Ernest Psichari

Ernest Psichari
Ernest Psichari (1883-1914) dans son uniforme d'officier d'artillerie coloniale.
Biographie
Naissance
Décès
(à 30 ans)
Rossignol
Sépulture
Cimetière de Rossignol (d)
Nationalité
Formation
Activités
Père
Mère
Noémi Renan (d)
Fratrie
Henriette Psichari (d)
Michel Psichari
Corrie Psichari (d)
Autres informations
Armes
Unité
Grade militaire
Conflit
Influencé par
Distinctions
Archives conservées par
Archives départementales des Yvelines (166J, Ms 9114, 9119, 2s, date inconnue, -)[1],[2]
Œuvres principales
Le Voyage du Centurion (d), L'Appel des armes (d)

Ernest Psichari, né le à Paris et mort le à Rossignol, est un officier et écrivain français. Lieutenant dans les troupes coloniales, il est l'auteur de plusieurs œuvres autobiographiques. Converti au catholicisme à la fin de sa vie, il combat en Belgique durant la Première Guerre mondiale et meurt à l'âge de 30 ans.

Biographie

Jeunesse

Ernest Spiridion Jean Nicolas Psichari naît le à Paris[3]. Il est le fils de Jean Psichari, d'origine grecque, professeur de philologie grecque à l'École pratique des hautes études. Sa mère, Noémi Psichari, est la fille du philosophe Ernest Renan[4]. Élevé au sein d'une famille de la haute bourgeoisie intellectuelle parisienne[5], Ernest est baptisé à la demande de sa mère selon le rite orthodoxe[6], bien qu'elle ait elle-même reçu une éducation protestante. Ses parents se disputent souvent et Ernest, avec son frère Michel (1887-1917, également mort pour la France, marié à la fille d'Anatole France) et sa sœur Henriette, vit principalement avec sa mère et sa grand-mère[7]. Il est l'arrière petit-neveu du peintre Ary Scheffer, dans la demeure duquel il vit à Paris plusieurs années à partir de 1900.

Il étudie au lycée Montaigne de 1894 à 1897[8], puis au lycée Henri-IV, où il fait la connaissance de Jacques Maritain[9]. Il obtient son baccalauréat en 1900, avec la mention bien, puis effectue sa classe de philosophie au lycée Condorcet[10]. Il poursuit ses études à la Sorbonne et obtient une licence de philosophie en 1903. Il suit également les cours d'Henri Bergson au Collège de France[5]. Il commence à publier, au cours de ses études de philosophie, des poèmes d’inspiration symboliste dans diverses revues.

Il grandit en compagnie d'intellectuels, comme Charles Péguy, qu'il rencontre en 1901[5], et tombe amoureux à 19 ans de la sœur de Jacques Maritain, Jeanne, de sept ans son aînée. Elle le quitte pour un autre homme et, peu après le mariage de celle-ci, Psichari tente de mettre fin à ses jours en prenant une dose excessive de drogues. Sauvé par son ami Maurice Reclus, il tente ensuite de se tuer avec un revolver mais est une nouvelle fois sauvé par Reclus. Par la suite, Ernest Psichari passe plusieurs jours dans les quartiers défavorisés de Paris et effectue des métiers manuels avant d'être découvert par ses parents puis envoyé à la campagne pour se reposer[11]. Se fondant notamment sur le témoignage d'André Gide dans La Nouvelle Revue française de septembre 1932[12], plusieurs auteurs ont émis l'hypothèse selon laquelle Ernest Psichari a également pu faire l'expérience à cette époque de son orientation homosexuelle[13],[14],[15], même si celle-ci ne fait pas consensus.

Service dans les troupes coloniales

Après son service militaire obligatoire[16], où il a retrouvé la joie de vivre, Psichari s'engage au 51e régiment d'infanterie à Beauvais le [9], un choix qui scandalise ses amis. Il est nommé caporal en , puis sergent en . Insatisfait avec la vie de garnison en métropole, il arrange son transfert dans les troupes coloniales en tant que sous-officier d'artillerie. À la veille de son départ pour l'Afrique, Psichari rencontre Henri Massis, qui se dit fortement impressionné par le jeune militaire[17].

Psichari effectue un séjour au Congo de à sous les ordres du commandant Eugène Lenfant, un ami de la famille[5]. De retour en France l'année suivante, il raconte ses expériences dans Terres de soleil et de sommeil (1908)[11]. Il est également décoré de la médaille militaire en de la même année[5]. Il rejette désormais l'anti-militarisme de sa jeunesse et fait l'éloge de l'armée et de la nation, devenant une idole de la droite nationaliste[18]. Il entame une correspondance avec Maurice Barrès, qui grâce à ses articles contribue à sa gloire littéraire[19]. Ayant choisi l’armée par idéal, Psichari y éprouve la satisfaction d’appartenir à un corps dépositaire d’une longue tradition. Il se met également à soutenir les idées de Charles Maurras et de l'Action française.

