Guy Perrier (géophysicien)

Guy Perrier, né le à Clermont-Ferrand, est un géophysicien et sismologue français, professeur des universités et directeur de l'observatoire des sciences de l'Univers de Grenoble de 1996 à 2001.

Dans les décennies 1960 et 1970, il est l’un des promoteurs en France de la « sismologie expérimentale », qui permet, à partir de grosses explosions enregistrées par des sismomètres, de déterminer la structure de la croûte et du manteau supérieur terrestre.

Biographie

Origines et formation

Guy Perrier, né le [1] à Clermont-Ferrand, y fréquente d'abord le lycée Godefroy-de-Bouillon, puis le lycée Blaise-Pascal où il obtient un baccalauréat math-élém en 1956. Ses années de classes préparatoires sont interrompues par un séjour prolongé au sanatorium de Saint-Hilaire-du-Touvet, près de Grenoble. Il obtient néanmoins en 1958 le certificat de mathématiques générales et physique, puis une licence de physique (Clermont, 1960).

Il « monte » à Paris la même année pour débuter des études de géophysique à l'institut de physique du globe de Paris (I.P.G.P.). En 1962, il devient assistant des observatoires au laboratoire de sismologie de l'I.P.G.P. dirigé par Yvonne Labrouste[2], avant d'entrer au C.N.R.S. l'année suivante.

La sismologie expérimentale

Labrouste, depuis une dizaine d'années, s'est lancée dans ce qui s'appelle alors la « sismologie expérimentale[a] », où des explosions contrôlées de plusieurs dizaines de tonnes de T.N.T. sont enregistrées par des sismographes à des distances atteignant plusieurs centaines de kilomètres. Entre 1956 et 1960, et plus particulièrement dans le cadre de l'Année géophysique internationale, elle vient ainsi de coordonner une coopération transfrontalière destinée à étudier la structure profonde des Alpes. Perrier arrive à point nommé pour exploiter la masse de données alors acquise, en mettant en œuvre des techniques d'interprétation originales. Une remontée anormale de manteau est mise en évidence dans la région d'Ivrée, au nord de Turin, et une racine crustale est découverte sous le Briançonnais[3]. Le Moho, discontinuité séparant la croûte du manteau, est pour la première fois cartographié dans les Alpes franco-italiennes, et l'image qu'en publie Perrier en 1968[4] ne sera pas sensiblement modifiée par les cartes les plus récentes[5].

Le Moho avait été découvert en 1910 par Andrija Mohorovičić en observant les ondes sismiques qui s'y réfractent. L'identification des ondes qui s'y réfléchissent est beaucoup plus délicate, pour des raisons d'appareillages et de technique d'enregistrement, mais aussi parce que la tectonique alpine rend l'interprétation très complexe. Les profils acquis ailleurs en France dans des endroits plus stables entre 1962 et 1969 permettent à Perrier de confirmer que des réflexions sur le Moho peuvent être clairement observées. En 1970, il lance avec Léon Steinmetz, directeur du programme, l'opération « grands profils sismiques » qui, durant plusieurs années, quadrille le Massif central afin d'en étudier la structure crustale. Cette étude est complétée par la mise en évidence d'une remontée asthénosphérique sous le centre du massif, avec une potentialité de développement de l'énergie géothermique dans ce secteur[6].

Avec Yvonne Labrouste, puis Jean Coulomb comme directeurs de thèse, Perrier soutient sa thèse d'État ès sciences physiques en 1973 à l'université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI) sur la Structure profonde des Alpes occidentales et du Massif central français[7].

Fondation de la géophysique à Grenoble

En 1974, Michel Soutif, sur une suggestion de Louis Lliboutry qui n'avait pu établir jusque là qu'un embryon de géophysique appliquée à la glaciologie, propose à Perrier un poste de professeur pour venir s'installer avec une petite équipe de trois chercheurs à l'université de Grenoble. En 1975, le laboratoire de géophysique interne voit le jour, avant de s'adjoindre l'année suivante une composante tectonophysique pour devenir le L.G.I.T., associé au C.N.R.S.[8] Perrier le dirige de 1975 à 1988[9] en lui donnant au départ trois orientations : la structure de la lithosphère, la sismotectonique et les anomalies profondes du manteau. Deux autres thèmes apparaissent vite : la source sismique (en) et le risque sismique. Dans les années 1980, le L.G.I.T. abandonne sa spécificité de sismologie et de tectonique pour s'élargir au géomagnétisme[b]. Cette diversification des recherches du laboratoire conduit Perrier à s'investir dans le Comité national français de géodésie et géophysique et à en présider, entre 1988 et 1992, la section de « Sismologie et physique de l’intérieur de la Terre »[10].

