Genre littéraire

Le genre littéraire est un système de classement ambigu des productions littéraires, soit selon leur forme (poème, pièce de théâtre, roman, essai…), soit selon leur sujet ou leur registre (comique, didactique…)[1]. Bien qu'une classification ternaire (roman, poésie, théâtre) perdure historiquement en analyse littéraire en Occident, les sous-catégories et la liste des genres ne sont ni officielles, ni immuables et un genre littéraire peut rencontrer des transgressions.

Concept

Le genre désigne une catégorie d'objets présentant un caractère commun, terme générique s'appliquant à plusieurs domaines, artistiques (cinéma, par exemple) ou non (dans le journalisme, un éditorial se distingue d'autres genres). Classer en genres (même si c'est un artifice) répond à un besoin d'identifier des œuvres[2]. En lettres, on distingue des genres selon diverses approches, théoriques (quand on décide que les tragédies mettent en scène des personnages de haut rang, de pouvoir) ou empiriques (les typologies varient selon l'Histoire et le contexte, et l'Histoire pouvait être un genre littéraire jusqu'au dix-neuvième siècle[3]). Une telle classification se heurte à la contradiction entre usages établis et remise en cause. Dans son Décaméron, Boccace initie la nouvelle à partir d'autres genres comme le lai (poésie) ou le fabliau, les mêlant.

Le genre littéraire, comme l'explique le professeur de lettres Yves Stalloni, présuppose une norme (qui peut être transgressée), un certain nombre (la question est de savoir à partir de combien d'oeuvres on peut constituer un genre, à partir de combien de tragédie à la fin heureuse on peut parler de tragi-comédie, par exemple), et une hiérarchie, culturelle ou idéologique. Il existe aussi des sous catégories, le roman psychologique étant sous-catégorie du roman, à titre d'exemple.

Histoire

Le genre, littéraire comme musical (ce qui est parfois lié avec des poèmes chantés) s'analyse en fonction du contexte culturel d'une population donnée. Le genre artistique, littéraire ou musical, semble exister en Éthiopie où la perception d'une œuvre comme relevant d'un genre ou d'un autre entraîne, pour le public, diverses réactions. Les conditions d'énonciations (à partir des berceuses au Yémen) justifient le choix d'un genre. De même, le slam comme oralité se distingue de la poésie[4].

Pour Oswald Ducrot et Tzvetan Todorov, le problème du genre littéraire est l'un des plus anciens de l'analyse littéraire[5].

La classification de genres littéraires existe en Grèce antique y compris archaïque avec une distinction, par exemple, entre péan et dithyrambe (malgré une certaine juxtaposition). Elle est théorisée par Platon dans son livre III de la République (où il distingue mimésis et diégésis, soit représentation et récit) et par Aristote dans sa Poétique où il examine la tragédie et l'épopée. Les théoriciens latins, repris par les médiévaux, distinguent ce que les contemporains appelleraient davantage registre ou domaine : épique, dramatique et parfois lyrique. Ainsi, Diomède, grammairien latin, fonde sa typologie sur la parole uniquement donnée aux personnages (genre dramatique), uniquement à l'auteur (genre lyrique) ou aux deux (genre dramatique). Cette triade du lyrisme (la poésie), du dramatique (le théâtre), et l'épique (le roman, la narration), est reprise (par Boileau, entre autres) jusqu'au vingtième siècle. Certaines reprises de la triade sont faites à des fins philosophiques, comme dans le romantisme allemand.

De tels genres, relevant de la Poétique, sont le plus souvent cantonnés aux genres versifiés, comme dans l'Art Poétique de Nicolas Boileau (les genres en prose relevant quant à eux de la Rhétorique). Pourtant, les réalités esthétiques défient parfois ces classements : le roman (rejeté par Boileau, et genre mineur) émerge, et au dix-huitième siècle au théâtre le drame défie la division entre comédie et tragédie[3].