Diplômé de l'école militaire d'artillerie de Versailles, le sous-lieutenant Psichari est envoyé en Mauritanie de 1909 à 1912. Il est d'abord réticent à l'idée de servir dans une région de l'empire colonial français relativement pacifiée, mais il tombe amoureux des paysages et du peuple mauritaniens. Il participe à une escarmouche contre des indigènes au cours de laquelle deux de ses hommes sont tués[20].

En 1913, il publie L’Appel des armes, contre l’humanitarisme pacifiste et le déclin moral qui lui semble en être la conséquence, au profit d’un idéal de dévouement et de grandeur. Cette nouvelle devient le guide de la jeunesse nationaliste française[21].

Conversion et mort à la bataille de Rossignol

En juin de la même année, Psichari retourne dans la garnison du 2e régiment d'artillerie coloniale à Cherbourg. C'est là qu'il compose son livre, publié à titre posthume, Le Voyage du centurion (1916)[9]. Il s’agit de la transposition à peine masquée de son expérience et de son évolution spirituelle.

Longtemps à la recherche de certitudes intellectuelles, le jeune homme se tourne vers la foi catholique et la méditation, sous l'influence du RP Humbert Clérissac, un dominicain[22]. et surtout de Jacques Maritain. Il se convertit au catholicisme, puis devient tertiaire dominicain de la Fraternité du Saint-Sacrement de Paris. Il se prépare à la prêtrise mais la guerre, qui éclate peu après, l’empêche de concrétiser son vœu[23].

Ernest Psichari participe à la Première Guerre mondiale en tant que lieutenant au 2e régiment d'artillerie coloniale. Il est tué à Rossignol en Belgique le , bataille de Rossignol, au cours de la bataille des Frontières. Prises au piège entre les forces allemandes et la rivière Semois, les troupes françaises se laissent encercler et se font tuer sur place. Les artilleurs sabotent leurs canons à la fin des combats[24],[25].

Il est enterré au cimetière de Rossignol[26].

Décorations

Héritage

Ernest Psichari est, par sa personnalité, ses préoccupations, ses aspirations morales et son engagement, emblématique d’une jeunesse exaltée dont font aussi partie Charles Péguy et Jacques Maritain, ses amis et contemporains. Les monarchistes de l'Action française, tels Henri Massis et Paul Bourget, mais aussi Maurice Barrès ont vu en Psichari un héros national et ont entretenu sa mémoire par diverses publications. Charles Péguy, notamment, voit en lui un « ami lointain », un « homme jeune, plein de sang », qu'il intègre dans le parti des anti-modernes et des « mécontemporains[5] ». Lecteur fervent de Psichari, le général de Gaulle le qualifie d'« admirable semeur[27] ».

Dans un article de La Nouvelle Revue française de septembre 1932, André Gide fait courir la rumeur de l'homosexualité de Psichari, et compare les mœurs de l'écrivain à celles du poète Raymond Radiguet[28]. Pour ne pas faire de publicité à ces rumeurs, Henri Massis choisit de ne pas y répondre. Selon Frédérique Neau-Dufour, les penchants homosexuels chez Psichari sont tangibles et seraient la conséquence d'une profonde misogynie[29].

Une stèle puis un monument-autel ont été érigés à la mémoire de Psichari à Rossignol à l'initiative du poète Thomas Braun et de Henri Massis.
En 1934, la rue Ernest-Psichari à Paris, près de l'École militaire, prend son nom en hommage.
Une rue prend son nom en hommage à Cherbourg (Cherbourg-en-Cotentin depuis 2016)[30]

Liste des œuvres

  • Terres de soleil et de sommeil, préface de Monseigneur Le Roy, évêque d'Alinda, Paris, Calmann Lévy, 1908. [lire en ligne], prix Montyon de l'Académie française en 1909
  • L'Appel des armes, préface de Monseigneur Alfred Baudrillart de l'Académie française, Paris, G. Oudin, 1913. [lire en ligne], prix Alfred-Née de l’Académie française en 1915. Rééd. La Délégation des siècles, 203 p., 2020.
  • Le Voyage du centurion, préface de Paul Bourget de l'Académie française, Paris, Louis Conard, 1916. [lire en ligne]
    • Réédité en 1926, Paris, Louis Conard, et illustré par Gustave Assire gravé par Victor Dutertre.
    • Réédité en 2008, augmenté de la Vie d'Ernest Psichari par Henri Massis (Paris, Éditions Saint-Lubin (ISBN 9782917302026)).
  • Les Voix qui crient dans le désert. Souvenirs d'Afrique, préface du général Charles Mangin, Paris, Louis Conard, 1920. [lire en ligne]
    • Réédité en 2008 (Paris, Éditions Saint-Lubin (ISBN 9782917302019)).
  • Lettres du centurion, préface de Paul Claudel de l'Académie française, Paris, Louis Conard, 1933.

