Hugo Banzer Suárez

Hugo Banzer Suárez

Le général Hugo Banzer Suárez en 1972.
Fonctions
Président de la république de Bolivie

(4 ans et 1 jour)
Élection 5 août 1997
Vice-président Jorge Quiroga Ramírez
Prédécesseur Gonzalo Sánchez de Lozada
Successeur Jorge Quiroga Ramírez

(6 ans, 10 mois et 29 jours)
Prédécesseur Juan José Torres Gonzáles (de facto)
Successeur Juan Pereda Asbún (de facto)
Ministre de l'Éducation et de la Culture

(1 an, 9 mois et 1 jour)
Président Alfredo Ovando Candía et René Barrientos Ortuño
Prédécesseur Carlos Serrate (es)
Successeur Edgar Ortiz Lema
Biographie
Nom de naissance Hugo Banzer Suárez
Date de naissance
Lieu de naissance Santa Cruz de la Sierra (Bolivie)
Date de décès (à 75 ans)
Lieu de décès Santa Cruz de la Sierra (Bolivie)
Nature du décès Cancer du poumon
Nationalité bolivienne
Parti politique Action démocratique nationaliste
Conjoint Yolanda Prada (1932-2015)


Présidents de la république de Bolivie

Hugo Banzer Suárez, né le à Concepción (Bolivie) et mort le à Santa Cruz de la Sierra, est un général et homme d'État conservateur bolivien. Il est président de la République à deux reprises : du au , comme dictateur militaire, et du au , comme président constitutionnel.

En 1971, Banzer renverse le président Juan José Torres, instaurant un régime marqué par la répression des syndicats, du clergé, des indigènes et des étudiants.[1],[2],[3] Les méthodes de répression comprenaient les arrestations injustifiées, l'exil, la torture et les disparitions. Son régime répressif entraîne une importante émigration bolivienne. Sous Banzer, l'État bolivien collabore avec d'autres dictatures sud-américaines et les Etats-Unis pour traquer et capturer les dissidents, dans le cadre d'une coordination connue sous le nom de Plan Condor.[3]

En 1978, Banzer est renversé par un coup d'État militaire. Il reste néanmoins une figure influente de la politique bolivienne, se présentant aux élections présidentielles de 1985, 1989, 1993 et 1997, et est élu lors de cette dernière. Son deuxième mandat est constitutionnel, mais marqué par un caractère autoritaire. Il prolonge la durée du mandat présidentiel de quatre à cinq ans et déclare l'état d'urgence en 2000, dans le cadre de la guerre de l'eau de Cochabamba. En 2001, Banzer démissionne de la présidence après avoir été diagnostiqué d'un cancer du poumon, et est remplacé par son vice-président, Jorge Quiroga[3].

Origines

Famille

Hugo Banzer Suárez est le fils de César Banzer et Luisa Suárez, et son grand-père, Georg Banzer, est un immigrant allemand originaire d'Osnabrück. Avant la naissance d'Hugo Banzer, son père, agriculteur et campagnard, s'adonne à l'exploitation du caoutchouc et avait importé en Bolivie les premiers moulins mécaniques pour l'industrialisation de la canne à sucre. Après son mariage avec Luisa Suárez en 1925, une femme de Santa Cruz de la Sierra, le couple acquiert un domaine à Concepción sur lequel sont produits du sucre de canne raffiné, du saindoux, du maïs et du riz. Ils possèdent également plusieurs centaines de bêtes pour l'élevage du bétail. César occupe également les fonctions de sous-préfet de la province de Ñuflo de Chávez durant quelques années[4].

Jeunesse

Hugo Banzer Suárez naît le dans le village de Concepción, en Chiquitania, dans le département de Santa Cruz. Bâti sur une ancienne mission jésuite, le village est à l'époque un centre agricole et d'élevage assez prospère relié par des routes rudimentaires aux autres localités de la région, les automobiles et les avions ne s'y rendant pas encore[4]. En 1933, sa mère déménage avec ses trois enfants à Santa Cruz afin qu'ils puissent fréquenter l'école primaire. Son père reste à Concepción afin de s'occuper du domaine. Le voyage jusqu'à Santa Cruz, long de 300 kilomètres, dure deux semaines, transportés par des charrettes à boeuf sur des routes périlleuses traversant des zones marécageuses et sablonneuses souvent impraticables selon la température. Santa Cruz est à l'époque une ville d'un peu plus de 30 000 habitants dont les rues non pavées sont bordées de peu d'automobiles, mais de plusieurs charrettes. La route vers Cochabamba et les chemins de fer vers Corumbá et Yacuiba ne sont pas encore construits et la ville demeure plutôt isolée du reste du pays[5].

Après des études au Séminaire Ovidio Santistevan au niveau primaire, Hugo Banzer fait son entrée au Collège national Florida, l'une des écoles les plus prestigieuses du pays qui accueillait la crème de la jeunesse de Santa Cruz. Hugo Banzer y étudie deux ans sans y obtenir de diplôme : celui-ci voulait devenir soldat comme son oncle ou comme Germán Busch, le fils d'un ami de son père, dont il avait entendu parler des exploits. Durant cette période, Hugo Banzer voit peu son père[5].

