Captage du dioxyde de carbone dans l'air

La captage du dioxyde de carbone dans l'air ou captage direct du dioxyde de carbone[1], en anglais : direct air capture (DAC), est l'extraction du dioxyde de carbone (CO2) présent dans l'air ambiant.

Cette technologie est à distinguer du captage à la source des émissions industrielles (en anglais : carbon capture and storage, CCS), où les concentrations de CO2 sont bien plus élevées et le besoin en énergie plus faible.

Utilisation

Le CO2 obtenu peut être stocké dans le sous-sol, et on parle alors de direct air capture and storage (DACCS), une méthode d'élimination du dioxyde de carbone atmosphérique, ou être utilisé dans des procédés industriels comme la fabrication d'e-carburants.

Dans le troisième volet du sixième rapport d'évaluation du GIEC, paru en , le GIEC estime que le recours à l'élimination du dioxyde de carbone atmosphérique (émissions négatives) est nécessaire pour compenser les émissions résiduelles et ainsi atteindre la neutralité carbone[2],[3].

Caractéristiques

Le dioxyde de carbone peut être extrait de l'atmosphère soit par un solvant liquide soit un absorbant solide, dont il est ensuite libéré par chauffage[4].

Le CO2 obtenu par DAC coûte en 2020 quatre à six fois plus cher que lorsqu'il est capté par des méthodes classiques[5].

Installations de captage

Usines en fonctionnement

En 2022, la plupart des 19 installations en place sont des prototypes ou des démonstrateurs, avec une capacité limitée de 8 000 tonnes de CO2 par an, soit l'équivalent de sept secondes d'émissions liées à la production d'énergie[6]. La seule installation de nature industrielle, Orca (Islande), a été mise en service en . Elle est gérée par un partenariat entre les start-up suisse et islandaise Climeworks et Carbfix[7]. Sa capacité est de 4 000 tonnes de CO2 par an, lequel est stocké dans une mine de basalte à 1 kilomètre de profondeur[8].

Usines en projet

Le gouvernement américain lance en 2022 un plan de 3,5 milliards de dollars pour quatre grands programmes de capture du CO2 dans l'atmosphère[9]. Les deux premiers de ces projets, situés au Texas et en Louisiane, visent à éliminer chacun un million de tonnes de CO2 par an, soit 250 fois plus qu'Orca, le plus gros site de captage actuellement en fonctionnement. Le projet de Louisiane sera mené par Climeworks. Selon l'Agence internationale de l'énergie, 27 sites de captage de carbone dans l'atmosphère de petite taille sont en service en 2023 dans le monde, et 130 projets seraient en cours de développement[10].

Le Project Bison est situé dans l'État américain du Wyoming[11], choisi à cause de ses resources en énergies renouvelables et d'un environnement propice au stockage géologique du carbone dans des puits qui s'enfonceront à des centaines de mètres sous terre[12]. Annoncé le , il s'agit alors de la plus grande initiative de capture du dioxyde de carbone dans l'air jamais projetée[13]. Le projet est porté par le développeur du système DAC CarbonCapture Inc. et l'opérateur de séquestration Frontier Carbon Solutions. L'annonce prévoit un démarrage en fin 2023, avec une capacité de 10 000 tonnes de CO2 la première année[11], puis cinq millions de tonnes par an d'ici 2030[14],[15]. En , CarboneCapture annonce abandonner son projet, invoquant la concurrence d'autres projets relatifs à l'énergie renouvelable, notamment ceux associées aux centres de données[16].

Procédé en développement

Le procédé Electro-Swing-Absorption (ESA) est basé sur une batterie électrochimique utilisant comme matériau d’électrode le polyanthraquinone, un polymère capable de fixer le CO2 au cours de la charge. Lors de la décharge, la batterie libère le CO2 tout en fournissant un courant électrique. Encore au stade de la recherche, ce procédé à grande échelle aurait un coût de 50 à 100 $ par tonne de CO2[17].

Intérets et critiques

Par rapport au captage et stockage du dioxyde de carbone, le principe est beaucoup plus coûteux. En effet, « l’investissement dans le captage du dioxyde de carbone est estimé entre 50 et 180  par tonne de CO2 capté. Il peut monter jusqu’à 1 000  dans le cas des systèmes de capture direct dans l’air (DACCS). » Ce coût est à comparer aux 80  que coûtait le quota d’émission d'une tonne de CO2 en fin 2022[18].

