Famille Ababou

Famille Ababou
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La famille Ababou est une vieille famille[1],[2],[3],[4] originaire de Tamjount dans le Rif central au Maroc (commune de Boured au Maroc de la tribu des Igzennayen) dont les ramifications traditionnelles se retrouvent dans tout le nord du Maroc de Fès jusqu'à l'ouest algérien. Orthographié Aâbabou, Âbabou, Ababou ou plus rarement et en contradiction avec sa prononciation arabe, Hababou, le nom peut se voir accompagner d’un complément indiquant le lieu d’origine de la branche en question (Ababou Lyazrhi, Ababou el Jai, Ababou el Kouch, etc.).

Hypothèses communes sur l’origine du nom

La signification du nom fait l’objet de débats, outre l’hypothèse de déformation linguistique d’un nom de faction Ansari, il pourrait aussi désigner l’onde en arabe (A’bab) ou une espèce de maïs blanc[5] si l’on s’en tient à l’hypothèse d’une origine purement berbère du terme.

D'après la tradition orale, il s’agit avant tout du surnom d’un ancêtre commun dont chaque branche se réclame encore à ce jour. Ababou ne serait donc pas un nom signifiant, d'ailleurs, il existe comme prénom chez certaines peuplades du Tchad[6], trahissant possiblement une origine nomade du Sahara par l’usage d’une vielle racine sémite. L'entrée Ababou dans la grande encyclopédie de référence Maalamat al-Maghrib[7] basée sur le Nassab (généalogie) familial corrobore cette hypothèse en mentionnant une origine sainte, semi-légendaire, du Yémen longtemps restée à Seguia el Hamra[3].

Cette origine donne lieu à deux hypothèses principales. Il pourrait correspondre à une déformation du nom de la faction Beni Maquil Ansari des Ouled Tidrarine : Laaboutate. Les factions saintes Ansar ayant été fréquemment sollicitées par les sultans ou les tribus elles-mêmes au cours de l’histoire marocaine afin d’islamiser ou ré-islamiser certaines contrées reculées du pays comme le Rif central. Toutefois, retracer une origine précise est d’autant plus complexe que se revendiquer d’une ascendance yéménite était une pratique fréquente chez les nobles rifains dès les débuts de l’Islam. C’est le cas, par exemple, des Banu Salih de l’émirat de Nekor ou encore les Beni Ouazir, famille régnante des Beni Wattas, toutes originaires du Rif central et se réclamant d'une origine yéménite, notamment par un Nassab Almoravide. Ces derniers, dont le Rif central a constitué durant des siècles le bastion et le dernier refuge évoluait certes dans l'environnement tribal zénète des Banu Marin mais s'est toujours réclamée d'une ascendance almoravide remontant à Ibn Tashfin, donc yéménite, elle aussi passée par la Seguia el Hamra. D'ailleurs l'une des plus anciennes références au nom de famille, connues à ce jour concerne le saint sidi Mbareck ben Ababou el Kouch (terme désignant les Kouchiques, populations sémites d’Afrique de l’est et du Yémen), enterré à Bab el Guissa à Fès en 1616, sous les Saadiens[8]. Les Almoravides aussi se disaient fils de Kouch[9]. Ce qui appuie la thèse d'une origine wattasside.

À ce jour, le lieu d’origine commune, connu le plus ancien demeure Tamjount de la commune de Boured, ancien fief Ababou au sein de la faction Ahst Assem des Gzenaya dans le Rif central (voir article Mohand ben Messaoud Ababou). Tamjount est désignée comme le lieu d'une ancienne forteresse wattaside, dirigée par les fondateurs de la faction des Asht Assem de Igzennayen du non de Ait (ou Ouled) Ktir[10] qu'une tradition orale locale donne comme ancien nom du fondateur de la famille Ababou. Les Ayt Ktir sont en outre un nom de clan Banu Wattas parfois doté d'un nassab idrisside comme à Fes) et que l'on trouve encore dans les tribus zénètes des Aurès (Liste des tribus chaouies).

La localisation du nom, la tradition orale ainsi que son enracinent dans le Rif central favorisent l'hypothèse d'une origine Bni Ouazir, clan régnant des Wattasides mais l'absence de documents l'attestant formellement et ce malgré l'accumulation d'indices concordants, ne permet pas pour autant d'exclure définitivement l'hypothèse Ansar.

La famille

On retrouve trace de cette famille chez les Igzennayen et dans la tribu Jbabla el Jai dès le début du dix-neuvième siècle (conflit de faction au sein de la branche rifaine)[11]. Mais plus généralement sa distribution avant l’indépendance suit exactement celle tous les foyers d'exilés rifains de la tribu Gzenaya nommés par Coon (Ain Mediouna, Lemta, el Jai, région de Mascara, etc.)[12].