Parallèlement, beaucoup restait à faire dans le domaine de l'enseignement de la géophysique. Après la création d'un certificat de géophysique générale, un D.É.A. de géophysique approfondie[c] permet à Perrier de constituer un vivier d'étudiants, vivier encore grossi à partir de 1987 par son implication dans les cursus de l'É.N.S. de Lyon. Cet engagement dans l'enseignement est suivi de sa nomination à la tête des études doctorales de l'université Joseph-Fourier de 1988 à 1994.

Constitution de l'observatoire de Grenoble

Dès 1975, Perrier marque également l'intérêt du L.G.I.T. pour les observations sismologiques, par le biais de trois anciennes stations destinées à l'origine à surveiller les barrages alpins, complétées par trois nouvelles détectant la sismicité régionale. Avec le soutien initial de l'opération « Isère département pilote[d] », c'est sur ce canevas que se grefferont, à partir de 1988, les 45 stations du réseau Sismalp qui observe désormais la sismicité des Alpes franco-italiennes.

Cette tradition d'observation du L.G.I.T., jointe à l'arrivée en 1979 d'une équipe d'astronomes, fait voir le jour dès 1985 à l'observatoire des sciences de l'Univers de Grenoble. Trois laboratoires se trouvent ainsi réunis : celui d'astrophysique (le LAOG), le L.G.I.T., et la composante géophysique d'un laboratoire de traitement du signal (le Céphag). En 1996, Perrier prend pour cinq ans la direction de l'observatoire[9], et s'emploie à y regrouper l'ensemble des six laboratoires de sciences de la Terre et de l'Univers de Grenoble, soit plus de 400 personnes.

Controverses

Perrier connaît bien Haroun Tazieff, fréquenté à l'I.P.G.P. au début des années 1970. Cette année-là, ils travaillent même ensemble lors d'une mission d'expertise à Pouzzoles, près de Naples, où il s'agit de déterminer si la zone volcanique des champs Phlégréens présente alors une activité sismique[11]. Leurs relations se distendent cependant, Perrier reprochant par la suite à Tazieff son manque de vision pour concevoir une structure pérenne des observations volcanologiques outre-mer[12].

En 1988, Tazieff utilise l'opération « Isère département pilote » lancée par Alain Carignon pour faire financer un dispositif expérimental destiné à prédire les séismes sur la base de signaux électriques anormaux (méthode VAN). Il veut l'installer en quelques points des Alpes en y associant un peu vite le L.G.I.T., sans consulter quiconque. Perrier, comme la quasi-totalité des géophysiciens, est sceptique sur la fiabilité de la méthode. Il s'y oppose, estimant qu'« on met la charrue avant les bœufs », ce qui provoque l'ire de Tazieff[13]. Deux millions de francs sont néanmoins dépensés au cours de tests effectués pendant plusieurs années par le C.É.A., sans résultats probants[14].

Engagement politique

À Grenoble, lors des élections municipales de 1989, Perrier rejoint la liste de Michel Destot (P.S.), tandis que Tazieff opte pour Carignon (R.P.R.)[13]. Celui-ci remporte les élections, et entame son dernier mandat municipal.

Vie privée

Guy Perrier est marié et père de deux fils. Le cadet est né le jour du séisme du Frioul de 1976[15].

Distinctions

Sélection de publications

  • (avec Dominique Yves Jérôme et Joël Lancelot), « Le bilan des expéditions lunaires », La Recherche, vol. 2, no 10,‎ , p. 231-240.
  • Structure profonde des Alpes occidentales et du Massif central français (thèse d'État), Paris, Université Pierre-et-Marie-Curie, , 203 p.
  • chap. 10 « La croûte terrestre », dans Jean Coulomb et Georges Jobert (dir.), Traité de géophysique interne, vol. 1 : Sismologie et pesanteur, Paris, Masson, , XXV-646 p., p. 229-281.
  • « Sismographe et sismologie », dans Encyclopédie internationale des sciences et des techniques, vol. 9 : Pneumat-Soufflerie, Paris, Presses de la Cité, , 981 p., p. 782-797.
  • (it) « Litosfera », dans Enciclopedia Einaudi (it), vol. 8 : Labirinto-Memoria, Turin, Einaudi, , 1109 p. (ISBN 978-8-8061-0082-7), p. 408-428.
  • (avec Raoúl Madariaga) (préf. Claude-Jean Allègre), Les Tremblements de terre, Paris, Presses du CNRS, coll. « CNRS Plus », , 211 p. (ISBN 2-87682-049-8).
  • « Structure profonde et sismicité du Massif central français », dans Pierre Boivin et Francine Mercier (dir.), Histoire de la découverte géologique du Massif central français, Clermont-Ferrand, Société d'histoire naturelle d'Auvergne (Mémoire no 8), , 267 p. (ISSN 0373-2851, présentation en ligne), p. 230-237.

