Formule de Feynman-Kac
La formule de Feynman-Kac, nommée d'après Richard Feynman et Mark Kac, établit un lien entre les équations aux dérivées partielles paraboliques et les processus stochastiques . En 1947, alors que Kac et Feynman étaient tous deux professeurs à l'université Cornell, Kac assiste à une présentation de la formule de Feynman et remarque qu'ils travaillaient tous deux sur le même sujet sous des angles différents[1]. La formule de Feynman-Kac est le résultat de leur collaboration et démontre rigoureusement le cas à valeurs réelles des intégrales de chemin de Feynman. Le cas complexe, qui se produit lorsque le spin d'une particule est inclus, reste une question ouverte[2].
Elle offre une méthode de résolution de certaines équations aux dérivées partielles en simulant les trajectoires aléatoires d'un processus stochastique. Inversement, une classe importante d'espérances de processus aléatoires peut être calculée par des méthodes déterministes.
Théorème
On considère l'équation aux dérivées partielles
définie pour tous et , munie de la condition finale
où sont des fonctions connues, est un paramètre, et est l'inconnue. La formule de Feynman-Kac exprime alors comme une espérance conditionnelle sous la mesure de probabilité
où est un processus d'Itô satisfaisant
et sont des fonctions définies telles que
où peut être remplacé par ou selon le cas, et un processus de Wiener (également appelé mouvement brownien ) sous .
Interprétation intuitive
On suppose que la position d'une particule évolue selon le processus de diffusion
On laisse la particule supporter un « coût » à un taux de à l'emplacement à l'époque et qu'elle supporte un coût final à .
On suppose également la particule se désintègre. Plus précisément, la particule existe à l'emplacement au temps , puis sa probabilité d'existence décroît avec le taux Une fois la particule désintégrée, tout coût futur est nul.
Alors est le coût attendu, si la particule commence à
Preuve partielle
La démonstration que la formule ci-dessus est une solution de l'équation différentielle est longue et complexe, et n'est pas présentée ici. Il est cependant relativement simple de démontrer que, si une solution existe, elle doit avoir la forme ci-dessus. La démonstration de ce résultat mineur est la suivante :
Dérivation de la formule de Feynman-Kac
On montre que la solution de la formule de Feynman-Kac satisfait l'EDP :
On note . Sa différentielle satisfait :
On définit le processus :
Aux temps limites, on a :
Si est une martingale, alors on a
Il reste ainsi simplement à prouver que est une martingale. On suppose suit l'équation différentielle stochastique
Par le lemme d'Itô :
On différencie :
Or, en développant :
En substituant et :
On rajoute le terme intégral :
Pour que soit une martingale, le terme de dérivée doit disparaître, soit :
Remarques sur la dérivation
- La démonstration supra qu'une solution doit avoir la forme donnée vient de [3] avec des modifications pour .
- La formule de l'espérance est aussi valide pour des processus d'Itô en dimension N. L'EDP pour devient alors[4]: où, i.e. , où désigne la transposée de .
- Plus succinctement, pour un générateur infinitésimal du processus de diffusion,
- Cette espérance peut être approchée par des méthodes de Monte Carlo ou de quasi-Monte-Carlo.
- Quand elle a été originellement publiée par Kac en 1949[5], la formule de Feynman-Kac a été présentée comme une formule de détermination de distributions de certaines fonctionnes de Wiener. On suppose qu'on veut trouver l'espérance de la fonction dans le cas où x(τ) est une certaine réalisation d'un processus de diffusion avec condition initiale x(0) = 0. La formule de Feynman-Kac établit que cette espérance est équivalente à l'intégrale d'une solution d'une équation de diffusion. Plus précisément, en supposant , ave w(x, 0) = δ(x) et
La formule de Feynman-Kac peut également être interprétée comme une méthode d'évaluation des intégrales fonctionnelles d'une certaine forme. Si où l'intégrale est prise sur toutes les marches aléatoires, alors où w(x, t) est une solution de l' équation aux dérivées partielles parabolique avec la condition initiale w(x, 0) = f(x) .
Exemple
Dans les applications pratiques, la formule de Feynman-Kac peut être utilisée avec des méthodes numériques comme celle d'Euler-Maruyama pour approcher numériquement les solutions d'équations aux dérivées partielles. Par exemple, elle peut être appliquée à l'équation aux dérivées partielles (EDP) de convection-diffusion :
On considère l'EDP de convection-diffusion avec des paramètres , et l'état terminal est avec . Alors l'EDP a une solution analytique :
En appliquant la formule de Feynman-Kac, la solution peut également être écrite sous la forme de l'espérance conditionnelle :
où est un processus d'Itô régi par l'EDS et est un processus de Wiener. La méthode d'Euler-Maruyama permet ensuite d'intégrer numériquement l'EDS en temps réel à partir des conditions initiales jusqu'au temps final , donnant des valeurs simulées de . Pour approcher l'espérance dans la méthode de Feynman-Kac, la simulation est répétée fois. On les appelle souvent réalisations. La solution est ensuite estimée par la moyenne de Monte-Carlo.
