Hypersyntonie

Hypersyntonie
Classification et ressources externes
MeSH D019964
MeSH Disorders&field=entry#TreeF03.600 F03.600
Mise en garde médicale

L’hypersyntonie est un concept utilisé en psychiatrie et en psychologie pour décrire une réaction émotionnelle excessive et une hyperréactivité face à l'environnement social ou émotionnel. Ce phénomène, au croisement de la psychopathologie et de la sémiologie psychiatrique, est tout particulièrement observé dans les troubles de l'humeur.

Définition

L'hypersyntonie désigne un état dans lequel une personne entre en "fusion" avec son environnement, réagissant de manière amplifiée aux émotions ou aux attitudes des autres. Elle se caractérise par une grande communicabilité et une capacité accrue à détecter et répondre aux signaux sociaux ou émotionnels. Ce phénomène peut être observé dans des contextes pathologiques, notamment lors d'épisodes maniaques dans les troubles bipolaires[1],[2].

Manifestations cliniques

Les principales caractéristiques observées sont :

  • Familiarité excessive : le patient inonde son interlocuteur de certitudes et d’enthousiasme, même s’il s’agit d’un inconnu[3],[4].
  • Contagion émotionnelle : pleurs, rires ou colères surgissent quasi-exclusivement en fonction des réactions du milieu[5].
  • Hyperréactivité contextuelle : l’humeur du patient varie en temps réel selon l’ambiance, parfois de manière déséquilibrée[5],[6].

Hypersyntonie et troubles psychiatriques associés

L’hypersyntonie est notamment présente dans les états maniaques. En effet, Hardy et al. (2003) ont établi qu’elle était présente chez 93 % des sujets maniaques, signifiant l’importance de ce signe dans la sémiologie bipolaire[7]. On la rencontre aussi dans la cyclothymie, mais de façon moins marquée.

Elle pourrait être présente dans certaines formes de schizophrénie affective. Le trouble schizo-affectif étant caractérisé par la coexistence de symptômes psychotiques et de troubles de l'humeur (dépression, manie), l'hypersyntonie interviendrait dans ce dernier cas.

Origines neurobiologiques

Les ressorts neurobiologiques de l’hypersyntonie semblent reposer sur une hyperactivation des mécanismes de contagion émotionnelle et une dysrégulation des circuits régulateurs fronto-limbiques. En effet, l’observation et l’imitation automatiques des émotions des autres mobilisent le système des neurones-miroirs, en réseau dans le cortex prémoteur et le cortex pariétal inférieur, induisant une simulation incarnée des états affectifs de l’autre et renforçant la résonance au niveau de l’insula antérieure et du cortex cingulaire antérieur[8],[9]. Parallèlement, chez des sujets en phase maniaque, l’amygdale est hyperactive et sa connectivité fonctionnelle est déficiente : on observe une réduction de la modulation négative entre l’amygdale et le cortex préfrontal ventrolatéral, qui témoigne d’un amenuisement du frein fronto-limbique vis-à-vis des stimuli émotionnels[10],[11]. Cette association d’une sensibilité limbique exacerbée et d’une altérabilité régulatrice frontale rend possible un basculement rapide et marqué vers l’état émotionnel ambiant qui pourrait constituer le substrat cérébral de l’hypersyntonie.

En résumé, l’hypersyntonie pourrait résulter d’une grande sensibilité aux émotions d’autrui, mais la régulation de ces émotions par les zones cérébrales destinées à freiner ou contrôler les réactions émotionnelles ne fonctionnerait pas bien. Le cerveau recueille donc très fortement les signaux émotionnels, mais ne parvient pas à les filtrer ou à prendre du recul, ce qui rend la personne très réactive, voire débordée, par l’ambiance autour d’elle.

Diagnostic

Le diagnostic repose sur l'observation clinique du comportement du patient. Un professionnel de santé, généralement un psychiatre, évalue la tendance du patient à réagir de manière excessive aux stimuli sociaux et émotionnels. Il peut également examiner si cette hypersensibilité est liée à un trouble sous-jacent comme le trouble bipolaire ou la schizophrénie.

Traitements

La prise en charge de l’hypersyntonie repose avant tout sur le traitement de la pathologie sous-jacente (le plus souvent un épisode maniaque ou hypomaniaque dans un trouble bipolaire), associant pharmacologie, approches éducatives et psychothérapeutiques, le tout visant à réduire l’hyperréactivité émotionnelle, à stabiliser l’humeur et à renforcer les habiletés à faire face aux variations affectives.

Approche Modalités principales
Psychothérapies Thérapie cognitivo-comportementale (TCC)[12],

Psychoéducation et soutien familial

Pharmacothérapie Stabilisateurs de l’humeur (lithium[13], antipsychotiques atypiques, antiépileptiques)[14]
Éducation thérapeutique Information ciblée au patient et à la famille pour reconnaître les signes précoces et adapter le cadre de vie[15],[16]

Différence avec la syntonie

La syntonie désigne une harmonie naturelle entre une personne et son environnement émotionnel. Contrairement à l'hypersyntonie, elle ne comporte pas d'excès pathologique mais reflète plutôt une adaptation saine et équilibrée aux émotions ambiantes[6].