Ainsi, on peut affirmer sans trop de risque que la branche ainée (ou branche mère) est depuis longtemps originaire de Tamjount chez les Gzenaya du Rif central (faction Asht Assem), et que les branches cadettes (principalement la région de Fes et de Mascara) sont issues de foyers d’exilés et de migrants. À savoir comme expliqué par David Hart[13] et Coon, que les allers-retours de population entre factions mères et foyers rifains ne cessaient jamais, l’exil n’étant qu’une mesure temporaire et partielle au sein des familles[12].

De par sa distribution géographique et son histoire, il s’agit d’une famille difficile à qualifier, à la fois grande famille de caïds et de commis de l’État makhzénien[4], mais aussi sur des périodes se recoupant (avant 1926), famille qui fut celle de puissants seigneurs féodaux rifains du bled-es-siba (voir Mohand ben Messaoud Ababou).

Elle marquera durablement l’histoire du Maroc au XXe siècle de par le rôle tenu par certains de ses membres au sein du makhzen (voir Thami Ababou), de la guerre du Rif, de l’indépendance, (voir cheikh Messaoud Mohand ben Messaoud Ababou) et plus récemment l’implication de plusieurs d’entre eux, issus de la branche (mère) rifaine, dans le coup d’état de Skirat en 1971.

Toponymes

Outre des toponymes très locaux autour de l’ancien fief de Tamjount chez les Igzennayen du Rif. On peut ainsi citer Bou Ababou[14], un sommet du moyen Atlas situé près d’Oulmès, ainsi que Jbel Ababou[15], une montagne dans la région de Lemta, historiquement associée à l’exil des populations originaires de Tamjount et marquée par une forte présence de toponymes igzennayen[16]. À Fès, Dar Ababou[17] désigne l’ancien palais du grand chambellan Thami Ababou. On trouve également des traces du nom au-delà du Maroc, comme le village d’Ouled Ababou[18] dans la région de Mascara (Algérie), ou encore la foggara d’Ababou, située dans le Touat algérien[19].

Membres

Militaires, grand commis de l’État, résistants et hommes politiques

Mohand Ben Messaoud Ababou (dit cheikh Messaoud), né à Tamjount, fut tour à tour seigneur féodal de la tribu Gzenaya, vétéran de la guerre du Rif et figure de l'indépendance marocaine. Parmi ses fils figurent Mohammed Ababou (1934-1975) et M'hmed Ababou (1938-1971), tous deux lieutenants-colonels des FAR et co-organisateurs du « coup d'État de Skhirat » en 1971. Un autre de ses fils, Abdelaziz Ababou[20], sergent-chef ayant également participé au coup d'État de Skhirat, fut condamné à 5 ans de prison et décéda le 1er septembre 1978 à Tazmamart. Ahmed Ababou, un autre fils, fut mujāhid de l'Armée de Libération Nationale (Maroc) avant d’intégrer les FAR comme sous-officier à l’indépendance. Abdelali Ababou, colonel des FAR toujours en activité[21], est le fils du capitaine Abderrahmane Ababou, mort en 2003 (cf. Mohand Ben Messaoud Ababou). Hassan Ababou fut grand commis de l'État marocain et ministre du tourisme du 10 juillet 1965 au 18 janvier 1968. Thami Ababou occupa la fonction de Grand Chambellan (sorte de maire de palais) de Moulay Youssef entre 1912 et 1927 ; il était aussi un homme fort du makhzen et précepteur des princes[22]. Pacha Mohammed Ababou, plusieurs fois pacha et caïd de grandes villes marocaines comme Tétouan et Azemmour, était ancien élève du collège musulman Moulay Idriss de Fès ; il était le fils d’Abdessellem Ababou, un grand notable de Fès, frère de Thami Ababou et mort sur la route du pèlerinage en Syrie le 18 février 1939[23]. Caid Ahmed Ababou, quant à lui, fut caïd de la tribu El Jaï à la fin du XIXe sièclee siècle, puis imam de la mosquée makhzen de Marrakech au début du XXe sièclee siècle[24]. Enfin, Hadj Ameziane Ababou fut un homme d'affaires, résistant, membre de l'ALN et plusieurs fois député (indépendant) de Nador à partir de 1970[25].