Rencontre avec Germán Busch

À l'été 1937, alors qu'il est à Concepción, on annonce que le héros de la guerre du Chaco, Germán Busch, viendra rendre visite à son père. Remarquant l'attention avec laquelle Hugo écoutait ses anecdotes de guerre, il s'exclame : « César, quand ce garçon sera assez grand, nous devrions l'envoyer à l'Académie militaire, car il fera un bon officier », venant ainsi en quelque sorte sceller le sort de l'enfant, qui voyait son rêve de devenir soldat de plus en plus fort[5].

Collège militaire

En 1940, à l'âge de 14 ans, il postule au Collège militaire de La Paz (es) et y est admis l'année suivante. Il doit en conséquence déménager à La Paz et se séparer de sa famille qui demeure à Santa Cruz. C'est au cours de ce voyage vers La Paz que Hugo Banzer connaîtra une Bolivie qu'il ne connaissait jusqu'alors pas : une végétation plus rare, la température des montagnes, l'aridité des paysages, le calme des paysans, des langues – l'aymara et le quechua – qu'il ne comprenait pas[6].

Au collège militaire, le cadet Banzer excelle dans toutes les matières et semble déterminé à se surpasser afin de devenir commandant militaire. Après avoir passé une année d'études en Argentine, il revient avec le grade de sous-lieutenant. Les morts tragiques des présidents Germán Busch et Gualberto Villarroel l'incitent à se tenir loin de la politique[7].

Carrière militaire

Progressant au sein de l'appareil militaire, le , il est nommé officier instructeur à Challapata, une ville de l'altiplano près d'Oruro et de la frontière chilienne[7]. Les gouvernements qui se succèdent impliquent inévitablement l'armée dans leurs actions contre des groupes leur étant opposés ou des manifestants, ceci obligeant Banzer à prendre connaissance des enjeux politiques qui ont cours. C'est peu après son transfert à Roboré qu'il fera connaissance de Yolanda Prada, avec qui il se mariera à Cochabamba[7].

Il est rapidement nommé à de hauts grades militaires, grâce à la formation qu'il avait suivie dans différents pays, en particulier à l'École militaire des Amériques, dirigée par les États-Unis, au Panama.

Parcours politique

Banzer Suárez fera ses débuts en politique en intégrant le gouvernement militaire du général René Barrientos, où il est nommé ministre de l'Éducation.

Premier gouvernement

Après un premier essai raté de coup d’État qu'il dirige contre le président Juan José Torres, il est chassé de l’armée et se réfugie au Paraguay où il obtient l'asile du dictateur Alfredo Stroessner. Il dirige un nouveau coup d’État le avec l'aide du régime militaire brésilien et des États-Unis[8]. Il occupe alors le poste de « président de facto » et instaure une dictature. Il interdit les partis politiques (y compris ceux de ses alliés) et reçoit l'appui des États-Unis en raison de son anticommunisme. Dictateur durant sept ans, il est responsable de très nombreuses atteintes aux droits de l'homme, laisse une des plus importantes dettes extérieures de la Bolivie (notamment en raison d'accords commerciaux très favorables au Brésil en échange du soutien au coup d’État), et son gouvernement devient l'un des plus corrompus de l'histoire bolivienne.

Durant les années 1970, son gouvernement participe à l'Opération Condor avec les gouvernements militaires de l'Argentine, du Brésil, du Paraguay, de l'Uruguay et du Chili. Les régimes dictatoriaux de ces États collaborent afin de capturer et exécuter les opposants politiques d'un régime qui se trouve en exil sur le territoire d'un autre régime. C'est ainsi que sera tué l'ancien président socialiste Juan José Torres en par le régime argentin[9].

Durant le gouvernement de Banzer, le trafic de drogue connut une expansion sans précédent qui dura jusqu'aux années 1980. Klaus Barbie, ancien chef de la Gestapo de Lyon, est intégré dans les services spéciaux afin de « rénover » les techniques de répression et reçoit la nationalité bolivienne. Entre 1971 et 1978, plusieurs centaines de personnes sont assassinées par son régime, quatorze mille cinq cents sont incarcérées pour raisons politiques et des dizaines de milliers sont contraintes de s'exiler[8]. En , des paysans du département de Cochabamba, excédés par la politique économique du régime, manifestent dans les rues et sont confrontés aux forces armées qui n'hésitent à ouvrir feu. Cet événement, nommé le « massacre de la vallée » ou « massacre de Tolata » fait environ 200 morts ou disparus, met fin à l'alliance informelle militaro-paysanne qui subsistait jusqu'alors et constitue l'éveil de la classe paysanne qui débutera ses revendications[10],[11],[12].

