Ganivelle
Une ganivelle, également appelée « barrière girondine », est une clôture formée par l'assemblage de lattes de bois (habituellement du châtaignier ou parfois du noisetier calibré en 45 mm de large et 13 d'épaisseur) : les lattes sont verticales, taillées en pointe d'un côté, séparées les unes des autres par un espace dont la largeur détermine la « perméabilité » de la barrière, et assemblées par des tours de fils de fer galvanisé. Traditionnellement, il s'agit de châtaignier refendu manuellement, ce qui assure une bien meilleure durabilité que des lattes sciées. De par leur conception, elles s'adaptent bien aux déclivités et aux sols modérément irréguliers (légères ondulations)[1].
Utilisation, fonctions
La mise en place d'une ganivelle à perméabilité de 50 %, utilisée comme brise-vent dans les dunes, suffit à provoquer une forte diminution de la vitesse du vent qui la traverse, et par la suite la chute de matières transportées (sable, certaines feuilles mortes…). Ceci lui confère une remarquable utilité dans les actions de lutte contre la « déflation éolienne », et pour la restauration écologique ou la reconstitution physique ou de protection des dunes littorales[1].
Dans ce cas, la ganivelle est généralement utilisée en succession d'alignements, et/ou en formant des « casiers » de ganivelles, parfois en association avec des plantations d'oyat pour renforcer et accélérer la stabilisation dunaire, ou en association avec des carex ou fétuques si le milieu est trop humide ou moins sableux[1].
Afin de favoriser l'accrétion sédimentaire et de consolider la charge de sable ainsi créée, il est également possible d'ajouter au sein des casiers de ganivelles des branchages, des filets ou bien des grilles.
La pose de ganivelle fait partie des aménagements « doux » et dits « proches de la nature » ; une expérimentations faite dans le Morbihan (Bretagne-Sud, France) lancée en 2014 utilise des casiers faits de ganivelle et pouvant être remplis d'algues (ex. : algue Solieria chordalis récoltée lors d'échouages locaux et périodique)[2]. Ce système permet une lente décomposition des algues in situ, sans qu'elles soient remportées par une marée, à la manière des laisses de mer déposées en cordon au pied de dune à marée haute. Cette décomposition produit un compost d'algues qui pourrait accélérer et/ou renforcer la colonisation de la dune par les tissus racinaires d'oyats et d'autres espèces dunaires en stabilisant l'avant-dune qui résiste alors mieux aux assauts des grandes marées et tempêtes[2].
Le terme "ganivelle" désigne aussi communément diverses clôtures, notamment pour esquisser des séparations dans les parcs et jardins. Des pieux en bois résistant, suffisamment épais, plantés au tiers de leur longueur et répartis à distance régulière, forment l'armature d'une barrière, ou a défaut une délimitation visible, plus ou moins dense et efficace, selon le souhait du jardinier. Les marchands de bois du bassin ligérien ou du Centre de la France appelaient "ganivelle" le bois débité en merrain qui n'avait point la dimension requise, soit 10 cm de largeur, pour être vendu au tonnelier afin de confectionner un tonneau. Ils distinguaient encore la "grande ganivelle" qui sert à fabriquer les poinçons de la "petite ganivelle" qui ne peut servir qu'à la fabrication des demis et des quarts (poinçons)[3]. Les ports de la Loire et de l'Allier, qui débitaient les bois des massifs forestiers centraux du Royaume distinguaient aussi le "grand bois" ou proprement dit "merrain" de la "grande et petite ganivelle"[4]. De façon assez imprécise, tout en citant des écrits de l'administration forestière, le dictionnaire Littré présente le substantif féminin "ganivelle" comme une "douve pour tonneau dont la largeur est réduite", tout en la qualifiant de rebut[5]. Il est probable que l'usage d'alignement de petits pieux de clôture, formé de ce matériaux dur et de rebut peu onéreux qu'est la ganivelle, ait été généralisé par les jardiniers dans les parcs et jardins, pour délimiter espaces à protéger et massifs fleuris[6].