Au dix-neuvième siècle, Hugo prône une poétique de mélange des genres dans sa préface de Cromwell. Le romantisme voit être valorisés roman et poésie, peu présents au siècle des Lumières. Hegel associe chaque genre de la triade (dramatique, lyrique et épique) à un moment de l'Histoire (ce qui transparaît dans la préface de Cromwell, où la poésie est associée par Hugo aux temps primitifs)[2].

Le vingtième siècle connaît des tendances opposées : les surréalistes brouillent les frontières et réfutent la notion de genre, alors que les critiques littéraires usent d'une approche linguistique et formelle pour les classer avec rigueur. Tzvetan Todorov, Gérard Genette et Jean-Marie Schaeffer travaillent sur les genres de cette manière[3].

Conceptions contemporaines

Käte Hamburger associe la fiction à la mimésis (représentation).

Inscrire une œuvre dans un genre est une façon de répondre à l'horizon d'attente[2] d'un public donné. Selon la façon dont une œuvre est présentée (roman, autobiographie, comédie, drame…), le lecteur s’en fait une représentation plus ou moins stéréotypée, qui peut cependant être remise en question lors de la lecture. Le genre est donc, avant tout, une convention qui donne un cadre au public et fonctionne comme un modèle d'écriture pour les auteurs. C'est ce que souligne Tzvetan Todorov : « Chaque époque a son propre système de genres, qui est en rapport avec l'idéologie dominante. Une société choisit et codifie les actes qui correspondent au plus près à son idéologie ; c'est pourquoi l'existence de certains genres dans une société, leur absence dans une autre, sont révélatrices de cette idéologie. »[6].

Le genre littéraire, point clef de la théorie littéraire, peut aussi s'analyser en sociologie de la littérature, où la hiérarchie sociale induite par le genre est susceptible d'évolutions[7]. Certains genres et sous-genres (romanesques, par exemple) sont davantage marqués comme populaires, moins prestigieux : la littérature "de genre", imaginaire (SFFF), polar ou thriller, roman sentimental, en constitue un exemple. Ce débat culturel sur le prestige littéraire selon le genre connaît un intérêt en France, lorsque Pierre Lemaitre, auteur de thrillers, reçoit le Prix Goncourt, en 2013. L'écrivain déclare qu'aucun polar ne remporta le Goncourt[8].

Un genre est aussi un premier échange entre l'auteur et le lecteur qui se fait au moyen du paratexte[2]. Le genre est parfois malaisé à définir, le critique allemand Karl Vietor exprimant cette difficulté dans un ouvrage consacré à la question[2]. Les genres sont une classification commode à manier en pédagogie, permettant d'appréhender les caractéristiques des productions littéraires[9], et dans le monde de l'édition.

Liste de genres littéraires

Poétiques

Les genres poétiques présentent une grande variété des formes qui ont évolué avec les siècles. Ils sont pour l'essentiel associés à des conventions techniques et typographiques comme la mise en page des vers ou les différents mètres. Caractérisés par le travail de la forme, ils se singularisent par la musicalité, l'expression des émotions et la force de suggestion (images).

Narratifs

Les genres narratifs sont caractérisés par le récit de l'enchaînement plus ou moins complexe des événements, des péripéties avec la possibilité d'en établir le schéma narratif et de définir le principe général de l'action par le schéma actanciel qui expose les différents rôles présents dans le récit. On peut également définir le statut du narrateur (ou des narrateurs), distinct(s) de l'auteur sauf mention particulière, ainsi que les points de vue narratifs choisis et la structure chronologique de l'œuvre. Polymorphes, les genres narratifs exploitent aussi bien les différents discours (direct, indirect, indirect libre) et la description (cadre spatio-temporel, portraits) que le récit proprement dit (péripéties), le commentaire ou l'expression poétique. Ils se déterminent aussi par leur longueur, leur rapport au réel et au fictionnel ainsi que par leur objet comme l'écriture de soi dans l'autobiographie .

Théâtraux

Les genres théâtraux sont marqués par l'oralité et l'éphémère, par la double énonciation et la fonction du comédien et aussi par les données pratiques du spectacle. Ils sont souvent catégorisés en sous-genres plaisants (comédie) ou sérieux (tragédie).