En 1975, Banzer conclut avec le président du Chili, Augusto Pinochet, l'accord de Charaña, permettant de rétablir les relations entre les deux pays et ouvrant la voie au désenclavement de la Bolivie[13]. Le traité prévoit que le Chili cède à la Bolivie un corridor longeant sa frontière avec le Pérou contre la cession par la Bolivie d'un territoire d'une superficie équivalente. L'ire du Pérou et les protestations des nationalistes boliviens ne permettent à l'accord de se concrétiser. Les relations diplomatiques entre les deux pays sont donc rompues en 1978[14].

Il fut renversé en 1978, après une longue grève de la faim de femmes qui dirigeaient et participaient à des organisations sociales qui obtinrent qu'il organise des élections. Des fraudes entrainant la victoire de son candidat furent mises en évidence, ce qui poussa le militaire Juan Pereda Asbún, ministre de l'Intérieur durant une partie du gouvernement de Banzer, à déclencher un coup d’État qui força Banzer à s'exiler.

Second mandat

Il est candidat à plusieurs reprises aux élections présidentielles. Après avoir perdu les scrutins de 1979, 1980, 1985, 1989 et 1993. Il est finalement élu en 1997 lors d'une grande alliance des partis MIR, PDC, Condepa, NFR, UCS, FSB, FRI et KND connue comme la megacoalición[15].

Ce second mandat à la tête de l'État est marqué par un retour aux politiques de son ancien gouvernement.

Pendant cette période, il lance le Plan Dignidad qui cherche à contrôler et à éliminer la culture de la coca en Bolivie. Des affrontements entre les cocaleros et les forces de l'ordre font des morts de part et d'autre. Evo Morales, député, producteur et leader des cocaleros, qui sera président de l'État bolivien de 2005 à 2019, est alors un de ses principaux opposants[16].

En 2000, un grand mouvement social éclate lors de l'augmentation des tarifs de l'eau de la compagnie Aguas del Tunari, filiale du groupe nord-américain Bechtel. Le soulèvement, connu sous le nom de la Guerre de l'eau, conduit Banzer à déclarer un état de siège de 90 jours, le [15].

Démission et mort

Dans ses dernières années au pouvoir l'ex-dictateur est atteint d’un cancer du poumon. Informé de la maladie en , il démissionne le de la même année, laissant le pouvoir au vice-président, Jorge Quiroga.

Hugo Banzer meurt le des suites de son cancer, cinq jours avant ses 76 ans, à Santa Cruz de la Sierra[17],[18],[15].

Notes et références

  1. (es) La Pública, « El Golpe », sur lapublica.org.bo
  2. (es) « A 50 años del golpe de Banzer »,
  3. (es) « A 50 años del golpe de Estado de Hugo Banzer en Bolivia », sur PAGINA12,
  4. (es) Alfonso Crespo, Banzer: el destino de un soldado, Buenos Aires, Gráfica Laf., , 368 p. (lire en ligne), p. 43-48
  5. (es) Alfonso Crespo, Banzer: el destino de un soldado, Buenos Aires, Gráfica Laf., , 368 p. (lire en ligne), p. 52-56
  6. (es) Alfonso Crespo, Banzer: el destino de un soldado, Buenos Aires, Gráfica Laf., , 368 p. (lire en ligne), p. 56-57
  7. (es) Alfonso Crespo, Banzer: el destino de un soldado, Buenos Aires, Gráfica Laf., , 368 p. (lire en ligne), p. 61-69
  8. Maurice Lemoine, Les enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d’Etat modernes et autres tentatives de déstabilisation, Don Quichotte, , p. 67-68
  9. (es-AR) Pedro Doneiger, « El asesinato de Juan José Torres: entrevista a Martín Sivak » [archive du ], sur refugiolatinoamericano.com, (consulté le )
  10. (es) Carmen Loyola Guzmán, « REDH - Red Solidaria por los Derechos Humanos ... - Las violaciones a los Derechos Humanos en Bolivia » [archive du ], sur www.redh.org, (consulté le )
  11. (es) Redacción Central, « Presidente Arce rinde homenaje a los mártires de la Masacre de Tolata y Epizana », sur ABI, (consulté le )
  12. (es) Roberto Laserna, « La masacre del Valle – El desencuentro militar – campesino », Ediciones CERES,‎ , p. 22 (lire en ligne)
  13. (es) Cristian Ovando, « El "abrazo de Charaña": Un breve instante que persiste en la historia de Árica - Estudios de Seguridad y Defensa Nº 6 », www.academia.edu,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. (es) Ediciones El País, « Bolivia rompió relaciones diplomáticas con Chile », EL PAÍS,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  15. Roberto Ortiz de Zárate, Hugo Banzer Suárez, cidob.org
  16. Philippe Mercure, La Presse en Bolivie: là où la coca est légale, lapresse.ca, 17 novembre 2019
  17. Éditions Larousse, « Encyclopédie Larousse en ligne - Hugo Banzer Suárez » (consulté le )
  18. Hugo Banzer Suárez (1921 - 2002), bolivia-excepcion.com

Liens externes

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