Lathyrus sativus
Lathyrus sativus, la Gesse ou Gesse commune, Pois carré ou Lentille d'Espagne, est une espèce de plantes à fleurs de la famille des Fabaceae. C'est une plante annuelle spontanée dans le Bassin méditerranéen, connue pour ses graines également appelées gesses ou pois carrés.
Ses graines sont des légumes secs consommés depuis le début du néolithique en Europe du Sud, en Inde du nord et dans la corne de l'Afrique. On estime à 1 million d'hectares[1] la surface ensemencée en gesse actuellement. L'Éthiopie (guaya) est un producteur significatif, la culture se rencontre encore bien que rarement en Italie, en Espagne et au Portugal.
Une consommation excessive de gesses peut entraîner une pathologie grave, le lathyrisme.
Étymologie
Le nom générique, « Lathyrus », est un terme latin, lui-même emprunté au grec ancien λάθυρος (lathyros), qui désignait chez les Romains une plante, la jarosse ou pois carré, assimilée à la gesse cultivée[2],[3].
L'épithète spécifique, « sativus » est un adjectif latin signifiant « cultivé »[4].
Description
Lathyrus sativus est une plante annuelle de 30-60 cm de hauteur avec une forte racine.
Elle produit des gousses de 30-35 mm qui contiennent des graines appelées également gesses.
Leurs tiges sont couchées ou grimpantes, et mesurent 15 à 60, rarement 100 cm de long. Elles sont fortement ramifiées, s'étalant de 0,5 à 1,5 m de large. Les pétioles sont largement ailés (1 à 2,5 mm). Les folioles mesurent de 2,5 à 15 cm de long, de 3 à 7 mm de large, et sont au moins 3 fois plus longs que larges. Leur forme est linéaire-lancéolée à elliptique, ils ont 5 à 7 nervures longitudinales minces distinctes. Les stipules mesurent de 10 à 20 mm de long et de 2 à 5 mm de large.
Le nombre de chromosomes est 2n = 14
Culture
Lathyrus sativus pousse mieux à des températures moyennes situées entre 10 et 25 °C avec une pluviométrie moyenne de 400–650 mm par an. Comme légumineuse, Lathyrus sativus fixe l'azote atmosphérique ce qui enrichit le sol.
Sa culture peut survivre à la sécheresse ou à des inondations, mais elle pousse mieux dans les sols humides ; elle est peu sensible aux maladies et aux ravageurs[5].
Lathyrus sativus tolère une gamme de types de sols acides, neutres ou alcalins allant du sable limoneux à l'argile compacte. Elle ne tolère pas l'ombre.
La masse de 1 000 pois est d’environ 170 g ; la densité moyenne de semis est habituellement de 50 kg/ha pour une culture pure[6]. On sème les graines à la volée ou en sillons après les avoir éventuellement fait tremper dans l’eau pendant une nuit. Des densités de 200 000–250 000 plantes/ha sont courantes.
Culture intermédiaire
La gesse peut être utilisée dans la rotation culturale comme culture dérobée, engrais vert ou couvert vivant ; sa destruction est aisée. Elle est cultivée par exemple avant la culture du riz ou en alternance avec une culture de riz et plus généralement avant toute culture céréalière, oléagineuse et betteravière[6].
L'azote fixé par Lathyrus sativus entraîne des rendements satisfaisants pour la culture elle-même et contribue à ceux de la culture suivante[6]. Sa culture s'intègre bien dans un système agricole durable.
Composition et extraction
Les informations nutritionnelles de Lathyrus sativus pour 100 grammes sont : énergie 362,3 calories ; glucide 51,8 % ; protéines 31,6 % ; lipide 2,7 % ; fibre 1,1 % ; cendre 2,2 %[7].