Notes et références

Notes

  1. Avec diverses appellations par la suite. En français : « grands profils sismiques » et « sondages sismiques profonds » ; en anglais : « explosion seismology », « controlled-source seismology » et « deep seismic soundings ».
  2. Après un nouvel élargissement à la géochimie dans les années 1990, le L.G.I.T. fusionnera en 2011 avec le laboratoire de géologie des chaînes alpines (L.G.C.A.) pour former l'institut des sciences de la Terre (Isterre).
  3. Qui deviendra par la suite le D.É.A. de mécanique des milieux géophysiques et environnement, intégré dans l'école doctorale « Terre, Univers, Environnement » de l'université Joseph-Fourier.
  4. Lancée par Alain Carignon, alors ministre de l'Environnement, lui-même soutenu par Haroun Tazieff, ancien secrétaire d'État chargé de la Prévention des risques naturels et technologiques majeurs. Perrier sera vice-président de l'Institut des risques majeurs (1988-1994) et président du « Pôle grenoblois risques naturels » (1995-2002), deux entités créées dans le cadre de cette opération.

Références

  1. « Perrier, Guy », sur catalogue.bnf.fr (consulté le ).
  2. Maurice Recq, « Souvenirs », sur anciensdegarchy.free.fr (consulté le ).
  3. Henri Closs et Yvonne Labrouste (dir.), Recherches séismologiques dans les Alpes occidentales au moyen de grandes explosions en 1956, 1958 et 1960, Paris, C.N.R.S., coll. « Mémoire collectif Année géophysique internationale / III » (no 2), , 240 p.
  4. Yvonne Henri Labrouste, Paul Baltenberger, Guy Perrier et Maurice Recq, « Courbes d'égale profondeur de la discontinuité de Mohorovičić dans le Sud-Est de la France », C. R. Acad. Sci. Paris, série D, t. 266,‎ , p. 663-665 (lire en ligne).
  5. Bertrand Potin, Les Alpes occidentales : tomographie, localisation de séismes et topographie du Moho (Thèse), Grenoble, Université Grenoble Alpes, , 239 p. (lire en ligne), p. 181.
  6. Guy Perrier, « Les promesses du Massif central », La Recherche, no 56,‎ , p. 471-474.
  7. « Guy Perrier », sur Mathematics Genealogy Project (consulté le ).
  8. Institut de France : Académie des sciences, « La grande médaille et les grands prix de l'Académie des sciences 2013 » [PDF], sur academie-sciences.fr, et (consulté le ), p. 103.
  9. « Guy Perrier distingué par l'Académie des sciences », sur Institut des sciences de la Terre, (consulté le ).
  10. Gérard Grau et Jean-Pierre Legrand, « Histoire du C.N.F.G.G. », sur Comité national français de géodésie et géophysique, (consulté le ).
  11. Haroun Tazieff, « La controverse autour de la Soufrière », La Recherche, vol. 7, no 73,‎ , p. 1067-1068 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
  12. Frédéric Lavachery, Un volcan nommé Haroun Tazieff, Paris, L'Archipel (lire en ligne), Chap. 3 : Service des urgences ou médecine de catastrophe ?
  13. Pierre Sorgue, « Isère : le VAN de Tazieff ébranle le monde scientifique », Libération,‎ .
  14. Christian Kert, « La prévision des séismes est-elle possible ? », sur assemblee-nationale.fr, Les techniques de prévision et de prévention des risques naturels : séismes et mouvements de terrain, (consulté le ), § 3-3-4 La recherche en France.
  15. André Veyret, « Près de 200 séismes en moins de cinq ans dans les Alpes ! Mais notre région semble à l'abri des fortes secousses », Le Dauphiné Libéré,‎ .
  16. « Décret du 14 novembre 2002 portant promotion et nomination », sur legifrance.gouv.fr (consulté le ).
  17. « Décret du 25 juillet 1996 portant promotion et nomination dans l'ordre des Palmes académiques », B. O. des décor., médailles et récomp., no 10,‎ , p. 239 (lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Portail des sciences de la Terre et de l’Univers
  • Portail de la géodésie et de la géophysique
  • Portail des risques majeurs
  • Portail du Massif central
  • Portail de Grenoble et de sa métropole