Greffe d'utérus

La greffe d'utérus est une intervention chirurgicale consistant à transplanter un utérus sain chez une femme dont l'utérus est absent (absence congénitale d'utérus ou syndrome de Rokitansky-Küster-Hauser[1]) ou dysfonctionnel (cancer, chirurgie).

Explications

Dans le cadre de la reproduction sexuée des mammifères, un utérus « malade » ou absent ne permet pas la nidation, provoquant l'infertilité de la femme. La greffe d'utérus est un traitement possible pour cette forme d'infertilité.

Historique

La toute première tentative a lieu en 1931 en Allemagne, sur Lili Elbe, une femme trans. Elle décède trois mois plus tard des suites de complications.

La tentative suivante a lieu en 2000 en Arabie Saoudite, sur une femme de 26 ans, qui avait perdu son utérus à la suite d'un accouchement, mais doit lui être retiré après 99 jours[2]. Cette greffe a néanmoins permis à la receveuse d'avoir deux cycles menstruels avant que des complications se révèlent, ce qui crée un débat sur la réussite limitée ou non de cette greffe.

Une autre tentative a lieu en Turquie en [3]. Née sans utérus, la receveuse de 21 ans est la première à recevoir une greffe d'une donneuse décédée. Elle a des cycles menstruels après la greffe, qui semble être un succès[4]. Le , les médecins annonce qu'elle est enceinte[5],[6], mais la grossesse doit être interrompue au bout de 8 semaines.

D'autres greffes ont eu lieu par la suite, avec des donneuses vivantes ménopausées[7].

Parmi celles-ci, en 2014 à Göteborg, les équipes du professeur Mats Brännström ont permis à une femme souffrant d'une absence congénitale d'utérus de mettre au monde un bébé avec l'utérus provenant d'une femme ménopausée et l'implantation d'embryons issus de la fécondation de ses ovules par les spermatozoïdes de son conjoint[8],[9].

La première transplantation d'utérus, avec donneuse décédée, ayant conduit à une grossesse menée à terme, a été publiée par une équipe brésilienne en 2018[10]. En 2019, chez les femmes cisgenres, plus de 42 procédures UTx avaient été effectuées, avec 12 naissances vivantes résultant de la transplantation d'utérus au moment de la publication[11]. La Société internationale de transplantation utérine (ISUTx) a été créée à l'échelle internationale en 2016, avec 70 médecins cliniciens et scientifiques, et compte actuellement 140 délégués intercontinentaux[12]. Son objectif est de, « grâce à des innovations scientifiques, faire progresser les soins médicaux dans le domaine de la transplantation d'utérus »[13].

En 2012, l'Université McGill a publié les « Critères de Montréal pour la faisabilité éthique de la transplantation utérine », un ensemble de critères proposés pour la réalisation de transplantations utérines, dans Transplant International[14]. Selon ces critères, seule une femme cisgenre pourrait être considérée comme une receveuse d'un point de vue éthique. L'exclusion des femmes trans de la candidature peut manquer de justification[15].

Fin 2022, environ 80 greffes d'utérus ont été réalisées dans le monde[16]. Aux États-Unis, 33 greffes utérines ont conduit à la naissance de 21 enfants[17].

En France

En France, la première greffe a eu lieu en 2019 par les équipes du professeur Jean-Marc Ayoubi de l'hôpital Foch et l'UFR de Santé Simone Veil[18],[19]. Cette greffe a permis la naissance d’un enfant le 12 février 2021[20], puis permet une seconde naissance le 17 février 2023[21].

Une seconde greffe a été réalisée avec succès le 19 octobre 2022 par la même équipe. La patiente était atteinte du syndrome de Rokitansky, née sans utérus, qui concerne une naissance féminine sur 4000[22].

Prélèvements

L'utilisation d'un donneur vivant est limité par les possibilités (essentiellement membre de la famille, ménopausée).

L'utérus est un organe résistant à l'ischémie froide (situation de l'organe prélevé et réfrigéré) avec une durée de conservation théorique (modèle animal) pouvant atteindre 24 h[23].