| Acide aminés
(% matière sèche) |
Lathyrus Sativus |
|---|---|
| Leucine | 6,63 |
| Isoleucine | 3,71 |
| Lysine | 6,70 |
| Threonine | 3,83 |
| Thryptophane | 0,72 |
| Valine | 4,28 |
| Tyrosine | 2,79 |
| Phenylalanine | 4,18 |
| Methionine | 0,83 |
| Cystine | 1,72 |
| Arginine | 7,72 |
| Alanine | 4,67 |
| Acide Aspartique | 11,89 |
| Acide Glutamique | 17,16 |
| Histidine | 2,88 |
| Serine | 4,73 |
Il est possible d'extraire les protéines de cette légumineuse par voie sèche et/ ou voie humide. L'extraction de protéines par voie sèche est simple. D’abord, on fait rentrer dans un premier broyeur les pois qui auront été préalablement trempés, nettoyés et chauffés afin qu’ils soient débarrassés de leurs téguments et des micro-organismes. On obtient une farine brute qui va passer dans un premier sélecteur à courant d’air ce qui va permettre la séparation des petites farines (riche en protéines). La plus grosse farine va être recyclée dans un second broyeur. On obtiendra de nouveau deux fractions, la farine la plus fine va passer dans un deuxième sélecteur à courant d'air. Ainsi on obtient une première fraction riche en protéines (farine fine enrichie en protéines) et une autre fraction amylacée (avec un taux plus faible en protéines). Ce procédé économique permet de garder toutes les qualités intrinsèques de la gesse, et n'en affecte ni la composition nutritionnelle ni les propriétés fonctionnelles. La farine de légumineuse pourra être utilisée et couplée à la farine de blé afin d’enrichir les aliments en protéines (pains, crêpes, scones etc.). La fraction amylacée sera réservée à l'alimentation animale[9].
Alimentation
Ces gesses sont un des plus anciens légumes secs consommés par les humains ou qui ont été utilisés comme fourrage.
La domestication aurait eu lieu en Anatolie, semble-t-il, et elle a débouché sur de nombreuses variétés à grain petit ou gros, de différentes formes et couleurs et à fleurs blanches ou violettes. La culture en est facile, la plante est peu exigeante sur la nature du sol, elle a de faibles besoins en eau et en fertilisant. Elle est donc de tous temps attachée à la pauvreté et n'a pas fait l'objet d'une amélioration. En revanche, elle est riche en protéines, acides gras insaturés et en anti-oxydants. Elle se consomme verte, comme un petit pois ou bien sèche, en farine, sous forme de purée. La culture est un peu pratiquée en Italie (cicerchia), en Espagne (alverjón dont on fait de la farine qui sert à confectionner les gachas ou purée), au Portugal (chícharos), dans ces deux derniers pays elle est également nommée almorta.
Une publication de l'université de Naples parue en 2012 donne une analyse nutritionnelle complète des gesses produites dans le district de Valle Agricola, elle conclut que la gesse est une ressource alimentaire attrayante[réf. nécessaire]. D'autres études mentionnent son intérêt pour les zones méditerranéennes arides comme au Liban à condition de résoudre les problèmes de toxicité[5].
Toxicité
La gesse contient un neurotoxique, l'acide oxalyldiaminopropionique (ODAP), un acide aminé qui provoque une paralysie douloureuse et irréversible des jambes accompagnée de tremblements, d'incontinence, le lathyrisme, en cas de forte consommation (plus de 30 % de l'alimentation)[5]. Les symptômes apparaissent environ 3 mois après le début de la forte consommation, le diagnostic est délicat, l’apparition pouvant être lente et évoquer la sclérose en plaques. Le lathyrisme est une pathologie étroitement liée à la pauvreté dans les zones rurales ; de fait la consommation de gesse était généralement réservée aux populations pauvres[10]. Les autorités sanitaires espagnoles ont interdit la récolte et la consommation de gesses en 1944, elle est à nouveau autorisée depuis 2011 comme aliment traditionnel consommé épisodiquement et sous réserve que les gesses ne contiennent pas plus de 0,15 % de βODAP. Le niveau de βODAP est réduit par le trempage et la cuisson dans l'eau bouillante, Désiré Bois écrit que la cuisson complète de la farine de gesse peut empêcher le lathyrisme.[citation nécessaire]
Depuis les années 2000, diverses recherches sont conduites pour améliorer la gesse et en réduire le niveau de βODAP, et pour comprendre le mécanisme d'adaptation à la sécheresse de la gesse. Une publication parue dans Russian Journal of Genetics 48, numéro 2 (2012) laisse penser que des mutants homogènes sont sur le point d'être sélectionnés, les ressources du génie génétique devraient permettre d'aboutir rapidement, les facteurs affectant le contenu en β-ODAP ont été décrits en 2011 par des universitaires chinois[11], le principal est le stress hydrique.