La figure ci-dessous compare la solution analytique avec l'approximation numérique obtenue en utilisant la méthode d'Euler-Maruyama avec Les graphiques de gauche montrent des tranches verticales du gradient de droite, chaque ligne verticale de la surface correspondant à une courbe colorée à gauche. Bien que la solution numérique présente un certain bruit, elle suit fidèlement la forme de la solution exacte. Augmenter le nombre de simulations ou diminuer du pas de temps d’Euler-Maruyama améliore la précision et réduit la variance de l’approximation.
Cet exemple illustre comment la simulation stochastique, rendue possible par la formule de Feynman-Kac et des méthodes numériques comme celle d'Euler-Maruyama, peut approcher les solutions d'EDP. En pratique, ces approches stochastiques sont particulièrement utiles pour les systèmes de grande dimension ou les géométries complexes, où les méthodes de résolution d'EDP traditionnels entrainent des coûts calcul prohibitifs. L'un des principaux avantages de la méthode basée sur les EDS est son parallélisme naturel : chaque simulation, ou réalisation, peut être calculée indépendamment, ce qui la rend particulièrement adaptée aux environnements de calcul haute performance. Si les simulations stochastiques introduisent de la variance, celle-ci peut être atténuée en augmentant le nombre de réalisations ou en affinant la discrétisation temporelle. Ainsi, les équations différentielles stochastiques offrent une alternative flexible et évolutive aux solveurs d'EDP déterministes, notamment dans les contextes où l'incertitude est intrinsèque ou où la dimensionnalité constitue un obstacle au calcul. Contrairement aux solveurs d'EDP traditionnels, qui nécessitent généralement de résoudre la solution entière sur une grille, cette méthode permet un calcul direct à des points spécifiques de l'espace et du temps. Cette approche ciblée permet de concentrer les ressources informatiques sur les zones d’intérêt, ce qui peut entraîner des gains d’efficacité substantiels.
Applications
Finance
En finance quantitative, la formule de Feynman-Kac est utilisée pour calculer efficacement les solutions de l' équation de Black-Scholes pour évaluer les options sur actions [6] et les prix des obligations zéro-coupon dans les modèles de structure par terme affine .
Par exemple, on considère un prix de stock suivant un mouvement brownien géométrique
où est le taux d'intérêt sans risque et est la volatilité. De façon équivalente, par le lemme d'Itô,On considère maintenant un call d'option européen sur un expirant au temps et de force . A l'expiration, sa valeur est Alors, le prix à risque neutre de l'option, au temps et au prix de stock , est
En injectant la formule de Feynman-Kac, on retrouve l'équation de Black-Scholes :
où
Plus généralement, on considère une option expirant au temps avec une récompense . Le même calcul montre que son prix satisfait
Certaines autres options comme l'option américaine n'ont pas de temps d'expiration fixe. Certaines options ont une valeur à expiration déterminée par les prix de stock passés. Par exemple, une option moyenne a une récompense qui n'est pas déterminée par le prix sous-jacent à expiration mais par le prix sous-jacent moyen sur une période prédéterminée. Pour celles-ci, la formule de Feynman-Kac ne s'applique pas directement.
Mécanique quantique
En chimie quantique, elle est utilisée pour résoudre l' équation de Schrödinger avec la méthode de diffusion pure de Monte Carlo[7].
Voir aussi
- Lemme d'Itô
- Inégalité de Kunita-Watanabe
- théorème de Girsanov
- équation de Kolmogorov à rebours
- Équation directe de Kolmogorov (également connue sous le nom d'équation de Fokker-Planck)
- Mécanique stochastique
Références
- ↑ Mark Kac, Enigmas of Chance: An Autobiography, University of California Press, , 115–16 p. (ISBN 0-520-05986-7, lire en ligne)
- ↑ James Glimm et Arthur Jaffe, Quantum Physics: A Functional Integral Point of View, New York, NY, 2, , 43–44 p. (ISBN 978-0-387-96476-8, DOI 10.1007/978-1-4612-4728-9, lire en ligne)
- ↑ « PDE for Finance »
- ↑ See Huyên Pham, Continuous-time stochastic control and optimisation with financial applications, Springer-Verlag, (ISBN 978-3-642-10044-4)
- ↑ Kac, « On Distributions of Certain Wiener Functionals », Transactions of the American Mathematical Society, vol. 65, no 1, , p. 1–13 (DOI 10.2307/1990512, JSTOR 1990512) This paper is reprinted in Mark Kac: Probability, Number Theory, and Statistical Physics, Selected Papers, Cambridge, Massachusetts, The MIT Press, , 268–280 p. (ISBN 0-262-11067-9)
- ↑ Paolo Brandimarte, Numerical Methods in Finance and Economics: A MATLAB-Based Introduction, John Wiley & Sons, (ISBN 978-1-118-62557-6, lire en ligne), « Chapter 1. Motivation »
- ↑ Caffarel et Claverie, « Development of a pure diffusion quantum Monte Carlo method using a full generalized Feynman–Kac formula. I. Formalism », The Journal of Chemical Physics, vol. 88, no 2, , p. 1088–1099 (DOI 10.1063/1.454227, Bibcode 1988JChPh..88.1088C, lire en ligne)
Lectures complémentaires
- Barry Simon, Functional Integration and Quantum Physics, Academic Press,
- B. C. Hall, Quantum Theory for Mathematicians, Springer,
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