Eusko Langileen Alkartasuna

Eusko Langileen Alkartasuna
Cadre
Forme juridique Syndicat
Zone d’influence Pays basque
Fondation
Fondation 23 juillet 1911
Identité
Siège Bilbao
Président Mitxel Lakuntza (d)
Affiliation européenne Confédération européenne des syndicats
Affiliation internationale Confédération syndicale internationale
Membres 100 925 (2021)
Représentativité 40,44 % au Pays basque ; 22, 74 % en Navarre
Site web www.ela.eus

Eusko Langileen Alkartasuna (Solidarité des Ouvriers basques en français et Solidaridad de Trabajadores Vascos en espagnol, ELA-STV), plus connu sous le sigle d'ELA, est le syndicat majoritaire en Hegoalde (dans la Communauté autonome basque et en Navarre).

Histoire

ELA a été fondé le 23 juillet 1911[1] à Bilbao par un groupe de 178 travailleurs sous le nom de Solidaridad de Obreros Vascos. Lié à ses débuts au Parti nationaliste basque[2], il est construit en réaction à la diffusion d'idées socialistes et laïques par les ouvriers originaires d'autres régions espagnoles venus travailler dans les villes basques. Destiné originellement à la défense exclusive des travailleurs basques[3],[4], il s’est cependant rapidement émancipé de l'influence catholique et corporatiste du PNV pour développer un syndicalisme de classe, ouvrier et indépendant[5] à partir des années 1930[6]. Après la guerre civile[7],[8], ELA est interdit durant la dictature de Franco[9].

Une fois l’activité syndicale légalisée en 1977, ELA parvient, avec l’élan donné par les nouvelles générations et grâce à un programme rénové, à s’étendre sur tout le territoire du Pays basque Sud. De nouvelles lignes politiques sont définies lors de son Congrès de 1976[10] : construit selon un modèle confédéral, ELA se revendique d'un syndicalisme de classe abertzale et internationaliste inspiré du marxisme[11], indépendant des partis politiques et ouvert à tous les travailleurs du Pays basque[12]. L'un des principes majeurs du syndicat est la constitution d'une "caisse de résistance" alimentée par 25 % des cotisations des adhérents, permettant de compenser les pertes salariales des travailleurs en cas de grève[13].

Le syndicat augmente progressivement son score aux élections professionnelles, passant de 25,6 % en 1980 à 40,6 % en 2015[14], devenant majoritaire au Pays basque Sud[15]. ELA gagne ainsi rapidement le droit de négocier des accords et siéger dans des instances professionnelles : non représentatif à l'échelle espagnole, il remplit cependant l'une des conditions prévues par la loi sur la liberté syndicale de 1985[16],[17] fixant un seuil d'au moins 15 % des sièges aux élections professionnelles et au moins 1 500 représentants sur le territoire d'une communauté autonome[18] pour obtenir le statut d'organisation représentative. Dans les autres provinces, seule la Confederación Intersindical Galega (es) obtient également un poids électoral suffisant (en Galice) pour bénéficier de ce statut[19].

Avec l'autre syndicat proche de la mouvance abertzale Langile Abertzaleen Batzordeak (LAB), créé en 1974, il fait ainsi contrepoids à la domination de l'Union générale des travailleurs et des Commissions ouvrières dans le monde syndical à l'échelle espagnole[20].

En 2021, le syndicat compte plus de 100 000 membres, soit environ 10% du nombre de travailleurs du territoire[15].

Objectifs

ELA se définit comme un syndicat nationaliste basque[21] de classe qui, selon sa Déclaration de Principes de 1976[22], lutte pour "une société d'hommes et de peuples libres et responsables, selon un modèle socialiste où les moyens de production, de consommation et de culture sont entre les mains et au service des travailleurs". Bien que revendiquant son indépendance vis-à-vis des partis, ELA s'engage dans des luttes qui peuvent rejoindre les combats de formations politiques du mouvement abertzale, notamment pour défendre la langue basque ou œuvrer en faveur de la résolution du conflit basque (ELA est ainsi signataire de l'accord de Lizarra-Garazi (eu) en 1998). Son influence est d'ailleurs la plus forte dans les bastions du nationalisme basque en Guipuscoa et Biscaye[3].

