Ein al-Zeitoun

Ein al-Zeitoun
Maisons du village en 1948 (photo Renée Kalman).
Géographie
Pays
Superficie
1 100 km2
Coordonnées
32° 59′ 14″ N, 35° 29′ 30″ E

Ein Zeitoun (qui se transcrit également Ain, Ayn Zaytun, avec ou sans le al- ou le ez- devant Zeitoun), était un village arabe palestinien, situé dans le sous-district de Safed en Haute Galilée.

Sa population, mixte juive-musulmane au XVIe siècle, évolue progressivement pour aboutir à une population non-mixte musulmane au XIXe siècle ; proche de Safed, le village en constitua un faubourg. Il fait partie des centaines de villages palestiniens ayant subi un nettoyage ethnique lors de la première guerre israélo-arabe, le 9 avril 1948.

Géographie

Ein al-Zeitoun est situé sur la rive ouest du Wadi al-Dilb et près de la grande route menant à Safed, à seulement 1,5 km au nord de la ville et à une altitude moyenne de 700 m[1]. De superficie réduite (à peine un kilomètre carré), l’essentiel des terres appartenait à des Arabes, sauf 46 dounams qui étaient des terres publiques[1]. L’eau potable était accessible grâce à un puits et à une source à 800 mètres au nord du village[1]. Avec la croissance démographique, les nouvelles maisons ont été construites au sud du village, en direction de Safed[1].

Les habitants cultivaient des olives, des céréales et des fruits, surtout du raisin[1]. En 1945, 280 dounams des terres étaient cultivés pour les céréales, 477 dounams étaient classés comme terres irriguées ou vergers[2] et 35 dounams classés comme zone construite[3].

Histoire

Le Wadi al-Dilb est probablement l’oued mentionné sous le nom de Wadi Dulayba par al-Dimashqi (mort en 1327), qu’il situe entre Meiron et Safed. Al-Dimashqi décrit un cours d’eau qui connaît un écoulement pendant quelques heures, permettant aux gens de collecter de l’eau pour la boisson et l’hygiène, avant de qu’il ne se retire brutalement[4]. Le nom du village, source des oliviers en arabe, indique la présence d’un écoulement d’eau[5].

Empire ottoman

Sous l’Empire ottoman, Ein al-Zeitoun était situé dans la nahié ("sous-district") de Jira et le sandjak de Safed, avec des habitants juifs et musulmans. Le cadastre de 1596 enregistre 59 foyers musulmans et 6 célibataires, plus 45 foyers juifs et 3 célibataires, soit un total d’environ 622 habitants[5],[6],[7]. Les habitants d’Ein al-Zeitoun payaient des taxes sur les olives, le raisin, le blé et l’orge, les vignes et les vergers, pour un total de 3600 akçe[7],[8].

Ein al-Zeitoun est détruit en même temps que Safed et d’autres villages de la région lors du tremblement de terre de Galilée de 1837 (en)[9]. En 1838, Robinson passe par le village et note : « le grand village d’Ain ez-Zeitun avec ses belles vignes, au nord de Safed. Le village a une apparence prospère , bien qu’il ait été réduit en ruines par le tremblement de terre »[10].

Victor Guérin, qui visite le village en 1875, trouve deux sources dans un village entouré de collines couvertes d’oliviers, de figuiers, de noisettiers et de jardins maraîchers, habité par 350 musulmans[11].

En 1881, l’enquête du Palestine Exploration Fund (PEF) décrit les maisons de pierre d’Ein al-Zeitoun, avec une population de 200 à 350 personnes, entouré de champs[12].

Une liste de population de 1887 donne 775 habitants à Ain ez Zeitun, tous musulmans[13].

Mandat britannique

Au recensement de 1922 mené par les autorités britanniques détentrices d’un mandat de la Société des Nations, 'Ain Zaitun a une population de 386 habitants, tous musulmans[14], qui augmente au recensement de 1931 à 567 habitants pour 127 maisons[15].

Le village possédait une mosquée et une école primaire de garçons. Dans les statistiques de Village de 1945, la population atteint 820 habitants, toujours tous musulmans[16].

Guerre de 1948 : expulsion, massacre et destruction

En 1948, la population du village est estimée à 951 habitants[17].

La première attaque des milices sionistes contre le village date du 3 janvier 1948 ; il s’agit d’un raid classique, à l’aube : un habitant est tué, quatre maisons détruites à l’explosif. Un incendie continue de brûler dans les environs toute la journée[1].

