ils sont, en outre, utilisés dans le cadre de l'étude du problème de l'équivalence métrique, c'est-à-dire de la question de savoir si deux métriques d'espace-temps sont ou non équivalentes[1].

Principaux invariants

En relativité générale, le scalaire de Ricci[15],[16],[17] est l'invariant de courbure[18],[19],[20],[21] présent dans le tenseur de courbure d'Einstein[15]. Il est défini comme la trace du tenseur de courbure de Ricci[16],[17],[22]. Il est « le plus simple » des invariants — non triviaux — de courbure[18],[20],[23]. Il est l'unique invariant de courbure, construit à partir du tenseur de courbure de Riemann et du tenseur métrique, qui : 1) est linéaire dans les dérivées secondes du tenseur métrique ; 2) ne contient pas de dérivées d'ordre supérieur du tenseur métrique ; et 3) s'annule dans un espace-temps plat[24],[25]. Il n'est constant que lorsque l'espace-temps est à symétrie maximale[17],[26],[27].

Les principaux invariants des tenseurs de Riemann et de Weyl d'une variété lorentzienne à quatre dimensions sont certains invariants polynomiaux quadratiques.

Les principaux invariants du tenseur de Riemann sont au nombre de trois[28],[29],[30],[31],[32]. Il sont notés [28]. Ils sont désignés[28],[29],[30],[31],[32] et définis[33],[34],[35] comme suit :

  • Le scalaire de Kretschmann : ,
  • Le scalaire de Chern-Pontryagin : ,
  • Le scalaire d'Euler : .

Ce sont des invariants polynomiaux quadratiques (somme des carrés des composants). Quelques auteurs définissent le scalaire de Chern-Pontryagin en utilisant le duale droit plutôt que le duale gauche.

L'éponyme du scalaire de Kretschmann[36] est le physicien théoricien allemand Erich Kretschmann (en) (-) qui l'a introduit en [37],[38],[39]. Les deux autres noms sont quelque peu anachroniques, mais depuis que les intégrales des deux derniers sont liées au nombre d'instanton pour l'un et au caractéristique d'Euler pour l'autre, on peut les comprendre.

Les principaux invariants du tenseur de Weyl sont au nombre de deux[28],[29],[40]. Ils sont notés [28]. Ils sont définis comme suit[33],[41] :

  • ,
  • .

(Parce que , il n'est pas nécessaire de définir un troisième invariant principal pour le tenseur de Weyl.)

Relation avec la décomposition de Ricci

Il existe une relation entre la décomposition de Ricci et les invariants de courbures. Si on applique cette décomposition au tenseur de Riemann pour donner un tenseur de Weyl ainsi qu'une somme de tenseurs du quatrième rang, qui sont par ailleurs construits à partir du tenseur du second rang de Ricci et du scalaire de Ricci., on observe que ces deux ensembles d'invariants sont liés (en dimension 4).

Relation avec la décomposition de Bel

En quatre dimensions, la décomposition de Bel du tenseur de Riemann par rapport à un champ vectoriel de temps , pas nécessairement en géodésique ou en hypersurface orthogonal, se compose de trois parties :

  1. Le tenseur de la gravité électronique
  2. Le tenseur de la gravité magnétique
  3. Le tenseur de la gravité topologique

À cause du fait qu'ils soient tous transversaux, ils peuvent être représentés comme des opérateurs linéaires de vecteurs en trois dimensions, ou comme des matrices réelles 3x3. Ils sont respectivement symétriques, sans trace, et symétriques (6,8,6 composants linéaires indépendants, pour un total de 20). Si nous nommons ces opérateurs respectivement E,B, et L, les principaux invariants de Riemann sont obtenus comme suit :

  • est la trace de E² + L² - 2 B B,
  • est la trace de B ( E - L ),
  • est la trace de E L - B².

Expression dans le formalisme de Newman-Penrose

En termes de scalaires de Weyl dans le formalisme de Newman-Penrose, les principaux invariants du tenseur de Weyl peuvent être obtenus en prenant les parties réelles et imaginaires de l'expression

Le principal invariant quadratique du tenseur de Ricci, , peut être obtenu avec une expression plus compliquée impliquant les scalaires de Ricci.

Notes et références

  1. Chung, Hyun et Yang 2023, sec. 1, p. 1.
  2. Chung, Hyun et Yang 2023, réf., p. 37 [20].
  3. Haskins 1902.
  4. Chung, Hyun et Yang 2023, réf., p. 37 [23, 24 et 25].
  5. Géhéniau et Debever 1956a.
  6. Géhéniau et Debever 1956b.
  7. Debever 1956a.
  8. Debever 1956b.
  9. Chung, Hyun et Yang 2023, réf., p. 37 [21].
  10. Narlikar et Karmarkar 1949.
  11. Chung, Hyun et Yang 2023, réf., p. 38 [31].
  12. Carminati et McLenaghan 1991.
  13. Chung, Hyun et Yang 2023, réf., p. 38 [33].
  14. Zakhary et McIntosh 1997.
  15. Barrau et Grain 2023, chap. 5, sec. 5.3, p. 84.
  16. Lamine 2023, sec. 1.2, sous-sec. 1.2.3, § 1.2.3.5, no 1.2.3.5.1, p. 63.
  17. Peter et Uzan 2012, Ire partie, chap. 1er, sec. 1.2, § 1.2.4, p. 42.
  18. Chaichian et al. 2016, IIIe partie, chap. 9, sec. 9.6, p. 536.
  19. Rahaman 2021, chap. 1er, sec. 1.13, p. 30.
  20. Tetlow 2012, chap. 15, p. 274, n. 22.
  21. Vittorio 2022, IIe partie, chap. 8, sec. 8.5, p. 99.
  22. Aubert 2019, chap. 3, sec. 3.4, p. 43.
  23. Hobson, Efstathiou et Lasenby 2009, chap. 19, sec. 19.8, p. 528.
  24. Misner, Thorne et Wheeler 1973, chap. 17, § 17.5, encadré 17.2, point 2, p. 418.
  25. Pfister et King 2015, chap. 3, sec. 3.1, p. 86.
  26. Chaichian et al. 2016, IIIe partie, chap. 9, sec. 9.9, p. 558.
  27. McGlinn 2003, chap. 8, sec. 8.4, p. 152.
  28. Steane 2021, IIe partie, chap. 15, sec. 15.5, § 15.1.1, p. 210.
  29. Cardoso et al. Sperhake, sec. 2, p. 3.
  30. Cherubini et al. 2002, sec. 1.
  31. deLyra, Orseilli et Carneiro 2023, sec. 3, § 3.4, p. 19.
  32. Shoom 2015, sec. III, § C, p. 5.
  33. Steane 2021, IIe partie, chap. 15, sec. 15.5, § 15.1.1, p. 210 (15.83).
  34. Cherubini et al. 2002, sec. 2 (1).
  35. Shoom 2015, sec. III, § C, p. 5 (51).
  36. Lamine 2023, sec. 1.2, sous-sec. 1.2.3, § 1.2.3.5, no 1.2.3.5.1, p. 64, n. 50.
  37. Singh et Nandy 2025, sec. 1, p. 1, col. 1 ; et réf., p. 6, col. 2 [6 et 7].
  38. Kretschmann 1915a.
  39. Kretschmann 1915b.
  40. Cherubini et al. 2002, sec. 2.
  41. Cherubini et al. 2002, sec. 2 (6 et 7).

Voir aussi

Bibliographie

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Dictionnaires et encyclopédies

Manuels d'enseignement supérieurs

Ouvrages fondamentaux

Études

Publications historiques

Divers

Articles connexes

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