« Martyrs » de l'Indépendance marocaine

Ahmed Ben Mouloud Ababou : né à Tamjount, grand mujāhid de l'Armée de Libération Nationale (Maroc) chargé notamment de l'espionnage et du la fourniture en arme tué lors d'un affrontement le 30 octobre 1955 à Bou Zineb[3] ., Omar Ben Omar Ababou : né à Tamjount, grand mujāhid de l'Armée de Libération Nationale (Maroc) tué dans un affrontement 3 octobre 1955 à Bou Zineb (un des premiers combattants tombés)[3]., Fatima Ababou : fille de Mohand Ben Messaoud Ababou (dit cheikh Messaoud) , sœur utérine du lieutenant-colonel M'hmed Ababou, tuée par un éclat d'obus français à la frontière de la zone espagnole dans le rif central en novembre 1955. Elle est enterrée au cimetière des martyrs d'Ajdir chez les Igzennayen[3] .,

Artistes

Abdelkader Ababou est un homme de théâtre marocain (distinct de son homonyme mentionné plus bas)[26].

Avocats

Parmi les avocats, Me Ahmed Ababou a exercé en tant que bâtonnier du Barreau de Kénitra et Me Abderrahim Ababou, bâtonnier du Barreau de Fès[27]. Thami Ababou, également avocat (distinct du Grand Chambellan cité plus bas).

Banquiers

Abdeslam Ababou, fondateur de Red Med Capital et reconnu pour ses liens avec Moulay Rachid[28].

Cadres supérieurs

Abdelkader Ababou, militant des droits de l'homme, est directeur général d'une société par actions simplifiée. Diplômé de l'ISCAE et de l'université Paris-Dauphine, il est fils de Mohand Ben Messaoud Ababou[29].

Chercheurs

Mohammed Ababou est sociologue[30]. Rachel Ababou Boumaaz est mathématicienne et professeur à l'Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan[31]. Rachid Ababou est spécialiste de la mécanique des fluides[32].

Écrivains

Samira Ababou Benslimane[33], Youssef Ababou[34] et Touria Berrada Ababou, historienne et écrivaine[35].

Fondation et philanthropie

La Fondation Ababou joue un rôle actif dans le domaine philanthropique[36]. Thami Ababou, avocat, est un rotarien renommé, fondateur du Club Casablanca Mers Sultan en 1989[37].

Journalistes

Abla Ababou est écrivaine et journaliste, actuellement galeriste[38].

Saints, personnages religieux

Sidi Moubarak ben Ababou el Kouch est un saint célèbre, enterré à Bab el Guisa (nord de Fès) en 1616[39].

Sportifs

Dylan Ababou (en) est un basketteur philippin d’origine marocaine.