D’après Ilan Pappé, les milices sionistes suivaient une politique de massacres autour des centres urbains afin d’accélérer la fuite des Arabes des villes ; c’est le cas de Nasir al-Din près de Tibériade, Ein al-Zeitoun près de Safad et de al-Tira près de Haïfa. Dans tous ces villages, des groupes d’« hommes de 10 à 50 ans » sont exécutés afin de terroriser les habitants des villages et des villes proches[18]

Les troupes du Palmach s’emparent d’Ein al-Zeitoun le 2 mai 1948 (ou le 1er mai selon d’autres sources[1]). L’attaque commence à 3 heures du matin par un barrage d’artillerie effectué par 11 mortiers sur le village, puis par l’assaut de deux sections d’infanterie. La plupart des hommes jeunes ou mûrs venaient de fuir le village selon Khalidi ; selon l’encyclopédie de la Question palestinienne, ce sont les hommes armés qui ont décidé d’un retrait tactique, laissant le reste des habitants au village[1]. Les hommes sont séparés du reste de la population, qui est expulsée, la troupe sioniste effectuant des tirs au-dessus des têtes pour accélérer le mouvement. Parmi les hommes, 37 sont sélectionnés au hasard et retenus prisonniers ; ils font probablement partie des 70 personnes massacrées dans un ravin entre Ein al-Zeitoun et Safed sur ordre de Moshe Kelman, commandant du troisième bataillon du Palmach. Selon Benny Morris, il aurait eu du mal à trouver des hommes pour abattre les villageois, mais en aurait finalement trouvé deux ; il ordonne aussi de détacher les mains de leurs victimes, pour cacher le fait qu’ils avaient été exécutés de sang-froid[1]. Le reste de la population est expulsé dans les jours suivants. Rashid Khalil est tué après qu’un groupe d’habitants ait tenté de revenir au village[2],[19],[20]. Les maisons sont incendiées ou brûlées par les sapeurs du Palmach les 2 et 3 mai, afin d’empêcher les retours et de terroriser les habitants de Safed qui pouvaient voir la destruction du village[1].

En 1992, l’historien Walid Khalidi décrit le site du village ainsi : « Les ruines des maisons détruites sont dispersées sur le site, qui est envahi par les oliviers et les cactus. Quelques maisons abandonnées subsistent, quelques unes avec des entrées sous arc et de hautes fenêtres avec différentes arches pour les soutenir. Dans l’entrée de l’une d’elles, la pierre lisse est gravée d’une calligraphie arabe, une particularité de l’architecture palestinienne. Le puits et la source subsistent aussi »[2]. En 2004, les restes de la mosquée ont été convertis en ferme laitière, le propriétaire juif ayant retiré la pierre indiquant la date de fondation et couvert les murs de graffitis en hébreu[21].

En 1998, le nombre des réfugiés descendant des habitants d’Ein el-Zeitoun expulsés en 1948 est estimé à 5841[17].

Dans l’art

Les histoires orales ont fourni le matériau de base au livre de 1998 d’Elias Khoury, Bab al Shams (Porte du Soleil), porté à l’écran en 2004[22],[23].

L’autrice israélienne Netiva Ben-Yehuda (en) était présente au village au moment du massacre ; voici ce qu’elle en écrit : « Mais Yehonathan continua de hurler, et soudainement tourna le dos à Mairke, et marcha furieusement, tout en continuant de se plaindre : "Il est sorti de mon esprit ! Des centaines de gens sont couchés là, attachés ! Va et tue-les ! Va et tue des centaines de personnes ! Un fou tue les gens attachés comme ça et seul un fou gaspille toutes ses munitions comme ça !... Je ne sais pas ce qu’ils ont en tête, qui vient les inspecter, mais je comprend qu’il devient urgent de détacher ces nœuds sur les mains et les jambes de ces prisonniers de guerre, et alors je réalise qu’ils sont tous morts, "problème résolu" »[24].