Les ganivelles permettent éventuellement, dans le cas d'espaces ouverts et vastes, en même temps une gestion des déplacements autorisées d'animaux domestiques ou d'humains, par exemple adultes ou enfants par exemple autour d'une mare, d'un fossé, d'une zone naturelle humide ou fragile)[1]. Des effets similaires peuvent être obtenus avec des filets pour un coût linéaire apparemment moins couteux, mais les retours d'expérience du Conservatoire du littoral en France) montrent que la durée de vie d'une ganivelle est bien plus longue, ce qui la rend plus rentable et efficace à long terme[1].
La ganivelle peut aussi être utilisée comme barrière à neige dans les régions enneigées. Elle permet de protéger les routes et chemins en créant une retenue de la neige poussée par le vent.
Signification régionale
Au XVIIIe siècle en Île-de-France, une ganivelle désignait aussi, par analogie, une maison champêtre au toit recouvert d'une ganivelle, détournée de sa fonction initiale, au lieu du chaume habituel.
Dans l'ouest de la France, le mot ganivelle est aussi utilisé pour décrire les barrières Vauban.
En Auvergne, où l’on emploie tant le terme « ganivelle » que le nom composé « porche-ganivelle », il désigne le porche d'une église, comme à Auzon, Nonette ou Ronzières[7].
Notes et références
- Bernard Hallégouët et Jean-Claude Bodéré, « La gestion des dunes littorales dans le Finistère », sur Norois, (ISSN 0029-182X, DOI 10.3406/noroi.1986.4350, consulté le ), p. 517–535.
- Mouncef Sedrati et Julia Cochet, « AlgoBox ® : Un outil écologique pour la régénération des pieds de dunes grâce aux échouages de macro-algues », Conférence Méditerranéenne Côtière et Maritime, , p. 4 (DOI 10.5150/cmcm.2015.017, lire en ligne, consulté le ).
- ↑ Marcel Lachiver, Dictionnaire du monde rural, les mots du passé, Fayard, 1997, 1766 pages. En particulier entrée "ganivelle" page 848 et "merrain" page 1122-1123. Marcel Lachiver rapporte qu'en Vendômois, la ganivelle n'est qu'un merrain de qualité inférieure que les marchands de bois donnent en ramandot (à titre grâcieux ou en complément d'achat) au tonnelier. Rappelons que le merrain est ici un bois fendu en planche de chêne ou châtaignier, propre à différents usages, en particulier pour fabriquer douves et fonds de tonneaux.
- ↑ La ganivelle avait moins de trois pouces sept lignes de largeur, soit moins de 10 cm de largeur réglementaire, tout en ayant une longueur minimale de 2 pieds sept pouces. La grande ganivelle avait une longueur supérieure à 83 cm, ce qui permettait de l'employer en mélange avec le "grand bois", pour la fabrication de poinçons. La petite ganivelle, autrefois appelé "bois de quart", ne servait qu'à confectionner les demis poinçons et les quarts. Rappelons que le "grand bois" avait une largeur d'au moins dix centimètres et une longueur suffisante pour fabriquer les douves et fonds de tonneau (pièce de 220 litres).
- ↑ Emile Littré, Dictionnaire de la langue française, supplément entrée ganivelle page 170. Voici sa courte définition in extenso : Douve pour tonneau, dite aussi rebut, dont la largeur est réduite, selon Nanquette, Exploitation débit et estimation des bois, Nancy, 1868, p. 93. Blois : Fonds rebuts ou ganivelles, longueur > 0,83 m, largeur 0,055, selon Annuaire des Eaux et Forêts, 1873, p. 24. Allier : Ganivelles grandes… longueur > 0,83 m, largeur 0,055 m. Ganivelles petites, longueur 0,67, largeur 0,070, ibidem p. 25. Ce nom de ganivelle est donné, dans l'Indre, au merrain pour les petits tonneaux, d'après les Primes d'honneur, Paris, 1873, p. 227.
- ↑ Cette assertion expliquant le glissement sémantique récent rendrait en partie caduques les interprétations directes formées sur l'occitan "ganivet" (couteau) ou sur les racines "canif", "canal" ou "caniveau".
- ↑ Georges de Bussac, Issoire : son église, ses environs…, Clermont-Ferrand, auto-édition Georges de Bussac, coll. « Le Touriste en Auvergne » (no 20), (lire en ligne).
Voir aussi
Articles connexes
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