Pour approfondir

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. Mouna Hachim, Dictionnaire des noms de famille du Maroc, Mouna Hachim, , 518 p. (ISBN 978-9954-8524-1-5, lire en ligne).
  2. « Accueil – FAMILLE EL JAI » (consulté le ).
  3. (ar) Mohamed Hajji, Maâlamat Al Maghri, Maroc, 1989-2003, entrée: famille Ababou.
  4. Zeroual Abdellatif, « Modernisation néolibérale et transformation du profil des dirigeants des entreprises publiques au Maroc.Cas de la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG) : 1959-2009 », Afrika Focus, vol. 27, no 2,‎ , p. 23–47 (ISSN 0772-084X et 2031-356X, DOI 10.1163/2031356X-02702003, lire en ligne, consulté le ).
  5. Mouna Hachim, Dictionnaire des noms de famille du Maroc, Mouna Hachim, , 518 p. (ISBN 978-9954-8524-1-5, lire en ligne).
  6. Djiddi Ali Sougoudi, Les sanglots de mon Eden de l'Ennedi : une enfance des sables, Paris/N'Djaména, Harmattan, , 88 p. (ISBN 978-2-296-55383-5, lire en ligne).
  7. « L’auteur de Maâlamat Al Maghrib n’est plus », sur Aujourd'hui le Maroc (consulté le ).
  8. Émile Dermenghem, CULTE DES SAINTS DANS L'ISLAM MAGHREBIN., Paris, GALLIMARD, , 351 p. (ISBN 2-07-021066-9 et 978-2-07-021066-4, OCLC 417136627, lire en ligne).
  9. Majda Tangi, Contribution à l'étude de l'histoire des 'Sudan' au Maroc du début de l'islamisation jusqu'au début du XVIIIe siècle, Presses universitaires du Septentrion, , 508 p. (ISBN 978-2-284-00349-6, lire en ligne).
  10. (en) Emilio Blanco Izaga, Emilio Blanco Izaga, Colonel in the Rif : A Selection of His Material Published and Unpublished, on the Sociopolitical Structure of the Rifians of Northern Morocco, Human Relations Area Files, Incorporated, (lire en ligne).
  11. « Origine – FAMILLE EL JAI » (consulté le ).
  12. Carleton S. Coon, Tribes of the Rif, Peabody museum of Harvard university, coll. « Harvard African studies. v. 9 », (lire en ligne).
  13. (en) David Montgomery Hart, The Aith Waryaghar of the Moroccan Rif : An Ethnography and History, UMI Books on demand, (lire en ligne).
  14. « Bou Ababou (Bouababou) Carte (Plan), Photos et la meteo - (Maroc): colline - Latitude:33.45 and Longitude:-5.95 », sur fr.getamap.net (consulté le ).
  15. (en) « Jbel Ababou », sur PeakVisor (consulté le ).
  16. Grigori Lazarev, « Quelques hypothèses sur le peuplement du Rif Occidental », Revue la Critique Économique,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. PASS Technologie, 26, rue Louis Braille, 75012 Paris France, « Dar Ababou », sur idpc.ma (consulté le ).
  18. « Douar Ouled Ababou · Abba Bou, Algérie », sur Douar Ouled Ababou · Abba Bou, Algérie (consulté le ).
  19. Tarik Ghodbani, Ouassini Dari, Sid-Ahmed Bellal et Mohamed Hadeid, « Entre perte de savoirs locaux et changement social : les défis et les enjeux de la réhabilitation des foggaras dans le Touat, Sahara algérien », Autrepart, vol. 81, no 1,‎ , p. 91–114 (ISSN 1278-3986, DOI 10.3917/autr.081.0091, lire en ligne, consulté le ).
  20. Le massacre de Skhirat, 10 juillet 1971 : crime contre l'humanité, Association des familles des victimes des événements de Skhirat, , 244 p. (ISBN 978-9954-8158-0-9, lire en ligne).
  21. (en) Ational Defense University International Fellows Graduation Celebration, International Student Management Office, , 7 p. (lire en ligne [PDF]).
  22. Joseph Luccioni, « L'avènement de Sidi Mohammed Ben Youssef au trône du Maroc (1927) », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, vol. 12, no 1,‎ , p. 123–130 (DOI 10.3406/remmm.1972.1167, lire en ligne, consulté le ).
  23. « Le Petit Marocain », sur Gallica, (consulté le ).
  24. Auguste Mouliéras, Le Maroc inconnu : étude géographique et sociologique. Exploration des Djebala (Maroc septentrional), 1895-1899 (lire en ligne).
  25. (en) United States Joint Publications Research Service, Translations on Sub-Saharan Africa, (lire en ligne).
  26. « L’artiste Abdelkader Ababou n’est plus », sur Bladi.net (consulté le )
  27. « Fès: Me Ansari élu président de l'association des bâtonniers », sur L'Economiste, (consulté le )
  28. « MAROC : Abdeslam Ababou, caution princière du mégaprojet solaire Xlinks - 16/11/2021 », sur Africa Intelligence, (consulté le )
  29. Christine Daure-Serfaty, Rencontres avec le Maroc, La Découverte, coll. « Cahiers libres », , 241 p. (ISBN 978-2-7071-2252-0, lire en ligne)
  30. « Mohammed Ababou », sur data.bnf.fr (consulté le )
  31. Problèmes classiques en théorie des équations aux dérivées partielles : Rachel Ababou-Boumaaz,Jacques Francheteau (lire en ligne)
  32. « Ababou Rachid – Institut de Mécanique des Fluides de Toulouse », sur imft.fr (consulté le )
  33. Samira ABABOU BENSLIMANE, Chien, dans lignes de vies : Nouvelles, Le Fennec, (lire en ligne)
  34. youssef ababou, KHELIFA ABBOU LE MYSTERIEUX SDF DE LAMTAR, Lulu.com, 14 p. (ISBN 978-0-244-19554-0, lire en ligne)
  35. Touria Berrada Ababou, Le Quarantième Jour : Roman, Editions L'Harmattan, , 314 p. (ISBN 978-2-14-000226-7, lire en ligne)
  36. youdri, « Accueil », sur Fondationababou.ma (consulté le )
  37. « Histoire du Club - Rotary Club Casablanca Mers Sultan », sur RCCMS (consulté le )
  38. (en-US) « À PROPOS », sur abla ababou galerie (consulté le )
  39. Mission scientifique du Maroc Auteur du texte et Maroc Résidence générale de la République française Auteur du texte, « Archives marocaines : publication de la Mission scientifique du Maroc », sur Gallica, (consulté le )
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