Archives

Notes et références

  1. « ark:/36937/s005b015dcc3767d », sous le nom PSICHARI E. (consulté le )
  2. « ark:/36937/s005afd5ff27de1f », sous le nom PSICHARI Lieutenant Ernest (consulté le )
  3. Neau-Dufour 2001, p. 35.
  4. Neau-Dufour 2001, p. 15.
  5. « Ernest Psichari. Carnets de route », Société Internationale d'Étude des Littératures de l'Ere Coloniale. [lire en ligne]
  6. Field 1991, p. 97.
  7. Field 1991, p. 89.
  8. Neau-Dufour 2001, p. 58.
  9. Michel Toda, La Nef no 180, mars 2007. [lire en ligne]
  10. Neau-Dufour 2001, p. 59.
  11. Field 1991, p. 90.
  12. André Gide, « Pages de journal », La Nouvelle Revue française, septembre 1932, p. 365.
  13. Frédérique Neau-Dufour, Ernest Psichari, L’ordre et l’errance, Paris, Cerf histoire, 2001, p. 99-116.
  14. Clara Dupont-Monod, « Frédérique Neau-Dufour, la voix des ombres », L'Histoire, février 2015.
  15. D'après Frédéric Martel dans son essai Sodoma (« Le siècle d’enfer de l’écrivain catholique et homosexuel Julien Green », France Culture, le 12 septembre 2019), Psichari aurait entretenu une relation amoureuse avec Jacques Maritain lui-même.
  16. Matricule militaire de Ernest Psichari dans Paris Archives
  17. Neau-Dufour 2001, p. 81-82.
  18. Field 1991, p. 94.
  19. Neau-Dufour 2001, p. 82-83.
  20. Field 1991, p. 95.
  21. Neau-Dufour 2001, p. 193.
  22. Neau-Dufour 2001, p. 239 sq.
  23. Field 1991, p. 99.
  24. Beasley 1933, p. 41.
  25. Church Quarterly Review [1922], p. 52.
  26. https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-de-la-vie-romantique/oeuvres/messe-devant-la-tombe-d-ernest-psichari
  27. Céline Hoyeau, « De Charles Péguy à d'Estienne d'Orves, des soldats en quête d'absolu », La Croix,‎ (lire en ligne).
  28. Neau-Dufour 2001, p. 111-112.
  29. Neau-Dufour 2001, « Misogynie et homosexualité, conséquences de la crise ? », p. 109-117.
  30. rue à Cherbourg

Bibliographie

  • Don Sauveur Paganelli, Un petit-fils de Renan, Ernest Psichari, Saint-Raphaël, Éditions des Tablettes, 1923.
  • Abbés Jos. Hubert et Jos. Neujean. Rossignol. Le drame de l'invasion allemande dans le Luxembourg belge. Imprimerie Duculot-Roulin, Tamines. 1929. 226 pages.
  • Jacques Maritain, Antimoderne, qui regroupe plusieurs textes, dont l'un rendant hommage à Ernest Psichari.
  • Thomas Braun Discours à Rossignol, première pierre de l'autel élevé à la mémoire d'Ernest Psichari. dans Amour de l'Ardenne, 1933, Éditions Rex, p. 40–49
  • (en) Major Rex W. Beasley, « Critical analysis of the operations of the French Colonial Corps in the Battle of the Ardennes, with particular attention to the operations of the 3d Colonial Division at Rossignol. », Command and General Staff School Student Papers, 1930-1936,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  • Geneviève Duhamelet, Ernest Psichari. Le centurion, Bruxelles, Foyer Notre-Dame, coll. « Convertis du XXe siècle » (no 23), .
  • (en) Frank Field, British and French Writers of the First World War, Cambridge University Press, .
  • Henriette Psichari, Ernest Psichari, mon frère, Plon. 1933, 236 pages.
  • Henri Massis, Notre ami Psichari, Ernest Flammarion, Collection « Chefs de file », décembre 1936.
  • Henri Massis, Évocations. Souvenirs (1905-1911), 1931.
  • Henri Massis, La Vie d'Ernest Psichari, 1916.— Réédité en 2008, à la suite du Voyage du centurion d'Ernest Psichari (Paris, Éditions Saint-Lubin (ISBN 9782917302026)).
  • A. M. Goichon, Ernest Psichari, d'après des documents inédits, préface de Jacques Maritain, couronné par l'Académie française, Louis Conard, Paris 1933. 450 pages.
  • Claude Quinard. Psichari soldat d'Afrique. Éditions des Loisirs. 1944, 153 pages.
  • Jean Peyrade. Psichari, maître de grandeur. Les témoins de l'Esprit. Avec postface de Daniel Rops. Julliard. 1948, 169 pages.
  • Louis Aguettant. Ernest Psichari Lardanchet Ed. Lyon, 1920. 69 pages.
  • Le Figaro Littéraire, Ernest Psichari, 2-8 avril 1964.
  • Frédérique Neau-Dufour, Ernest Psichari, l’ordre et l’errance, Paris, Éditions du Cerf, .
  • Hugues Moutouh, Ernest Psichari : L'aventure et la grâce, Editions du Rocher, coll.Biographie, 2007.

Liens externes

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