Au-delà de l'investissement initial, la consommation énergétique d'un tel système s'avère très importante. Pour le conférencier français Jean-Marc Jancovici, l'idée est plus un prétexte pour consommer l'argent public, qu'une solution économiquement réaliste :

« Réaliser la capture et la séquestration du CO2 peut technologiquement fonctionner. Néanmoins, récupérer le CO2 une fois qu'il est dans l'air avec des modes technologiques me semble être digne de la série « Les Shadoks ». Une fois qu'une molécule chimiquement inerte, comme le CO2, est diluée à 0,04 % dans un milieu aussi peu dense que l'air, récupérer le CO2 représente une dépense énergétique tellement considérable que vous ne pourrez jamais le déployer à l'échelle.

J'ai fait un petit calcul d'ordre de grandeur à partir de l'aspirateur à CO2 islandais qui a été très médiatisé. Si nous voulions capter, avec ce genre de dispositif de direct air capture (DAC), la totalité de nos émissions annuelles, il faudrait y consacrer la totalité de l'électricité annuelle et la totalité du pétrole consommé dans le monde tous les ans. L'énergie ne servirait donc qu'à récupérer le CO2 émis dans l'air à cause de l'énergie. Je ne suis pas complètement persuadé qu'il faille nous précipiter vers ce type de dispositif. Aujourd'hui, comme l'argent coule à flots partout en raison de la création monétaire, quelques fonds investissent dans ce genre de projets, qui ne serviront à peu près à rien pour changer le destin du monde[19] »

— Jean-Marc Jancovici, Intervention à la Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Notes et références

  1. « capture directe du dioxyde de carbone », sur Office québécois de la langue française, .
  2. AFP, « Captage de CO2 de l'air et de l'eau : le dernier rapport du GIEC pointe la nécessité des émissions "négatives" », sur rtbf.be, .
  3. (en) Aruna Chandrasekhar, Daisy Dunne, Simon Evans, Josh Gabbatiss, Zeke Hausfather, Robert McSweeney, Ayesha Tandon et Giuliana Viglione, « In-depth Q&A: The IPCC’s sixth assessment on how to tackle climate change », sur carbonbrief.org, Carbon Brief, (consulté le ).
  4. (en) Katie Lebling, Haley Leslie-Bole, Zach Byrum et Elizabeth Bridgwater, « 6 Things to Know About Direct Air Capture », sur World Resources Institute, .
  5. Xavier Boivinet, « Le captage direct du CO2 dans l’air intéresse de plus en plus les industriels », sur usinenouvelle.com, .
  6. (en) Dawid Hanak, « Direct air capture: how advanced is technology to suck up carbon dioxide – and could it slow climate change? », sur theconversation.com, .
  7. « Environnement. Pourquoi l'Islande est-elle au cœur du recyclage de dioxyde de carbone ? », sur www.leprogres.fr (consulté le )
  8. « En Islande, le CO2 éliminé de l'air et transformé en pierre », sur ladepeche.fr (consulté le )
  9. AFP, « Washington lance un plan à 3,5 milliards USD pour le captage de CO2 dans l'air », sur lefigaro.fr, .
  10. Les États-Unis investissent dans deux projets géants de captage de CO2, Les Échos, 13 août 2023.
  11. (en) Charlotte Elton, « Carbon capture plant to catch 5 million tonnes of CO2 per year by 2030 », sur Euronews, (consulté le ).
  12. Nathalie Mayer, « La plus grande usine de captage de CO2 sur Terre va bientôt ouvrir », sur Futura (consulté le ).
  13. (en) Nicole Pollack, « State has high hopes for huge carbon capture project », sur Casper Star-Tribune Online (consulté le ).
  14. (en-US) Adele Peters, « Wyoming will soon be home to the world’s largest carbon removal facility », sur Fast Company, (consulté le ).
  15. « Le stockage du CO2, solution d’avenir ou chèque en blanc aux pollueurs ? », sur France 24, (consulté le ).
  16. (en) Vasil Velev, « CarbonCapture Inc. Pauses Development Of Project Bison In Wyoming », sur carbonherald.com, (consulté le ).
  17. Didier Dalmazzone, « > Pourquoi est-il si difficile de capter le CO2 directement dans l’atmosphère ? », sur polytechnique-insights.com, (consulté le ).
  18. « Peut-on capturer tout le CO2 dans l’air ? », sur https://www.sirenergies.com/, (consulté le )
  19. « Intervention de Jean-Marc Jancovici : Réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 15h00. Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france. »,

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • APS (2011) Rapport POPA : Captage direct du CO2 dans l’air avec des produits chimiques (évaluation technologique) ; 1er juin 2011https://www.aps.org/publications/reports/direct-air-capture-co2 ; rapport : Direct Air Capture of CO2 with Chemicals (PDF, 100 p)
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