ELA se positionne également à la pointe des enjeux écologiques dès les années 1990 et s'engage contre de grands projets d'aménagement du territoire (agrandissement du port de Saint-Sébastien, Centre intermodal de transport et de logistique de Vitoria, projet de ligne à grande vitesse dit "Y basque"). Plusieurs de ses membres ont d'ailleurs participé à la création de l'association écologiste Bizi ! en 2009[23]. En 2021, le syndicat fait officiellement de la transformation du système productif face aux évolutions climatiques une de ses priorités, notamment en évaluant les besoins de reconversion des employés des secteurs les plus polluants[15].

Modèle syndical

Le modèle syndical original et efficace d’ELA est un projet confédéral global qui a maintenu une véritable autonomie politique et financière. Ainsi, la journaliste Onintza Irureta Azkune et l’économiste Aiala Elorrieta Agirre notent que « le cas de cette confédération est particulièrement intéressant sur un aspect : elle a su aller au-delà des constats, et mettre en œuvre les transformations requises dans son organisation et son fonctionnement pour répondre aux évolutions du salariat. » Ce travail de questionnement permanent l’a amené à adopter un plan d’équité de genre en 2021[24].

Modes d'action

D'après le site Syndicalistes, ELA organise à lui seul environ 10 % des mouvements de grève annuels en Espagne alors qu'il n'est actif qu'au Pays basque[25] et "engage ainsi aujourd’hui le plus haut niveau de conflictualité d’Europe" selon l'Union Communiste Libertaire[26]. Grâce à sa "caisse de résistance"[27], ELA est réputé pour son soutien à des grèves très longues[25],[28], comme celle ayant eu lieu dans l'entreprise Novaltia (3 ans et 8 mois) qui s'est terminée en mars 2023 sur une augmentation de salaire et le versement de dommages et intérêts pour les grévistes[29] et celle de Caballito, en 2005, qui a duré 745 jours[30].

Secrétaires généraux

Liste des Secrétaires Généraux
1976-1988 Alfonso Etxeberria Olazabal (eu)
1988-2008 Jose Elorrieta (eu)
2008-2019 Adolfo Muñoz (eu)
2019- Mitxel Lakuntza (eu)