Notes et références

  1. Les troubles bipolaires - Bi-Pôles 31
  2. Nature des troubles bipolaires
  3. « Hypersyntonie - Définition - Semio8G », sur semio8g.grieps.fr (consulté le )
  4. Troubles de la présentation - Murius
  5. Notions de psychopathologie
  6. Syntonie ou hypersyntonie - Passeport Santé
  7. Référentiel de psychiatrie et addictologie : psychiatrie de l'adulte, psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, addictologie, Presses universitaires François-Rabelais, coll. « L'officiel ECN », (ISBN 978-2-86906-763-9)
  8. (en) Divya R et Ashok V, « Mirror Mirror on the Brain; Tell me What do they feel Mirror Neurons; The Neural Wi-Fi system for Affect Sharing », Journal of Neurobiology and Physiology, vol. 1, no 1,‎ , p. 3–4. (ISSN 2692-546X, DOI 10.46439/neurobiology.1.002, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Adam D. I. Kramer, Jamie E. Guillory et Jeffrey T. Hancock, « Experimental evidence of massive-scale emotional contagion through social networks », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 111, no 24,‎ , p. 8788–8790. (PMID 24889601, PMCID 4066473, DOI 10.1073/pnas.1320040111, lire en ligne, consulté le )
  10. (en) Jennifer D. Townsend, Salvatore J. Torrisi, Matthew D. Lieberman et Catherine A. Sugar, « Frontal-amygdala connectivity alterations during emotion downregulation in bipolar I disorder », Biological Psychiatry, vol. 73, no 2,‎ , p. 127–135. (ISSN 1873-2402, PMID 22858151, PMCID 3525751, DOI 10.1016/j.biopsych.2012.06.030, lire en ligne, consulté le )
  11. (en) Stephen M. Strakowski, James C. Eliassen, Martine Lamy et Michael A. Cerullo, « Functional magnetic resonance imaging brain activation in bipolar mania: evidence for disruption of the ventrolateral prefrontal-amygdala emotional pathway », Biological Psychiatry, vol. 69, no 4,‎ , p. 381–388. (ISSN 1873-2402, PMID 21051038, PMCID 3058900, DOI 10.1016/j.biopsych.2010.09.019, lire en ligne, consulté le )
  12. (en) Glauco Valdivieso-Jiménez, « Efficacy of cognitive behavioural therapy for bipolar disorder: A systematic review », Revista Colombiana de Psiquiatría (English ed.), vol. 52, no 3,‎ , p. 213–224. (ISSN 2530-3120, DOI 10.1016/j.rcpeng.2021.05.009, lire en ligne, consulté le )
  13. (en) Konstantinos N. Fountoulakis, Mauricio Tohen et Carlos A. Zarate, « Lithium treatment of Bipolar disorder in adults: A systematic review of randomized trials and meta-analyses », European Neuropsychopharmacology: The Journal of the European College of Neuropsychopharmacology, vol. 54,‎ , p. 100–115. (ISSN 1873-7862, PMID 34980362, PMCID 8808297, DOI 10.1016/j.euroneuro.2021.10.003, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) Tien-Wei Hsu, Trevor Thompson, Marco Solmi et Eduard Vieta, « Variability and efficacy in treatment effects on manic symptoms with lithium, anticonvulsants, and antipsychotics in acute bipolar mania: A systematic review and meta-analysis », EClinicalMedicine, vol. 54,‎ , p. 101690. (ISSN 2589-5370, PMID 36247926, PMCID 9561727, DOI 10.1016/j.eclinm.2022.101690, lire en ligne [html], consulté le )
  15. (en) Marianne Gex-Fabry, Sandrine Cuénoud, Marie-Joëlle Stauffer-Corminboeuf et Nancy Aillon, « Group Psychoeducation for Relatives of Persons With Bipolar Disorder: Perceived Benefits for Participants and Patients », The Journal of Nervous and Mental Disease, vol. 203, no 9,‎ , p. 730–734. (ISSN 1539-736X, PMID 26313039, DOI 10.1097/NMD.0000000000000355, lire en ligne [html], consulté le )
  16. (en) David J. Miklowitz, Elizabeth L. George, Jeffrey A. Richards et Teresa L. Simoneau, « A randomized study of family-focused psychoeducation and pharmacotherapy in the outpatient management of bipolar disorder », Archives of General Psychiatry, vol. 60, no 9,‎ , p. 904–912. (ISSN 0003-990X, PMID 12963672, DOI 10.1001/archpsyc.60.9.904, lire en ligne [html], consulté le )

Voir aussi

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