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Notes

  1. « 'Ayn al-Zaytun — عَيْن الزَيْتُون », Interactive Encyclopedia of the Palestine Question, consulté le 31 mai 2025.
  2. Khalidi, 1992, p. 437.
  3. Gouvernement de Palestine, Department of Statistics. Village Statistics, April, 1945. cité par Hadawi, 1970, p. 168.
  4. Nukhbat, cité par Khalidi, 1992, p. 436.
  5. Khalidi, 1992, p. 436.
  6. Petersen, 2005, p. 131. Petersen ne comptabilise que les foyers et pas les célibataires.
  7. Hütteroth, Abdulfattah, 1977, p. 175.
  8. Rhode, 1979, p. 6 « https://web.archive.org/web/20190420031504/https://www.academia.edu/2026845/The_Administration_and_Population_of_the_Sancak_of_Safed_in_the_Sixteenth_Century »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), écrit que que le registre étudié par that Hütteroth et Abdulfattah ne date pas de 1595/6, mais de 1548/9.
  9. Nicholas N. Ambraseys, « The earthquake of 1 January 1837 in Southern Lebanon and Northern Israel », Annali di Geofisica, vol. XL, no N,‎ , p. 923–935
  10. Robinson, Smith, 1841, vol 3, p. 366.
  11. Guérin, 1880, p. 427 ff
  12. Conder, Kitchener, 1881, SWP I, p. 196. cité par Khalidi, 1992, p. 437
  13. Schumacher, 1888, p. 190.
  14. Barron, 1923, Table XI, sous-district de Safad, p. 41.
  15. Mills, 1932, p. 106.
  16. Department of Statistics, 1945, p. 9.
  17. « Welcome To 'Ayn al-Zaytun - عين الزيتون (עין א-זיתון) », Palestine Remembered, consulté le 31 mai 2025.
  18. Pappé, 2006, p. 110.
  19. Nazzal, 1978, p. 37
  20. Morris, 2004, p. 202.
  21. Pappé, 2006, p. 217.
  22. Pappé, 2006, p. 111, 113
  23. Bab el Shams.
  24. Ben Yehuda, Entre les nœuds, p. 245-6. Cité par Pappé, 2006, p. 112.

Bibliographie

  • Barron, J.B., Palestine: Report and General Abstracts of the Census of 1922, Government of Palestine, (lire en ligne)
  • C.R. Conder et H.H. Kitchener, The Survey of Western Palestine: Memoirs of the Topography, Orography, Hydrography, and Archaeology, vol. 1, London, Committee of the Palestine Exploration Fund, (lire en ligne)
  • Department of Statistics, Village Statistics, April, 1945, Government of Palestine, (lire en ligne)
  • V. Guérin, Description Géographique Historique et Archéologique de la Palestine, vol. 3: Galilee, pt. 2, Paris, L'Imprimerie Nationale, (lire en ligne)
  • S. Hadawi, Village Statistics of 1945: A Classification of Land and Area ownership in Palestine, Palestine Liberation Organization Research Center, (lire en ligne)
  • W.-D. Hütteroth et K. Abdulfattah, Historical Geography of Palestine, Transjordan and Southern Syria in the Late 16th Century, Erlanger Geographische Arbeiten, Sonderband 5. Erlangen, Germany: Vorstand der Fränkischen Geographischen Gesellschaft, (ISBN 3-920405-41-2, lire en ligne)
  • W. Khalidi, All That Remains:The Palestinian Villages Occupied and Depopulated by Israel in 1948, Washington D.C., Institute for Palestine Studies, (ISBN 0-88728-224-5, lire en ligne)
  • Mills, E., Census of Palestine 1931. Population of Villages, Towns and Administrative Areas, Jerusalem, Government of Palestine, (lire en ligne)
  • B. Morris, The Birth of the Palestinian Refugee Problem Revisited, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-00967-6, lire en ligne)
  • Nafez Nazzal, The Palestinian Exodus from Galilee 1948, Beirut, The Institute for Palestine Studies, (ISBN 9780887281280, lire en ligne)
  • E.H. Palmer, The Survey of Western Palestine: Arabic and English Name Lists Collected During the Survey by Lieutenants Conder and Kitchener, R. E. Transliterated and Explained by E.H. Palmer, Committee of the Palestine Exploration Fund, (lire en ligne)
  • I. Pappé, The Ethnic Cleansing of Palestine, London and New York, Oneworld, (ISBN 978-1-78074-056-0, lire en ligne)
  • Andrew Petersen, The Towns of Palestine Under Muslim Rule, British Archaeological Reports, (ISBN 1841718211, lire en ligne)
  • H. Rhode, Administration and Population of the Sancak of Safed in the Sixteenth Century (thèse), Columbia University, (lire en ligne [archive du ])
  • E. Robinson et E. Smith, Biblical Researches in Palestine, Mount Sinai and Arabia Petraea: A Journal of Travels in the year 1838, vol. 3, Boston, Crocker & Brewster, (lire en ligne)
  • G. Schumacher, « Population list of the Liwa of Akka », Quarterly Statement - Palestine Exploration Fund, vol. 20,‎ , p. 169–191 (lire en ligne)
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