En effet, la gesse cultivée est maintenant considérée comme une plante d'avenir, elle peut être produite dans des conditions climatiques moins exigeantes que les céréales. Des essais sont réalisés pour incorporer la farine de gesse dans le pain [12].
En l'absence de certitudes sur des variétés nouvelles pauvres en ODAP la gesse doit être utilisée avec prudence en alimentation animale[6].
Références
- ↑ Grass pea (Lathyrus sativus): Is there a case for further crop improvement? R. J. Hillocks and M. N. Maruthi, Euphytica, 2012, Volume 186, Number 3, Pages 647-654]
- ↑ François Couplan, Les plantes et leurs noms. Histoires insolites, éditions Quae, , p. 67.
- ↑ Jacques André, Les noms des plantes dans la Rome antique, Les Belles Lettres, , 332 p. (ISBN 978-2-251-32881-2), p. 139.
- ↑ Gaffiot
- Dalel Abdi, Ph. D., « La gesse : une légumineuse prometteuse? », sur Conseil québecqois des plantes fourragères, (consulté le )
- « Les fiches couverts-La gesse cultivée », sur ARVALIS (consulté le )
- ↑ (en) Clayton Garnet Campbell, Grass Pea, Lathyrus Sativus L., Bioversity International, (ISBN 978-92-9043-341-5, lire en ligne)
- ↑ « Induced Mutation in Grasspea (Lathyrus sativus L.) », dans Breeding of Neglected and Under-Utilized Crops, Spices, and Herbs, CRC Press, (lire en ligne), p. 47–58
- ↑ D. Lorient, B. Closs et J. L. Courthaudon, « Connaissances nouvelles sur les propriétés fonctionnelles des protéines du lait et des dérivés », Le Lait, vol. 71, no 2, , p. 141–171 (ISSN 0023-7302, DOI 10.1051/lait:1991212, lire en ligne, consulté le )
- ↑ Jean Guillaume, Ils ont domestiqué plantes et animaux : Prélude à la civilisation, Versailles, Éditions Quæ, , 456 p. (ISBN 978-2-7592-0892-0, lire en ligne), chap. 7, p. 294.
- ↑ Factors affecting β-ODAP content in Lathyrus sativus and their possible physiological mechanisms, C.-J. Jiaoa, b, J.-L. Jianga, L.-M. Kea, W. Chenga, F.-M. Lia, Z.-X. Lia, C.-Y. Wanga
- ↑ Application of Grasspea Wholemeal in the Technology of White Bread Production, Journal Polish Journal of Food and Nutrition Sciences
Voir aussi
Bibliographie
- (en) Australian Journal of Crop Science 6(1):149-156 (2012) : Nutritional values and radical scavenging capacities of grass pea (Lathyrus sativus L.) seeds in Valle Agricola district, Italy - chargement du pdf
- (en) Bioversity International : Texte en anglais "Grass pea. Lathyrus sativus L." 59 pages de texte par International Plant Genetic Resources Institute (IPGRI) et The Institute of Plant Genetics and Crop Plant Research (IPK)
- (es) Histoire de la gesse ou du poison venu après la guerre civile, excellent texte en espagnol dans le site historia de la cocina
- (es) Rapport de l'Agence de sécurité alimentaire espagnole : Informe del Comité Científico de la Agencia Española de Seguridad Alimentaria y Nutrición (AESAN) sobre el consumo humano ocasional de almortas (Lathyrus sativus) - chargement du pdf
Article connexe
Liens externes
- (fr + en) ITIS : Lathyrus sativus
- (fr) Tela Botanica (France métro) : Lathyrus sativus L.
- (fr) INPN : Lathyrus sativus L., 1753 (TAXREF)
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