Références

  1. (en) Diego Muro, « Nationalism and nostalgia: the case of radical Basque nationalism », Nations and Nationalism, vol. 11, no 4,‎ , p. 578 (lire en ligne)
  2. (es) Mikel Ormazabal, « Un sindicato católico y del PNV reconvertido al soberanismo », El País,‎ (ISSN 1134-6582, lire en ligne , consulté le )
  3. (en) Jan Mansvelt Beck, Territory and Terror. Conflicting Nationalisms in the Basque Country, Oxford, Routledge, (ISBN 0-203-02380-3, lire en ligne), p. 137-138
  4. (en) Ludger Mees, « Social solidarity and national identity in the Basque Country : the case of the nationalist trade union ELA/STV », dans Patrick Pasture, Johan Verberckmoes, Working-Class Internationalism and the Appeal of National Identity : Historical Debates and Current Perspectives, Oxford, Berg, , 263 p. (ISBN 1-85973-281-X), p. 64
  5. Darío Ansel, « Del Congreso de Vitoria a la evolución sindicalista de Solidariedad de Trabajadores Vascos. 1933-1936 », Sancho el sabio: Revista de cultura e investigación vasca, no 31,‎ , p. 81–116 (ISSN 2445-0782 et 1131-5350, lire en ligne, consulté le )
  6. (es) Dario Ansel, « Contaminación ideológica y simbólica de la ELA republicana: nacionalismo y obrerismo », Historia contemporánea, no 46,‎ (ISSN 1130-2402 et 2340-0277, DOI 10.1387/hc.12775, lire en ligne, consulté le )
  7. (es) María Luisa Garde, ELA a través de dos guerras, 1936-1946, Pampelune, Pamiela, coll. « Saio eta testigantza », , 470 p.
  8. (es) Dario Ansel, ELA en la Segunda República, Txalaparta, , 450 p. (ISBN 978-8481364828)
  9. (es) Idoia Estornés Zubizarreta, « Entre partido y sindicato. Eusko Langileen Alkartasuna-Solidaridad de Trabajadores Vascos (Movimiento Socialista de Euskadi, 1969-1976) », Historia contemporánea, no 41,‎ (ISSN 1130-2402 et 2340-0277, DOI 10.1387/hc.1346, lire en ligne, consulté le )
  10. (es) Idoia Estornés Zubizarreta, Cuando Marx visitó Loyola : ELA-STV, un sindicato vasco durante el periodo franquista, Saint-Sébastien, Erein, , 327 p.
  11. (es) Idoia Estornés Zubizarreta, « Abandonando la casa del padre. Eusko Langileen Alkartasuna-Solidaridad de Trabajadores Vascos (movimiento socialista de Euskadi), 1964-1969 », Historia Contemporánea, no 40,‎ (ISSN 2340-0277, DOI 10.1387/hc.2143, lire en ligne, consulté le )
  12. (es) Francisco Letamendia Belzunce, ELA (1976-2003) : Sindicalismo de contrapoder, Manu Robles Arangiz Institutua, (ISBN 9788493265243)
  13. « ELA et la stratégique "caisse de résistance" », Sud Ouest,‎
  14. Catherine Vincent, « Les syndicats face à la crise : revitalisation ou retour à la concertation ? », Chronique Internationale de l'IRES, vol. 160, no 4,‎ , p. 116–129 (ISSN 1285-087X, DOI 10.3917/chii.160.0116, lire en ligne, consulté le )
  15. Rémi Barroux, « ELA, le syndicat basque qui a placé la transition écologique au cœur de sa stratégie », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  16. (en) Holm-Detlev Köhler et José Pablo Calleja Jiménez, « Transformations in Spanish trade union membership », Industrial Relations Journal, vol. 43, no 3,‎ , p. 282 (ISSN 0019-8692, lire en ligne)
  17. Santos M. Ruesga Benito, Laura Pérez Ortiz et Manuel Pérez Trujillo, « Competencia sindical y disputas laborales. Un análisis aplicado para el caso español / Union competence and labor conflicts. An applied analysis for the Spanish case », El Trimestre Económico, vol. 86, no 341 (1),‎ , p. 102 (ISSN 0041-3011, lire en ligne, consulté le )
  18. « La représentatitivité des syndicats de salariés - Étude de législation comparée n° 87 - mars 2001 », sur Sénat, (consulté le )
  19. (es) Beltrán Roca Martínez, « Izquierda radical, sindicalismo y acción colectiva en Andalucía (1976-2012) », Cuadernos de Relaciones Laborales, vol. 32, no 2,‎ , p. 439
  20. (es) Beltrán Roca Martínez, « Elorrieta, J. (2017): “Una mirada sindical contracorriente. Clase, territorio y nuevas alianzas”, Barcelona, Icaria, 296 pp. », Política y Sociedad, vol. 56, no 1,‎ , p. 256–258 (ISSN 1988-3129, DOI 10.5209/poso.55342, lire en ligne, consulté le )
  21. « 100 ans de syndicalisme », Sud Ouest,‎
  22. (es) « Declaración de principios de ELA (Euba, 1976) », sur MRA Fundazioa (consulté le )
  23. « Bizi, une association basque qui pense planète », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  24. Onintza Irureta Azkune, Aiala Elorrieta Agirre, « Grèves féministes et syndicalisme au Pays Basque », sur CONTRETEMPS, (consulté le )
  25. Syndicalistes !, « Un peu de réalisme stratégique. Ou comment faire une caisse de grève efficace », sur Syndicalistes !, (consulté le )
  26. Commission journal AL, « Euskadi Sud : Caisse de grève- arme du syndicat ELA », sur UCL - Union communiste libertaire, (consulté le )
  27. (es) Belén Ferreras, « La millonaria 'caja de resistencia' de ELA, la baza con la que el mayor sindicato vasco logra mantener huelgas de años », sur elDiario.es, (consulté le )
  28. Onintza Irureta Azkune et Aiala Elorrieta Agirre, Borrokan : comment gagner une grève féministe, Éditions syndicalistes, , 128 p. (ISBN 978-2-490065-14-1)
  29. (eu) Imanol Magro Eizmendi, « Novaltiako grebalariek %26,7ko soldata igoera lortu dute », sur Berria, (consulté le )
  30. (es) Pedro Gorospe, « Caballito entra en una vía de acuerdo tras dos años de huelga », El País,‎ (ISSN 1134-6582, lire en ligne , consulté le )

Liens externes

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