Lien interne

Notes et références

  1. Pauline Fréour, « La greffe, espoir des femmes nées sans utérus », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  2. Fageeh W, Raffa H, Jabbad H, Marzouki A, Transplantation of the human uterus, Int J Gynaecol Obstet, 2002;76:245–251
  3. (en) « Turkish woman has world's first womb transplant », sur timesofmalta.com, (consulté le )
  4. Ozkan O, Akar ME, Ozkan O et al. Preliminary results of the first human uterus transplantation from a multiorgan donor, Fertil Steril, 2013;99:470-6
  5. (en) « Womb Transplant Recipient Derya Sert Pregnant », sur www.news.com.au,
  6. Erman Akar M, Ozkan O, Aydinuraz B et al. Clinical pregnancy after uterus transplantation, Fertil Steril, 2013;100:1358–1363
  7. Brannstrom M, Johannesson L, Dahm-Kahler P et al. First clinical uterus transplantation trial: a six-month report, Fertil Steril, 2014;101:1228–1236
  8. (en) Mats Brännström, Liza Johannesson, Hans Bokström, Niclas Kvarnström, Johan Mölne, Pernilla Dahm-Kähler, Anders Enskog, Milan Milenkovic, Jana Ekberg, Cesar Diaz-Garcia, Markus Gäbel, Ash Hanafy, Henrik Hagberg, Michael Olausson, Lars Nilsson, « Livebirth after uterus transplantation », Lancet, vol. 385,‎ , p. 607-616 (DOI 10.1016/S0140-6736(14)61728-1, résumé)
  9. « Un bébé naît grâce à un utérus greffé provenant d'une donneuse décédée », sur Futura (consulté le ).
  10. Ejzenberg D, Andraus W, Baratelli Carelli Mendes LR et al. Livebirth after uterus transplantation from a deceased donor in a recipient with uterine infertility, Lancet, 2018;392:2697-2704
  11. « Uterine transplantation in transgender women », BJOG, vol. 126, no 2,‎ , p. 152–156 (PMID 30125449, PMCID 6492192, DOI 10.1111/1471-0528.15438)
  12. « History of ISUTx », International Society for Uterus Transplantation (ISUTx)
  13. « About - 'Vision' », International Society for Uterus Transplantation (ISUTx)
  14. « The Montreal Criteria for the Ethical Feasibility of Uterine Transplantation », Transplant International, vol. 25, no 4,‎ , p. 439–47 (PMID 22356169, DOI 10.1111/j.1432-2277.2012.01438.x)
  15. « Ethical considerations in the era of the uterine transplant: an update of the Montreal Criteria for the Ethical Feasibility of Uterine Transplantation », Fertility and Sterility, vol. 100, no 4,‎ , p. 924–6 (PMID 23768985, DOI 10.1016/j.fertnstert.2013.05.026) :

    « However, it certainly bears mentioning that there does not seem to be a prima facie ethical reason to reject the idea of performing uterine transplant on a male or trans patient. A male or trans patient wishing to gestate a child does not have a lesser claim to that desire than their female counterparts. The principle of autonomy is not sex-specific. This right is not absolute, but it is not the business of medicine to decide what is unreasonable to request for a person of sound mind, except as it relates to medical and surgical risk, as well as to distribution of resources. A male who identifies as a woman, for example, arguably has UFI, no functionally different from a woman who is born female with UFI. Irrespective of the surgical challenges involved, such a person's right to self-governance of her reproductive potential ought to be equal to her genetically female peers and should be respected. »

  16. « Une seconde greffe d'utérus en France et une seconde grossesse pour la première greffée », sur LEFIGARO, (consulté le )
  17. Johannesson L, Richards E, Reddy V et al. The first 5 years of uterus transplant in the US: a report from the United States Uterus Transplant Consortium, JAMA Surg, 2022;157:790-797
  18. [1] sur le site de Paris Match
  19. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2468784718303520
  20. Le Monde avec AFP, « Naissance du premier enfant par greffe d’utérus en France », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. pourquoidocteur.fr, « Première greffe d’utérus en France : un deuxième enfant est né », sur www.pourquoidocteur.fr, (consulté le )
  22. « Santé. Une 2e greffe d'utérus en France et une 2e grossesse pour la 1ère greffée », sur www.ledauphine.com (consulté le )
  23. Tricard J, Ponsonnard S, Tholance Y et al. Uterus tolerance to extended cold ischemic storage after auto-transplantation in ewes, Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol, 2017;214:162-167
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