Épistolaires

Les genres épistolaires consistent en correspondance authentique où l'on rencontre aussi bien la confidence que la prise de position, et les lettres fictives, avec le cas particulier du roman par lettres (ex. Les Liaisons dangereuses) délicat à catégoriser.

Argumentatifs

Ils cherchent à convaincre et à séduire en prenant parti avec des stratégies argumentatives variées incluant le traitement des thèses en présence (modalisation), le rapport entre le locuteur et le destinataire comme dans le maniement des arguments et des exemples.

Descriptifs

Le genre est la galerie de portraits. Les Caractères, de La Bruyère, accompagnés d'une visée argumentative, sont classés comme telle.

Graphiques

Dans la bande dessinée, on retrouve les mêmes genres (aussi appelés thèmes) que dans la littérature classique (fantastique, policier, etc.). Par simplicité, on a l'habitude de dire de la bande dessinée franco-belge, du manga ou du comic qui sont des genres de BD (alors, qu'en réalité, ils sont surtout un type et un format de BD).

Il existe néanmoins d'autres genres (narratifs, graphiques) spécifiques à la BD, quel que soit le type ou le format dans lequel l'œuvre est publiée :

Formes brèves

La notion de forme brève est vaste : « une étourdissante diversité » (Alain Montandon, Formes brèves (1992).

Expérimentaux

Formes en ligne

Transgressions et frontières

Notes et références

  1. Anne Souriau (dir.), « Genre », dans Vocabulaire d'esthétique par Étienne Souriau (1892-1979), Paris, PUF, coll. « Quadrige », (1re éd. 1990), 1493 p. (ISBN 9782130573692), p. 829-830 « III. Les genres littéraires ».
  2. Stalloni, Y. (2023). Les genres littéraires. (3e éd.). Armand Colin.
  3. Le dictionnaire du littéraire, Quadrige / PUF, coll. « Quadrige Dicos poche », (ISBN 978-2-13-054342-8)
  4. Micheline Lebarbier, « Claude Calame, Florence Dupont, Bernard Lortat-Jacob, Maria Manca (dir.), La voix actée, pour une nouvelle ethnopoétique », Cahiers de littérature orale [En ligne], 67-68 | 2010, mis en ligne le 01 mars 2013, consulté le 22 août 2025. URL : http://journals.openedition.org/clo/856 ; DOI : https://doi.org/10.4000/clo.856
  5. Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Ed. du Seuil, coll. « Points Série essais », (ISBN 978-2-02-005349-5)
  6. Tzvetan Todorov, Les Formes du discours, cité dans Michel Corvin, Qu'est-ce que la comédie, Paris, Dunod, 1994, p. 4.
  7. Gisèle Sapiro, La sociologie de la littérature, La Découverte, , 128 p. (ISBN 9782348085475)
  8. « Vive la littérature de genre ! », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. Louichon, B. (2014). DENIZOT Nathalie. La scolarisation des genres littéraires (1802-2010) Bruxelles : Peter Lang, 2013, 297 p. Revue française de pédagogie, 186(1), 151-153. https://doi-org.ezproxy.u-paris.fr/10.4000/rfp.4443.
  10. « pauledel.blog.lemonde.fr/2016/… »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?).

Bibliographie

  • Kinds of literature : an introduction to the theory of genres and modes, Alastair Fowler (1982)
  • Fiction et diction, Gérard Genette (1991)
  • Les grands genres littéraires, D.Mortier (2001)
  • Nouvelles tendances en théorie des genres, R. Saint-Gelais (2000)
  • Qu'est ce qu'un genre littéraire ?, J-M Schaeffer (1989)
  • Théorie des genres, Genette et Todorov (1986)
  • Combe Dominique, Les Genres littéraires, Paris, Hachette, 1992.
  • Stistrup-Jensen Mesete et Thérouin Marie-Odile (dir), Frontières des genres. Migrations, transferts, transgressions, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2005.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de la littérature
  • Sciences de l’information et bibliothèques